Chapitre 9
Code d'honneur des chevaliers
7. L'honneur du chevalier réside dans la seule conformité de sa vie avec l'idéal qu'il s'est choisi librement.
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Impa gravit les marches qui menaient jusqu'au trône où siégeait le roi, accompagné d'Oswald, son deuxième conseiller. À son approche, Rhoam Bosphoramus Hyrule se leva en affichant un air grave et intimidant. La Sheikah ne se laissa cependant pas impressionner et s'agenouilla un court instant pour le saluer.
- Mon roi, des nouvelles me sont parvenues de la forteresse d'Akkala, commença-t-elle d'une voix monotone. Comme vous le savez, le prodige hylien a défait le camp ennemi sur la Montagne de la Mort, il y a de cela trois jours. D'après mes sources, aucune nouvelle troupe ne serait venue les remplacer. Seuls des éclaireurs ont été aperçus à quelques lieues de la forteresse, hier.
Le souverain hocha dignement la tête avant de reprendre place sur son illustre siège. L'excellent travail du Héros avait porté ses fruits. L'intimidation fonctionnait à merveille contre ces monstres infâmes.
- Faîtes savoir au général Acrom que je lui enverrai bientôt une quarantaine de chevaliers pour renforcer la ceinture de l'est. La mer reste l'un des principaux espaces par lesquels nous pouvons être attaqués par surprise.
- Bien.
Impa se retira après l'avoir salué puis le roi se tourna vers son deuxième conseiller en fronçant les sourcils.
- Pensez-vous que nos ennemis puissent nous envahir en accostant nos côtes ? lui demanda-t-il d'une voix rauque. Est-ce vraiment la bonne solution d'envoyer des hommes expérimentés en renforts ?
Oswald plaça ses mains dans son dos et acquiesça lentement.
- Monseigneur, j'ai relu attentivement les rares archives royales datant des millénaires passés. Il est mentionné noir sur blanc que la première vague d'attaques provenait de la mer de l'est, insista le conseiller au regard sombre. Ne pas en tenir compte serait une terrible erreur. Les canons de la forteresse y ont été installés dans cet unique but, par ailleurs.
- Je songe aussi à en placer sur les murailles autour de la citadelle, réfléchit le monarque en se tenant le menton. Cela renforcera notre défense.
- Pourquoi donc, mon roi ?
Le père de Zelda leva les yeux vers lui, surpris par cette question déroutante. Son conseiller s'empressa de poursuivre.
- Nous avons déjà des Gardiens Tourelles, précisa le conseiller. Ils sont bien plus efficaces que l'artillerie et demandent bien moins de ressources pour les faire fonctionner. Mais après tout, apporter des canons en soutien pourrait être une bonne idée... Je la soumettrai aux officiers de la garde.
- Je vous remercie. La survie de notre royaume me préoccupe plus que l'argent placé dans sa protection.
Impa, de son côté, marchait d'un pas rapide en direction des quartiers ouest du château. Avant d'écrire au général Acrom, elle voulait trouver Pru'ha afin d'avoir des informations sur ses futurs plans. Elles auraient déjà dû se voir la veille mais leur emploi du temps, bien trop chargé, les en avaient empêchées. De plus, Impa devait prendre en compte les différentes demandes des villages hyliens. Depuis quelques temps, elle recevait de nombreuses lettres dans lesquelles les divers chefs voulaient plus de protection pour leur commune ou bien de l'argent pour rénover certains bâtiments.
- Impa ! l'interpella la princesse qui arrivait en sens inverse.
La Sheikah leva les yeux vers elle et esquissa un sourire bienveillant quand elles se rejoignirent. La jeune fille avait pourtant l'air soucieuse au vu de son expression plus fermée que d'habitude.
- Que se passe-t-il ? lui demanda sa nourrice en perdant son sourire. Y a-t-il une urgence ?
- Je cherche Link, dit Zelda en scrutant les alentours. Nous devions aller voir l'évolution des Gardiens.
Impa soupira de soulagement, allégée que ce soit aussi peu inquiétant. Elle croisa les bras et regarda par-dessus son épaule en adoptant une allure décontractée.
- Il est parti tout à l'heure en permission, lui annonça-t-elle sur un ton neutre. Il est sans doute en route pour Elimith.
Le visage de la princesse se décomposa.
- Vraiment ? J'aurais aimé en être informée... souffla-t-elle en fronçant les sourcils. Je le cherche depuis vingt minutes.
Sa voix devint plus froide sur ses derniers mots, témoignant de sa frustration. Tout ce temps perdu pour rien... Zelda l'aurait plutôt dédié à ses études. Sa nourrice la dévisagea d'un air songeur. Elimith était justement l'un des villages ayant envoyé une lettre. Pourquoi ne pas faire d'une pierre deux coups ?
- Princesse, le chef d'Elimith a formulé une requête auprès de votre père. Je n'ai pas encore pu prendre connaissance des motifs, mais je pense que vous êtes la mieux placée pour les comprendre. Si vous partez dès maintenant, vous pourrez rejoindre Link, lui proposa Impa en plongeant son regard dans le sien. Sa présence reste un élément de dissuasion pour les Yigas. Vous continuerez d'être en sécurité.
Cela rendit l'Hylienne mal à l'aise.
- Mais il est en permission... Link a le droit de penser à autre chose qu'à son devoir, tout de même.
- C'est bien vrai. Vous êtes libre de choisir.
Impa replaça correctement sa coiffe traditionnelle, un sourire en coin.
- Si je me souviens bien, votre père organise demain soir une réception réunissant les nobles de la cour.
La princesse se crispa en déviant le regard. C'était exact... D'autant plus qu'elle détestait ce genre de soirée superficielle. Danser ne l'avait jamais intéressée, tout comme ses recherches n'intéressaient pas la cour.
