Chapitre 15
Code d'honneur du chevalier :
13. Le chevalier est le serviteur de toute créature souffrante, le défenseur de tout opprimé. Il doit donner sa force et sa vie sans compter pour vaincre la souffrance et l'opposition, sans attendre rien en retour.
oOo
De bon matin, Link marchait d'un pas rapide à travers les couloirs du rez-de-chaussée du château. En tant que capitaine de la garde royale, il avait été convoqué pour régler un différend qui venait tout juste d'avoir lieu entre deux de ses semblables. Le chevalier devait se dépêcher car il fallait ensuite rejoindre la princesse Zelda afin d'assurer sa sécurité. Link arriva dans la salle commune des gardes royaux et les trouva assis chacun à l'opposé, l'un tournait le dos à son supérieur qui venait d'entrer.
- Que se passe-t-il ? demanda aussitôt le jeune homme en croisant les bras.
Le garde qui n'était pas de dos se leva, indigné, et pointa du doigt son homologue.
- Il m'a humilié en public ! s'emporta-t-il. Tout cela pour attirer l'attention de Sa Majesté !
L'expression de Link devint d'autant plus fermée en l'apprenant. Quelle était donc cette histoire indigne de leur titre ? L'autre garde royal, un homme chauve dont le béret couvrait son crâne, se tourna enfin et serra les poings.
- Cesse un peu tes mensonges, veux-tu ? Tu es responsable de ce qu'il s'est passé. Si tu n'avais pas clamé haut et fort que les soldats n'avaient aucun mérite, je ne t'aurais pas remis à ta place.
- Tu m'as littéralement fait tomber au sol avant de te moquer de moi devant tout le monde, enfoiré !
Le jeune capitaine vit les deux hommes se jeter l'un sur l'autre pour en venir aux poings. Une vive colère lui tordit le ventre, son indignation n'arrangea rien. D'un coup, il empoigna l'un des gardes puis le força à reculer dans un geste brusque, jusqu'à l'obliger à s'asseoir sur l'un des fauteuils. Ou plutôt, l'homme fut presque jeté dedans et tomba lourdement dessus après avoir étouffé une plainte rauque. Aussitôt, Link tourna la tête vers le deuxième garde puis lui adressa un regard dur.
- Avez-vous oublié où vous êtes ? leur demanda-t-il sur un ton sec. Vous devriez avoir honte d'un tel comportement.
Ses deux semblables rivèrent leur regard au sol ou bien sur le côté.
- Un garde royal se doit de rester humble dans ses propos et dans ses actions. En aucun cas il ne peut se donner le droit de juger les autres guerriers, sous prétexte que leur titre n'a pas autant de prestige que le sien.
Link dévisagea maintenant celui qui avait fait tomber son camarade pour lui attirer la risée du roi et des autres gardes royaux.
- L'humiliation pour punir n'est pas une méthode que je peux approuver. En tant qu'adulte, vous devriez avoir la sagesse de faire comprendre à autrui si des propos ne sont pas acceptables. Vous êtes tous les deux fautifs et je désapprouve vos agissements. Maintenant, comportez-vous comme votre titre vous l'oblige et apprenez de cette leçon.
- Oui, Capitaine... prononcèrent-ils à mi-voix.
- Bien. Maintenant, retournez à votre poste. Je ne peux pas me permettre de perdre plus de temps avec des querelles pareilles.
Sur ce, il tourna les talons et regagna le couloir qui lui permettrait de rejoindre la princesse. Le personnel du château s'activait et tâchait de ne pas bousculer Link sur leur chemin. Le jeune homme ne leur prêtait guère plus d'attention, il réfléchissait déjà au programme de sa propre journée. Sans s'y attendre, il croisa Impa en sens inverse, tenant entre ses bras une pile de quatre gros ouvrages. La Sheikah s'arrêta et lui offrit un sourire avant de le saluer.
- Tu as l'air fatigué, Link, remarqua-t-elle ensuite en regagnant une expression neutre.
- Je viens de régler une affaire dont j'aurais préféré ne pas m'occuper.
Impa soupira, elle se décala sur le côté et se montra un instant pensive.
- Tu devrais peut-être essayer de méditer. Je suis certaine que cela pourrait te détendre un peu. Crois-moi, tu ne le regretteras pas.
Méditer ? Voilà bien une activité que Link n'avait jamais pratiquée. Est-ce que cela consistait à rester immobile en attendant qu'il se passe quelque chose ? Le prodige ne put avoir de réponses car Impa dut se soustraire à lui et ranger ses livres à leur place. Il alla donc prendre son petit-déjeuner puisque les événements matinaux ne le lui avaient pas encore permis. Il s'était levé plus tôt que prévu, les résidents du château se réveillaient à peine à ce moment-là. Link rejoignit la salle à manger royale où il prenait ses repas dorénavant. Les cuisiniers, éveillés depuis longtemps à cause de leur fonction, avaient déjà disposé les premiers mets sur la table. Le jeune homme devait se l'avouer : il mangeait bien mieux depuis qu'on avait tenté de l'empoisonner. Il n'avait d'ailleurs aucune nouvelle du Yiga capturé par Impa. À l'heure actuelle, l'assassin devait sans doute croupir au fin fond de la prison de la forteresse.
Un quart d'heure plus tard, la princesse arriva à son tour, talonnée par sa nourrice qui avait fini sa tâche, et vint prendre place à quelques chaises de Link, par convenance.
- Bonjour, dirent en même temps les deux élus.
Ils s'échangèrent le premier regard de la journée, Zelda esquissa un sourire et commença son repas. Ce matin, elle avait prévu de poursuivre ses études dans la bibliothèque en fouillant dans les anciennes archives, comme elle en avait déjà l'habitude. Il lui arrivait de trouver des informations intéressantes qui, pour la plupart, la guidaient dans ses recherches. Et l'après-midi, la prêtresse royale irait prier à la source sous le château.
- Impa, est-ce que ta sœur a fini d'enquêter sur le Sanctuaire de la Renaissance ? la questionna Zelda après s'être essuyée la bouche.
Le chevalier tendit l'oreille.
- Elle devrait revenir demain avec ses analyses mais ses conclusions seront bien plus tardives. Pru'ha m'a envoyé une lettre où elle me parlait d'une découverte qui dépasse l'entendement, sans m'en dire plus, lui apprit la Sheikah. Je suis curieuse d'en savoir davantage.
- Moi aussi, c'est un lieu qui renferme bien des mystères. Peut-être a-t-il un lien avec les Créatures Divines ? Il a l'air de dater de la même époque.
Impa acquiesça, c'était fort possible, en effet. Toute hypothèse restait bonne à prendre. La Sheikah reporta son attention sur Link qui paraissait soucieux. Il ne cessait de fixer intensément le bout de sa fourchette.
- Quelque chose ne va pas, Link ? s'étonna Impa.
Elle trouvait cela bien étrange de le voir ainsi car ce n'était point dans ses habitudes. Le blond leva la tête, pris sur le fait, et fit signe qu'il n'y avait aucun problème. En vérité, il repensait à la proposition de méditation. Cela l'intriguait. Une fois leur petit-déjeuner terminé, les deux élus quittèrent la conseillère du roi pour se rendre à la bibliothèque. Là-bas, Zelda se dirigea sans tarder vers l'étagère qui l'intéressait tandis que son chevalier servant choisissait un livre au hasard pour s'occuper. Il fut le premier à prendre place à une longue table de bois au milieu de la bibliothèque. Une forte odeur de vieux livres planait et donnait une ambiance singulière et plaisante. C'était reposant, il n'y avait pas d'autres mots. Quelques minutes plus tard, la princesse s'attabla en face de lui et posa un gros volume devant elle, tout poussiéreux.
