11
(Ludovic )
— Oh, Fred ! C’est toi...
Mes mots s'enchaînent à la suite, entrecoupés de larmes, de gémissements.
— Ludovic, m’interrompt Frédéric. Calme-toi, je suis là. Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu dis. Respire un grand coup et reprend tout au début.
Sa voix me rassure immédiatement. Je ne suis plus seul.
Il me pose tranquillement des questions auxquelles je réponds.
— T’a-t-il dit qu'il t’avait trompé ?
— Non. Il a juste dit...Troublé....Perte de contrôle.
— Et tu t’es fâché ? Tu as crié ?
— Non, j’ai hurlé stop et je suis parti. Je suis un con, hein ?
— Non, mon Ludo. Tu as peur de le perdre. Tu es où, là ? s'informe-t-il.
— Chez Émile. J’ai laissé mon téléphone à la maison. J’avais besoin de...me confier. Je suis perdu Fred. Je ne veux pas le perdre.
— Ludo. Tu vas rentrer chez toi, vous devez parler.
Bien sûr qu'il a raison, je le sais, mais je suis encore trop en colère pour pouvoir le faire.
— Je vais rentrer, mais pas là c’est impossible, Fred. J’exploserai à nouveau. J’irai demain matin. Merci Fred.
Je rends le téléphone à Émile qui ne commente pas et je retourne à ma voiture. J’ai besoin de réfléchir.
( Frédéric)
Abasourdi par les nouvelles, mon téléphone toujours en main, je n’hésite pas longtemps. Quoi qu'il se soit passé, j’estime que Martin a le droit d’être averti. Je ne trahis personne, ils sont tous les deux mes amis.
— Frédéric? entends-je.
— Ludo vient de m’appeler, expliqué-je, sans préambule. Il n’a pas son téléphone. Il va se calmer quelque part, d’accord ? Il va revenir, Martin. Parlez-vous.
— Sais-tu d’où il t’a appelé ?
Bien sûr que je sais mais Ludo m’a dit qu'il n’était pas prêt pour une nouvelle confrontation. Il n'est donc pas question de renseigner Martin. Je le sais assez pugnace pour rejoindre Ludovic. Je ne m'inquiète pas trop, Martin a dû être tenté mais je doute que cela ait été plus loin. Ludo est rarement confronté aux autres, son métier de maraîcher l’isole de l’homme. Martin a besoin de ce contact avec les autres. Il essaye de me convaincre mais je ne cède pas.
( Martin)
Je ne m’attendais pas à la voix de Frédéric et je n'ai même pas reconnu son numéro quand j’ai décroché. Ainsi Ludovic l’a appelé pour lui parler de notre… accrochage. Je me refuse de considérer cela comme une engueulade. Où est-il ? Pourquoi ne revient-il pas ? Je me dirige vers la machine à café pour changer d’avis au dernier moment : j’ai largement dépassé la dose correcte. Lorsque Fabien m’a découvert au pied de la porte, j’ai tenté de reprendre pied. Je ne lui ai pas tout expliqué, mais il a compris que nous nous étions engueulés, son oncle et moi. Je lui ai assuré que j’allais bien, je sais qu'il ne m’a pas cru, ses yeux me le disaient. Il est retourné se coucher, à ma demande. Il ne faut pas que je réveille Violette, pas question que ma soeur me voit dans cet état. Je me moque de mes larmes, elle les a déjà vues ou entendues. Mais des cris de couples aussi…
( Ludovic)
Il est bientôt une heure du matin, je me suis repassé les mots que j’ai entendu, ceux que j’ai pu comprendre, ceux que j’ai imaginé et ma conclusion est claire. Nous devons discuter. Je crève d’envie de le faire maintenant mais j’ai peur de ne pas me contrôler. J’ai tellement honte de cette violence que j’ai ressenti en moi. Pas question de la laisser me submerger. Dans le vide poche de ma voiture, j’ai les clefs de l’Annexe. Je vais y aller. Au petit matin, j’irai préparer mes livraisons. Celles-ci faites, nous parlerons.
....
A six heures, je stationne le plus silencieusement possible ma voiture dans la cour et fonce sans un bruit vers le local. J’y ai entreposé ce qu'il me fallait pour ce matin. Mon esprit est embrumé et je tombe de fatigue. Pourtant je ne peux pas reporter ces livraisons, je ne l’ai jamais fait. Un bref courant d’air m’informe de l’arrivée de quelqu'un.
— Bonjour, chuchote Martin dans mon dos.
Sa voix est hésitante. J’ai tellement envie de le serrer contre moi. Nous ne nous sommes jamais engueulés auparavant. Je sais que ce que je vais lui dire va le peiner mais cela me semble nécessaire. Je me retourne pour lui faire face.
— Bonjour, dis-je d'une voix rendue rauque par la fatigue ou les larmes. Nous devons parler, Martin. Mais je dois faire les livraisons d’abord. Je n’ai pas pu t’appeler, je n’avais pas mon portable.
— Frédéric m’a dit que tu allais bien, tu étais où ? demande-t-il visiblement inquiet.
— J’aurai pu t’appeler mais je n’y arrivais pas. J’ai été à l’Annexe. Peux-tu gérer les enfants ? Ils ne viennent jamais me voir, laissons-les de côté, tu veux bien ?
Le sentir à quelques pas de moi est insupportable. Mon corps, mon coeur ont envie de me coller à lui. Et son regard brillant me hurle la même chose.
— Fabien est au courant, il t’a entendu partir. Je ne pense pas qu'il en parle à Violette. J’suis désolé, Ludo.
— Tout à l’heure, s'il te plait, Martin. Je ne suis plus en colère. Je veux juste comprendre. Tout à l’heure.
— Je vais m’occuper d’eux, me dit-il résigné. Il n’y a pas de commandes supplémentaires. Tu reviens, hein ?
— Oui, Martin. Peux-tu me poser mon téléphone sur le rebord de la fenêtre, s'il te plait ? Je ne veux pas que les enfants me voient.
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