Prologue (2) : Dictatrice, prisonnière
Bon par contre si ma situation pouvait arrêter de se résumer par « j'ai sur le dos deux bâtards qui n'arrêtent pas de s'insulter » j'apprécierais ? S'il vous plaît ? Dieu ? La théorie des cordes ? Je sais même pas qui j'ai envie d'appeler, là, j'ai juste envie de mourir, et avant le potentiel début d'une Tuerie, c'est d'une ironie digne des Abysses du Désespoir.
On peut rajouter une heure de plus à mon exploration, heure qui a creusé mon appétit, mes douleurs aux pieds et au dos et ma mauvaise humeur, mais heure que j'ai au moins le bénéfice de passer avec Emerens. Sauf qu'Emerens, il passe son propre temps à se disputer avec Sachiko, et pour couronner le tout, ils parlent en japonais.
Ce que je donnerais pas pour savoir ce qu'ils disent. Ou pas, ça a l'air vachement méchant, et l'accent étonnamment guttural de Sachiko n'arrange pas cette impression.
Du coup, comme je n'ai que ça à foutre, j'examine les alentours. Actuellement, on est dans une rue qui m'a l'air marchande. Les supermarchés sont ouverts, mais vides ; Les maisons, aussi, ont l'air désertes. La consommation d'électricité monstrueuse que cet endroit représente est, au moins, compensée par la rareté des ressources. Enfin je dis ça, mais je crois que je préfère les ressources à l'électricité.
Ce n'est pas le seul truc notable. Depuis tout à l'heure, j'entends des bourdonnements, je crois que ce sont des drones. Donc, on est espionnés, et pas de la meilleure des manières. Reste à savoir par qui.
Et j'y aurais bien réfléchi plus en détail si les deux imbéciles ne continuaient pas de grogner, bon sang !
Respire. Calme. Je n'ai absolument aucun intérêt à m'énerver maintenant. Fin si, ça ferait du bien à mes pauvres nerfs, mais ce n'est pas le sujet. Concentration, Thibault, concentration, ne pense pas à les éventrer tous les deux, en plus, tu n'as pas tes couteaux et là, maintenant, c'est sans doute la pire des idées.
Ah, tiens, un autre drone. Cette fois, il est suivi de plusieurs autres, minuscules. Que je ne vois que parce que l'un d'entre eux a failli me rentrer dans l'œil, et que je n'ai pas eu d'autre choix que de le chasser comme une grosse mouche métallique. Et évidemment, comme tout le monde ne peut pas être des Ultimes Chanceux, soit il a un système anticollision au poil, soit le pilote porte un titre Ultime : Parce que toutes mes tentatives pour l'écrabouiller se soldent par un échec de ses morts.
Bordel de merde.
Furieux, je claque des mains de nouveau, retenant les innombrables jurons qui me prennent la gorge. Le drone évite, mais ça a au moins le mérite d'attirer l'attention de nos deux Némésis favorites, qui cessent immédiatement de s'insulter pour se tourner vers moi. Emerens a même le culot de faire une mine surprise.
« Oh là. Qu'est-ce qu'il se passe, Thibs ? »
Pas trop tôt pour te rappeler de ma présence.
« Il se passe qu'une grosse mouche en métal me tourne autour depuis tout à l'heure sur fond d'insultes à la mode anime, je gronde, passablement agacé. Vous pourriez au moins vous menacer de mort dans un langage que je comprends ? »
Il gonfle les joues. Merde, c'est mignon, ça. Depuis combien de temps j'avais pas vu ça ?
« Oui bon ça va hein. Elle m'insulte, je réponds.
— En attendant, je parle pas japonais, mon grand. Donc pitié, au moins, faites-le en anglais, que je puisse vous ignorer plus facilement. Où, à la réflexion, le faites pas du tout, je suis en hypoglycémie et j'ai mal à la tête.