Link fut totalement plongé dans le livre qu'il parcourait. C'était un recueil de nouvelles sur l'aventure de divers chevaliers qui tentaient d'accomplir leur mission auprès de leur seigneur. Tous avaient un vécu différent et riche en événements bouleversants. L'Hylien était captivé. Au bout de quelques heures, il releva la tête pour observer les environs : il n'y avait pas foule dans la bibliothèque, seulement des lecteurs isolés çà et là. Son regard dévia sur Zelda. Elle lisait attentivement son ouvrage et n'hésitait pas à prendre des notes quand elle les jugeait importantes. La princesse était vraiment concentrée. Sentant qu'on l'épiait, elle leva les yeux et vit qu'il ne s'agissait que de son compagnon.
- Qu'est-ce que tu lis ? demanda-t-elle en souriant.
- Les chevaliers d'Aubry, répondit Link qui espérait que son attitude ne soit pas mal interprétée.
Son nom évoqua quelques souvenirs à la blonde.
- Je l'ai lu quand j'étais enfant, chuchota Zelda pour ne pas déranger les autres. L'histoire sur le chevalier Ichard m'avait particulièrement touchée, notamment quand il a perdu son meilleur ami dans la bataille de Foiseuilles.
- C'est vrai, l'approuva Link en jetant un bref coup d'œil à son livre. Je n'aurais pas voulu être à sa place.
À son tour, il analysa la première de couverture du livre de sa damoiselle.
- Ce sont les témoignages qui auraient circulé de bouche à oreille jusqu'au millénaire dernier, lui apprit-elle. Je doute de la véracité de certains mais j'ai quand même trouvé quelques descriptions de Ganon.
Son regard glissa vers l'une de ses feuilles et elle lut :
- Il est dit qu'il avait une apparence animale. Aucun témoignage ne s'accorde sur sa nature mais il était probable qu'il ait eu une forme bovine. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas une pintade.
Link comprit à quoi la princesse faisait allusion et cela le fit sourire d'embarras. Elle disait cela pour l'embêter, c'était sûr.
- Cela ne m'aurait pas déplu, répondit-il sur le même ton.
La princesse mima d'être choquée par ses paroles en reculant dans sa chaise. Elle fronça les sourcils.
- Voyons, Link. On ne plaisante pas avec ce genre de chose... Et dire que Daruk craint qu'il se réincarne sous forme de chien.
- Dans ce cas, Revali peut craindre pour ses plumes.
Les sourcils de la jeune fille se haussèrent de stupéfaction. Elle ne s'attendait pas à ce que Link envoie une pique sur le prodige piaf, c'était inhabituel. Involontairement, elle eut un rire étouffé pour ne pas gêner les autres occupants de la salle.
- Vraiment, tu ne manques pas d'audace pour dire cela, sourit-elle en posant sa tête sur sa main.
Zelda avait accoudé son bras sur la table et accordait un regard malicieux à son chevalier servant. Ce dernier, justement, se crispa et se détourna un court instant. L'insistance de la princesse le rendait presque confus.
- Me serais-je trompée sur ton compte, une fois encore ? s'interrogea-t-elle à voix haute, faussement pensive. Ce pauvre Revali ne mérite pas de finir sous les crocs d'un canidé...
- Excusez-moi... bafouilla Link en baissant la tête.
Elle fut désemparée par sa réaction, ses sourcils se froncèrent en conséquence.
- Tu n'as pas à t'excuser pour si peu, le rassura Zelda en quittant son appui sur sa main. Je ne te sermonnais pas.
La princesse se rendit alors compte que le regard de son camarade avait quelque peu changé. Il paraissait plus perdu qu'habituellement. Link semblait chercher quelque chose.
- Toi, tu me caches ce que tu as sur le cœur, suspecta-t-elle en s'avançant vers lui. Que se passe-t-il ?
Le jeune homme, pris sur le fait, déglutit. Il hésitait à en parler, ce qu'il finit par faire car la princesse insistait.
- J'aimerais essayer de méditer, avoua-t-il, une main sur la nuque.
- Méditer ? répéta Zelda, abasourdie. Pourquoi donc ?
Cela, Link ne voulait pas encore lui dire tant que rien n'était mis au clair.
- J'ai... besoin d'entrer en paix avec moi-même, mentit-il.
Il avait honte de lui dire que cela pourrait le détendre et lui faire oublier quelques instants les lourdes charges qui reposaient sur ses épaules. Mentir à sa damoiselle, voilà qui allait à l'encontre de son code de chevalier servant. Link n'aimait pas les mensonges. Pourtant cette réponse satisfit la princesse.
- Impa t'a parlé des bienfaits de la médiation ? lui demanda Zelda, intéressée. Elle est la première à en vanter les mérites.
Link le lui confirma mais il ne s'attarda pas plus sur le sujet et tous deux reprirent leur lecture. Zelda se dit qu'elle pouvait peut-être lui apprendre s'il le voulait bien.
oOo
Le reste de la matinée passa lentement, la princesse n'avait pas eu un nombre d'informations assez important, comme elle le souhaitait. Mais il fallait s'y attendre... Retrouver des témoignages d'il y a dix mille ans, c'était comme chercher un grain de sable au milieu du désert gerudo. Après le repas de midi, Zelda se vêtit de sa tenue de prêtresse et descendit dans les sous-sols avec Link. Il avait pris sur lui la miniature où ses parents étaient peints pour lui tenir compagnie durant la longue prière. Cela lui permettrait d'être moins seul pendant l'état de transe de la princesse. Il pourrait se rappeler de son enfance et imaginer le futur où il reviendrait à Elimith. Il ferait bâtir sa maison sur la colline, pas loin d'une des fermes. De cette hauteur, il pourrait aisément surveiller les alentours de son village.
Les jeunes gens arrivèrent devant la lourde porte en bois, Link l'ouvrit pour épargner cette peine à la princesse puis ils s'introduisirent dans la cavité creusée à même la roche. L'air y était toujours aussi frais et pénétrant... Le prodige frissonna en observant Zelda entrer dans l'eau froide. Toujours par convenance et déférence, Link s'assit dos à elle en tailleur. Au bout d'une quart d'heure, la prêtresse royale entra en transe et Fay le fit savoir à son maître. Mais celui-ci était déjà plongé dans ses souvenirs :
Vers ses neuf ans, il appréciait tout particulièrement s'imaginer sauver son village d'une attaque de monstres aux dents acérés et aux épées démoniaques. D'une certaine manière, c'était ainsi qu'il s'entraînait à devenir chevalier et à en apprendre les valeurs.
- Je sors ! avertit-il sa mère pour ne pas qu'elle s'inquiète.
- D'accord, mais ne rentre pas trop tard, répondit Adélaïde qui cousait une nouvelle chemise de lin pour son fils.
Link sortit en trombe de sa maison et courut en direction du village, son épée de bois accrochée à la ceinture. Il dévala les escaliers menant à la rue principale puis se déplaça entre les différentes maisons, enthousiaste à l'idée de sauver tout le monde d'une menace irréelle.
- Eh, Link ! l'appela Jeannot de sa petite voix fluette.
Le blond s'arrêta pour attendre son ami.
- Tu vas où ?
- Il y a des ennemis sur la plage ! Je vais les pourfendre avant qu'ils n'arrivent. Tu veux m'aider ?
Jeannot hocha vigoureusement la tête, les yeux pétillants. Tous deux se mirent à courir en criant vers la plage, ce qui exaspérait les adultes qui passaient non loin d'eux. Ah, la jeunesse... pensaient-ils en reprenant leurs activités. Les deux preux gravirent le chemin qui menait à l'océan puis redescendirent de l'autre côté de la colline en poussant des exclamations. Sur le banc de sable, ils aperçurent une fillette qui n'était autre que Florine et qui fabriquait une maison miniature avec les moyens du bord, notamment du sable.
- Regarde, un troll ! s'écria Jeannot en la pointant du doigt. Faut l'éliminer !
- Fais attention, il a déjà construit un camp pour accueillir ses semblables malodorants.
Florine les foudroya du regard en se relevant, visiblement très en colère. Elle croisa les bras.
- Non mais ça va pas ? Je vous dérange, peut-être ? leur lança-t-elle sèchement.