- Je n'ai pas besoin de réfléchir plus pour décider de partir sur-le-champ, répliqua Zelda avant de tourner les talons et courir vers sa chambre, suivie par le regard tendre de la Sheikah.
Impa lui épargnait ainsi de subir cette réception car elle connaissait parfaitement sa jeune protégée. Son bonheur l'importait plus que tout. L'héritière du trône était aliénée par sa condition, voyager à travers le royaume était devenu sa liberté.
Zelda se changea, prépara son sac de voyage à toute vitesse puis se rendit rapidement dans l'écurie où l'attendait son cheval. Les domestiques la voyaient s'empresser de quitter l'enceinte du château, ce qui suscita de nombreux questionnements à son sujet. Où partait-elle ? Pourquoi aussi précipitamment ? La jeune fille monta sur le dos de l'équidé puis donna un coup d'étriers en poussant une petite exclamation. Le cheval se cabra puis partit au galop en direction de la plaine d'Hyrule. Zelda le savait... Elle devait passer le moins de temps possible seule, sous peine d'être prise pour cible. Une proie isolée est une proie facile. Ne sachant pas se battre, la princesse demeurait terriblement vulnérable. Elle espérait que son chevalier servant voyageait au pas afin de pouvoir le rattraper dans les plus brefs délais.
Lancé au galop, le cheval royal donnait l'impression de galoper en harmonie avec le vent, accompagné par le claquement de ses sabots et de l'équipement de la princesse. La neige avait fini de fondre la veille, les températures étaient remontées bien qu'il fasse toujours un peu froid. L'air qui fouettait les joues de Zelda lui donnait par endroits des sensations de brûlure et rougissait sa peau. Elle était penchée en avant pour ne pas perdre de vitesse et ne pas trop épuiser sa monture. Souvent, l'Hylienne surveillait d'un œil critique les alentours pour vérifier qu'aucun individu suspect ne rôdait.
Au loin, à quelques centaines de mètres, elle aperçut enfin Link et son cheval qui marchait en toute tranquillité entre les hautes herbes. Visiblement, il empruntait un raccourci pour parvenir plus tôt à destination. Zelda éperonna sa monture, soulagée de le trouver enfin.
- Link ! l'appela-t-elle quand elle fut assez proche pour être entendue.
Le prodige tourna prestement la tête, les yeux écarquillés par l'incompréhension, et découvrit bel et bien la princesse le rejoindre au galop. Aussitôt, il se demanda quelle bêtise il avait encore commis, ou même s'il avait oublié quelque chose. Zelda arriva à son niveau, les cheveux ébouriffés, et fit cabrer son cheval pour l'arrêter. Elle regarda un instant son chevalier servant puis croisa les bras, manifestement mécontente.
- Tu aurais pu me rappeler que tu partais aujourd'hui, lui reprocha-t-elle à travers un regard dur. Figure-toi que je t'ai cherché dans tout le château car nous devions aller voir les Gardiens.
Face à son éternel air impassible, la jeune fille soupira avant de reporter son regard au loin.
- Je m'attendais à des excuses de ta part. Je ne suis pas n'importe qui, s'indigna-t-elle en renfermant son emprise sur les rênes. Si tu n'étais pas mon chevalier servant, ni même la réincarnation du Héros, je t'aurais envoyé devant mon père pour cause de mauvaise conduite.
Les épaules du jeune homme s'affaissèrent discrètement. Ce n'était pas dans ses intentions de la vexer.
- Veuillez m'excuser, Votre Altesse, dit-il en faisant ralentir son cheval jusqu'à le faire marcher derrière elle.
Cependant, Zelda ne le vit pas de cette façon et n'accepta pas qu'il continue avec cette fâcheuse habitude de rester dans son dos lors des voyages à cheval. Sur la selle, elle se retourna en posant sa main sur la croupe du cheval et le regarda avec une certaine affliction.
- Reste à mes côtés, Link. C'est bien mieux que d'être seul...
Elle perçut l'hésitation du chevalier car cela allait à l'encontre des règles qu'il devait respecter envers sa damoiselle. Mais la princesse insistait en ne cessant de l'observer, si bien qu'il finit par se remettre à son niveau.
- Est-ce que tout va bien ? lui demanda finalement Zelda car elle sentait une étrange aura émaner de lui.
C'était peut-être la première fois qu'elle avait ce genre de pressentiment. Link tourna légèrement la tête dans le sens opposé de la princesse pour ne pas qu'elle puisse voir son expression.
- C'est à propos de tes parents, n'est-ce pas ? se risqua-t-elle d'une voix nonchalante. L'un d'eux serait-il malade ?
Le blond fronça les sourcils tandis qu'il serrait plus fortement la bride de son cheval.
- Non, ce n'est pas cela, souffla Link sans plus jamais parler jusqu'à Elimith.
En vérité, il appréhendait ses retrouvailles avec eux. Son absence et son mutisme les avaient beaucoup affectés, il le savait bien... Il redoutait de voir sa mère vieillie à cause de son combat face à la maladie, ou bien d'être rejeté. Bien sûr, cela était impossible qu'une mère rejette son fils pour cette raison ! Mais seules les pires pensées hantaient l'esprit du jeune homme. Les remords le rongeaient. Zelda n'osa guère insister davantage de peur de le froisser. Elle ne le connaissait pas très bien, jamais Link ne lui avait parlé de sa vie avant l'école de chevalerie, ni même de ses parents. Encore moins de ses goûts... En fait, la princesse ne saurait décrire son chevalier servant à part affirmer qu'il est le détenteur de la Lame Purificatrice, le prodige des Hyliens et capitaine de la garde royale. Peut-être devrait-elle prendre plus le temps de le connaître ? Mais en avait-elle seulement le droit ? Link pourrait ne pas vouloir lui parler de sa vie personnelle, ce qu'elle entendait parfaitement.
