(3) Où ils fêtent Noël.
Un peu noyés par le travail, l'administratif, les rendez-vous médicaux et tout le reste, Tom et moi n'avons même pas pris le temps de décorer notre appartement pour les fêtes. Or, il est impossible de fêter notre premier Noël dans notre nid commun sans sapin ni déco kitch. Le lundi 21 décembre, premier jour des vacances scolaires, nous décidons de remédier à cela, et convoquons auprès de nous une équipe de bataille. Tom, incapable de porter et d'installer seul un vrai sapin, demande de l'aide à Colin. Ils sortent faire le tour des vendeurs ambulants, choisissent ensemble un bel et grand arbre.
Colin accroche ensuite une grande guirlande électrique sur la terrasse, tandis que Capucine et ses enfants m'aident à décorer le sapin qui trône désormais au milieu du salon. Mon mari, de son côté, prépare des biscuits à la cannelle et du chocolat chaud pour tout le monde. Je regarde les petits, que j'ai vu naître, se disputer pour suspendre telle ou telle décoration. Zoé a fêté ses huit ans, il y a quelques semaines, je n'en reviens pas qu'elle soit déjà si grande. Théo, lui, a six ans, il a perdu sa première dent avant-hier, la petite souris lui a apporté une grosse pièce, la plus grosse même, une pièce de deux euros ! Tu te rends compte, tata Loulou ?
L'année prochaine, ils auront un an de plus. Je crois qu'il faudra en faire une tradition, décorer le sapin ensemble, avec Victor aussi, le petit de Caro et Clément. Et l'année prochaine, il y aura aussi une nouvelle petite bouille qui évoluera à quatre pattes autour de cet arbre.
Une fois l'appartement décoré et les cartons rangés, Tom propose à l'assemblée d'aller faire un tour au marché de Noël, ce que nous acceptons tous avec joie. Ana, qui ne vit pas très loin de chez nous, nous rejoint directement sur place et nous nous promenons un moment entre les chalets qui vendent du vin chaud et du pain d'épices, des boules en verre ou des santons. On frôle la crise quand Théo réclame des churros à sa mère, alors qu'il est près de dix-huit heures. Celle-ci refuse, bien entendu, tu vas te gaver de cochonneries, et ensuite, tu feras des histoires pour ta soupe. L'enfant supplie, pleure, mais elle reste inflexible. On se regarde tous, mal à l'aise, mais en même temps, à la place de Capucine, je n'aurais pas cédé non plus. C'est Tom qui parvient à détourner l'attention de l'inconsolable, en suggérant un tour de grande roue. Soulagée, Capou entraîne la petite troupe place d'Arme où la majestueuse attraction fait tourner ses nacelles. Il y a exactement treize ans, Tom avait eu un mal fou à me convaincre d'y monter, mais je n'ai jamais regretté. Ni le paysage illuminé qui m'attendait en haut, ni le baiser de celui qui est désormais mon mari. Depuis que nous nous sommes retrouvés, c'est notre rituel, chaque année nous nous offrons un tour en amoureux. C'est la première fois que nous nous entassons à sept, mais c'est plutôt sympa de partager ce moment avec nos amis et les petits.
Plusieurs fois au cours de la journée, je perçois le regard mélancolique que Colin pose sur Zoé. Je sais qu'elle a à peu près l'âge de sa fille quand elle est morte. Je me demande comment on se remet de ce genre de drame. On ne s'en remet pas, je crois, mais on continue à vivre comme on peut. J'ai connu Colin avant son histoire avec Ana, lorsqu'elle n'était qu'une amie pour lui. Il n'a plus rien à voir avec l'homme qu'il était à cette période. Sur ses traits, je lis une sorte d'apaisement. Pourtant la nostalgie est toujours là, malgré tout. A un moment donné, alors que nous sommes dans la nacelle, Ana surprend elle aussi ce regard. Sans un mot, elle cherche la main de son compagnon et la serre, lui adresse un sourire doux, auquel il répond par un autre sourire, lumineux. Comme si le simple regard d'Ana sur lui suffisait à éloigner les nuages. Sans même m'en rendre compte, j'ôte mon gant et prend la main de mon amoureux. Love heals, dirait Tom.
💫💫💫
Pour le réveillon, nous sommes invités chez mes parents. J'avais pensé proposer à Yanis de se joindre à nous, trop déprimée à l'idée de l'imaginer seul dans son lit au foyer le soir de Noël. Lola m'a devancée. Depuis quatre ans, elle fait partie d'une association de personnes qui n'ont plus de famille. Il y a de jeunes gens, comme elle, qui ont perdu leurs proches ou qui sont brouillés avec, des quinquas dont les enfants sont partis à l'autre bout du monde, des personnes âgées. Ensemble, ils se rendent des services occasionnels, courses, transports en voiture, babysitting d'urgence, mais surtout, ils se donnent des nouvelles et fêtent Noël ensemble chaque année. Le 24, ils se retrouvent chez l'un d'entre eux, et tout le monde apporte de quoi boire et manger, et le 25, ils s'offrent un resto, souvent un couscous, parmi les seuls à être ouverts pour Noël. Un jour au travail, elle a parlé de l'association à Yanis, et l'a invité à se joindre à eux pour les fêtes. Il a tout de suite accepté, probablement heureux de se créer un réseau amical.
Comme l'an dernier donc, ma mère reçoit tout le monde pour Noël, le 24 cette fois. Mes grands-parents, Nico, Solène et Loris, les parents de cette dernière, Sarah et Camille, plus Emma, la seconde sœur de Tom, arrivée la veille. La grande famille, dont elle a toujours rêvé. Tom aussi est heureux. Il est entouré de ses sœurs, de sa cousine, de son oncle et sa tante. Ceux qui lui restent.
Pour l'occasion, ma mère a mis les petits plats dans les grands, s'est surpassée en cuisine. Elle a décidé de nous proposer un Noël à l'italienne, c'est-à-dire que le 24, on mange « maigre », pas de viande, seulement du poisson. Elle n'a donc préparé que des huîtres farcies, des gambas sautées, des moules au vin blanc, de la lotte sur lit de carottes et courgettes, du saumon fumé. Les traditionnels « zeppole », une sorte de beignet de pommes de terre calabrais accompagnent ce repas frugal. Et c'est sans compter l'apéritif qui ouvre le bal, le gigantesque plateau de fromage, la salade de fruits et les deux bûches maison. Les convives sont abasourdis par la quantité de mets disposés sur la table. Je reste raisonnable, je déteste trop manger, et de toute façon, la grossesse me prive de pas mal de choses. Les fruits de mer me sont interdits, comme à Solène, nous devons nous contenter du poisson, et je ne m'autorise qu'une zeppola, en plus, avec une petite part de bûche à cause du risque de diabète qui plane toujours. Ma belle-sœur, qui doit accoucher dans un peu plus d'un mois, a déjà pris quatorze kilos, quand je ne suis qu'à six, ce qu'elle me fait amèrement remarquer, comme si c'était de ma faute. Je hausse les épaules, je la connais et ne me formalise plus de ses petits commentaires.
Loris n'est qu'une boule d'excitation. Je me surprends à rêver de futurs Noël avec plein d'enfants impatients d'ouvrir leurs cadeaux. Combien y aura-t-il de petits dans trois, quatre ans ? Camille et Sarah seront-elles mamans ? et Emma ? Et nous, combien d'enfants ? Avec Loris, mes parents sont aux anges, et je vois régulièrement mon père lui fourrer en douce dans la bouche une zeppola ou du chocolat. Le petit roi passe des genoux de ses deux grands-pères aux bras de ses grand-mères, bien conscient du pouvoir qu'il exerce sur cette génération.
Enfin, le père Noël passe à la fin du dîner. Pile au moment où Loris le guette par la fenêtre, il dépose furtivement les cadeaux au pied du sapin de mes parents. Il devait être déjà garé sur le toit.
Loris est le plus gâté bien entendu, et en même temps, c'est tellement plaisant de voir le bonheur sur son visage, d'entendre ses cris de joie dès qu'il déchire les papiers d'emballage.
Chacun déballe ses cadeaux. Je reçois un bon d'achat dans une boutique de déco, un bouquin de la part de Nico, mon frère à l'humour si particulier, des tas de produits de soin. Emma, Camille et Sarah m'offrent un kit spécial fin de grossesse, avec de la vodka, du saucisson, et du foie gras. De la part de mes parents, Tom et moi recevons un très beau présent : deux séances photos avec un photographe professionnel : une à faire dès aujourd'hui, et une autre, à réaliser à trois. J'en ai les larmes aux yeux.
C'est à notre tour de leur offrir leurs cadeaux : une box, pour un séjour à Rome, mais surtout, pour ma maman, nous avons acheté un patron de couture, pour fabriquer un petit doudou dans les couleurs de la future chambre : violet, parme et bleu ciel. Pour mon papa, nous avons fait personnaliser un mug : le papi préféré de ma petite fille.