Leur amie n'aimait jamais quand ils se lançaient dans ce type de jeu.
- Un troll qui parle ! Prends garde, Link ! Elle va te lancer un sortilège !
Le blond dégaina son épée de bois et la pointa vers son "ennemie". Il fit alors une série de mouvements au premier abord fort impressionnants pour son âge mais Florine le regarda d'un air las.
- C'est bon, tu as fini de faire le pitre ? J'aimerais finir ma maison de sable.
- Je t'ai pourfendue, lui apprit Link avec fierté.
Elle ricana.
- Bah non, je vais très bien, regarde !
Florine lui tira la langue et lui tourna le dos. Jeannot fut outré.
- T'as vu ! Tu l'as mal tuée, elle vient de te lancer un sort !
Le visage du blond se contracta aussitôt, il plaqua une main au-dessus de son cœur en grimaçant puis fit quelques pas en arrière avant de tomber à la renverse dans le sable.
- Link !! paniqua son ami en se jetant à ses pieds. Non, tu as été touché !
Mimant la souffrance, le fils de Karl entrouvrit les yeux et regarda avec difficulté son compagnon de jeu. Il lui prit la main et la serra.
- Fuis, camarade... prononça-t-il difficilement. L'ennemi est trop fort, tu vas y passer aussi...
- Je pars pas sans toi ! Tu sais quoi, je vais te venger ! Je vais éliminer ce troll une bonne fois pour toute, tu peux partir en paix, lui promit-il avec émotion.
Link esquissa un sourire mêlé à une grimace puis il ferma les yeux. Quand il entendit son ami courir vers Florine, il releva une paupière pour assister à l'ultime combat. Le roux poussa un cri et se jeta sur son amie qui fut poussée la tête la première dans sa construction de sable. Inutile de dire à quel point elle fut furieuse par la suite et ne manqua pas d'envoyer paître les deux garçons.
En se souvenant de cette bêtise de leur part, Link esquissa un sourire et soupira. Il n'avait pas été très malin ce jour-là. Avec Jeannot, ils ne s'étaient pas rendus compte qu'ils avaient fait du mal à leur camarade. Et puis enfoncer la tête de quelqu'un dans le sable, cela restait dangereux...
Quelques heures plus tard, Zelda finit de prier et rouvrit les yeux après avoir faiblement soufflé. Toujours aucun signe de son pouvoir... Ses tentatives restaient vaines. Elle sortit de l'eau, s'enveloppa dans un linge sec, toujours à sa disposition, puis vint vers Link. Quand il voulut se relever, la princesse le pria de rester assis, ce qui le surprit.
- Je vais t'apprendre à méditer, concéda-t-elle. Je suis encore un peu sous l'effet de ma précédente transe, je pourrai mieux te guider.
- Vous en êtes sûre ?
Elle opina puis prit place devant lui.
- Tu dois fermer les yeux pour mieux te focaliser sur toi-même, énonça Zelda à travers une expression sérieuse. Oublie l'environnement qui t'entoure, ne pense plus aux bruits ni aux odeurs. Tu dois être le centre de ton attention.
Link s'exécuta et ferma les yeux. Il essaya d'effacer tout ce qui pouvait le déranger pour ne penser qu'à son but. Seulement, que devait-il faire après cela ? Le prodige était perdu car il n'avait pas connaissance de la suite. Le moindre son le tirait de ses pensées, la moindre goutte d'eau qui s'écrasait au sol, la moindre vibration provenant du château... Zelda le remarqua aisément car le jeune homme avait de légers tressaillements. Elle se devait de l'aider puisque Link semblait tant tenir à cette méditation.
Lorsqu'il sentit des doigts froids se refermer sur les siens, le chevalier sursauta et les tira prestement vers lui, les yeux écarquillés. Ce geste blessa Zelda, comme toutes les fois où elle avait tenté de le toucher pour regarder l'état de ses blessures. Mais pour Link, ce n'était pas décent pour elle de faire une telle chose.
- Pourquoi fais-tu cela ? demanda-t-elle d'une petite voix. Je ne vais pas te donner la peste.
- Ce n'est pas ce que vous croyez, Votre Altesse, se défendit-il avec nonchalance. Je ne trouve pas cela convenable.
Encore cette excuse ? Zelda commençait à la supporter de moins en moins. Certes, elle était la fille du roi. Mais elle restait une personne normale à part entière.
- Il ne t'arrivera rien, le rassura-t-elle finalement. Je te considère comme un ami. J'ai pleinement confiance en toi et je t'ai partagé des choses que peu de personnes savent.
Cette nouvelle s'abattit sur les épaules du jeune homme. Tout simplement car jamais il n'aurait pensé qu'une telle chose serait possible si bien qu'il ne savait comment réagir. Elle était la princesse, et il la considérait comme telle. Mais... Avait-il seulement le droit de la voir comme une amie ? En fin de compte, peut-être que Link la considérait déjà ainsi. Son immobilité fit soupirer Zelda.
- Bon, ne fais pas l'enfant et donne-moi tes mains. Je vais t'aider d'une autre manière.
- Mais ce...
Elle lui adressa un regard ferme.
- Si tu parles encore de convenance, je dis aux cuisiniers de ne te donner qu'un bouillon ce soir.
Link déglutit.
- À vos ordres, furent ses seuls mots avant de tendre ses mains.
Voilà une réponse qui adoucit les traits de la princesse. Elle entoura ses mains des siennes. La différence de température fit frémir Link. Lui, il n'avait pas passé des heures dans l'eau froide... Il sentait d'ailleurs son cœur battre plus fort dans sa poitrine, et il assimila cela à la pression qu'il avait. Si jamais on les trouvait ainsi... Link ne voulut pas y penser. Il ferma à nouveau les yeux pour se reconcentrer. Étonnamment, il se sentait apaisé ; une aura reposante et familière vint l'entourer et partait de la princesse. Elle s'était replongée dans son précédent état pour lui permettre de faire de même. Link n'eut pas le temps d'analyser la situation qu'il se sentit chuter en arrière.
Il fut dans un état de conscience déstabilisant. Ses sens ne répondaient plus à ses sollicitations, il était comme enfermé dans une pénombre nouvelle et effrayante. C'était à la fois reposant et rassurant... Link se confrontait à lui-même, il avait tout le loisir de se focaliser sur sa personne et de profiter de cet instant de flottement sans qu'on vienne le perturber. Au moins, il ne percevait plus le poids de ses soucis pour le moment, ni même de celui de ses devoirs. Combien de temps resta-t-il ainsi ? Impossible de le savoir.
Plus tard, Link émergea et rouvrit les yeux. Il retrouva les sons de la cavité rocheuse et les bruits de l'eau. Le froid sous ses cuisses ne mentait pas non plus. Tous ses sens étaient revenus. En face de lui se trouvait le visage impassible de la princesse. Elle était si calme, le chevalier fut étonné qu'elle n'ait pas ressenti son éveil. Avec une certaine lenteur, Zelda ouvrit les yeux et ancra son regard dans le sien. Pendant un long instant, ils s'observèrent sans rien dire, encore sous l'effet de l'hypnose. La princesse se souvint subitement qu'elle lui tenait les mains et les lâcha aussitôt, confuse. Dignement, elle se releva, imitée par Link, puis enroula mieux son linge autour de ses épaules pour se réchauffer.
- Alors, tu as réussi ? le questionna-t-elle.
Elle avait peur que ce ne soit pas le cas.
- Oui. Je vous en remercie.
Link repensa à ce qu'il venait d'expérimenter. C'était vraiment intéressant à vivre, il se sentait plus léger bien qu'un peu fatigué. Peut-être recommencerait-il un jour ? Pas de sitôt, en tout cas. Et l'aide de la princesse avait été précieuse.
- Retournons aux étages supérieurs, proposa Zelda qui frissonnait à cause de sa robe mouillée. Je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes ici, mais cela doit ressembler à plusieurs heures.
Son chevalier servant ne se fit pas prier et tous deux s'engouffrèrent dans le couloir.
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