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Les deux voyageurs passèrent enfin l'arche d'entrée d'Elimith après avoir poliment salué le gardien. Ce dernier n'avait pas reconnu la princesse puisqu'il ne l'avait jamais vue mais il fut heureux retrouver Link après toutes ces années. Les élus des déesses traversèrent calmement la rue principale, suivis par les regards insistants de certains habitants qui n'en revenaient pas de voir Link habillé en Prodige. De plus, tous se demandaient qui était cette jeune fille qui l'accompagnait, habillée de vêtements raffinés et élégants. Link sauta à terre, ce qui prit de court la princesse. Intriguée, elle l'observa marcher silencieusement vers une femme châtaine qui tenait un panier calé contre sa hanche. À la vue de son fils, Adélaïde se figea tant elle fut surprise et troublée de le revoir.
- Mon... cher fils... murmura-t-elle d'une voix chevrotante.
Le ventre du jeune homme se noua alors que sa gorge s'asséchait désagréablement. Voyant qu'il restait immobile face à elle, sa mère s'approcha davantage de lui en tendant sa main vers la joue de Link. Prêt à recevoir sa caresse, il ferma les yeux mais grimaça l'instant d'après quand l'une de ses oreilles fut tirée en guise de punition.
- Petit chenapan ! s'emporta Adélaïde sans se cacher de tous. Ça t'aurait coûté quelque chose d'envoyer une lettre de temps à autre à ta pauvre mère ? Je suis restée sans nouvelle depuis des mois ! Et dire que j'avais mis tout mon cœur dans le colis que je t'ai préparé... Tu l'as ouvert, j'espère ?!
Le jeune homme gémit de douleur en hochant doucement la tête pour ne pas avoir plus mal, face à l'air déboussolé de la princesse. Elle ne s'attendait pas du tout à assister à une telle scène... Zelda était partagée entre le malaise et son attendrissement face à ces retrouvailles. Adélaïde leva alors les yeux vers elle pour la dévisager longuement.
- Et tu oses ramener une demoiselle, par-dessus le marché ? Tu vas entendre ton père quand il va rentrer de sa ronde !
Elle lâcha enfin son oreille rougie puis se dirigea vers la prêtresse royale en dissimulant son embarras.
- Je suis Adélaïde, la mère de ce jeune impétueux. Et vous ?
Zelda lui accorda un sourire chaleureux avant de lui répondre.
- Je me nomme Zelda Hyrule, madame.
La châtaine hocha la tête le temps d'assimiler ses mots puis se figea quand son visage blêmit brusquement. Aussitôt, le regard d'Adélaïde se porta sur l'aigle royal présent sur la tenue de la princesse, et enfin sur son visage. Par Hylia, elle ressemblait tant à la reine...! La mère du prodige se prosterna avec humilité devant elle en balbutiant ses plus plates excuses :
- Veuillez pardonner mon impertinence, Princesse Zelda. Je ne vous avais point reconnue...
Les villageois qui avaient tout vu s'approchèrent et saluèrent à leur tour la future reine de leur royaume. La jeune fille quitta le dos de sa monture.
- Relevez-vous, les pria Zelda, fortement confuse. Je ne peux vous blâmer pour cela...
Dans un village si reculé, son visage restait méconnu par la plus grande majorité des Hyliens. Après tout, seuls les citadins pouvaient l'apercevoir lors de ses passages en ville, ou bien les domestiques et chevaliers du château. De son côté, Link l'observait sans bouger. C'est alors que Mervin, le chef du village, se présenta enfin et remercia mille fois la princesse pour son déplacement.
- J'ai quelques requêtes à vous faire, Votre Altesse, lui déclara-t-il avec grand sérieux. Je vous en prie, allons en parler chez moi avec les anciens du village.
- Je suis à votre disposition, lui répondit-elle selon les formalités.
La princesse le suivit alors jusqu'à sa maison en même temps que trois autres vieillards, dont une femme. Quant à Adélaïde, elle se tourna vers son fils en affichant un air mécontent.
- Par Hylia, tu aurais pu m'épargner cet immense embarras en me présentant la princesse !
Link rentra légèrement la tête dans les épaules en évitant son regard. Son mutisme, décrit par son père, n'avait pas échappé à la mère de famille depuis son retour, ce qui la peinait grandement. Qu'était-il arrivé à son enfant pour qu'il devienne renfermé, lui qui était si ouvert avant ?
- Allons, tu as avalé ta langue ? lui demanda-t-elle à moitié sérieuse pour alléger l'atmosphère. Je t'ai connu plus bavard, mon petit.
Link ronchonna à cause de son dernier mot et fit une discrète moue en fixant un arbre à quelques mètres d'eux.
- Je ne suis pas petit, maugréa-t-il avant de prendre la bride du cheval blanc et de se diriger vers sa maison, en hauteur.
Cela fit rire sa mère, tout de même heureuse de constater qu'il n'avait pas changé de manière drastique. En quelques rapides pas, elle vint marcher à ses côtés pendant que les chevaux restaient en retrait, et Adélaïde lui donna un léger coup de hanche pour le stimuler un peu.
- Voyons, tu resteras toujours mon petit.
De sa main libre, elle lui ébouriffa tendrement les cheveux.
- Je suis si heureuse de te voir... Pour l'occasion, je vais te préparer un colombo de veau.
Son enthousiasme gagna aussitôt son fils chez qui les yeux se mirent à pétiller de joie. La cuisine de sa mère lui manquait tellement depuis toutes ces années... Il lui accorda finalement un fin sourire, elle fut d'autant plus touchée par ce geste.
- Tu vas voir, nous ferons un festin que tu n'es pas près d'oublier, lui certifia-t-elle avec assurance.