Nous attendons que l'agitation s'essouffle un peu et que chacun vaque à ses occupations – montage de Playmobil, discussion, feuilletage de livres- pour avoir un peu d'intimité. Tom vient me prendre tendrement par la taille alors qu'ils déballent leurs cadeaux, et nous regardons, émus, leur visage changer quand ils comprennent.
— Une fille... une petite fille, souffle ma mère en écrasant une larme.
Même mon père, d'ordinaire inébranlable, ne fait pas le fier. Il contemple sa tasse un instant, se racle la gorge avant de la reposer, et de venir m'étreindre.
— Je suis tellement heureux... murmure-t-il à mon oreille.
Pour nos frères et sœurs, Tom a commandé chez le pâtissier qui nous fournit en gâteaux pour la librairie, une petite boîte de biscuits décorés et estampillés « it's a girl ». L'annonce fait son petit effet, autant grâce à la surprise dévoilée que le fait que ce soit la première petite fille. Emma rêve déjà des robes de créateurs qu'elle lui offrira, Sarah commence à négocier l'âge de son futur premier piercing. Nico, mon grand frère bien plus sensible qu'il n'y paraît, a presque les larmes aux yeux, et même Solène semble satisfaite que mon bébé n'ait pas l'outrecuidance d'entrer en concurrence avec ses fils.
Après les cadeaux, ma mère a entraîné Camille, Sarah, Emma et Nico dans une tarentelle endiablée. Les parents de Solène les ont rejoints, heureux de partager la tradition italienne, avec un Loris au sommet de sa forme, bien plus que Tom, So et moi qui nous contentons de frapper dans nos mains en rythme.
Il est près de deux heures du matin quand nous rentrons. La ville est calme, silencieuse sous la bruine. Les décorations lumineuses qui ornent la ville se reflètent sur le sol mouillé. Il n'a pas neigé encore cette année, et voilà bien longtemps qu'on n'a pas eu de Noël blanc. C'est tellement dommage. L'an prochain, on pourrait peut-être louer un chalet à la montagne, tous ensemble.
Tom conduit jusqu'au pied de notre petit immeuble, se gare dans la rue comme chaque jour. Trois places devant nous, une voiture avec un gros nœud rouge sur le toit est stationnée.
— Oh, regarde Tom, on a un voisin qui va être bien gâté !
Il met la voiture automatique sur position de stationnement, déclipse sa ceinture et se tourne vers moi en souriant.
— C'est rigolo, non ? j'insiste, surprise de son manque de réaction.
— T'es sérieuse, là ?
— Ben... oui, je fais, décontenancée. C'est un sacré cadeau quand même.
Il éclate alors de rire, et de l'accoudoir central qu'il lève, il sort une petite boîte.
— Je trouve aussi. Joyeux Noël, mon amour.
— Tu m'as... tu as... acheté une voiture ?
Dans la petite boîte se trouve une clef avec les quatre anneaux d'Audi, sur laquelle est accroché le porte-clefs offert quelques mois plus tôt, à mon anniversaire.
— Lou, on en a déjà parlé. J'ai profité de ton anniv, de Noël parce que c'est l'occasion, mais cette voiture en réalité, ce n'est pas un cadeau, c'est un achat commun. Pour notre foyer.
— Que tu as payé avec ton argent.
— Il faut bien qu'il serve... j'ai choisi un modèle pas trop gros, mais assez spacieux pour le siège auto et la poussette dans le coffre... Une voiture allemande, c'est solide, je veux que la petite et toi vous soyez en sécurité, mais si jamais elle ne te plaît pas, on peut la revendre...
— Tom...
— C'est une occasion, parce que les neuves, il faut commander, il y a plusieurs mois de délais, et je ne voulais pas choisir seul, mais elle n'a que 12000 km au compteur, elle est tip top, pas une rayure et...
— Tom...
— C'est juste le temps que tu te fasses la main, mais ensuite on t'en achètera une mieux, une neuve, si tu préfères, tu prendras ce que tu veux...
— Tom ! Merci...
— Attends, je t'ai pas dit le meilleur : elle a les sièges chauffants.
