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( Violette )
Martin me fait un signe de la main avant de tourner dans la rue. Je me dirige vers la maison et y entre. L’aide- soignante qui vient tous les matins faire les soins à Arthur, laisse la porte ouverte. Ainsi, je n’ai plus qu’à rentrer. En général, je m’installe dans la bibliothèque et François me tient compagnie le temps qu’Arthur nous rejoigne.
Mais ce matin, il n’y a que nous deux. François est parti récupérer le fils d’amis qui va séjourner quelques temps chez eux. Arthur ne m’en a pas dit un mot.
— Bonjour, Violette, me dit Elisabeth, l’aide-soignante en enfilant sa veste. Tu peux rejoindre Arthur, il est dans la cuisine.
— Bonjour. Bonne journée.
Je me dirige vers la cuisine et y retrouve Arthur. Celui-ci, son fauteuil près du meuble, fait chauffer son bol au micro-ondes. Tout le mobilier de la cuisine lui est accessible.
— Bonjour
— Bonjour, Violette.
Son visage est fermé depuis quelques jours. Sans me contrôler, je laisse échapper un soupir qui provoque un regard assassin.
— Tu pouvais rester chez toi, tu sais, me lance-t-il et sans même prendre le temps de sortir son bol, il avance énergétiquement son fauteuil vers sa chambre.
Je ne cherche même pas à le retenir. Il agit bizarrement ces derniers temps sans vouloir s’en expliquer. Son humeur changeante provoque régulièrement ce genre de réaction. Lorsque Laurent, le professeur particulier arrive à son tour, je me retrouve seule. Cela ne me gêne en rien, et lui non plus. Entre les cours et les exercices, le temps passe vite.
Lorsque j’entends la voix de François, je réalise que la matinée tire bientôt à sa fin. Arthur n’est pas revenu.
— Nous sommes arrivés, appelle François.
Pratiquement au même moment, Arthur apparaît à la porte et se dirige vers le prof et moi.
— Il ne me semble pas nécessaire de préciser que je n'ai pas assisté au cours de ce matin, dit-il d'une voix ferme qui ressemble à s'y méprendre à une menace.
Et sans même attendre de réponse de notre part, il se dirige vers la salle. Son humeur ne s’est a priori pas améliorée. Je ne sais que faire mais décide, par politesse, de le suivre.
Je m’arrête sur le seuil de la pièce, Arthur est à côté de François et d'une autre personne.
— Ah ! Bonjour Violette. Viens que je te présente Simon.
L’autre personne se retourne vers moi. Son visage est souriant, et ses yeux sont... la copie conforme de ceux de François. Non pas que je les regarde souvent mais leur couleur bleu lagon attire assez vite l’attention. Je reste figée par la surprise, François m’a parlé du fils d'un couple d’amis.
— Simon, voici Violette. Cette jeune fille assiste aux cours, elle aussi. Vous serez donc tous les trois ensemble. Avez-vous fait une pause ce matin ? demande-t-il à Arthur qui n’a pas encore dit un mot.
— Non. Nous vous avons attendus, précise celui-ci sèchement.
Au même moment, Laurent, hésitant, s'approche de nous et pendant que François le noie sous un flot de paroles, Arthur colle adroitement son fauteuil à ma jambe.
— Je t'expliquerai plus tard, me marmonne-t-il alors que je penche ma tête vers lui.
— Montrez donc la salle d’étude à Simon tous les deux, nous interpelle François. J’ai des choses à voir avec Laurent.
Nullement discret, Arthur pousse un soupir et avance en silence vers la pièce en question. Il se contente de la désigner sans dire quoique ce soit.
Simon jette un oeil sur le lieu. La pièce ne ressemble pas franchement à une salle de classe. Une table rectangulaire, un tableau blanc, des chaises, un canapé. Son visage est inexpressif, à l’opposé de tout à l’heure.
— Je lui ai dit que c'était une mauvaise idée, bougonne-t-il en regardant Arthur.
— A priori, il n’a pas tenu compte de tes conseils, réplique Arthur, pas plus aimable.
Je suis très mal à l’aise, il est évident que ces deux-là ne s'apprécient pas. Me retrouver au milieu de leur querelle n'est pas franchement une situation que je vais pouvoir gérer au quotidien.
-Pardonne-nous,Violette, explique Arthur. François décide souvent sans réfléchir aux conséquences de ses actes.
— Tais-toi, gronde Simon. Cette fois, tout est de ma faute. Tu aurais sans doute préféré qu’il me laisse tomber, j’imagine.
Je ne réagis pas. De toute façon, ils n'espèrent pas que je fasse quoi que ce soit. J’attrappe mon téléphone, tape un message et je sors de la pièce.
Dans l’entrée, je récupère ma veste, l’enfile et je sors de la maison.
(Martin )
Après avoir été faire quelques courses, je suis rentré. Fabien était en pleine discussion avec Ludo. Celui-ci avait donc bien présumé qu’un truc le tracassait. Y a-t-il un rapport avec sa sortie d’hier ?
Ludo me fait signe d’entrer et Fabien m’explique en quelques mots.
— Cela ne te surprendra pas si je confirme les paroles de Ludo. Vu ton passif avec ton père…
— Et ma mère, me coupe-t-il.
— Avec tes parents… et notre exemple, tu as oublié qu'hélas, il existe encore un certain nombre de personnes qui ne sont pas homophobes mais se gardent bien de prendre position ouvertement.
— Tu me conseilles de me cacher, toi ? s'offusque-t-il.
— Ne dis pas n’importe quoi, tu veux ! Tu connais Aymeric depuis peu, discuter ouvertement de tes orientations sexuelles ne me semble pas avoir été un bon choix.
— Je voulais juste lui expliquer une des raisons qui fait que je me sens bien à ses côtés. Rien n’était prémédité, tu sais. Je n’avais plus ressenti cette simple joie d’être avec quelqu'un depuis Dylan...A croire que cette fois encore, je me suis planté.
Voir Fabien déstabilisé me fait du mal, il a tellement déjà souffert. Contrairement à Ludo, je l’ai toujours ressenti comme un winner. Il faut de la force pour s’opposer comme il l’a fait. Moi je me suis contenté de fuir.
— Est-ce qu’Aymeric t’a rejeté ? lui demandé-je, en enveloppant sa main de la mienne. Est-ce qu'il t’a donné une raison de croire qu'il ne veut plus te voir ?
Sa main serre la mienne et ses yeux s'ancrent dans les miens.
— J’aurais préféré qu'il crie, qu'il me colle une baffe. Mais non, il est resté silencieux. Comment tu as fait, toi ?
— J’étais à la rue et me trouver à bouffer était plus important que mes envies. Quand j’ai eu le courage de demander de l’aide, et que survivre n’a plus été ma seule priorité, j’ai agi. j’étais partagé entre l’envie d’exhiber ma personnalité et celle de me camoufler. L'option la plus facile était de fréquenter des lieux essentiellement gay. Ton parcours est différent, celui de Ludo aussi. Laisse du temps à Aymeric, son silence est peut être une protection.
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