Il était très minutieux dans sa manière de s'habiller ; il portait toujours le même costume bleu marine impeccable. La seule chose qui changeait chaque jour était sa cravate : à pois, à carreaux ou rayée. Quand il était assis, personne n'osait le déranger. « Pourquoi donc dérangerais-je un jeune homme si propre sur lui, qui a l'air si occupé par sa lecture ? », se disait-on. Personne ne s'était donc jamais assis à côté de lui. On ne savait pas si M. Hamlet réclamait qu'on lui donne de l'affection ; il était à vrai dire si difficile à cerner. Même si cerner quelqu'un est tout bonnement impossible, personne ne pourra jamais vraiment comprendre une personne. On ne cerne toujours que l'image que l'on se fait d'elle, mais sans doute pas M. Hamlet.

C'était le seul endroit non urbanisé qui restait ici. Il n'y avait plus rien ; les arbres avaient été remplacés par des artificiels, sous prétexte qu'ils étaient trop imprévisibles et qu'ils demandaient trop de travail pour être entretenus. Un peu plus loin, un homme avec un bouquet de lilas et de capucines marchait le long de la ruelle qui menait à la boulangerie en face du parc. Il avait un sourire radieux ; ses sourcils noirs rapprochés ne cessaient de vouloir s'embrasser. Ses yeux auburn, dont un seul regardait dans la bonne direction, l'autre louchait et regardait vers la gauche. Sa dentition était devenue pointue à cause de sa malnutrition ; elle était jaune, brune, noire. Son nez plat n'était pas en harmonie avec son visage si soigné. Sa chevelure, qui comptait tout au plus 23 longs cheveux, était plaquée et cirée pour s'assurer que le vent ne les emporterait pas au loin. Il marcha donc avec son bouquet de fausses fleurs vers la boulangerie de Mademoiselle Genille. Il ouvrit la porte avec tant de douceur que la clochette ne retentit pas. Au comptoir, Mademoiselle Genille l'attendait pour le servir.

____-

J'espère que ça vous a plus !