De son côté, Zelda écoutait attentivement ce que les villageois quêtaient auprès de la famille royale. Une plus grande protection face aux événements à venir, un commerce plus facile comprenant plus de charrettes à marchandises pour les ravitailler en certaines denrées puis des sacs de graines pour réitérer leurs futures récoltes.
- Nous avions déjà envoyé une lettre il y a de cela six mois, mais nous n'avions jamais eu de réponse... se désola Mervin en croisant les bras. Peut-être n'est-elle jamais arrivée entre les mains des conseillers royaux ? En tout cas, la demande de graines est la plus urgente, Votre Altesse. Si nous voulons faire vivre notre village et vendre sur tout le territoire, nous devons impérativement en recevoir.
La princesse fronça les sourcils, visiblement soucieuse.
- C'est étrange... finit-elle par dire. Il me semblait que chaque commune pouvait obtenir des semences à partir de leurs propres récoltes. Je ne vous accuse en rien, mais je trouve cela anormal.
Un vieillard passa une main dans sa chevelure à cause de la honte. La princesse percevait bien que quelque chose n'allait pas. Personne autour d'elle ne semblait vouloir lui expliquer la situation.
- N'ayez crainte, je suis ici pour vous aider, les rassura-t-elle en leur offrant un sourire. Dans le cas contraire, je n'aurais pas voyagé jusqu'à vous.
La vieille dame décida de prendre la parole pour ses semblables, la peur la tiraillait. Même si la princesse paraissait manifestement gentille, la villageoise avait peur des répercutions.
- Nous avons perdu les sacs de graines provenant de notre agriculture, avoua-t-elle finalement en baissant les yeux. Du moins, ils ont disparu du jour au lendemain de nos moulins. Nous n'avons jamais pu trouver le ou les coupables.
- S'agirait-il d'un vol ?
Mervin acquiesça gravement.
- C'est fort probable, Votre Altesse. Mais nous n'avons aucune piste, aucune preuve...
Zelda pensa presque instantanément au clan Yiga. Ils en seraient bien capables, ces traîtres. S'en prendre à de pauvres villageois, quelle bassesse de leur part ! La jeune fille en fut d'autant plus survoltée. Néanmoins, elle garda son calme et prit la décision qu'elle considérait comme la plus sage.
- Dès mon retour au château, je vous ferai parvenir plusieurs sacs de graines, leur promit-elle avec bienveillance. Je me concerterai avec mon père pour rendre le commerce avec Elimith plus accessible.
Elle les regarda chacun leur tour.
- Quant à la protection de votre village, je pourrais vous conseiller d'envoyer quelques jeunes d'Elimith au château pour suivre la formation de soldat durant un an, leur proposa la princesse en guise de solution. Cette période est plutôt longue, je le conçois, mais vous pourrez ensuite assurer la sécurité ici.
Mervin s'inquiéta plus encore.
- Mais pendant ce temps ? Si notre jeunesse nous quitte, qui viendra aider dans les champs ? Qui épaulera les personnes dans le besoin ?
Il fallut quelques minutes de réflexion à la princesse pour pallier à ce nouveau problème. Elle n'y avait pas songé... De plus, d'après ce qu'elle avait appris, le père de Link était le seul chevalier à vivre ici.
- Je peux vous faire parvenir un maître, si vous le souhaitez. Il pourra se consacrer à l'apprentissage des futurs soldats ici même, à des horaires que vous jugerez convenables.
Les membres du conseil échangèrent quelques regards pour évaluer les différents avis. Cette solution leur convenait mieux.
- Si vous parvenez à trouver quelqu'un, nous acceptons, conclut le chef, les mains sur ses hanches. Je ne sais comment vous témoigner ma reconnaissance, Princesse Zelda.
Tous les quatre s'inclinèrent quelques instants devant elle pour la remercier, ce qui la toucha sincèrement. Voir l'espoir grandir au sein de son peuple était sans doute l'une des plus belles récompenses qu'elle pouvait souhaiter. Zelda continua à parler avec eux durant de longues heures pour prendre des nouvelles du village et des environs. Elle appréciait discuter avec ces petites gens car ils avaient sans doute plus à lui apprendre que les nobles de la cour. C'était des personnes simples et attachantes. Link avait grandi parmi eux, nul doute qu'il devait avoir hérité des mêmes traits. Cette pensée fit ressurgir la honte de Zelda à cause de son ancienne attitude vis-à-vis de lui. Comme elle regrettait...
En fin d'après-midi, elle quitta le petit conseil après avoir demandé l'adresse de son chevalier servant, puis elle se dirigea vers sa maison tout en visitant les lieux par la même occasion. C'était un village tout à fait charmant et paisible, à l'abri de l'effervescence présente dans la citadelle d'Hyrule. Zelda gravit le petit chemin menant à la maison de Link, traversa un pont au-dessus d'un ruisseau et analysa la bâtisse typique de la région. Certes, elle se situait légèrement à l'écart du village mais restait chaleureuse et accueillante.
- Vous êtes là, Princesse Zelda ! se réjouit Adélaïde en la voyant arriver.
La jeune fille tourna la tête sur sa droite et aperçut la châtaine et son fils près d'une mare. Elle les rejoignit en profitant de l'air frais et de l'ambiance reposante. À leur hauteur, Zelda découvrit une famille de canards barbotant tranquillement dans l'eau, nullement dérangés par la présence humaine. Adélaïde put enfin poser quelques questions à la princesse pour avoir des nouvelles de la citadelle, des tendances actuelles, et même de l'intrigante tablette qu'elle portait à la ceinture. La prêtresse royale lui expliqua, pour cette dernière, qu'elle pouvait prendre des photos, sortes de tableaux encore plus fidèles à la réalité. La châtaine en fut bouche bée jusqu'à ce qu'elle entende les canards caqueter.
