34.
( Martin )
Évidemment, Ludo et moi avions discuté de la situation, il avait dégoupillé ma colère contre François, me promettant une entrevue avec lui lorsque je serai capable de réprimer mon envie de lui coller mon poing dans la figure. Pour être honnête, je voyais bien que Violette ne semblait pas en posture délicate puisqu’elle remettait nullement en question les cours chez eux. Pour autant, mon job de grand frère était de m’assurer qu’elle ne serait pas mise à mal.
Histoire de ne pas être en reste, Fabien ne s'était pas rendu au lycée depuis deux jours. Celui-ci, très malin, ne s'en était pas caché loin de là. Ludo, le sentant mal hier matin l’avait couvert auprès de l’établissement. Je n’étais pas habitué à cela, mais je pouvais comprendre surtout qu’à cause de mon oubli de téléphone, mon homme avait dû choisir entre son gagne-pain et Violette. Mais lorsque le gamin avait demandé une journée supplémentaire d’absence, j’avais râlé. Pas devant Fabien, c’était notre règle : s’abstenir de montrer un désaccord devant eux. Notre discussion avait été houleuse, mais j’avais cédé, me sentant un peu coupable de cette rencontre. Ludo était plus ouvert, et trouvait normal voire même rassurant que son neveu s'intéresse enfin à quelqu'un d’autre que nous quatre. Il m’avait posé quelques questions sur Aymeric et déconseillé, menaces à l’appui, que j’intervienne. C’était son neveu, je le laissais gérer.
Fabien avait donc pris le bus de neuf heures, et Violette celui de huit heures quarante-cinq.
J’avais essayé de “ cuisiner “ celle-ci sur sa discussion avec Fabien mais rien à faire. J’avais récolté un grand sourire, un bisou sur la joue et l’assurance verbale qu'elle allait bien.
Je fermais mon pc, la réservation était faite. Je ne voulais plus attendre, les enfants grandissaient et je ne m'inquiétais pas de les laisser seuls. Dans trois semaines, nous ne serions que Ludo et moi, loin de nos préoccupations quotidiennes, juste nous deux. Il me restait à décider si je lui disais ou si je lui faisais une surprise…
( Violette)
Martin me fait rire à vouloir en découvrir plus. Je ne lui cache rien, enfin presque rien. Que lui dire ? Que malgré mon angoisse d’hier, je me sens bien. Moi même, j’ai du mal à me comprendre. Je ne me suis pas souvent sentie ainsi, sauf avec lui. Et maintenant avec Ludo et Fabien.
Cela fait à peine trois semaines que je passe mes journées chez François. L’adaptation n’a pas été si évidente pour moi. Bien sûr, je connaissais Arthur, mais chez lui il était différent. La maison est quasi intégralement équipée par rapport à son handicap mais les premiers jours, j’avais des difficultés à reconnaître le jeune homme, perdu sur son fauteuil, du lycée. Dans son environnement, Arthur est détendu, je n’ai pas surpris une seule fois son regard apeuré qui nous avait marqué Fabien et moi.
Son intelligence, affinée par des années d’apprentissages seul ou avec un prof particulier m’impressionne. Il est sujet aussi à des moments où sa sensibilité prend toute la place. Jusqu'à présent, dans cette situation, il s'isole et je le laisse tranquille, j’ai souvent ce besoin moi même. Mais Simon acceptera-t-il ?
C’est François qui m’accueille avec son éternel sourire. Mon regard sur lui a évolué depuis sa confession, je sais dorénavant les choix qu'il a faits pour s’occuper d’Arthur.
— Bonjour, Violette. Tu es venue en bus ?
— Oui, Martin avait des choses à faire.
— Il a résisté à l’envie de me crier dessus, remarque-t-il avec humour.
— Ludo m’a pas mal aidée à le contenir, j’avoue.
— Les garçons sont dans la classe. Laurent a eu un empêchement ce matin, vous êtes seuls. Je vais dans mon bureau, précise-t-il avec un petit sourire. A tout à l’heure.
Je me dirige vers la salle d’étude. J’y trouve Simon installé dans un des fauteuils et Arthur à une table. Les deux lèvent la tête lorsque j’arrive, ils m’attendaient.
— Je suis content que tu sois là, m’interpelle Arthur. C’est François qui t’a fait entrer ?
— Oui, il est parti dans le bureau. Je crois qu'il s'attendait à voir débarquer Martin, il semblait soulagé.
— J’avoue que j’y pensais aussi. Ou Fabien.
— Je...j’ai dit que je voulais venir. Cela leur a suffi. Ludo a dû bien aider à canaliser mon frère. Et j’ai tout raconté à Fabien, lâché-je comme pour justifier ma présence.
— Si je comprends bien, intervient Simon qui s’est rapproché de nous. Tu as trois protecteurs. Nous avons intérêt à être cools avec toi sinon…
— Martin est le plus impulsif, le rassuré-je. Mais son instinct l'avertit quand je ne suis pas...bien.
— Est-ce que cela sous-entend que tu l’es ? Je ne voudrais pas être responsable de ton malaise, Violette. Mon père est le seul à croire qu'une remise à niveau est nécessaire. Personnellement, je n’ai pas de projet d’avenir, aucune envie particulière. Vous en avez, vous deux ?
— Je ne sais pas vraiment, répond Arthur. J’aime apprendre, sans vraiment réfléchir à ce qui pourra en déboucher.
— J’aimerais approfondir l’apprentissage des langues étrangères, mais pour en faire quoi après ? Être au milieu d’inconnus me fait perdre tous mes moyens.
— Ouais. Nous sommes une sacrée bande d'éclopés de la vie, en fait, s'esclaffe Simon. Si j’avais à choisir un secteur, j’irai vers le social. Aider les autres me plait bien et contrairement à vous deux, le contact avec les autres ne m’effraie pas.
— François m’a dit que tu avais été viré pour mauvais comportement, ce n'est pas un peu contradictoire avec l’aide aux autres, cela ?
Simon fixe Arthur. Je ne pense pas qu'il soit en colère, plutôt surpris de cette remarque. Il ne répond pas, mais il est visible qu'il est mal à l’aise.
— Mon père semble moins intrigué par ce renvoi, il ne m’en a même pas parlé, à vrai dire. Comme si c’était une situation auquel il s'attendait... Je ne suis pas un de ces salopards qui emmerdent les plus faibles, Arthur. Je n’ai rien à voir avec eux, bien au contraire. Le mec que j’ai tabassé pourrissait quotidiennement des gars et des filles...comme vous deux, souligne-t-il en nous regardant. Je l’avais mis en garde. Tu sais, Arthur, je ne regrette pas ces coups, ils vont peut-être en faire hésiter quelques-uns. Par contre, les adultes responsables qui, eux, n’ont sanctionnés que moi, je leur en veux. Ma mère a fait le choix de m’éloigner plutôt que me défendre, je ne sais pas ce qu’elle a dit à mon père.
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