13. Menace (2)
Torielle
- À quoi joue-t-elle encore ? Son rendez-vous est dans une heure et elle compte se présenter dans cette tenue dégoulinante de sueur ?
- Laissez là faire son bouleau officier Blake, je ne sais pas ce qu'il lui veut, mais ça a l'air important, alors ne voulez mêlez pas de ça.
Torielle avait vu Steve et le Lieutenant entrer dans la salle, mais elle n'entendait pas ce qu'ils se disaient. Elle ne se laissa pas déconcentrer, et frappa, frappa encore.
- Savez vous comment avance son enquête sur l'opposant ?
Steve Blake ne savait pas qu'on ne parlait pas simplement d'un opposant, mais d'un véritable cataclysme du système. L'anti-hôte devait rester un secret.
- Non, elle ne m'a pas fait de rapport pour l'instant. Et quand bien même elle m'en ferait, je ne jugerais pas primordial de vous en informer, officier.
Steve se renfrogna.
- Elle ne se gêne pas pour altérer mon travail au sein de mon armée.
- On ne vous demande pas votre avis.
Steve la regarda, ses cheveux noirs collés au front, par dessus cette cicatrice mystérieuse, ses gants de boxe usés, ses jambes d'athlète crispées, son regard noir fixé sur sa cible.
Une vraie petite manipulatrice, songea-t-il.
- Comment savez vous qu'elle serait ici ?
- Elle a l'habitude d'avoir une ou deux heures d'avance sur les horaires qu'on lui impose. Et je ne l'ai jamais vue préférer un bureau à cette salle à l'odeur de transpiration.
Elle lui semblait tout de même bien jeune. Elle était intelligente, il ne pouvait pas le nier, assez maligne pour menacer de prendre les commandes à sa place. Et elle avait une expérience et une volonté que Steve ne savait pas d'où elle pouvait les tirer.
- Depuis combien de temps est-elle ici ?
Steve savait qu'elle avait plus d'expérience que lui, mais ce n'était pas une raison pour lui voler son travail.
- Dix ans.
Face à la réponse de son supérieur, il faillit s'étrangler.
- Pardon ?
Le directeur afficha un sourire satisfait et un reflet passa sur ses lunettes rectangulaires.
- Et oui Blake.
- Mais quelle âge a-t-elle ? s'offusqua le blondinet.
- Je n'en ai aucune idée, plaisanta-t-il en haussant les épaules.
- Vous ne le savez pas ?
- Ce ne sont pas des choses qui se demandent.
Surtout à une femme, pensa l'officier en smoking. Il s'était habillé pour l'occasion. On ne savait jamais, peut être que leur invité le remarquerait lui plutôt qu'elle. Il devait bien l'avouer, il avait toujours eu un sentiment de mépris pour l'autre sexe. Et la présence de Perkins dans ses pattes ne l'aidait pas à changer d'avis.
- Au fait, commença Steve avec un air beaucoup plus grave, j'ai les rapports des nouveaux raids aériens du jour.
- Vous les avez abattus ?
- Deux de mes brigadiers ont tiré sur ce qui s'apparentait à un sous marin, qui s'était aventuré au delà de la limite.
- Était ce bien un sous marin au final ?
- Oui, abattu à moins de dix kilomètres du point le plus au sud de l'île.
La plus petite distance entre Algore et le continent par la mer était d'environ vingt kilomètres.
- Bien, ça leur apprendra à essayer de s'aventurer trop près de nos côtes. Nous ne devons pas perdre notre réputation.
Steve semblait perplexe.
- Est ce si bénéfique d'imposer une telle peur au continent ?
- Nous ne leur imposons pas. Ils ont peur de nous c'était inévitable. Et que ce passerait-il s'ils nous croyaient inoffensifs ?
Steve baissa les yeux. Le gouvernement leur cachait des choses, et encore plus au reste de la population. Il le savait. Mais il n'était qu'un officier, il avait un bon travail et il était bien payé. Il n'avait pas besoin d'en savoir d'avantage.
- Ils nous attaqueraient pour nous voler notre pouvoir.
En parlant de pouvoir il faisait bien sûr référence au Cœur, la plus grosses source d'énergie jamais découverte et qui restait en lieu sûr dans une tour près du siège du gouvernement. Ce Cœur permettait notamment la création des hôtes, et lui seul maintenait le Nuage en suspension au dessus de l'île. Mais Steve savait bien aussi qu'il influençait encore d'avantage dans la technologie d'Algore, et surtout dans le domaine militaire. Voilà pourquoi ils avaient le dessus sur le continent et offraient une image de supériorité terrifiante.
Le directeur afficha un sourire satisfait :
- Et moi qui vous croyait novice, ironisa-t-il.
Steve en eut presque assez d'être accompagné de ce gros tas de chair sans aucun muscle qui avait l'autorité nécessaire pour lui donner des ordres. Il fallait dire que le Lieutenant n'était pas le premier à accourir sur le terrain, préférant un bon beignet dans son fauteuil. Steve se vantait toujours d'avoir la carrure requise si jamais il devait intervenir dans une mission de l'armée de terre. Mais le privilège de diriger les deux armées simultanément revenait à Torielle, comme toujours. Cependant, il finit par délaisser son compagnon pour la rejoindre.
Il s'arrêta en arrivant près d'elle et de son sac de frappe qui fatiguait presque plus que ses poings. Il venait de remarquer les grosses traces rouges qui parsemaient encore son cou. En jetant un coup d'œil sur le côté, elle remarqua qu'il l'a dévisageait.
- Vous n'aimez plus la compagnie de l'homme qui pourrait vous accorder une promotion ? railla Torielle avec un petit sourire fatigué.
Il s'esclaffa :
- Et vous vous allez finir par vous tuer en voulant accomplir des missions sans l'aide de personne.
Elle laissa un temps de répit au sac qui ondulait devant elle pour se masser le cou. Elle avait encore mal. Elle ferma les yeux une seconde de trop.
« Arrête je ne peux plus respirer ! »
« Lâche moi, tu m'étouffes ! »
- Occupez vous de vos affaires, lâcha-t-elle sèchement en essuyant grossièrement la transpiration qui dégoulinait de ses tempes.
- Vous devriez souvent en faire autant.
Le grand blond la fusillait avec ses yeux bleus, mais elle n'y prêta pas attention.
- Je vais prendre une douche, mon rendez vous est dans une demi heure.
Elle avait bien insisté sur les mots « mon rendez vous », soulignant que monsieur Blake ne recevait jamais personne.
Leurs deux regards aux teintes complètements opposées se croisèrent, puis Torielle le dépassa, indifférente. De son côté, le Lieutenant Richard était resté dans son coin, à les regarder se chamailler. Mais son attention se porta alors sur tout autre chose.
- On m'a dit que vous étiez ici, et comme nous sommes tous en avance, pourquoi ne pas commencer maintenant ?
Torielle resta clouée sur place, bouche bée face au personnage qui venait d'apparaître de la cage d'escalier. Le Lieutenant n'était pas moins surpris et balbutia, ne sachant quoi faire de ses mains :
- Monsieur le président ! Nous ne vous attendions pas tout de suite.
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