#9
Haarlem, Pays-Bas
16 : 59
Une petite main se posa sur son bras, tira sur sa manche. La brise balaya la chevelure dorée de la petite fille. Le soleil d'hiver, au loin, s'apprêtait à se coucher, son reflet orange illuminant l'eau devant leurs yeux. Des canards atterrirent sur le fleuve, plongèrent la tête en premier. Des rires enfantins retentirent, un petit groupe de garçons couraient la balle au pied, inépuisables malgré le froid. Assis dans l'herbe, jambes pliées, Chanyeol fut sorti de ses pensées par le petit visage insistant devant lui. Les joues rosées et les cils humides, la petite fille avait la moue déçue de celle d'un enfant qui, manifestement, voulait rentrer.
— Viens par-là, parla Chanyeol, d'un signe de la main.
La petite s'écroula dans ses bras, s'accrochant à lui comme à une bouée. Il serra son corps contre lui, l'encerclant avec ses bras, puis de sa manche frotta son nez rouge.
— A quoi tu penses ?
La petite haussa vaguement les épaules, la tête enfouie dans la veste de Chanyeol. Il hocha doucement la tête.
— D'accord, encore cinq minutes et on y va.
Le son de mouettes et des canards était si familier, ces derniers temps. Le calme de l'eau, l'ambiance ordinaire d'un samedi éloigné de la ville. Il n'était pas dupe. Il savait pourquoi elle l'avait invité, ce weekend-là, à venir garder Jade, à venir passer la journée chez eux. Il hésitait entre frustration et gratitude. Sûrement un peu des deux. Les images étaient marquées dans son esprit comme au fer rouge. Voir le si jeune visage de Jade après avoir côtoyé la mort de si près avait quelque chose de presque surréaliste. Il avait l'impression d'habiter le corps de quelqu'un d'autre.
— Jade, tu vas l'étouffer.
Barbara, de son sourire radieux, apportait légèreté à des journées qu'il aurait passées seul, dans son appartement, en compagnie de son pistolet et de sa conscience abîmée. Elle vint s'asseoir à ses côtés, une écharpe colorée autour du cou, fossettes plus que présentes grâce à son petit sourire. Elle fit signe à Jade de venir chez elle, mais la petite ne bougea pas.
— Ok, j'insiste pas.
La police pour Chanyeol était un train à grande vitesse sur lequel il avait sauté il y a quatre ans. Un train qui ne s'arrêtait pas. Au début, il était simple agent, aujourd'hui il était chargé de la protection de témoin, de gestion de foule et autres grands évènements. Aujourd'hui, il ne savait plus qui il était.
— Jade ! Jade, viens voir ! appela un des garçons au loin, balle à la main cette fois-ci.
La fille releva la tête, sa curiosité prenant le dessus, puis jeta un regard à Barbara, qui lui donna son approbation. Aussitôt, elle était sur ses deux jambes.
— J'arrive !
Les deux adultes l'observèrent partir rejoindre le groupe, silencieux.
— Je sais. J'aurais pu te dire de venir parce que ça allait te changer les idées, mais tu m'aurais trouvé une excuse bidon.
— Et donc tu t'es dit que Jade était un bon argument ? répondit-il, la voix basse, calme.
— Elle t'adore et tu peux pas lui résister.
Barbara s'était mise à tirer sur des brindilles d'herbe, songeuse.
— Tu sais, j'ai aucune idée de ce que tu ressens en ce moment. C'est la vérité. J'ai jamais eu à voir un collègue mourir, de quel droit je pourrais t'imposer mon point de vue ?
Elle baissa le regard, inspira profondément.
— J'ai peur de la mort. J'ai peur de ne pas savoir ce qui s'ensuit.
Chanyeol la regarda, brièvement, du coin de l'œil, attendant la suite.
— Ce qui me fait encore plus peur c'est de savoir que si je mourrais, Jade devrait grandir sans sa mère. J'ai peur parce que... qui sera là pour l'encourager ? pour la guider quand elle sera perdue ? quand elle voudra partager ses succès, ses échecs ?
Elle haussa les épaules.
— Mais toi, Chanyeol, dis-moi... de quoi as-tu peur ?
Sa mâchoire se tendit, la position soudainement inconfortable. Il fronça les sourcils, visiblement à la recherche d'une réponse, sans vraiment savoir poser un mot sur ce qu'il ressentait. Sans savoir comment concrétiser ce sentiment qui l'occupait depuis, qui habitait chacune de ses nuits, chacune de ses respirations.
— Je n'ai pas peur de la mort, répondit-il quelques instants plus tard.
Il leva les yeux vers l'eau, réfléchit aux mots qu'il allait emprunter. Barbara patienta, compréhensive. L'orange de l'eau avait tourné vers le rouge. Le sang sur ses mains. Une balle dans la tête. Le regard surpris, la bouche ouverte. L'odeur de poudre.
— J'ai peur d'en être l'auteur.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro