27.
(Arthur)
Je regarde Violette sortir de la pièce. Je croyais franchement que je saurais me contrôler. Au moins, le temps de lui expliquer. J’ai juste omis de prendre en contre son extrême intelligence. Ma seule excuse, peut-être, est ma énième nuit blanche. Son arrivée programmée de ce matin a fini de me mettre à mal.
François ne m’a pas écouté du tout. Je suis certain que d'autres choix étaient jouables.
Simon est appuyé contre le meuble, il ne dit rien. Je crois qu’à lui aussi François n'a pas laissé le choix.
— Elle est partie ? me demande-t-il, en regardant la porte que Violette vient de franchir.
— Violette ne supporte pas bien les situations conflictuelles. Je l'appellerai tout à l’heure. Je sais que c’est en partie de ta faute, quelle connerie monumentale as-tu fait cette fois ? grogné-je.
— Crois-tu que faire appel à François m’a fait plaisir, vraiment ? réplique-t-il amer. Je n’avais eu aucun contact avec lui depuis…
— Mon arrivée, je sais. Ton père a cette capacité de tout cloisonner. J’ai su que tu arrivais chez nous en début de semaine. Entre deux portes, sans plus d’explications. Avec la colère que tu as à mon égard, la tension est obligatoirement montée. Je voulais en parler avec elle ce matin. Lui expliquer qui tu es.
— Elle a compris de suite en me voyant. Est-ce si compliqué pour lui d’expliquer que son fils vient passer quelques temps chez lui ?
— Je suppose que c’est le cas. Violette ne sait même pas qu'il n’est que mon tuteur, affirmé-je en haussant les épaules.
Je suis même quasiment certain que son frère n’en sait rien lui-même. C’est ainsi que vit François. Je ne pense pas qu'il ait honte de Simon ou de moi, non. Juste qu'il n’estime pas avoir à expliquer ses choix. Pas même à nous. Les bruits de pas me font prendre conscience que justement, François arrive.
— Excusez-moi. Il fallait que je discute avec Laurent de la nouvelle organisation, précise-t-il tout en regardant de droite et de gauche. Où est Violette ?
— Partie, asséné-je. Je t’avais dit qu'il était nécessaire de lui en parler avant.
— Je voulais le faire maintenant. Laurent n’a pas besoin de toutes ses explications.
— Ah ! parfait, rétorque Simon. Quel rôle suis-je censé jouer pour notre professeur ? As-tu concocté un synopsis pour que je ne fasse pas de bourdes ?
— Sur un autre ton, Simon, réplique François.
Le père et le fils sont face à face. François ne sourit plus et Simon les poings serrés semble au bord de l’explosion. La tension entre eux est extrême. Cela a été ma principale raison pour ne pas me déplacer à l’aéroport. Il serait bon que ces deux-là libèrent cette rage contenue sans faire trop de victimes collatérales. Je lâche un profond soupir et dirige mon fauteuil avec force vers ma chambre où je m’enferme à double-tour. Il est temps de prendre mes responsabilités.
( Violette )
Je suis presque soulagée de reconnaître la vieille voiture de Ludovic. Martin n’aurait pas pu attendre que j’arrive à m’exprimer, il m’aurait harcelé de questions. Lorsqu'il s'agit de moi, il a du mal à garder le contrôle.
Ludovic agit autrement. Il est calme, posé. Il n'a pas pu ne pas repérer mes yeux brillants et mes tremblements mais il m’a juste informé de l’absence de Martin.
Je tente de mettre au clair dans mon esprit embrouillé, la raison qui m’a fait déguerpir de chez Arthur. Une désagréable sensation, une appréhension suite à cette mauvaise entente entre Arthur et le nouvel arrivé. Une partie de moi, égoïste, a paniqué. L’idée de repartir vers un lycée m’a déstabilisée. En quelques secondes, ce sont toutes ces informations qui m’ont poussée à quitter cette maison.
Ludovic a détaché sa ceinture de sécurité et s’est tourné de mon côté, les deux mains posées sur ses cuisses. Sa patience m’impressionne.
— Je suis peut-être partie un peu vite, chuchoté-je
— Trop vite ou pas, je ne pense pas que ce soit le problème. Ce qui m’intéresse à moi, Violette, c’est ce qui a déclenché ta fuite.
Au moment où je vais lui expliquer, mon téléphone sonne dans ma poche. Je reconnais la sonnerie attribuée à Arthur.
— C’est Arthur, signalé-je.
— Je vais au local, si tu as besoin…
Je le regarde s’y diriger tranquillement, et décroche.
— Es-tu toujours sur la route ? s'inquiète Arthur.
— Ludo est venu me chercher. Je n’aurais pas dû partir ainsi…
— J’aurai surtout pu éviter tout cela, mais ce matin, j’ai vrillé. Ma colère était trop forte, il n’était pas question que je la déverse sur toi.
Sa voix est étouffée comme s'il en contenait l’ampleur, et tendue.
— Tu es où, là ?
— Dans ma chambre, je ne veux pas que François m’entende. Je savais qu’il fallait t’expliquer avant mais il est tellement borné parfois.
Je n’entends pas le bruit de son fauteuil, je le connais bien pourtant. Un léger mais lancinant frottement lorsqu’ Arthur est mal à l’aise, le faisant rouler d’avant en arrière comme un valide agiterait sa jambe. Il est donc sûrement installé sur son lit.
— Simon est le fils de François. J’ai vu ton étonnement lorsque tu as croisé son regard.
— C’est difficile de ne pas remarquer, en effet. Pourquoi me le cacher ?
— C’est là toute la complexité dans ses façons d’agir. Ne pas dire, camoufler des informations. Simon a des problèmes dans le lycée où il est, sa mère n’arrive plus à gérer. Que son père prenne le relais semble naturel, non ? Même s'ils ne se sont pas adressés la parole depuis trois ans.
Arthur parle vite et certains mots sont inaudibles. Ce qu'il veut m’avouer ne me semble pas facile à dire. Et peut-être qu’au téléphone cela l’est encore moins.
— Arthur. Est-ce que tu veux que je vienne ? On pourrait discuter dehors ? Ludo peut me déposer.
Après avoir raccroché, je rejoins Ludovic et je lui explique brièvement la situation : Arthur n’est pas bien et a besoin de moi.
J’ai parfaitement conscience de ne pas lui dire l’exacte vérité mais il n’y a pas de danger pour moi d’y aller. Donc aucune raison que le copain de mon frère s'y oppose. Face à Martin, cela n’aurait pas suffit, rien que le fait que je lui demande cette autorisation lui aurait été suspect. Ludovic, au contraire, semble juste se réjouir pour moi. Il prend juste le temps de griffonner un mot pour Fabien et nous voilà repartis.
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