Malgré l'heure tardive et la fatigue, je ne résiste pas à l'envie de faire un tour avec ma nouvelle voiture, une splendide A3 gris foncé. Ça me fait un drôle d'effet de m'assoir pour la première fois derrière le volant de ma voiture. C'est une boîte manuelle, comme sur le modèle où j'ai appris à conduire, ce qui me convient bien. L'intérieur est nickel, elle sent bon le propre et le cuir, je n'en reviens pas d'avoir droit à une si belle voiture. Je tourne quelques minutes dans le quartier, j'ai l'impression d'être un pilote de rallye. Je réalise ensuite un magnifique créneau dans notre rue, grâce à la caméra située à l'arrière et aux bip bip, c'est bien plus facile que lorsque j'ai appris.
Je quitte mon petit bolide à regret, et nous montons avec Tom pour un repos bien mérité. Sous le sapin, nos autres cadeaux nous attendent, mais nous patienterons jusqu'au matin, parce que l'ouverture des cadeaux au réveil, c'est l'une des traditions que je préfère.
Nous passons rapidement dans la salle de bains avant de nous coucher sans tarder. Demain, c'est nous qui recevons la famille, pas question de traîner au lit jusqu'à midi. Tom m'embrasse, puis dépose un baiser sur mon ventre, comme chaque soir.
— Good night, my little ant... faudra quand même qu'on lui trouve un prénom à cette pauvre petite...
C'est à nouveau lui qui me réveille, quelques heures plus tard, d'un baiser et avec l'effluve de la fleur d'oranger. Comme avant son accident, il m'a apporté ma première tasse au lit. Je m'assois dans le lit et me frotte les yeux, la nuit a été bien trop courte à mon goût. J'attrape la tasse posée sur mon chevet, remplie aux trois quarts pour ne pas reverser et adresse à mon mari un regard plein de gratitude. J'avale une grande gorgée de tisane et soupire de contentement. Ce n'est malheureusement pas du café, cela m'écœure toujours et me manque en même temps. L'infusion, c'est loin d'être la même chose et de produire le même effet, mais c'est mieux que rien, et au lit, ça a une saveur particulière.
— Merci mon amour. Rien que ça, là, c'est un beau cadeau... quelle heure est-il ?
— Dix heures et demi. Le four préchauffe, tout est prêt, il ne reste que la dinde à enfourner et l'apéritif à préparer.
Pour ce repas du vingt-cinq, nous ne recevons qu'Emma, mes parents et grands-parents. Nico est avec sa famille chez le grand-père paternel Solène, Sarah avec Camille, Colin et Ana, chez Anouk et Jacques, les parents de ces derniers.
Sarah nous a raconté la première rencontre avec ses « presque futurs beaux-parents », la surprise du couple quand ils sont passés à l'improviste chez Camille un dimanche en fin de matinée, après le marché, et les ont trouvées au petit déjeuner. Camille aurait pu mentir, expliquer que c'était une copine qui avait dormi là après une soirée trop arrosée. Mais non. Elle, qui avait passé des mois à louvoyer avec son ancienne petite amie, en a profité pour officialiser les choses avec la nouvelle. Elle lui a pris la main, et l'a présentée : « papa, maman, puisque vous êtes là, c'est l'occasion. Voici Sarah, ma compagne. » Anouk a eu un petit hoquet de surprise, et est restée figée un instant. Jacques a réagi plus vite, en plaquant deux bises sur les joues de Sarah. Passée la stupeur, la maman de Camille s'est reprise, et c'est avec des trémolos dans la voix qu'elle a affirmé à Sarah qu'elle était enchantée de la rencontrer. Après des années à craindre que Colin ne refasse pas sa vie, et que Camille imite son frère, voilà qu'à quelques semaines d'écart, ils leur présentaient chacun une fille. Bon, Camille aime les filles maintenant, alors. C'est un peu bizarre. Avant, c'était les garçons. Mais bon, peu importe. Si elle est heureuse, c'est le principal.
Sarah riait en évoquant cette rencontre. « Et encore, ils m'ont vue au réveil, pas maquillée, sans mes cuirs. Imagine le choc, sinon. » Depuis, ils ont eu l'occasion de la découvrir vraiment, de faire davantage connaissance, et ça se passe plutôt bien. Sarah apprécie d'ailleurs tout particulièrement Jacques, calme et flegmatique, comme Camille. Tout l'opposé d'elle.