- Regardez comme ils sont heureux, s'enthousiasma Adélaïde en les observant avec bienveillance. Mon mari voulait qu'on les mange mais j'ai refusé catégoriquement.
- Le magret de canard est un met très apprécié au château, releva la princesse en s'accroupissant. Votre époux le sait certainement.
La mère de Link rit en le regardant tendrement.
- Je pense que mon fils aurait été le premier à apprécier ce plat. N'est-ce pas, Link ?
Zelda fut intriguée par sa remarque.
- Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle en souriant.
De discrètes rougeurs apparurent sur les joues du jeune homme qui préféra détourner la tête et s'approcher de la mare pour contempler les volatiles.
- Link ne vous a rien dit ? s'étonna Adélaïde en dissimulant difficilement son amusement. Il a bien un défaut, et c'est certainement la gourmandise. Ah, il m'en a demandé, des gâteaux, des civets ou des poissons meuniers ! À croire que tout le satisfaisait. Je ne connais pas un plat qui le répugne.
Cette nouvelle laissa la prêtresse quelque peu perplexe car jamais encore elle n'avait vu Link manifester la moindre gourmandise. Ou alors, il le cachait très bien. Elle l'observa tendre la main vers les canards mais ceux-ci restaient désintéressés et s'écartaient, créant chez le chevalier une certaine déception. Il finit par se relever en évitant de croiser le regard de sa mère ou de Zelda.
- Link ! hurla une puissante voix féminine dans leurs dos. Ce n'est que maintenant que tu rentres ?!
Pris au dépourvu, le prodige sursauta brusquement et perdit l'équilibre tant sa surprise fut grande. Avec ses bras, il fit des moulinets dans le vide pour se rattraper mais son corps bascula inexorablement et il tomba dans la mare, ce qui provoqua une éclaboussure imposante. Les yeux de la princesse s'écarquillèrent avant qu'un rire vif ne la force à poser une main sur sa bouche pour le contenir. La tête de Link émergea de l'eau et fit redoubler l'hilarité des deux femmes. Florine arriva à leur niveau et ricana en voyant son ami d'enfance dans une situation aussi embarrassante et humiliante. Adélaïde supplia la princesse pour qu'elle conserve un souvenir grâce à la tablette sheikah, ce qui se fit dans les secondes suivantes.
Link regagna le sol, rouge de honte, et lança un regard désemparé à sa mère. Ses vêtements et ses cheveux mouillés qui retombaient sur son front lui donnaient un air déplorable qui parvint à apitoyer la princesse.
- Oh, Link... rit-elle en essayant de reprendre son calme. C'est... C'est d'une tristesse de te voir ainsi !
Il ruisselait littéralement. Florine s'approcha et se moqua ouvertement de lui, en particulier de la peur qu'il avait éprouvée à son arrivée. Pour un soi-disant prodige et chevalier, il craignait donc une simple femme ? La mère du chevalier finit par le ramener dans sa maison pour qu'il puisse se changer et ne pas attraper mal. Pendant ce temps, Florine décida de faire visiter la teinturerie de son père à la princesse qui s'y intéressa avec joie. Ainsi, elle eut l'occasion de découvrir un métier qui lui était jusqu'à présent inconnu. Sa présence fut un véritable honneur pour le teinturier qui lui proposa de lui envoyer des habits si Zelda souhaitait changer leurs couleurs. Elle accepta avec joie. Une fois sa visite terminée, elle revint chez Link et frappa avec douceur à la porte bien que celle-ci soit déjà ouverte. Son chevalier servant était attablé et dégustait une crêpe préparée par sa mère pour fêter sa permission.
Ce qui marqua premièrement Zelda fut ses cheveux qu'il avait détachés pour les laisser sécher plus facilement. Le voir ainsi fut si étrange et inhabituel pour la princesse qu'elle se sentit inconfortable. Elle n'avait jamais vraiment fait attention à sa coiffure, pourtant. Le regard insistant qu'elle portait à Link le mit mal à l'aise et le contraignit à mettre son repas en suspens. La blonde le remarqua et fixa plutôt la petite bibliothèque sur sa gauche.
- J'apprécie l'ambiance de votre maison, avoua-t-elle pour que Link soit à son aise. Je la trouve conviviale. C'est bien différent des murs du château...
Son regard se porta alors sur un tableau accroché en face d'elle, ce qui l'attira. Lentement, elle se dirigea vers lui et découvrit Adélaïde, son mari et son fils, encore jeune enfant. Il souriait en montrant les dents, ce qui amusa la princesse mais la déstabilisa aussi. Jamais elle ne l'avait vu ainsi. Link avait bien changé.
- J'ai cru qu'il s'agissait d'une petite fille, sourit-elle tandis que ses doigts s'entrelaçaient devant son ventre.
Derrière elle, Link manqua de s'étouffer avec sa crêpe et se mit à tousser fortement en plaquant un de ses poings sur sa table pour reprendre sa respiration. La princesse lui refit aussitôt face, inquiète, mais tout semblait déjà s'être arrangé.
- Ex...cusez-moi... bredouilla-t-il, le souffle court.
Pourquoi diable tout le monde lui faisait la réflexion en voyant cette peinture ?! Adélaïde revint à ce moment-là dans la maison et aperçut la princesse devant le tableau.
- Oh, alors vous avez vu mon fils quand il avait cinq ans ?
- En effet, répondit-elle en atténuant son sourire amusé. Je ne m'attendais pas à...
Zelda ne parvint pas à finir sa phrase, si bien que ce fut la châtaine qui prit le relais.
- À le voir avec des cheveux aussi longs ? C'est vrai qu'il ne les attachait pas, avant. Ce tableau date ! Ce devait être quelques semaines après notre visite à la citadelle.
Adélaïde porta une main sur son menton pour réfléchir et se rappeler de ces beaux souvenirs.
