Chapitre 24 : Nicolas
Nicolas vit les autres groupes s'éloigner du sien, et personne ne bougea pendant quelques secondes. Et puis, lorsqu'ils furent seuls, Colin lança :
- Bon eh bien... Allons chercher Scarlett.
- Pourquoi perdre du temps, ne put s'empêcher de ricaner Nicolas. On sait tous ici qu'elle est morte.
Cléa lui lança un regard amusé, auquel il ne retourna qu'un sourire froid.
- Il y a peut être encore de l'espoir... tenta doucement Colin.
- Clairement, non, rétorqua Cléa. Dis-moi petit, est-ce qu'Adrien est réapparu depuis qu'on n'a plus eu de nouvelles de lui dans l'ascenseur ?
Le grand brun ne répondit pas. La réponse était évidente, même pour un optimiste comme lui.
- L'heure tourne, lâcha Nicolas dans un soupir. Si on ne se remet pas à chercher, on a des chances d'y passer aussi.
Gabriel leur lança un regard amusé, et Colin proposa de déambuler dans les couloirs afin de chercher les enveloppes. Le plus jeune prit donc du recul comme à son habitude, tandis que Cléa partait chercher dans son coin sans un mot.
Nicolas observa Colin de biais, tandis qu'il marchait à ses côtés. Lui qui n'était déjà pas très sociable, il n'avait à ce moment aucune idée de la manière à suivre pour entamer une conversation. Bien sûr, ils avaient eu le temps de discuter brièvement du secret du blond depuis qu'il avait été dévoilé. Mais le plus petit se sentait toujours mal à l'aise, sans toutefois le montrer.
Colin s'était avéré très compréhensif, comme il l'avait prédit. Il ne lui en avait même pas voulu de n'avoir jamais parlé de sa maladie, malgré leurs nombreuses années d'amitié. Et Nicolas lui en était reconnaissant.
Il se sentait toujours aussi sale, et à présent que la classe connaissait son secret, ses mitaines n'étaient qu'une maigre protection face au regard des autres. La seule consolation de Nicolas résidait dans le fait que la classe semblait bien plus occupée à chercher les enveloppes et protéger leurs propres secrets que de s'occuper du sien.
Seule Scarlett semblait bien s'amuser à ramener l'attention sur ses mains malades, mais à présent qu'elle était sûrement morte, ce n'était plus un problème. Au final, ça l'arrangeait bien que ce soit elle, la nouvelle victime...
Perdu dans ses pensées, Nicolas faillit sursauter quand Colin chuchota à son oreille :
- C'est peut-être le moment de... donner l'enveloppe ?
Nicolas se tourna face à son ami, de son éternel air glacial.
- Je ne sais pas, répondit-il.
- On n'a rien dit devant les autres parce qu'on considérait que ça ne les concernait pas, et qu'on devait parler à... au propriétaire de cette enveloppe. C'est peut-être le moment ?
Nicolas dodelina doucement de la tête.
- Je me demande maintenant si c'est une bonne idée. On n'a aucune idée de si on peut lui faire confiance.
- Nicolas... On a dit qu'un donnerait les enveloppes si on en trouve, si quelqu'un était à notre place et avait trouvé la mienne je préfèrerais qu'on me la donne...
- Parce que toi aussi tu caches des choses, Colin ?
Le regard que son meilleur ami lui lança troubla Nicolas. Il semblait à la fois honteux, perdu et désespéré. Comme s'il voulait coûte que coûte protéger son secret.
Mais après tout, le blond ne pouvait rien lui reprocher. Il avait bien caché une partie de sa vie depuis des années à son ami de toujours.
- Ok, céda Nicolas dans un soupir.
Il retira l'ourlet de sa chemise de son pantalon, et récupéra l'enveloppe qu'il avait coincé entre la ceinture et son torse. Puis, après s'être rhabillé, il se tourna face à Gabriel et Cléa qui semblaient marcher le plus loin possible de l'autre.
- Avec Colin on a trouvé une enveloppe quand nous étions tous les deux.
Gabriel et Cléa levèrent les yeux, et lorsqu'ils virent l'objet, ils échangèrent un bref regard. Nicolas fit un pas dans leur direction, plongea sans ciller ses yeux de givre dans ceux de Cléa, et lui tendit l'enveloppe.
