
Chapitre 8 : Au-delà des apparences
Le quotidien était paisible avec Hyacinthe. Elle se levait tous les matins vers sept heures, se douchait, prenait soin de Marius et préparait un petit-déjeuner copieux, notamment pour Louis. Du jus d'orange pressé, du café au lait sucré, des brioches nature, du chocolat fondu et de la compote : à la pomme, à la banane, à la poire ou à la pêche.
Elle se dirigeait ensuite vers son cabinet, qu'elle préparait avant l'arrivée de ses patients, de 8 à 14 heures. Marianne, Amélia, Julien, Antonio, Christian et Romain réservaient souvent leurs créneaux, et Hyacinthe ne put s'empêcher de les inviter à dîner qui aurait lieu le soir même.
Heureusement, Hyacinthe et Louis profitaient des après-midis ensoleillés pour acheter différentes fournitures en ville, mais pas que. Grâce au Capitaine qui aimait s'occuper de Marius, elle pouvait profiter de ces heures de liberté pour lire, écrire, coudre, jardiner...
Les activités étaient nombreuses chez elle. Louis appréciait enfin d'avoir du temps libre, surtout pour s'améliorer dans sa rééducation. Il commençait juste à pouvoir tenir debout, avec le soutien de Hyacinthe. Il ne pouvait pas encore marcher, mais le Boitelet sentait qu'il gagnait chaque jour en autonomie, en indépendance.
Hyacinthe lui avait présenté une canne. Louis ne pouvait pas en supporter la vue, mais cet accessoire trouvait en réalité son utilité quand il promenait le chien dans le jardin. La vision était ridicule... Mais grâce à ces exercices, le Capitaine put remonter à cheval.
Toujours sous la supervision de Hyacinthe, Louis retrouvait progressivement des sensations équestres qu'il adorait. Elle était également une excellente cavalière. Il perdait souvent son regard en l'observant dans des séances de dressage.
Ensorceleuse, enchanteresse : Hyacinthe possédait un instinct développé et une puissante intuition, féminine. Elle semblait posséder le pouvoir d'anticiper les maladies, et comprendre, parler aux animaux. "Elle est une princesse", lui avait écrit la reine lorsque Louis se renseignait auprès des compagnons, qui la fréquentaient. Éléonore lui avait aussi promis de passer pour s'exprimer au sujet de sa soeur.
Louis fut subitement interrompu dans ses pensées par le cliquetis des assiettes qui s'entrechoquaient. Hyacinthe préparait déjà tous les couverts : elle n'était pas stressée, elle désirait juste bien recevoir.
Marianne, Amélia, Julien, Antonio, Christian et Romain ne devraient pas tarder à arriver, avec chacun un plat pour alléger la charge de Hyacinthe. Marianne et Julien apporteraient une belle salade composée, Amélia et Antonio viendraient avec l'accompagnement qu'était un gratin crémeux et copieux de pommes de terre, et Christian amènerait une généreuse charlotte aux fraises. Quant à Romain, il offrait toujours un gigantesque bouquet à Hyacinthe. Louis détestait ce geste... Parce que cette intention lui appartenait : il cueillait des fleurs sauvages toutes les semaines pour elle.
Eau plate et gazeuse. Jus d'orange et multi-fruits. Des sirops... J'ai oublié quelque chose ? Hyacinthe était soucieuse, alors que de l'avis de tous ceux qui avaient été invités à sa table, elle était une hôtesse parfaite : car elle savait s'occuper de ses hôtes. Chez elle, on n'attendait pas éternellement entre chaque plat, les boissons coulaient toujours à flot et les anecdotes qu'elle racontait étaient toujours un vrai plaisir.
De l'alcool Hyacinthe.
Hyacinthe se tourna précipitamment vers Louis, mais les traits qu'affichaient son visage n'étaient pas ceux que le Boitelet attendait.
J'aurais été prête à parier que tu me répondes du thé, révéla-t-elle en se baissant vers ses placards les plus bas de la cuisine. Je te rappelle que je n'ai pas une tolérance aussi forte que toi à la liqueur, raconta-t-elle avec une certaine difficulté. Hyacinthe devait chercher des bouteilles de vin poussiéreuses. Elle sortit une bouteille de vin rouge, une de rosé et une de vin blanc. Je dois bien avoir du champagne quelque part... Aïe. Hyacinthe cogna sa tête contre le bois, et ressortit immédiatement avec une main apaisante, mais une expression douloureuse dans ses yeux et sur sa bouche.
Fais-moi voir ta blessure, espèce de sotte. Louis s'était approché de Hyacinthe en vérité, car il détestait quand elle se faisait mal. Elle resta par terre, et le Capitaine vérifia si le crâne n'était pas ouvert. C'est ça de mal évaluer ses distances. Le Boitelet ironisait de nouveau, car il était soulagé : plus de peur que de mal.
Louis tendit sa main à Hyacinthe, qui glissa ses doigts dans la paume chaude et rassurante du Capitaine. Leur relation était ambiguë, ils le savaient, le sentaient... Parce que des regards existaient entre eux depuis longtemps, souvent accompagnés de gestes tels que celui-ci. Une dimension inconnue, terriblement planante et addictive s'ouvrait alors à eux.
Hyacinthe dévisagea Louis soudainement, comme jamais elle ne l'avait fait auparavant. Leurs cœurs s'emballèrent et...
Hyacinthe, Louis, vous êtes là ?
Romain.
Hyacinthe se releva, imperturbable. Elle redressa sa nuque, essuya ses mains sur son tablier et virevolta vers la porte d'entrée.
Romain ! Je t'en prie, rentre... Je suis heureuse que tu sois parmi nous ce soir. Hyacinthe était redevenue impassible et impénétrable, tandis que Louis se battait encore intérieureurement contre ses envies et ses pulsions.
Bonsoir Hyacinthe, la salua-t-il en lui tendant un bouquet... Titanesque. Elle leva ses yeux si expressifs vers lui, et baisa chaleureusement ses joues.
Cette vision pathétique déclencha un reflux gastrique chez Louis. Non. Il était ridicule. Jaloux. Impossible. Boitelet ne pouvait pas ressentir ce sentiment. Il ne pouvait pas être et ressembler à Julien face à la complicité de Marianne et d'Erwan, son disparu d'amoureux.
Louis.
Marianne. Perspicace, cynique, sérieuse : elle ne pouvait être que de la lignée de Louis. Or, cette femme était également réservée, humble et modeste. Elle salua son Capitaine comme si elle se tenait toujours sous ses ordres : avec respect et admiration.
Boitelet.
Marianne avait changé un détail sur elle : ses cheveux qu'elle laissait pousser ? L'écharpe noir d'Erwan qu'elle ne portait plus ? Ses habits noirs de deuil qu'elle ne mettait plus ? Non. Son visage était plus reposé et serein...
Elle était avec Julien.
Louis en était convaincu. Il présenta ses hommages à Marianne, à Amélia, à Julien, à Antonio et à Christian qui étaient arrivés en même temps, et essaya d'accaparer l'attention de Hyacinthe. Elle était rayonnante, à se réserver du temps à chacun de ses invités. Il devait décider d'un plan, ici et maintenant. La cuisine.
Tu as besoin de quelque chose ? En plein dans le mille.
Faut que je te parle, sur-le-champ, lui ordonna-t-il en se tournant vers le lavabo, et en feintant d'essuyer les derniers verres qu'il avait frotté pas plus tard qu'une heure de cela. Louis tourna sa tête une dernière fois pour vérifier que ses hommes étaient détendus, et chuchota à Hyacinthe : Marianne...
Et Julien ? Oui, je sais. Hyacinthe se savait visée par le regard stupéfait de Louis. Depuis quand ? Elle réussissait à anticiper les questions de Louis. Elle me l'a écrit, tout en m'avouant qu'elle souhaitait me parler de cette relation. Ce soir, devant cet évier.
***
Merci pour cette merveilleuse soirée Hyacinthe, déclara Julien en s'asseyant en tailleur devant la petite cheminée du salon. Thé vert, poire, vanille et..., essaya-t-il de deviner en sentant le thé que lui avait servi Louis.
Amandes. Marianne et Louis résonnèrent en harmonie. Il appréciait davantage cette jeune femme au fil des jours.
Je vais voir Marius. Louis préféra s'éclipser... Se cacher derrière la porte de la chambre du garçon aurait été le terme précis. Il laissa un entrebâillement, et focalisa toute sa concentration sur ses tympans.
Julien ronflait terriblement. Amélia, Antonio, Christian et Romain étaient retournés chez eux. Ce moment d'accalmie apportait déjà son lot de consolation dans la vie de tous. Sauf dans celle de Marianne.
Je suis rongée par la culpabilité, se confia-t-elle pudiquement.
Julien t'aime Marianne. Trois mots, qui provoquèrent chez elles une mosaïque d'émotions, de réactions, de ressentis de saveurs, de sensations et de sentiments.
Si tu savais... La voix de Marianne s'enrailla. Ou dérailla-t-elle ? J'aime cet homme, qui est l'extrême opposé d'Erwan.
Même si ses mots d'adieu forment un tourbillon dans ta tête. Comment Hyacinthe savait-elle ?
Il a exigé de moi que je sois heureuse, se confessa Marianne. Julien est compréhensif, patient, respectueux, gentil, doux. Je me sens... Vivante à ses côtés. Aimée, chanceuse, reconnaissante. Elle rougit, et Louis se savait être le témoin privilégié de cette scène intimiste. Lorsqu'il m'a embrassé la première fois, le poids de la honte s'est mystérieusement envolé. Quand il se couche à côté de moi chaque soir, la chaleur de son corps m'envahit. Ses bras sont mon refuge. Je pourrais me noyer dans ses yeux.
Une larme coula sur la joue de Hyacinthe, balayée par les mains de Marianne.
Une poussière dans les yeux. Hyacinthe était une amie extraordinaire, mais une piètre menteuse. Si seulement Julien pouvait me dévoiler les secrets de son courage...
Quoi ?
Il te gardera près de lui Hyacinthe. Pourquoi Marianne semblait être bien sûre d'elle subitement ? Il te cherche du regard, te dévore des yeux et te protégera au péril de sa vie. Pourquoi cette peur te paralyse-t-elle ?
Car si Louis ne partage pas mes sentiments, je n'aurais plus qu'à mourir de honte.
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