- Oui, nous vous avions vue pour la première fois ! C'était votre première visite dans les rues d'Hyrule, si ma mémoire reste bonne. Tu t'en souviens, Link ?
Celui-ci nia en hochant négativement la tête. La princesse reconnut que c'était aussi son cas, elle ne gardait guère de souvenirs de cette sortie... Elle se souvenait seulement des acclamations de la foule ainsi que du sourire doux que sa mère lui accordait pour la rassurer. Le cœur de la jeune fille se serra et un voile de peine passa discrètement sur son visage. Sa défunte mère... Aucun jour ne passait sans qu'elle ne la languisse.
- Où dormez-vous ce soir ? lui demanda Adélaïde en sortant une assiette et des couverts de son buffets.
- Votre chef m'a proposé un lit dans sa chambre d'hôte, lui répondit-elle sur un ton neutre. Je pense rester deux nuits tout au plus, puis je rentrerai avec votre mari s'il accepte de m'escorter.
Elle savait que Link bénéficiait d'une semaine de repos, mais elle ne pouvait se permettre de rester à Elimith aussi longtemps. Son devoir l'attendait au château. Elle devait bientôt se rendre à la source de la Force pour prier.
- Karl en serait très honoré, lui assura la châtaine. Voulez-vous goûter l'une de mes crêpes ?
Les yeux de la jeune fille s'agrandirent car elle ne s'attendait pas à cette proposition puis elle finit par accepter en lui témoignant sa reconnaissance. Zelda trouvait les gens de la campagne bien plus attentionnés et bienveillants qu'en ville, leur manière de parler était si conviviale et franche en comparaison avec celle des nobles de la cour. Link observa la princesse s'attabler devant lui et entamer son met avec une certaine retenue polie. Rapidement, elle fut conquise par ce plat si simple et pourtant si bon. Cela lui rappela quelques moments de son enfance quand l'une de ses domestiques lui en préparait pour ses petits-déjeuners.
- Délicieux... Vous feriez une belle concurrence aux crêperies de la citadelle, complimenta la blonde à l'adresse d'Adélaïde.
- N'exagérons rien, ce n'est qu'une recette de grand-mère, Princesse, répliqua avec humilité l'Hylienne profondément flattée.
Le prodige éprouva une certaine joie pour sa mère car son travail venait d'être reconnu par une personne de haut rang. Après tout, il ne faisait que découvrir une princesse proche de son peuple. Peut-être ce sentiment se confirmerait-il dans les semaines à venir. Link était loin de penser qu'elle se forçait à aller vers les différents Hyliens, mais il ne pouvait pas non plus écarter la possibilité que la princesse jouait un rôle. Cependant, cela lui paraissait tout de même peu probable...
Le soir même, Zelda se rendit dans la chambre qu'il lui avait été prêtée, lui permettant de se reposer de cette journée finalement éreintante. Elle se changea puis se glissa dans les draps en grelottant. À cette période de l'année, les nuits restaient fraîches, surtout dans les hauteurs. Mervin avait allumé la cheminée de la chambre d'hôte pour l'occasion et pour lui accorder le meilleur confort possible. Quelques minutes après avoir éteint sa bougie, Zelda entendit des craquements derrière la porte qui la tirèrent de son début de sommeil superficiel. Pourtant, elle n'en fut guère plus inquiétée car elle ne pressentait aucun danger. Mervin rangeait certainement les quelques outils agencés dans le couloir. Ce fut avec le cœur léger que Zelda s'endormit.
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Le jour suivant, le chef du village vint réveiller la princesse comme prévu et lui posa même sur le bureau le petit-déjeuner qu'il avait pris la peine de préparer. Elle le remercia pour ce geste attentionné et entama sa nouvelle journée avec bonne humeur. Zelda prévoyait de rendre visite à quelques artisans pour s'assurer qu'ils ne manquaient de rien puis d'aller voir les champs d'Elimith. Elle repartirait en début d'après-midi afin de rentrer au château avant la nuit tombée. La veille, elle avait fait la connaissance du chevalier Karl qui fut bouleversé de la voir. Il ne s'y attendait pas... Néanmoins, le blond accepta de la ramener jusqu'à la citadelle pour assurer sa protection. Avec Link au village, Elimith n'avait pas à s'inquiéter.
Zelda décida justement d'aller le saluer avant de commencer sa journée. De bon matin, elle traversa les rues presque désertes du village où la rosée était encore présente. Une légère brume planait au-dessus du sol. D'un pas tranquille, la jeune fille monta jusqu'à la maison de son chevalier servant et vit Adélaïde sur le seuil de la porte en train de balayer en chantonnant.
- Bonjour, Votre Altesse ! lui adressa la châtaine en s'arrêtant. Avez-vous bien dormi ?
- Oui, c'était très bien, répondit-elle en souriant.
À travers l'encadrement de la porte ouverte, Zelda aperçut une masse rouge affalée sur la table à manger, juste devant un bol et un pot de fleur. Elle fronça les sourcils et plissa les yeux jusqu'à reconnaître Link dans sa tenue hylienne quand elle fut assez proche de sa mère.
- Votre fils est malade ? demanda-t-elle, surprise de le voir ainsi.
Les yeux d'Adélaïde s'écarquillèrent, elle se tourna vers lui puis éclata de rire en comprenant. Par Nayru, non ! Link se portait très bien. L'hilarité de l'Hylienne dérouta quelque peu la princesse. Elle voyait bien le jeune homme dormir face contre table, les bras ballants. C'en était presque ridicule...
- Non, il récupère de la nuit qu'il a passée à monter la garde, lui apprit la châtaine après s'être calmée. Link est rentré il y a tout juste vingt minutes.
Zelda en fut d'autant plus surprise.
- Il a monté la garde ? Je pensais qu'il devait se reposer...