- Elle est à ton nom. On estime qu'elle t'appartient, ainsi que le choix de lire ce qu'elle contient.
Cléa fixa le morceau de papier une seconde en silence, avant d'offrir un sourire froid au garçon et de s'approcher pour saisir son enveloppe.
- Merci, dit-elle simplement.
Nicolas la vit garder son enveloppe à la main, et cesser de la regarder alors que Gabriel lui, ne lâchait pas la jeune fille des yeux.
- On ne t'en voudras pas si tu ne veux pas l'ouvrir, commença doucement Colin, qui ne semblait pas savoir comment s'y prendre avec elle. Je veux dire... Ça ne concerne que toi.
Cléa sourit à Colin, d'un air assez faux.
- Ne t'en fais pas. Je ne compte pas l'ouvrir.
- Oh, allez Cléa, ricana Gabriel d'un air mesquin. Ose nous dire que tu n'es pas curieuse.
La jeune fille aux longs cheveux platine se tourna avec malice face au garçon aussi sombre qu'elle était lumineuse, et elle rétorqua avec un sourire :
- Curieuse ? Je n'ai rien à cacher qui puisse vous intéresser. Toi, en revanche...
- Dans ce cas, répondit Gabriel sur le même ton, tu devrais être encore plus curieuse de savoir ce que M a bien pu inventer sur toi.
- Oh ! s'exclama Cléa en riant. Dopage, prostitution, deal, trafic d'organes... M a pu inventer n'importe quoi sur moi avec mon profil. N'importe qui pourrait le croire.
Nicolas observa Cléa de biais.
Il était clair que quoi que puisse dire M à son propos, il serait forcé de le croire. La jeune fille avait le profil parfait d'une délinquante, bien que personne ne l'avait jamais vu faire autre chose que provoquer des élèves et des professeurs.
Il était donc logique que Cléa n'avait plus rien à cacher, et qu'elle se fichait de ce que M pouvait bien raconter à son propos. Elle semblait même la seule à être sereine vis à vis de ses secrets, et Nicolas se surprit à la jalouser.
Il ne savait pas si son calme et sa sérénité étaient réels ou joués, mais il aurait de toute évidence aimé pouvoir l'imiter.
- Bon, nous n'avons qu'à continuer à chercher les enveloppes, proposa Colin.
- On pourrait passer d'abord par les toilettes où Scarlett était, renchérit Cléa.
- Je croyais que ça ne servait à rien de la chercher puisqu'elle est morte, rétorqua Gabriel.
Nicolas le regarda d'un œil torve. Depuis qu'il le connaissait, c'est à dire en fait deux ans, le blond ne l'avait jamais entendu autant parler. Le petit brun regardait Cléa comme s'il savait des choses que les autres ignoraient et que ça l'amusait beaucoup. On aurait dit qu'il n'avait plus du tout peur de s'adresser à la jeune fille.
-Oui, mais elle a très bien pu avoir trouvé des enveloppes pendant que Léna ne regardait pas.
- Et elle les aurait fait tomber dans les toilettes pendant qu'elle se maquillait ? se moqua Gabriel.
Cléa leva les yeux au ciel.
- Léna a dit que Scarlett avait réclamé aller aux toilettes après qu'elles aient commencé à chercher des enveloppes, et je ne pense pas que c'était uniquement pour se maquiller. Je crois plutôt qu'elle voulait cacher ce qu'elle avait trouvé, dans l'espoir d'y retourner par la suite. Et puis, on peut se demander si le meurtrier l'a tué seulement parce qu'elle était une cible facile, ou parce qu'elle avait trouvé par hasard quelque chose qui était un danger pour lui.
- Tu crois sincèrement que Scarlett aurait réfléchi jusque là ? lança Nicolas, peu convaincu.
Les regards tournés vers Cléa, la blonde répondit l'air de rien :
- Ça ne coûte rien de vérifier, non ?
Nicolas hocha la tête, plutôt d'accord. La théorie était plausible, car même si Scarlett n'était clairement pas la plus futée d'entre eux, elle était assez mesquine pour voler les enveloppes des autres et garder les secrets pour elle. C'était même tout à fait son genre.
