Chapitre 3 : Les promesses du silence
Vous n'avez pas froid ?
Quelle question idiote. Bien sûr que Louis était frigorifié, malgré le beau soleil du printemps naissant. L'air était léger, le sol était encore couvert de la brume et il préféra enfouir son nez dans sa cape, surtout pour éviter de répondre à cette demande stupide.
On est bientôt arrivés ?
Face à l'interrogation empressée de Louis, le Docteur Éléonore Argier leva ses yeux au ciel en signe d'agacement. Le Capitaine était un homme... déroutant. Parce qu'il affichait une attitude impassible et imperturbable, avec une façon de parler rarement polie, tout en faisant preuve de gestes de bonté et d'humanité. Éléonore le savait, car il avait gardé la lettre de Hyacinthe sous son chandail.
Dans cinq minutes, rétorqua-t-elle, juste avant de replonger dans ses pensées. Quinze minutes de trajet en charrette qui paraissait en durer le triple. Pourtant, elle n'ordonna pas au cheval d'accélérer. Elle appréciait ces moments d'accalmie, qui étaient associés au paysage défilant sous ses yeux. Celui de la nature, du calme, du luxe et de la volupté.
Éléonore et Louis atteindraient bientôt la maison. Un chalet aux portes de la forêt, construit devant un lac, et entouré de longues plaines à perte de vue. Un havre de paix où elle rêvait d'élire domicile.
Sans en être conscients, Éléonore et Louis partageaient les mêmes pensées : celles de la renaissance et de la vie. Après l'horreur, la peur et la terreur. Après les attaques, les massacres et les pleurs. Après les ripostes, la mort et le chagrin. Après les offensives, la guerre et les mensonges. Après les manipulations, l'embrigadement et les amalgames.
Les champs de bataille... Louis avait perdu ses supérieurs, ses camarades et ses hommes. Il avait perdu son index et son majeur. Il avait perdu son œil droit et la flexibilité de son genou. Mais plus que tout, il avait perdu sa dignité, sa fierté et son honneur. Enfin, c'est ce qu'il croyait.
Louis avait été soldat, précisément le plus puissant de l'armée de cette Terre Magnificat. Le capitaine de la Brigade stratégique au sein de la Légion de l'Humanité... Qui avait obéi à 3 Commandants : Edward Jones, Hilda Ziegler et Antonio Pacchetto, dont les deux premiers étaient tombés au champ d'honneur.
Hyacinthe !
Louis faillit sursauter face à la joie d'Éléonore en apercevant sa sœur. Il ne la vit pas de suite, car son attention était focalisée sur le chalet. Le potager était fleuri, les draps d'un blanc immaculé séchaient dans le vent vigoureux et un chat noir s'amusait avec un chien blanc et un cheval marron.
Hyacinthe leva les yeux de son carnet. Elle écrivait toujours avec la plume, et salua ses invités avec un geste sympathique de la main. Elle ajusta sa capeline, et s'avança dans le porche de sa maison. Elle descendit délicatement les quelques marches qui la séparaient de la terre ferme, et lorsque son regard croisa les yeux de Louis...
Elle était belle Hyacinthe. Habillée d'un chemisier noir et d'une longue jupe blanche, elle... Louis devait retrouver des pensées cohérentes.
Hyacinthe tendit sa main vers Éléonore, qui la saisit pour descendre du marche-pied avec plus de tranquillité et de sérénité.
Salut Hyacinthe.
Bonjour ma sœur.
L'aînée embrassa sa cadette sur la joue, tandis qu'Hyacinthe enlaça chaleureusement sa grande sœur.
Bonjour Louis.
Louis tressaillit à l'entente de son prénom. Enchanteresse, ensorceleuse : Hyacinthe l'avait envoûté. Il en avait déjà une première preuve : elle était la reine de ces murs, ceux d'un monde où ils étaient les seuls à exister.
Bonjour Hyacinthe.
Il avait prononcé son prénom. Entendre ses paroles résonner dans ses tympans le surprit, parce que cette vérité ne semblait pas réelle. Hyacinthe se tenait-elle vraiment à moins d'un mètre de lui ? Il ne l'avait même pas vu se déplacer, parce qu'elle était montée sur la première marche de la charrette, et qu'elle semblait attendre que le signal de Louis pour l'aider. Il n'attendit pas pour passer son bras autour du cou d'Hyacinthe.
Son corps hurlait de douleur, mais Louis serra les dents. Sa mâchoire en devint douloureuse, jusqu'à ce qu'il sente le corps chaud de Hyacinthe contre le sien. Quelle était la dernière femme qui l'avait pris dans ses bras ? Son parfum sentait la fleur de thé. Ses mains étaient douces. Son souffle était apaisant.
Louis s'assit doucement sur le fauteuil roulant, et releva tout de suite son regard vers celui de Hyacinthe. Le silence était assourdissant de mots qu'ils n'auraient jamais osé dire pour une première rencontre. Toutefois, les lèvres de Hyacinthe esquissèrent un sourire, et il se sentit attiré par sa bouche pulpeuse et...
Je me sens presque désolée de vous déranger, mais je dois partir bosser Hyacinthe. Embrasse Marius, et prends soin de Louis.
Hyacinthe et Louis se retournèrent en symbiose vers Éléonore, qui encourageait déjà son cheval à repartir. Les roues de la charrette provoquèrent de la poussière, et il sentit son cerveau davantage embrouillé à cause de cet amas.
Je ne vais pas attendre plus longtemps pour vous présenter Marius, déclara Hyacinthe en ne sourcillant pas une fois face à la scène qui se déroulait à l'horizon.
Le cœur de Louis tomba à ses pieds.
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