C'est Tom, bien sûr, qui a cuisiné pour ce grand jour. Comme ma mère, il a décidé de mettre ses origines à l'honneur et a préparé un menu traditionnel anglais. Dinde farcie, pommes de terre rôties, carottes et choux de Bruxelles à la poitrine fumée. Il a commandé les célèbres « crackers » sur internet, ainsi qu'un de ces fameux « Christmas pouding » qui se prépare normalement deux mois à l'avance. Tant mieux, ce sera plus facile de refuser d'avaler ce truc que si c'était Tom qui l'avait cuisiné. Il a tout préparé la veille, avant d'aller dîner chez mes parents, il ne reste que la dinde à cuire et les pommes de terre à faire griller.
Je me lève tandis qu'il se prépare un thé et nous allons ensemble nous installer avec notre boisson chaude au pied du sapin.
Six paquets attendent d'être ouverts. Je fronce les sourcils.
— C'est quoi tout ça ? Tu ne m'as pas assez gâtée ?
— Lou, soupire-t-il, la voiture, ce n'est pas un vrai cadeau.
— Elle avait pourtant un gros nœud sur le toit...
— Parce que c'était rigolo... Écoute, considère que c'est un cadeau pour nous. Ceux-là, c'est juste pour toi.
— D'accord, je fais, conciliante. Mais c'est moi qui commence, dis-je en lui tendant le premier cadeau.
— C'est quoi, c'est quoi ?
— Ouvre !
Tom déchire le papier, pour trouver un lot de vinyls, des incontournables qu'il ne possédait pas encore. Nina Simone, « Wild is the wind », le double album de radiohead, « Kid A et Amnesiac », « Led Zeppelin IV » du groupe du même nom, et un dernier «The age of the understatement » des Last Shaddow Puppets, que je ne connais pas, mais que j'ai trouvé si beau que je l'ai fait encadrer. Même si le son ne nous plaît pas, nous le garderons en déco. Mon mari est enchanté. A mon tour, j'ouvre mon premier cadeau, un livre. Mais pas n'importe quel livre.
— L'éducation approximative, m'explique Tom, lisant le titre. Je suis l'autrice depuis un moment sur Insta. Elle bosse, et élève quatre enfants. Son truc, c'est vraiment de déculpabiliser les mères de famille, de faire tomber la pression énorme sur les épaules des femmes. Ça me parle, et j'ai pensé que ça te plairait aussi. Je crois que c'est ce genre de livre que toutes les futures mamans devraient lire. Et on va en prendre quelques-uns pour la librairie. Et son prochain bouquin, Guide des 100 jours après l'accouchement doit sortir au printemps. Pile pour la naissance de notre fourmi !
— C'est génial, mon amour, merci.
— Tu sais, je m'en veux encore, de ma réaction concernant ton congé maternité. J'ai vraiment agi comme un connard.
— Peu importe Tom, c'est oublié et tu t'es largement rattrapé depuis. Allez, tiens, ouvre celui-ci, puisqu'on est dans les bouquins.
Ce cadeau, j'ai eu un mal de chien à le trouver. Ça fait plusieurs mois que je suis dessus, à faire jouer toutes mes relations, quelques semaines que j'ai réussi à me le procurer et que je compte les jours avant Noël pour enfin l'offrir à Tom. Son visage change quand il ouvre la boîte en bois qui contient une reproduction du manuscrit de L'écume des jours de Boris Vian, son roman préféré.
— Un... le manuscrit de L'écume des jours ?
— Oui, celui qu'il a écrit en 1946, sur le papier de l'afnor, où il était employé comme ingénieur. Il y a aussi les reproductions des dessins et des croquis qu'il avait réalisés. Il y a eu 1000 tirages, tous numérotés. Celui-ci, c'est le troisième.
— Je n'en crois pas mes yeux... murmure mon amour, presque sans oser y toucher. Il pose finalement le coffret qui contient le livre et prends mon visage dans ses mains, pour un baiser rempli d'émotion. Tu n'aurais pas dû, c'est une folie... ça a dû te coûter une fortune.
— On reparle de la voiture ?
— Recommence pas. Merci, Lou, merci. C'est un merveilleux cadeau. Je trouve que le mien est nul à côté du tien, bougonne-t-il en sortant de derrière le pied du sapin une enveloppe que je n'avais même pas vue.
— Donne toujours, pouffé-je.
À l'intérieur, se trouve une carte d'un grand hôtel spa, où Tom a réservé la plus belle suite, pour Caro, Charlotte, Capucine et moi.
— Pour après la naissance, m'explique-t-il. Un week-end de repos et de détente entre amies.
— C'est formidable ! J'ai vraiment le meilleur mari au monde ! m'écrié-je en me jetant à son cou. Allez, tu as mérité le dernier. Mais je te préviens, ce n'est pas grand-chose.