- Je te suis, lança donc le blond.
- Moi aussi, ajouta aussitôt Colin.
Le délégué se tourna face à Gabriel comme pour demander son avis sur la question. Mais Cléa et Nicolas avaient déjà commencé à se diriger vers les escaliers pour se rendre aux toilettes où Scarlett avait disparu, sans attendre le point de vue du plus jeune.
Nicolas suivit Cléa à travers les couloirs, en repensant à son comportement lors de la scène honteuse où il avait dû dévoiler son secret. Il avait d'abord cru qu'elle l'accusait en lui demandant de retirer ses mitaines, mais il avait compris peu après qu'en réalité, elle le défendait.
Elle avait dû comprendre avant tous les autres qu'il ne pouvait pas techniquement être le meurtrier, alors elle avait cherché à le prouver pour qu'on le laisse enfin tranquille.
Nicolas avait beau lui en être plus ou moins reconnaissant, il ne pouvait pas croire qu'elle l'ait fait simplement de bonté de cœur. Il craignait que la belle blonde ne s'en serve par la suite.
En arrivant aux toilettes du deuxième étage, Nicolas constata que Colin et Gabriel les avaient suivis.
De concert, ils se mirent à chercher dans les toilettes des enveloppes, des indices. Mais à part des traces de rouge à lèvre sur le lavabo qui prouvaient que Léna n'avait pas menti et que Scarlett était bien passée par là, ils ne trouvèrent rien d'intéressant.
- Bon eh bien... l'erreur arrive même aux meilleurs, déclara Cléa.
Mais Nicolas remarqua que son sourire était étrange. Même si c'était discret, la jeune fille semblait à la fois mal à l'aise et déçue. Comme si elle s'attendait vraiment à trouver quelque chose.
- On n'a qu'à retourner chercher dans d'autres endroits, proposa Colin.
Cléa hocha la tête, et alors qu'ils commençaient à sortir de la pièce, la jeune fille lança :
- Puisqu'on est là, je vais en profiter pour aller aux toilettes, je vous rejoins.
La trois garçons allèrent l'attendre quelques mètres plus loin dans le couloir.
- On ne devrait pas trop s'éloigner, suggéra Colin. On ne sait jamais, si Cléa disparaît...
- L'heure n'est pas passée, contra Nicolas. Ce ne devrait pas être possible mais d'accord, juste pour le principe de ne pas se séparer.
Gabriel croisa les bras, et se mit à fixer les deux garçons. La lueur amusée dans son regard refroidit Nicolas, et il se fit la réflexion qu'il semblait vraiment fou. Quand il écoutait auparavant d'une oreille distraite les rumeurs qui couraient sur lui, il n'en croyait pas grand chose. Il savait à quel point les histoires pouvaient être amplifiées par le bouche à oreille, et il avait du mal à croire qu'un élève de sa classe, même aussi effacé et sombre que Gabriel, puisse être un psychopathe. Cependant, il semblait vraiment s'amuser depuis le début de la soirée, et cela lui faisait froid dans le dos de marcher à côté de lui.
Gabriel le remarqua, et lança à l'adresse du blond :
- Et bien que t'arrive-t-il ? Tu as peur, Nicolas ?
Le blond arqua un sourcil, et lança un regard si glacial à Gabriel qu'il aurait congelé n'importe qui. Mais pas le petit brun. Il s'approcha lentement de Nicolas, qui l'observait, les bras croisés sur sa poitrine.
- Je pensais pourtant que tu avais atteint ton seuil de terreur après la révélation de ton secret... chuchota le plus jeune en se penchant vers lui.
- Gabriel... Évite d'en parler, s'il te plaît... le pria Colin, l'air inquiet, dont le regard passait de l'un à l'autre.
Mais le brun l'ignora. Il poursuivit avec un petit sourire aux lèvres, en fixant Nicolas droit dans les yeux. Lui ne bougeait pas et faisait tous les efforts du monde pour rester imperturbable sous le regard brûlant, presque malsain du plus petit.
- Remarque, ça doit déjà être assez dur de regarder tous les jours ses mains défigurées en se disant qu'on est un monstre...
Nicolas ne répondit pas. Visiblement, l'enfer n'était pas terminé.
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