La mère de famille papillonna des yeux suite à ses questions mais finit rapidement par comprendre la situation.
- Mais vous le savez bien, Votre Altesse. Mon fils a demandé à Mervin s'il pouvait assurer votre sécurité pendant la nuit, lui dit-elle sur un ton étonné. Il n'a pas voulu m'en dire plus mais le fait que vous ne soyez pas aussi bien entourée qu'au château devait certainement l'inquiéter.
Cette nouvelle laissa la prêtresse royale sans voix. Même en permission, il persistait à assumer son devoir ? Cela la rendit mal à l'aise... Par sa faute, Link se fatiguait et ne pouvait profiter pleinement de cette semaine. Cela fit une raison de plus à la princesse pour rentrer. Adélaïde esquissa un doux sourire.
- Je pourrais lui poser la question quand il se réveillera, si vous le désirez.
- Ce ne sera pas la peine, lui assura Zelda en se tenant les mains. Je repasserai pour le saluer.
La châtaine lui demanda le programme de sa matinée, ce à quoi répondit la jeune fille. Elle lui énuméra tout ce qu'elle souhaitait faire, notamment observer certains métiers qu'elle jugeait peu connus à la citadelle.
- Puis-je vous y accompagner ? Je serai votre guide, proposa Adélaïde réjouie par l'idée d'aider sa future souveraine.
- Ce sera avec plaisir, affirma Zelda en souriant.
Ainsi, toutes deux partirent voir le meunier pour commencer la visite. Plusieurs moulins surplombaient le village dans les hauteurs, la plupart appartenait à un dénommé Calbert, un homme vigoureux et assidu dans son travail. Sur le chemin, Adélaïde en profita pour poser quelques questions sur son fils.
- Savez-vous si Link s'est bien intégré dans la garde royale ? questionna-t-elle en fixant le sol terreux. Quand j'ai appris que votre père, le roi, l'avait nommé capitaine, j'ai eu bien peur pour son avenir au château...
- De ce que j'ai pu constater, votre fils n'a pas l'air de se plaindre. De plus, ce n'est pas dans ses habitudes... pensa Zelda en baissant la tête.
La châtaine esquissa un sourire puis se frotta les bras quand le vent se leva.
- Hier après-midi, Link m'a rappelé qu'il était exclusivement sous vos ordres. Ma terrible inquiétude a fait que je l'avais oublié... soupira l'Hylienne avec une certaine peine. J'ai toujours craint de perdre mon fils depuis la perte de mon deuxième enfant lors d'une fausse couche.
Cette nouvelle choqua tant la princesse qu'elle tourna prestement la tête vers son interlocutrice, le teint pâle.
- Je... Je suis terriblement désolée... bredouilla Zelda qui ne pensait pas en venir à de tels aveux.
Elle déglutit avant de se risquer à poser une nouvelle question.
- Link est-il au courant ?
- Oui. C'est pourquoi la vie lui est si chère à ses yeux. Pour une raison que j'ignore, il s'en est toujours voulu.
Zelda trouva cela étrange étant donné qu'aucun des deux n'était responsable de la mort précoce du bébé... La jeune fille posa son regard sur le moulin qui se rapprochait peu à peu. Une interrogation la démangeait toujours.
- Pourquoi Link est-il si fermé ?
Cette question désempara Adélaïde car elle-même n'en connaissait pas les raisons. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'il était resté le même au moins jusqu'à son adoubement.
- N'hésitez pas à lui poser vous-même la question, Princesse, lui répondit-elle doucement. Après tout, il est le plus à même de vous en expliquer la cause. Il ne daigne rien dire à sa propre mère... Parfois, j'ai bien du mal à comprendre les hommes.
Zelda lui donna raison juste avant d'arriver au moulin. Calbert les accueillit avec joie et présenta aussitôt les lieux puis son métier à la princesse. Il était heureux qu'elle s'y intéresse. Ce n'est pas tous les jours qu'on recevait la visite princière ! La future reine alla ensuite voir l'éleveuse du village, encore plus haut, qui lui montra fièrement les bêtes de son troupeau. Toutes avaient un œil vif reflétant leur excellente santé. Rien à voir avec les vieux bovins que l'on trouvait aux abords de la citadelle. Zelda la félicita pour les très bons soins et tout le temps passé auprès des animaux pour qu'ils soient aussi épanouis. Elle dut toutefois refuser le lait que la bouvière voulait lui offrir car elle y était intolérante...
Après cela, Adélaïde dut quitter l'hôte de son village pour préparer le repas de midi. La princesse la remercia pour cette belle et calme matinée partagée ensemble puis elle décida d'aller voir les champs de céréales pour profiter de la dernière heure qu'il lui restait. Zelda descendit le long d'un petit chemin tracé par la répétition de pas jusqu'à ce qu'elle arrive au lieu en question. Florine s'occupait d'arracher les mauvaises herbes qui avaient repoussé, accompagnée de Jeannot et de leur ami d'enfance, Link. Ce dernier s'était porté volontaire pour les aider à travailler la terre, c'est pourquoi il creusait le sol à l'aide d'une bêche en synchronisation avec son ami. Il était toujours vêtu de sa tenue hylienne rouge dont il avait retroussé les manches à force de travailler. Malgré l'air frais, le chevalier ne semblait pas dérangé.
Link avait dormi quelques heures avant de rejoindre ses anciens camarades. Midi approchait de plus en plus, la pause arrivait bientôt. Le jeune homme se releva en soufflant fortement à cause des douleurs dans son bas-dos. Rester courbé pendant près d'une heure, ce n'était guère agréable... Il planta son outil dans le sol puis, du dos de sa main, il essuya son front en sueur et aperçut enfin la princesse qui les observait en retrait. Le blond ne s'attendait pas à la voir ici.
- Bonjour, dit-elle en les rejoignant finalement.
Les deux autres villageois levèrent la tête pour la saluer puis ils se remirent rapidement à leur tâche.
- Merci d'avoir veillé sur moi cette nuit, dit Zelda à l'adresse de son chevalier servant. C'était très généreux de ta part.
Elle lui accorda un sourire discret pour garder une certaine intimité vis-à-vis des deux inconnus.
- Tu n'étais pas obligé de le faire, ajouta-t-elle quand elle ne vit aucune réaction de la part de Link.
Il regarda un court instant sur le côté certainement par modestie, pensait la princesse.
- Avez-vous passé une bonne nuit ? lui demanda-t-il après plusieurs secondes de silence.
- Oui, je te remercie, le gratifia-t-elle avec reconnaissance.
Les coups de pioche de Jeannot furent les seuls bruits qui les accompagnèrent quand ils ne surent quoi se dire. Quelle étrange atmosphère... Zelda se sentait un peu inconfortable. Cela dut se remarquer car elle se frottait nerveusement un bras.
- Je vais bientôt repartir pour le château. Il faut que j'aille préparer mes affaires, annonça Zelda en ayant un mouvement de recul.
- Je vous raccompagne.
Son ton déterminé parvint à surprendre Zelda. Enfin, cela l'importait peu. Le simple fait qu'il l'escorte jusqu'à la maison du chef lui faisait plaisir. Link se tourna vers ses deux amis :
- Je reviens, dit-il simplement à leur adresse.
Le jeune homme laissa sa bêche sur place puis emboîta le pas de la princesse quand elle partit vers le village. Il se demandait bien qui avait pu lui parler de sa garde nocturne. Il n'avait guère voulu embarrasser la fille du roi en lui proposant ses services. Une fois qu'ils furent assez loin du champ, Zelda se tourna vers lui et lui adressa un regard interrogateur qu'il ne parvint à décrypter.
- Link, je me demandais... commença-t-elle avec hésitation.
L'air impassible du jeune homme l'incita pourtant à continuer, comme s'il l'encourageait à poursuivre.
- Pourquoi parles-tu si peu ? Pardonne ma remarque mais tu paraissais plus expressif, enfant. J'ai eu l'occasion de parler avec ta mère, elle m'a dit que tu t'étais renfermé sur toi-même.
Le ventre de Link se tordit désagréablement, il éprouva un certain mal-être en repensant aux raisons de son mutisme. À l'origine, c'était un choix, devenu peu à peu une habitude dont il peinait à sortir. Il s'était cadenassé dans sa propre carapace.
- Je... débuta Link qui prenait grandement sur lui pour parvenir à lui expliquer.
Mais c'était si dur...
- Je ne te jugerai pas, lui promit Zelda qui voulait l'aider à surmonter ses problèmes s'il le désirait.
Elle voyait bien que Link n'était pas à l'aise.
- La pression de mon devoir est si importante... que le silence est devenu mon seul refuge, avoua-t-il enfin. Toutes ces personnes qui attendent de moi, tous ces nobles qui m'observent et qui n'attendent qu'un faux pas de ma part pour m'humilier et m'écarter... Le moindre mot, la moindre maladresse m'effraie. En fin de compte, que je parle ou non, je ne parviens plus à m'exprimer.
Sa voix se perdit dans un murmure qui entraîna un pincement au cœur au sein de la poitrine de Zelda. Alors lui aussi subissait la pression de son destin... Le regard des autres provoquait chez lui un mal-être qu'elle ne pouvait comprendre. En effet, pour la princesse, il était durement imaginable qu'un chevalier hors pair de sa catégorie puisse être durement jugé ou rejeté pour quelques maladresses. Ce qu'elle entendait, c'était le fait qu'il ne soit pas issu de la noblesse. La différence de classe sociale rajoutait une barrière et un point négatif pour lui aux yeux des nobles. Ces stupides nobles... Il n'y avait que leur titre qui leur importait.
Zelda fit quelques pas pour s'approcher de lui mais le jeune homme eut un mouvement de recul en l'observant avec méfiance. Le fait de s'être ouvert ainsi lui donnait l'impression d'être en position de faiblesse. Cela affecta la princesse qu'il garde autant ses distances. Mais elle était consciente que c'était normal au vu de leur relation. La princesse étant de très haute classe, Link devait respecter la distance entre eux.
- Je ne sais pas quoi te dire... prononça Zelda après une longue minute de lourd silence.
Effectivement, elle ne savait comment agir après cet aveu de sa part. La blonde était même peinée de voir les effets néfastes de la cour, mais aussi du destin qui leur était imposé.
- Si l'on ose te reprocher la moindre chose, viens me trouver et j'essaierai d'arranger la situation.
- Ne vous embarrassez pas avec ces histoires, Votre Altesse, la pria Link en détournant le regard, le visage d'autant plus fermé.
Navrée, Zelda fronça les sourcils, prête à intervenir, mais elle préféra s'abstenir car cela paraissait vain face à l'humeur de son chevalier servant. Lui qui avait eu la gentillesse de la raccompagner avant son départ, le voilà affligé par la dure réalité qui le poursuivait sans cesse. Certes, la jeune fille apprenait à mieux le connaître mais elle n'en tira que la honte d'avoir trop voulu savoir. Elle s'excusa pour son impolitesse puis affirma à Link qu'elle ferait le reste du chemin toute seule.
Le prodige la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision. Il soupira en replaçant ses manches correctement car sa température corporelle commençait déjà à chuter après sa pause, puis il retourna au champ pour terminer sa tâche matinale. Link avait été pris au dépourvu par la question de la princesse. Sans doute avait-il donné une réponse trop froide à son goût...
Peut-être qu'un jour, s'il triomphe du retour du Fléau, il parviendrait à redevenir comme le petit garçon qu'il était.
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