— Comme si je n'avais pas été assez gâté... Un album de recettes ? s'étonne-t-il en déchirant le papier.
— Oui. Puisqu'on fonde une famille, il nous faut des choses à transmettre. La cuisine est un bon début, non ?
— Lou, c'est... une super idée, souffle Tom, visiblement ému.
— Feuillette-le, je suggère, sourire aux lèvres.
À l'intérieur, j'ai collé les recettes italiennes que m'a envoyées notre vieille amie calabraise, Cuncettina. On s'appelle de temps en temps, depuis mon retour d'Italie, pour se donner des nouvelles et la dernière fois, je lui ai demandé de m'envoyer ses spécialités. Elle a tout posté chez Enzo qui a assuré la traduction, parce que l'italien passe encore, le calabrais, je peux me débrouiller, mais le casalnuevese tremblotant, c'est au-dessus de mes capacités. Tom tourne les pages, la gorge serrée. Tant de souvenirs aussi, de notre vie là-bas. J'avais hésité, à cause de ça. Parce que ce séjour lui a coûté sa validité, mais en même temps, cela fait partie de notre histoire, et, d'une certaine manière, cela doit se transmettre.
— Je n'ai pas les mots, Babe, c'est un très beau cadeau. Ça me touche beaucoup... merci... merci.
Une fois encore, il m'étreint, les gestes à la place des mots, quand l'émotion nous coupe la parole. Pour moi, ce sont les plus beaux remerciements, les plus sincères. Je suis heureuse d'avoir visé juste.
— Tiens, reprend-il, en m'offrant le dernier cadeau qui attend sous l'arbre. Puisqu'après les bouquins, on en est aux cadeaux personnalisés... On est raccords cette année.
Je déballe le paquet, et découvre un album photos. A l'intérieur, des dizaines et des dizaines de photos de moi, enceinte. Quelques-unes de nous, enlacés lors de notre voyage de noces, au Sénégal, où lors de soirées entre amis, mais la plupart, ce sont des photos de moi, seule. Certaines où je prends la pose, sourire aux lèvres et ventre en avant, d'autres prise à mon insu, alors que je dors, lis, me maquille, ou essaie de faire tenir la télécommande en équilibre sur mon bide. Le seul point commun, en dehors de la grossesse, c'est l'amour qui ressort de tous les clichés. J'en ai les larmes aux yeux. Il y a quelques pages vierges, pour les deux prochains mois, m'explique Tom, mais sur la troisième de couverture, un mot de mon mari, qui fait céder la digue.
Babe,
Louise,
Ma Lou,
Mon tendre amour,
Tu as dit, à deux reprises, que je savais toujours tomber juste pour mes cadeaux. J'espère que celui-là te plaira, mais ce n'est pas le sujet, je digresse déjà. C'était du matériel. Un bracelet, des vêtements, une voiture. Des choses que j'achète avec de l'argent que je n'ai même pas gagné moi-même. Alors que toi aussi, tu sais toujours frapper fort. Mais là, je parle de nous. De ce que tu m'offres aussi, dans notre vie.
Il y a quelques années, tu as fait de moi le plus heureux des hommes, en acceptant de nous donner une seconde chance. Ensuite, nous nous sommes mariés, pour mon plus grand bonheur, et aujourd'hui, alors que je ne pensais pas pouvoir être plus comblé, tu vas faire de moi un père. Un papa. Ça me fait drôle, de le dire, de l'écrire... Cela semble encore surréaliste...
Je sais que cette grossesse ne ressemble pas à ce que l'on voit à la télévision, au cinéma, dans les magazines. Je sais que la réalité et les aigreurs d'estomac nous ont rattrapés, mais je voulais que tu voies combien, malgré tout, tu es belle. Combien tu rayonnes, même en jogging, ou sans maquillage, ou quand tu ne souris pas. Combien tu irradies la pièce, même quand tu dors. Parce que c'est ça aussi, la vraie vie, et c'est de cela dont on aura aussi envie de se souvenir quand on repensera à ces moments de notre vie. Que ça n'a pas été tout rose, mais que c'était beau quand même.
Je t'aime, Lou, je t'aime pour tout ce que tu es et ce que tu n'es pas. Pour tout ce que tu m'apportes et tout ce que tu me laisses te donner. Merci de me rendre aussi heureux, chaque jour. Je n'aurais jamais pensé que la vie pouvait être aussi belle.
I love you, I'll always love you. I'm yours, forever.
Tom
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