— J'y peux rien, moi, râle Sachiko. La blondasse a la plus grosse tête à insultes que j'ai jamais vue. »
Et elle dit ça en lui tirant la langue. Sans vouloir te vexer, poulette, la tête à insultes, c'est toi qui l'as, à l'instant présent.
« On a plus urgent, je crois. Genre, chercher une sortie, une explication, où peut-être commencer par voir d'où viennent les drones– »
Je m'interromps en plein milieu de ma phrase. Et pourquoi je m'interromps en plein milieu de ma phrase ? Parce que je viens de voir une petite forme se glisser derrière nous, et que ladite petite forme vient, en moins de temps qu'il ne faut pour dire merde, de se mettre à triturer la jointure de la prothèse d'Emerens qui semble aussi abasourdi que moi.
J'arrive pas à savoir si je suis surpris ou juste... Juste que j'arrive plus à m'en étonner.
En attendant, même Sachiko semble avoir remarqué l'intrus, ou devrais-je dire l'intruse, une fille de plus petite taille que moi (enfin, nom d'une différentielle), cheveux roux vif et bouclés, qui ne fait même pas attention à nous alors qu'elle outrepasse impunément l'espace vital d'Emerens.
Vous me direz, c'est pas le premier à y faire attention, et au vu de sa manière de se jeter sur moi, je doute que ça ait changé en huit ans... Mais quand même.
« Ahem, soupire Emerens. Je ne veux surtout pas te déranger, gamine... Mais c'est ma jambe, ça. J'en ai encore besoin. »
Au moins, ses vœux sont exaucés, parce que ladite gamine n'a pas l'air plus dérangée que ça. Tout simplement parce qu'elle ne l'écoute pas. Et Sachiko, elle, est trop occupée à se marrer intérieurement pour l'aider. On dirait qu'il ne reste plus que moi pour déloger l'importune.
Et croyez-moi, je vais pas me gêner. Aux dernières nouvelles, les seuls à avoir le droit de faire ça, c'est Elijah et moi.
Je me penche vers la gamine avant de lui pincer l'oreille, prenant mon meilleur air passablement agacé. Bon, okay, j'ai peut-être l'air d'un énorme pit-bull, mais cette meuf-là, c'est clairement pas le genre dont j'ai envie de me faire une amie.
« Dis-donc, gamine, on ne t'a jamais dit que ce n'était pas très poli de tripoter les gens ? »
Emerens me jette un regard de remerciement alors que la fille relève la tête de son ouvrage, pour me remarquer et me tirer la langue.
« Fiche-moi la paix, le roux, je bosse !
— Tu... Tu es encore plus rousse que moi, sans vouloir te vexer.
— Oui, mais moi, au moins, je le porte bien, na ! »
... C'est définitif, toi et moi, on sera vraiment pas amis. En plus de ça, Emerens ajoute l'insulte à l'injure en pouffant entre ses dents, et je trouve que c'est vraiment la pire trahison qu'il pouvait me faire. Bien, toujours un plaisir de me faire frapper dans les couilles alors que j'essayais de t'aider, espèce de sale Judas.
Une qui n'a vraiment pas l'air d'accord avec moi, c'est Sachiko, par contre. Qui vient, elle, franchement d'éclater de rire. Bon, okay, elle, ça m'étonne pas.
« Toi, elle s'exclame entre deux ricanements hystériques, on va bien s'entendre, je crois !
— Hin hin, je grogne. Je suis donc seul contre tous, quelle joie. »
J'espère que ce n'est pas prophétique, mais bon, tant que je peux encore en rire... Enfin, au moins, ça a le mérite de distraire mini paresseux de son ouvrage de test. La fille lâche la jambe d'Emerens, avant de faire une révérence à Sachiko.
« Un plaisir, m'dame ! Pour en revenir au sujet principal, je pourrai démonter ta prothèse, un jour ? »
Le sujet principal en question, vers qui elle vient de se tourner, a un sourire un peu gêné.
« Quand je n'en aurai plus besoin pour marcher, peut-être. En attendant, on peut savoir qui tu es ? »
Elle sourit. C'est moi où elle ne nous regarde absolument pas dans les yeux ? Et ce tic du doigt me perturbe. C'est mignon, hein, mais j'ai pas envie de faire un compliment à celle qui vient de m'insulter sur notre couleur de cheveux identique.
« Ah bah, oui, c'est vrai, elle rit. Les bonnes manières, la vie en société, tout ça tout ça ! Enfin bref. Je suis Alannah Hayes, Ultime Ingénieure en Robotique et fière de l'être, charmée de faire votre connaissance ! »
Pas réciproque. En plus, j'aime pas son titre, il me rappelle trop la Monokuma des Abysses du Désespoir. Est-ce que c'est le même plan avec cette gamine que... Ouais, nan, j'ai pas envie d'y penser. En plus, la fille en question est censée être six pieds sous terre.
En attendant, on est censé se présenter, et dieu que j'ai la flemme. Tel que c'est parti, je vais répéter mon titre au moins dix fois avant la fin de la journée, et c'est probablement le pire scénario possible.
Heureusement pour moi, Emerens semble plus motivé que nous.
« Ravi aussi, même si je ne peux m'exprimer pour un certain ronchon, et– »
Un regard noir à Sachiko accompagne ces derniers mots.
« –une certaine fille de peu de vertu. Nous sommes des Ultimes aussi, pour information...
— C'est toi qui oses me parler de vertu, crottin de Satan, bougonne Sachiko pendant qu'il nous présente. Celle-là, elle est fort de café. »
Je lui jette un regard désapprobateur, mais Emerens ne semble pas l'avoir entendue. Visiblement, sa conversation avec la fameuse Alannah l'absorbe assez pour ignorer Sachiko, surtout que cette dernière vient de taper dans ses mains.
« Ah mais oui, je te connais ! L'Ultime Romancier, je me souviens ! Le meilleur écrivain de romance de notre temps ! J'ai lu presque tous tes livres, je les adore, je veux trop savoir comment tu fais pour écrire des histoires pareilles ! Et ta prothèse, tu l'as eue où ? Qui c'est, le concepteur ? Je le connais ? »
C'est ce qui s'appelle passer du coq à l'âne, dis-donc. Emerens, dont la mention de ses livres semble l'avoir gêné, s'est complètement recentré sur elle au moment où elle a évoqué sa prothèse, à laquelle elle continue de jeter des regards admiratifs. D'ailleurs, il ne fait même plus attention à nous.
« Ma prothèse t'intéresse tant que ça, hein, il rigole. Le concepteur n'est pas très connu encore, mais je crois bien que c'est une génie. Phan Sao Mai, si tu connais ? Sa famille tient une entreprise très réputée...
— Un peu, de nom, mais elle passe pas trop en Irlande. C'est dommage, mais au moins je vais pouvoir contempler son boulot en avant-première, ça va être trop bien ! Tu la connais ? Elle est sympa ? »
Ai-je l'impression d'être exclu de la conversation ? Totalement, et c'est pas le sourire d'Emerens qui va me rassurer. En plus, vu qu'Alannah ne fait que parler, on est encore coincés, ce qui fait que moi qui voulais chercher des infos, je me retrouve encore une fois obligé de théoriser.
Très ironique au vu de mon talent.
« Toujours sympa de nous ignorer, blondasse, bougonne Sachiko. C'est ça, continue, on dira rien.
— Là, c'est un peu la faute de la fille, je tiens à signaler.
— Que dalle ! Il était pareil avec toi. Et ça commence à me casser les couilles d'être coincés avec des gens qui n'en ont à ce point rien à foutre.
— En attendant, je vois pas de moyen d'attirer leur attention, génie, je grommelle, passablement agacé. Donc sauf si t'as une idée de génie ? »
Alors je crois que je n'aurais pas dû dire ça. Parce qu'une lueur dérangeante vient de s'allumer dans son regard, et je n'aime pas du tout cette lueur, mais alors, pas du tout...
« Oh, j'en ai bien une. Eh, la blondasse ! Sois pas si fier de ton Ultime usurpé, elle ricane. Spécialiste de la romance, hein ? Je suis sûre que Meyer écrit mieux que toi !
... Oh la connasse.
Reconnaissons-lui un mérite, elle vient de détourner l'attention d'Emerens, et de manière remarquablement efficace. Mais la lueur particulièrement belliqueuse que je vois dans ses yeux ne me dit rien de bon.
Parce que s'il y a bien un truc dont je me souviens par rapport aux capacités d'écriture d'Emerens, c'est qu'il déteste au plus haut point qu'on les insulte de la sorte.
Et oui, je sais reconnaître que c'est une insulte. Je n'étais peut-être pas au courant que mon meilleur ami écrivait de la romance publiée de manière suffisante pour obtenir un Ultime et avoir des bouquins jusqu'en Irlande, mais je sais à quel point comparer un écrivain à Meyer peut être une injure.
... Je crois que le fait que je connaisse les œuvres de cette chère mormone mais pas les siennes en est déjà une.
« Tu as autre chose à faire que de m'insulter, Kimura ? Il crache, le plus froidement du monde. Accessoirement, change tes références, par pitié, que je ne doive pas ajouter « piètres goûts littéraires » à la longue liste de tes méfaits.
— Plutôt Twilight que toi, blondasse, elle gronde en guise de réponse, sourire crispé aux lèvres. Je ne tomberai certainement pas aussi bas ! »
Et ça recommence. Alannah, la pauvre, est complètement perdue, et le fait que je commence à avoir pitié d'elle en dit long sur notre situation. Hésitante, elle se rapproche de moi, avant de pointer du doigt les deux bagarreurs.
« ... C'est toujours comme ça... ?
— En tout cas ça l'est depuis que je les ai trouvés, je soupire. D'ailleurs, Alannah, question. Tu es Ingénieure en robotique, pas vrai ? Les drones qui me tournent autour depuis tout à l'heure, ce sont les tiens ? »
La fille à un large sourire, et les oreilles de chat sur sa tête se mettent à frétiller. Oh, non. Elle est choupie. Ça sent pas bon.
« Ouais ! Pure qualité made in Alannah ! ça m'a permis de couvrir une bonne partie de la cité avec ça... Enfin, pas partout, y'a des brouilleurs d'ondes à certains endroits, donc bon, les drones ils y vont pas, logique. Mais actuellement, ça donne pas grand-chose, hein. C'est des immeubles et des boutiques vides à perte de vue, j'ai pas eu le temps de trop creuser.
— ... C'est si immense que ça ? »
Nan parce que là, c'est du jamais vu. Habituellement, les lieux de Tuerie, ils s'étendent sur quoi, quelques dizaines de mètres ? Entre la cité sous-marine de Monogatari, l'île artificielle de Hirristel... Quoique, elle était pas mal, celle-là. Mais il n'y avait que quelques bâtiments dessus. Pas une cité entière.
Alannah fait la moue.
« Ouais... enfin j'ai couvert un diamètre de soixante mètres, pas plus. Mais voilà, quoi.
— Il y avait des gens ?
— Quelques-uns, répartis. Je sais pas combien, désolée ! J'en ai juste croisé plusieurs avant de lancer mes mouches... »
Je vois. Nous sommes quatre Ultimes confirmés, et quelques autres personnes sont dans la ville, très certainement des Ultimes aussi. Probabilité de nonante pour cent. Et probabilité de nonante-neuf pour cent pour que qui que ce soit, ils me sauvent des deux pit-bulls en train de s'échanger, encore, des piques.
Je lève les yeux au ciel. Alannah, étonnamment, est encore la compagnie la plus sympa que j'ai pour le moment.
« Tu sais qui c'est ? »
Elle se met une main sous le menton.
« Laisse-moi réfléchir. Alors, j'ai vu passer deux gros tas de muscles... L'un d'entre eux typé arabe, l'autre coréen. Ils étaient en train de causer, pas hyper intéressant. Une fille avec le sabre, aussi... Brrr. Jamais je m'approche, pas envie de me faire découper. Et puis, il y avait aussi l'Ultime Dictateurice... »
Je n'ai pas le temps de frissonner à l'entente du titre que les disputes s'interrompent, et que les mains de Sachiko ne se referment sur les épaules d'Alannah.
Il n'y a plus la moindre trace de rigolade dans son visage.
« Quel Ultime ?!? »
Alannah grimace. Elle tremble de tous ses membres, et je la comprends. Avoir Sachiko Kimura aussi près de son visage, ce n'est vraiment pas recommandé, surtout au vu de la gueule qu'elle fait.
« ... Lâche-moi s'il te plaît, tu me fais mal... L'Ultime Dictateurice... Elle est dans cette rue plus loin, on va bientôt tomber dessus... S'il te plaît ? »
Ses prières sont heureusement entendues. A l'énoncé du titre, Sachiko relâche immédiatement les épaules d'Alannah, qui se met aussitôt à se les masser, les larmes aux yeux. Dommage que cela s'accompagne d'un énorme juron japonais visiblement peu poli.
Une fraction de seconde plus tard, plus de Sachiko. Elle s'est précipitée dans la direction indiquée par Alannah. Et le pire dans l'histoire, c'est que je comprends sa panique.
L'Ultime Dictateurice. Ici, avec nous.
Merde.
Merde, merde, merde, merde, merde.
Même Emerens n'a plus envie de protester. Le froid sur son visage est remplacé par une profonde inquiétude.
« ... Ansgar est ici...
— C'est si inquiétant que ça ? demande Alannah, d'une toute petite voix. Ça ne devrait pas être rassurant ? »
Emerens soupire.
« Je dirais que c'est soit extrêmement rassurant, soit la pire chose qu'il pourrait nous arriver. Ansgar n'est pas n'importe qui, iel ne se ferait pas capturer aussi facilement. Soit c'est luel qui est responsable de notre situation... »
Ses dents se serrent.
C'est moi qui continue à sa place.
« Soit on a affaire à quelqu'un suffisamment puissant pour capturer la cheffe suprême de la Fédération du Nord, le pays le mieux armé contre les Monokuma et leur plus grand ennemi. »
Les oreilles de chat d'Alannah se rabattent sur sa tête.
« ... Les Monokuma... On s'est quand même pas fait capturer par ce groupe terroriste ?!
— C'est une possibilité, répond Emerens. Et, si vous voulez mon avis, si Ansgar est bel et bien ici, c'est à elle qu'il faut poser la question. »
J'aurais pas pu formuler ça mieux. Il n'empêche que la perspective semble paniquer Alannah, qui tremble d'autant plus, et se réfugie contre moi, les larmes aux yeux. Et je protesterai bien, parce que bon, mon espace vital... Mais si j'étais elle, et si les Monokuma étaient pour moi une menace nébuleuse qui vient de se concrétiser dans le pire moment possible... Je crois que j'aurai la même réaction.
Dommage que je sois l'Ultime Théoricien. Et que je sache très bien ce qu'il en est de mes chances de survie dans un monde dirigé par les exterminateurs du génie.
Ansgar Kasjasdottir. Dictateurice Ultime. Probablement l'Ultime la plus célèbre de notre génération. Porteuse du titre depuis 2018, cheffe suprême de la Fédération du Nord, pays constitué de l'unification de la Norvège, de la Suède, du Danemark, de l'Islande et de la Finlande. Évidemment que je la connais, elle est celle qui a réussi l'exploit de construire une forteresse où les Monokuma ne peuvent entrer. Si on était sous sa protection, ce serait tellement plus rassurant.
Mais le climat qui règne ici n'est clairement pas scandinave.
N'empêche, Emerens a raison. Si c'est vraiment une Tuerie, la présence d'Ansgar en dit long sur la puissance de nos ennemis. Et j'ai du mal à croire qu'ils soient en mesure d'aller la kidnapper jusque dans la Fédération, elle est trop bien protégée... Donc, est-ce que c'est réellement une Tuerie ?
Une seule façon de le savoir.
Je serre les dents.
« On ferait mieux de suivre Sachiko.
— Autant que ça me peine de l'admettre, grommelle Emerens, tu as raison. Je veux en avoir le cœur net. »
Alannah hoche la tête, et nous nous engageons tous les trois dans la direction empruntée par la Chanceuse Ultime. Qui, heureusement pour nous, n'est pas allée bien loin. A peine deux minutes plus tard, on la retrouve les doigts entrelacés à celle d'une femme aux courts cheveux blonds, une canne ouvragée placée entre elles deux. Très certainement Ansgar.
Lar Dictateurice, si c'est bien elle, se tourne vers nous en entendant nos bruits de pas. Gratifiant notre groupe d'un hochement de tête.
« Emerens, elle salue ce dernier. De bien sombres augures pour nous revoir. Je ne connais pas les deux autres, sont-ce des Ultimes ? »
Iel a une belle voix, je trouve. Son accent suédois en anglais ajoute au calme de son ton, un calme qui semble détendre presque aussitôt Alannah, qui cesse de trembler. Mais pas Emerens, que je sens encore crispé près de moi.
Ce dernier incline la tête.
« Exact, madame Kasjasdottir. Deux de la nouvelle promotion, sans doute. Je vous présente, il ajoute en passant son bras autour de moi, Thibault Laangbroëk, Ultime Théoricien. Et Alannah Hayes, Ultime Ingénieure en Robotique. »
... J'aurais préféré éviter que tu balances mon titre à tout le monde– Et merde, au vu du regard inquisiteur d'Ansgar, iel le connaît, et sait très bien pourquoi je le possède. Je suis mal barré. Et j'espère vraiment, vraiment, que cette cohabitation ne me réservera pas d'autres mauvaises surprises que celle de la présence de l'Ultime Dictateurice.
Parce que dans une Tuerie, mon titre est une cible peinte en rouge sur mon dos.
Trop stressé pour répondre à voix haute, je hoche la tête, et Ansgar plisse les yeux.
« Je vois. En ce cas, je me présente à nouveau. Mon nom est Ansgar Viktoria Kasjasdottir, Ultime Dictateurice et chef.fe suprême de la Fédération du Nord. Et, tout comme vous, j'essaie de voir comment je me suis retrouvée ici. »
Alannah se raidit.
« Tu... Vous... Cet endroit n'est pas de... Votre initiative ?
— Non. J'en suis navrée, mademoiselle Hayes, mais j'ai bien peur qu'on ait profité de ma présence au Japon pour m'enlever. Je suis ici au même statut que vous : Prisonnière. »
Sa présence au Japon. C'est vrai, ça fait sens, les Ultimes sont obligatoires, et si Ansgar en porte un, elle n'a pas d'autre choix que de se rendre à Hope's Peak. Au moins, ils ne l'ont pas enlevée en plein cœur de la Fédération. C'est rassurant.
Il l'est beaucoup moins qu'iel admette ouvertement qu'iel est totalement impuissant.e devant notre situation.
Alannah. Ansgar. Sachiko. Emerens. Moi. Ça fait cinq Ultimes perdus dans une cité déserte.
C'est déjà cinq de trop.
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