Le bourdonnement dans ses oreilles se calme progressivement. Les pupilles dilatées, il s'assoit sur la chaise faisant face à la petite salle de bain, fixant des yeux la cabine de douche.
La mâchoire encore serrée, les muscles tendus, il pousse un soupir de contentement.

Il le sait, le meilleur est déjà passé. Ce moment jubilatoire pour lequel il vit depuis tant d'années va laisser place à la phase qu'il déteste le plus, et les prochaines heures seront décisives. Aucun droit à l'erreur. Il en va de son avenir. Cette fois encore, il a tout prévu.

Après l'euphorie viennent les minutes de relâchement. Rester assis là, admirer son oeuvre, prendre le temps de décontracter, un à un, ses muscles endoloris par l'effort. Il n'a pas toujours su le faire. Mais avec l'expérience, il a appris à profiter de ce moment, à savourer cet instant. Avant, la panique s'emparait de lui dès le travail accompli, l'obligeant à passer immédiatement à l'étape deux, ce qui le poussait à récidiver plus vite, encore, et encore, comme envahi d'une sensation de désir inassouvi.

Le bruit d'une branche frottant la paroi du mobile home le fait sursauter, le ramenant à la réalité. Il aimerait voir la pluie arriver. S'il a choisi cette nuit, c'est parce que la météo a annoncé des orages avec de fortes averses. Il le sait. S'il pleut, les jeunes qui traînent au bord de la rivière, tard le soir, rentreront se mettre à l'abri, et les risques de croiser quelqu'un dans les allées du camping seront réduits.

Les minutes s'égrènent, le stress est en train de prendre le dessus. Il faut que la pluie arrive, il faut qu'il se débarrasse du corps.

***