Séoul, Corée du Sud

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Il avait gelé toute la nuit. A l'aube, les vitres et les parebrises des voitures étaient teintés d'une brume givrée et seuls les gyrophares illuminaient la rue de leurs couleurs écarlates. Dans ce quartier, habituellement désert à cette heure de la journée, s'était attroupée une petite foule de policiers et de spectateurs, curieux, les yeux rivés sur l'entrée du club. L'ambulance n'avait pas bougée depuis son arrivée, en soit un mauvais signe, et tous savaient pourquoi même sans avoir eu mot des policiers - trop silencieux, trop peu hâtifs. La première camionnette de journalistes était arrivée, tout près du périmètre. Ils savaient que bientôt, le chef de département allait envoyer un de ses anciens policiers pour donner l'annonce à la presse, qu'en attendant, il fallait mâcher ses mots, méticuleusement choisir les détails qui allaient être, oui ou non, révélés au grand publique.

A l'intérieur, une bâche recouvrait à présent le corps qui jonchait le carrelage des toilettes, au fond du club. Les photos avaient été prises et deux heures après la découverte, le cadavre allait enfin pouvoir être emmené à la morgue et être pris en charge par un légiste. L'équipe forensique ne trouverait pas d'ADN, pas d'empreintes. Les toilettes du club avaient vu passer des centaines de personnes. Sous les ongles de la victime, des fibres de cuir, rien de plus. Personne pour témoigner.

Dans son appartement une pièce, des livres universitaires, des photos de vacances entre amis, des plantes mal arrosées, quelques bouteilles. Les rideaux laissent quelques faisceaux de lumières illuminer les bottines des policiers, les vieux magazines et les mégots de cigarettes sur la table basse. Une odeur de tabac et de menthe. Le jeune homme, retrouvé mort cette nuit-là dans une discothèque de Séoul, avait 24 ans. Il laissait derrière lui une mère, une petite sœur, un chien. Les nouvelles furent annoncées, par téléphone d'abord, puis en personne.

Il était arrivé à Séoul quelques jours auparavant, en attendant son apparition devant les tribunaux, pour un témoignage dans un procès. Un double enlèvement, deux enfants de 11 et 13 ans, en pleine nuit, dont il avait aperçu l'auteur, il y a quatre mois en baladant son chien. La pièce concluante d'un long puzzle, à présent évaporée. Un autre cold case.

Ce n'était pas la première fois que Baekhyun était chargé de ce genre de commission. Il n'était plus question de morale lorsqu'on tuait en échange de l'argent. Il n'était pas non plus histoire de compassion. Baekhyun n'avait plus de compassion, même pas pour lui-même. C'était un travail qu'il fallait accomplir. C'était robotisé, déshumanisé. Il n'y avait rien de passionnel. Il n'y avait plus de reproches, plus de honte ni de culpabilité. Il vivait une vie parmi les vices, tombé jeune dans un engrenage dont il était impossible de s'échapper. Cette vie comblait sa faim de violence et sans elle, il n'était pas lui. La violence avait toujours fait partie de son existence et personne n'échappait à sa propre existence. Le plaisir qu'il y trouvait n'était que bonus.

Si Baekhyun avait bien joué ses cartes, en grandissant, il aurait pu être ce jeune homme allongé sur le carrelage des toilettes, baignant dans son sang. Une mère, une petite sœur, un chien. Mais Baekhyun avait joué ses cartes depuis longtemps, dans le ventre de sa progénitrice, puis sous les mains de ceux qui l'avaient élevé. Et sans ça, sans cette violence, il n'aurait pas survécu un an.