3.
( Violette )
La journée a été particulière, il faut être honnête. Se faire accompagner par Fabien et Ludovic pour aller voir notre père en prison était déjà surprenant. Qu'ils nous attendent dans la voiture, encore plus. Quoi que, tous les quatre formions ce qui se rapprochait le plus d'une famille. Pas sûre que deux hommes et deux adolescents soient un modèle classique mais il me plaît bien. Aucun de ces trois hommes ne me veut du mal.
Ma décision était prise, Martin avait besoin d’entendre pourquoi je n'étais pas arrivée à discuter avec mon père, même rester face à lui m'était impossible. Il fallait juste que je trouve la force de me replonger dans cette période.
— Violette, accélère le mouvement, râle mon frère. Je vous dépose, mais j’ai pas tout mon temps.
Avec un soupir bien marqué, je dépose mon bol dans le lave-vaisselle, et dix minutes après, je m’installe sur la banquette arrière. Fabien a de grandes jambes, et contrairement à moi, discuter le matin ne le dérange pas.
— Martin, je me demandais, cela te dérangerait si je restais avec toi ce soir ?
— Tu veux apprendre à cuisiner, Fabien ? raille mon frère. Je ne sais pas ce que tu imagines, mais me seconder au repas consiste à débarrasser et faire la vaisselle. Tout le reste est du ressort des stagiaires. N’est-ce pas, Violette ?
— Je confirme, soupiré-je. Si tu veux y aller, pour moi, c’est sans problème.
Fabien semble ravi de la nouvelle. De toute façon, depuis qu'il a repris le chemin du lycée, il affiche un sourire quasi continuel. Au lycée, il reste auprès de moi comme lorsqu'il avait son fauteuil. Antoine et ses copains ne viennent pas nous embêter même s'ils continuent à terroriser d’autres élèves.
(Fabien )
J’ai franchement hésité à me proposer pour aider Martin. Violette, souvent volontaire désignée, déteste cela. C’est nouveau chez moi, ma mère n’a jamais cuisiné, se contentant de réchauffer ce que Graziela préparait. Les repas familiaux étaient souvent silencieux et dès que j’ai pu trouver des excuses pour m’échapper, je ne me suis pas gêné. Mais depuis que je vis chez Ludovic, les voir cuisiner lui et Martin me donnent envie d’apprendre. Et comme le frère de Violette donne des cours, être présent à ceux-ci sous le prétexte de l’aider et ouvrir les yeux et les oreilles me semble une bonne idée.
La matinée passe vite, et l’heure du repas arrive. Le froid arrivant, j’ai réussi à négocier avec Violette au grand bonheur de Martin et Ludovic que nous intégrions l’intérieur du self. Le règlement du lycée est très original et avant-gardiste : nulle obligation de manger le repas proposé par le self. Quelques micro-ondes permettent de faire réchauffer les plats, cela change des sandwichs, salades qui commençaient sérieusement à me lasser. Et puis, je me suis habitué aux plats de Martin.
Nous sommes en train de discuter tranquillement tous les deux lorsqu'un attroupement dans un coin du self attire mon regard. Il faut dire que la silhouette de ce cher Antoine est repérable de loin et l’association entre bruit et Antoine veut souvent dire que ses petits sbires s’en prennent à quelqu'un. Je jette un regard amusé vers Violette et je me dirige vers le bruit.
Dans le coin, un fauteuil roulant et son propriétaire, sont acculés entre la porte des toilettes et le coin recyclage. En face, ils sont trois : Lionel et Joseph, les deux toutous, et Antoine. Il est temps d'intervenir. Je m’approche et pose sans douceur mon bras droit sur les épaules d’Antoine.
—Il se passe un truc ici, Antoine ? Est-ce que ce gamin dans son fauteuil vous a manqués de respect ? dis-je d'une voix forte.
Je sens la nuque d’Antoine se crisper en reconnaissant ma voix. Lorsque je suis revenu au lycée sans fauteuil ni béquilles, il a voulu tester ma combativité. Seul face à lui, je n’ai pas eu beaucoup de difficultés à l’allonger au sol, mais là, ils sont trois. J'accroche la nuque du grand et silencieux Antoine et la tire vers le fauteuil en bousculant au passage les deux idiots. Alors que j'atteins mon objectif, la voix de Mickaël, le surveillant, tonne dans mon dos.
— Qu’est-ce que vous fabriquez dans le coin, tous ? demande-t-il. Si vous avez fini votre repas, allez ouste dehors !
Antoine ne met pas de temps à se défaire de mon bras et disparaît avec ces deux comparses. Le gars dans le fauteuil n’a pas ouvert la bouche depuis mon arrivée et me fixe.
— Cela tombe plutôt bien. Arthur vient d’arriver dans la matinée. Tu peux lui faire visiter, Fabien ? Il était en fauteuil, lui aussi, précise Mickaël au jeune avant de partir en nous laissant là.
Le dénommé Arthur n’a toujours pas dit un mot.
— Et si on commençait par l’extérieur ? proposé-je avec un grand sourire. Parce que figure-toi que j’ai besoin d'une cigarette avant d’enchaîner les cours de cet après-midi.
Il ne répond pas mais me suit lorsque je commence à avancer. Il est muet ou quoi ? Violette nous suit, évidemment elle n’a rien manqué de ce qui s’est passé. Arrivés près du banc, notre banc, je m’arrête et sors mon paquet. Arthur n’a toujours pas ouvert la bouche. Je prends une cigarette et tente une approche directe.
— Tu en veux une ?
— Non, merci, répond-il. Pourquoi es-tu venu m’aider ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro