Chapitre 25
Le bal promettait d'être grandiose. Des convois entiers amenaient dans le palais tout ce qui pouvait être nécessaire. Nourriture, tissus, décorations... Je n'avais jamais vu un tel étalage de faste. C'en était écœurant lorsqu'on voyait la pauvreté qui régnait dans les rues de Phyre, pour ne citer que la capitale.
Je passai les jours qui me séparaient du bal à inculquer à la princesse les rudiments du maniement des armes et les bonnes manières à adopter en société. Je me concentrais exclusivement sur elle le jour et la nuit, je préparais un plan pour parvenir jusqu'aux appartements du Roi et repartir sans être repérée.
Jedrek m'avait clairement signifié qu'il avait tout entendu. Selon lui, j'avais fait le bon choix. Je l'avais planté sur place, explicitant mon manque d'envie d'en parler. Lorsque je l'avais revu, il avait un coquard comme un pamplemousse. Je n'avais même pas à poser de question pour savoir ce qu'il s'était passé.
Le tailleur passa dans mes quartiers quelques jours avant le bal pour vérifier que mes mesures étaient toujours les mêmes pour la robe qu'il prévoyait pour moi. Je ne doutais pas que ça serait une merveille. Il était le tailleur royal, je ne pouvais pas en attendre moins.
Je passais beaucoup de temps dans la Serre. J'aurais voulu pouvoir aller au kiosque mais il y avait trop de souvenirs. J'avais toujours peur de tomber sur le Prince. Je l'évitais autant que possible pour oublier ce qu'il avait éveillé en moi.
- Depuis quand est-ce que tu nous ignores comme ça ?
Je tressaillis en me retournant. Millie, Gaelen, Kellan et Patsy étaient là, souriants doucement. Leurs robes semblaient ternes face à celles de la Cour. Elles étaient mal taillées, usées et tristes. L'absence de bijoux me choqua. Je m'étais habituée à voir les femmes parées d'or et de satin, les hommes engoncés dans des apparats qui les faisaient parfois paraître idiots.
- Quel changement ! s'exclama Millie en me serrant dans ses bras. Tu as bien changé ! Tu as l'air d'une lady de la Cour !
Je rougis légèrement, embarrassée. Kellan enroula ses bras autour de ma taille, me serrant fort. Je grimaçai à cause de ma blessure qui n'était toujours pas tout à faire remise. Je ne dis rien toutefois, me contentant de caresser ses cheveux bruns. Il avait encore pris deux bons centimètres depuis la dernière fois et il faisait bien plus âgé que ses dix-huit ans.
- Il paraît que tu es enfin majeur, toi ! lui dis-je avec un sourire. J'ai un cadeau pour toi dans mon salon. On ira le chercher après, d'accord ?
Il sourit, ravi. La pression de ses bras se relâcha quelque peu et je pus respirer.
- Où est Jon ? demandai-je.
- Parti voir le Roi, évidemment. Il nous rejoindra pour dîner.
Je souris à Patsy et entrepris de leur faire visiter le château. Leur babillage devint vite flou et je me contentai d'afficher une bonne humeur factice et de hocher la tête de temps en temps.
Je ne parvenais pas à me réjouir de leur venue. Mon cerveau était en ébullition. Leur présence changeait tout. Ils seraient sûrement présents au bal et mon plan pour enfin assassiner le Roi volerait en éclats.
Connaissant Jon, il n'était pas venu avec toute sa famille pour rien. S'agaçait-il de ne pas encore pouvoir contempler le corps froid de son ancien meilleur ami ?
Dans les couloirs, nous croisâmes le Prince. C'était la première fois que je le voyais en deux jours et mon cœur se serra. Je baissai les yeux tout en m'inclinant comme les autres.
- Je vois que votre famille vous rend visite, milady ! dit-il en me vrillant du regard. Vous devez être ravie.
- En effet, Votre Altesse.
Je ne sus me détourner lorsque ses prunelles harponnèrent les miennes. Mon cœur remonta dans ma gorge et je ne pus me considérer heureuse que ma voix ne ressemble pas à un canard que l'on étrangle.
- Passez un bon séjour au château.
Nous nous inclinâmes à nouveau lorsqu'il partit. Je déglutis, me forçant à masquer le pincement au cœur que je ressentis. J'avais fait le bon choix. Je ne pouvais pas m'en détourner. C'était le mieux à faire. Pour lui, comme pour moi.
- Oh ! Quelqu'un a oublié de nous prévenir de son charme !
Je ne jetai même pas un regard à Gaelen alors qu'elle s'éventait, rouge comme une cerise.
Je les fis entrer dans mes quartiers tout en espérant qu'ils partent vite. Je savais parfaitement de quoi ils allaient parler. Du Prince. Évidemment. Et il était bien la dernière personne dont j'avais envie de parler.
Je m'installai près de la fenêtre et regardai dehors, écoutant à peine ce qu'elles disaient. Kellan me rejoignit, ses doux yeux d'ambre trahissant une étrange inquiétude.
- Tu es triste, me dit-il en appuyant sa tête sur mon épaule.
- C'est une idée que tu te fais.
- Non. Je le sens. Tu as beaucoup de peine. Et de colère.
Je baissai les yeux vers lui, étonnée et mal à l'aise.
- Je suis sensible aux émotions. À défaut d'être comme mes sœurs, je sais lire le cœur des gens.
Je déposai un baiser sur son front, le faisant sourire. En relevant la tête, je vis Patsy qui nous fixait avec de la tristesse dans le regard.
- Cela fait des mois que je ne l'ai pas vu sourire comme ça, souffla-t-elle.
Que répondre à cela ? Elle ne comprenait pas Kellan. Elle voulait qu'il soit comme tous les autres, qu'il sorte sans cesse, séduise les filles de Pit's End... Mais il n'était pas comme ça. Il était réservé, secret, un peu bizarre. Intelligent au-delà de leur compréhension.
Pendant longtemps, j'avais même cru que Kellan n'était pas tout à fait humain.
On frappa à la porte et Judeen entra. Elle me tendit un message. Je ne reconnus pas l'écriture. Par contre, je reconnus le seau royal. La grosse tête de lion couronnée de d'hibiscus était l'emblème de la Reine.
Je décachetai la missive et lus les quelques lignes. L'écriture de la Reine était magnifique. Faite de courbes et de boucles, elle remplissait toute la page comme un dessin.
- Qu'est-ce que cela dit ? questionna Gaelen.
- La Reine me demande, répondis-je brièvement. Vous m'excuserez.
Je partis aussi rapidement que possible, ignorant les regards qu'elles échangèrent. Que la Reine me fasse ainsi appeler ne présageait rien de bon. Elle attendait quelque chose de moi ou allait encore me menacer. J'étais si fatiguée de tout cela...
L'un des gardes devant les quartiers de la Reine frappa à la porte à mon approche. Il ouvrit les portes peu après et je n'eus plus qu'à les franchir.
S'il y avait quelque chose que je ne pouvais retirer à Lux Madsen, c'était sa grâce et sa prestance. Elle était toujours majestueuse et magnifique. Elle posa sur moi son regard bienveillant des premiers jours. Sa jumelle maléfique semblait avoir disparu comme elle était apparue.
- Ne t'incline pas, je sais que ta blessure te fait encore souffrir, me dit-elle dès que j'entrais.
- Merci, Votre Majesté.
- Je t'ai fait appeler pour te parler de ta famille. Sa présence dans le château aussi proche du bal est dérangeante. Comme tu le sais, les Marchetta ne sont plus bien vus à la Cour. Aussi serait-il préférable qu'ils n'apparaissent pas au bal. J'espère qu'ils seront assez intelligents pour ne pas se montrer. Nous avons accepté de t'offrir le poste de gouvernante parce que Quinten et Jon ont été amis. Mais nous ne sommes pas prêts à accepter que la famille toute entière apparaisse à notre bal.
Je ne dis rien. Je n'étais pas étonnée et ça me soulageait. Je ne tenais pas à supporter leur présence plus que nécessaire. Ce n'était pas normal que je sois si mal à l'aise avec ceux qui avaient toujours été ma famille.
- Rappelle leur où est leur place. Ils semblent déjà se croire revenus au temps où ils faisaient partie de la Cour. Ce n'est pas le cas. Ils n'ont rien à faire ici et le plus vite ils seront partis, mieux cela sera pour tout le monde.
Ses mots étaient secs, agressifs. Un avertissement sous-jacent résonna sans qu'elle ne le prononce. Si les Marchetta ne se tenaient pas correctement, c'était sur moi que ça allait retomber. Je paierai les pots qu'ils se casseraient.
Elle – comme son mari, assurément – cherchait n'importe quelle raison pour me chasser du château. Je ne leur en donnerais aucune.
- Vous comprenez notre position, n'est-ce pas ? me demanda-t-elle avec tout le miel qu'elle avait.
Elle tapota le siège à côté d'elle. J'allai m'y asseoir. Je m'installai au bord, prête à me lever et à partir dès que j'en recevrais l'ordre. Je ne me voyais vraiment pas me poser confortablement près de la Reine en sachant à quel point elle était lunatique.
- Ce n'est pas contre vous, Lady Sixtine. Vous avez prouvé votre dévotion à ma famille plus d'une fois en sauvant la vie de mon fils. Toutefois, je sais que les liens familiaux sont difficiles à nier.
À son regard, je devinai qu'elle attendait que je dise que les Marchetta n'étaient pas ma famille. C'était vrai. Ils n'étaient pas mes parents, pas mes frère et sœurs. Ils m'avaient élevée comme l'une des leurs, j'avais grandi selon leurs préceptes mais cela ne faisait pas d'eux ma famille.
Ma famille de sang avait été décimée par le Roi et je n'avais pas réussi à faire des Marchetta ma famille d'élection. Jon m'en avait empêchée en me traitant comme une apprentie et pas comme une enfant. Il avait creusé le fossé entre nous.
Je tins ma langue, refusant de me dissocier de l'identité qu'ils m'avaient donné. C'était sous couvert de cette apparence de fille adoptive que j'avais pu venir au château. Cependant, j'avais envie de dire ces mots. De dire qu'ils n'étaient pas ma famille.
Rapidement, je pesai le pour et le contre. Soit je gardais mon identité soit je niais les bases sur lesquelles la famille royale s'était basée pour m'engager. Nier les Marchetta apporterait plus de problèmes que ça n'en résoudrait. LaReine verrait simplement un manque de loyauté envers ceux qui m'avaient sortie de mon trou.
Et il n'y avait rien de plus important pour la royauté que la loyauté.
- Je ferai selon vos souhaits, Votre Majesté, dis-je simplement, les mains pressées l'une contre l'autre dans les plis de mon énorme robe.
- C'est très bien. J'aurais une autre requête pour vous puisque vous êtes si conciliante.
Son ton avait changé. Elle se déplaça de quelques millimètres vers moi, se penchant, affirmant son statut supérieur par l'oppression. Je cillai sans m'en formaliser.
Elle jaillit comme un sermal, m'attrapant par les cheveux pour m'attirer vers elle. Elle colla sa joue contre la mienne, murmurant à mon oreille, ses mots sifflant comme des couperets.
- Méfiez-vous, milady. Que je ne vous vois plus près de mon fils. Sinon, j'aurais votre tête. Vous sentirez le panier avant de vous éteindre, je peux vous l'assurer. Si votre but en venant ici était de ravir le trône en séduisant cet idiot de Ryker, vous allez échouer. Je ne laisserai pas une orpheline de la campagne monter sur mon trône. Alors vous allez l'éviter et il épousera Lady Persley comme cela a toujours été prévu. Suis-je claire ?
- Dois-je me montrer mal polie et irrévérencieuse si jamais il vient me parler ? répondis-je simplement, le cœur emprisonné et douloureux
- Vous connaissez la réponse, petite maligne. N'essayez pas de vous jouer de moi ou vous le paierez. Vous ne gâcherez pas mes plans.
- Cela n'a jamais été mon intention, Votre Majesté.
Elle me gifla si fort que ma mâchoire craqua. Elle avait une force insoupçonnée. Elle se leva, me surplombant de toute sa hauteur.
- Vous avez peut-être un titre mais vous êtes toujours aussi misérable. Vous n'êtes rien et ne le serait jamais. Vous n'êtes qu'une orpheline que Jon a sortie du trou par besoin. Il vous utilise et nous le savons tous. Quant à savoir de quelle manière exactement... Croyez-moi, je vais le découvrir.
Je retins un sourire narquois. Si elle savait...
Je me levai à mon tour, plantant mes yeux dans les siens sans crainte. Si elle pensait m'effrayer avec ses menaces, elle se trompait.
- Je ne vois vraiment pas de quoi vous parlez, Votre Majesté. Je ne suis là que pour servir la Princesse Addy. Je n'ai aucun autre dessein.
Nouvelle gifle. Je ne réagis pas.
- Gardes !
La porte s'ouvrit. Effrontément, je la fixai sans frémir.
- Elle a besoin d'une correction. Emmenez-la. Dites à Jullian de faire son travail pour la redresser.
Jullian. L'Intendant. Le bourreau secret de la Cour. Je roulai des yeux. Elle ignorait vraiment à qui elle avait affaire. Elle semblait croire que je n'étais qu'une gamine assez idiote pour croire qu'elle pouvait ravir le cœur du Prince et gagner le trône. Elle ne songeait pas un seul instant à mon véritable dessein.
Je me laissai entraîner par les gardes. Nous croisâmes Jedrek qui haussa un sourcil. Il fit stopper ses subalternes.
- Que se passe-t-il ?
- La Reine exige qu'on l'amène à Jullian, répondit le garde à ma droite.
- Je vais le faire. Retournez veiller à sa sécurité.
Ils m'abandonnèrent à ses mains avant de saluer et partir. Il était furieux. Il me serrait le bras à m'en laisser des marques. Il me faisait mal, le savait et en était satisfait.
- Qu'as-tu fait, bon sang ?
- Rien. Elle pense pouvoir me transformer en paillasson comme les autres ladys. Elle croit que je suis ici pour voler la couronne des mains de sa favorite.
- C'est un peu ce que tu fais !
- Tu crois que je l'ai fait exprès ? Je suis là pour buter son père ! Même si c'est une bonne couverture, j'aurais préféré passer inaperçu !
- Tu vas faire comment, maintenant ? Jullian ne va pas te rater !
- Crois-moi, ton petit Jullian ne me fait pas peur. Je ne vois pas ce qu'il peut me faire que je n'ai pas déjà subi cent fois.
Ses doigts pressèrent mon bras encore plus fort.
- Je vais trouver un moyen de faire diversion. J'ai besoin de toi opérationnelle, pas démantibulée par ce taré.
- Tu te fais trop de soucis, Capitaine. Je suis sûrement plus résistante que toi. Je n'ai pas besoin de ta diversion.
- Tais-toi. Tu ne sais pas de quoi tu parles alors tais-toi avant que je ne m'énerve et te redresse moi-même.
Je levai les yeux au ciel alors qu'il accélérait le pas. Contrairement à ce que je pensais, nous ne descendîmes pas dans les donjons. Il sortit à l'arrière du château, m'entraîna dans un passage étroit fait de pierres noires et chaudes.
Il saisit une torche et l'alluma avant que nous n'allions plus loin que l'entrée. Le sol était en terre meuble et descendait légèrement et régulièrement. Les ténèbres devinrent rapidement si opaques que même la torche ne savait pas lutter contre.
L'air se raréfia et devint plus épais, plus humide. Nous nous enfoncions dans le volcan. Une cavité s'était creusée à l'intérieur et était illuminée à grand renfort de centaines de bougies de toutes tailles. Une table en bois était installée au milieu. Sur la droite, des instruments souillés se mélangeaient aux lames éclatantes et acérées sur un meuble dont les portes pendaient sur leurs gonds. À terre, du sang séché formait des taches couleur de rouille
Je ne reconnus pas Jullian sur le moment. Il était plutôt petit bien que taillé comme un molosse. Ses yeux étaient d'une noirceur sans fin.
- Qu'est-ce que tu m'amènes là, Capitaine ? souffla Jullian. Un nouveau jouet ?
- Non. Une remise à niveau.
- Tu es sûr ? Je jouerais bien avec celle-ci...
La façon dont il me regarda me donna la nausée. Je n'eus aucun mal à imaginer à quoi il faisait référence en parlant de jeu... Je fus bien contente de porter une épaisse robe plutôt qu'une tenue d'équitation ou de combat. Je me serais sentie encore plus sale s'il avait eu une meilleure vue de ma silhouette.
- Je suis sûr. La Reine n'a demandé qu'un redressement.
- Dommage. Ça serait pour une prochaine fois.
Il haussa les épaules et s'en retourna vers ses outils de torture. Il marmonna comme un fou, incompréhensible. J'avais fait la fière devant Jedrek mais je n'en menais plus large. J'essuyai mes paumes moites sur ma robe, l'estomac dans les talons, le cœur dans la gorge.
- Je suppose qu'on va éviter d'abîmer toute cette magnifique peau ivoire, dit soudain Jullian, toujours songeur.
- C'est une lady, répondit simplement Jedrek.
- Je m'en doutais un peu. Cela élimine pas mal de possibilités. C'est navrant.
J'étais sûre de ne pas être découpée ou fouettée. Mais qu'est-ce que cet esprit malade allait pouvoir inventer pour me torturer sans que cela ne laisse de traces ?
- Je sais ! La boîte !
- La boîte ?
Il nous fit signe de le suivre. Jedrek me tracta avec lui. Un instrument de torture appelé « la boîte » ne pouvait rien annoncer de bon.
Dans un renfoncement, un cercueil était installé, ouvert. Il voulait m'enfermer là-dedans ?!
- Allez, belle lady, il est temps de se reposer un peu, gouailla-t-il.
Je le regardai, paralysée. Il voulait me faire m'allonger dans un cercueil ! Ne me voyant pas avancer, il arracha mon bras à Jedrek et me projeta vers la boîte. Les parois étaient étrangement épaisses. C'était plus qu'un cercueil. Je me rattrapai au couvercle pour ne pas heurter le mur. Il me faucha les jambes et je me retrouvai bien malgré moi les fesses... dans l'eau.
Le cercueil était rempli d'eau !
Jullian m'allongea de lui-même et referma le couvercle. Je frappai contre la paroi de bois. De l'eau entra dans ma bouche, manquant de m'étouffer.
Je compris vite que c'était inutile. J'eus l'impression d'être sourde. Je m'attendais à l'entendre parler avec Jedrek mais non. Aucun son ne me parvenait. J'étais dans le noir total et même mon corps me parut inconsistant après quelques minutes.
La panique accélérait mon pouls, m'assourdissant totalement. J'oubliai rapidement combien de temps je passais dans ce cercueil. Je me rendis à peine compte que j'étais en larmes, que je pleurais bruyamment.
La seule chose qui demeurait, c'était la peur.
Je ne sentais même pas le froid de l'eau. Pourtant, elle était glacée. Mais ce caisson étrange semblait m'avoir dépouillée de toutes mes sensations. Je n'étais plus qu'une enveloppe vide et terrifiée.
Jamais de ma vie je n'avais eu plus peur.
La soudaine luminosité me brûla la rétine. On me tira du caisson, les cris me vrillèrent les tympans. Je m'accrochai à celui qui m'avait tirée de cette torture. Deux bras étaient autour de moi. Une main me caressait les cheveux.
La cannelle.
Je reconnus la cannelle du parfum si caractéristique du Prince héritier. Ryker m'avait tirée de là. Il me serrait dans ses bras, hurlait après Jullian. Et sûrement Jedrek aussi.
Je blottis mon visage dans son cou, cherchant du réconfort. J'en avais besoin. Sa présence était rassurante. Il m'avait tirée de ce cercueil dans lequel j'avais passé ce qui semblait être un temps infini.
Enfin, il me ramena à la surface, loin de l'antre de Jullian. Je ne le lâchai pas, tremblante et en larmes. Il me fit asseoir sur mon lit, m'enjoignant à me calmer, caressant doucement mes cheveux.
Je finis par me calmer. Ce qui, en soi, était un miracle. À l'intérieur, c'était toujours aussi ravagé de peur. La seule chose qui m'empêchait de m'effondrer à nouveau, c'était la présence des bras de Ryker autour de moi. Il ne cessa de me serrer et c'était rassurant.
- Cela n'arrivera plus, m'assura-t-il doucement. Je ne le permettrais pas. Peu importe ce que vous pensez, ce que vous m'avez dit. Je ne laisserai plus ma mère s'immiscer ainsi comme elle l'a fait.
Tout ce que je trouvai à faire, ce fut de me serrer un peu plus contre lui. Il ne dit rien, m'accueillant dans son étreinte.
- Qu'est-ce que c'était ? murmurai-je.
- Sa nouvelle invention. Un caisson qui prive de tous les sens. Il pense que c'est encore pire que d'être fouetté.
- Ça l'est.
Je me remis à sangloter malgré moi. J'avais honte. Honte de ma faiblesse, de mes larmes, de mon besoin de réconfort et de protection. Ce n'était pas moi. Ce caisson avait brisé quelque chose en moi. Il m'avait fait régresser.
- Vous avez besoin de dormir. Je vais parler à ma mère pour qu'elle vous laisse tranquille.
- Combien de temps suis-je restée dedans ?
- Pas longtemps. Jedrek est venu me chercher. Il savait qu'il ne pouvait rien faire contre Jullian. Il n'a pas mis plus de dix minutes à me trouver.
- J'ai l'impression d'y être resté des jours...
Tout parut s'arrêter lorsqu'il déposa un baiser sur mon front. Une vague de chaleur naquit en moi, me poussant à fermer les yeux.
Doucement, il me poussa vers mes oreillers. Ma tête les heurta. Je le regardai, effrayée. Je m'agrippai à sa main, refusant de le laisser partir.
- Personne ne vous emmènera là-bas, je vous le promets, Sixtine. Jedrek et moi veillerons à ce qu'il ne vous arrive plus rien de tel.
- Je ne veux pas rester seule. Appelez Judeen, s'il vous plaît, Votre Altesse.
- Lâchez ma main et je le ferai.
Je rougis en obtempérant. Judeen ne tarda pas à arriver et Ryker partit. Mon cœur se serra à le voir ainsi hésiter sur le seuil, comme s'il voulait ajouter quelque chose ou juste rester. Nonobstant, la meilleure chose était qu'il parte. Pour lui comme pour moi. Comme pour le Royaume.
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