10. La nuit après le match
Yves portait une très belle chemise noire aux manches longues, chemise dont les deux premiers boutons étaient ouverts, accompagné d'un jean gris qui lui allait également comme un gant. Il ne parlait presque pas, touchait à peine à son verre de Fanta, on aurait pu dire que rien n'était à son goût. Il s'imaginait comment se serait déroulée la soirée si Célia y était. Elle l'aurait peut-être détendu grâce à sa bonne humeur et à sa légèreté.
- Yves, le ramena sur terre un de ses coéquipiers, ça fait deux heures qu'on est ici et tu n'as pas l'air tout-à-fait présent !
- Oh, fit-il, je... Je suis un peu...
Il fut interrompu par un bruit fracassant. Quelqu'un avait cassé quelque chose. Tout le monde voulut voir d'où ça venait, y compris Yves ; il l'avait oublié celle-là : c'était Corinne, ivre, qui s'amusait avec ses amis. Il aurait été facile pour le jeune homme de l'ignorer, mais il trouvait qu'elle faisait peine à voir.
- Bon les gars, annonçait-il peu après en se levant, je vais rentrer, il se fait déjà tard.
- Tu rentres ? répéta Gabriel.
- Oui oui, il sera bientôt vingt heures.
- Mais le campus ne se trouve qu'à quelques pas d'ici, essaya de le retenir un autre.
- Désolé les bros. Et puis, je suis aussi fatigué ; donc, ciao !
Après un échange de poignées de main de mec, il sortit de la boite.
À l'instant précis où il mit les pieds hors de ce lieu, on l'appela au téléphone. Agité, il chercha l'appareil dans sa poche et c'était exactement la personne qu'il espérait.
- Célia ! s'empressa-t-il de répondre.
- Bonsoir Yves, dit la jeune fille. Tu vas bien ?
- Oooh, très bien. Et toi ?
- Moi, ça va ; murmura-t-elle presque avec charme. Félicitations en fait !
- Merci Célia, la gratifia Yves. Je t'ai vue dans les gradins.
- Oui, je sais. On s'est vus !
Ils émirent tous les deux un léger rire.
- J'aurais aimé te voir après le match, reprit-elle, mais ma sœur cadette était malade et il n'y avait personne qui aurait pu veiller sur elle. J'ai demandé exceptionnellement à mon grand-frère de la garder le temps d'assister à ton match mais...
- Vraiment ? C'est ce que tu as fait ? s'étonna le jeune homme.
Célia n'ajouta rien de plus, peut-être parce qu'elle était un peu gênée de l'avoir fait ou de le lui avoir confié.
- Si déjà tu as pu en arriver à de telles extrémités juste pour venir me voir, ajouta-t-il, je crois que je ne pourrais pas t'en demander davantage.
- C'est chouette que tu comprennes Yves ! s'engoua-t-elle.
- Yves ! s'écria Corinne derrière lui.
Il se retourna et fut surpris de la voir, encore plus dans son état du moment.
- On se reverra plus tard alors ? lui dit Célia au téléphone.
- Oui, plus tard ; répondit Yves, inquiet à cause de celle qui était devant ses yeux. Au revoir et merci encore Célia. Ce que tu as fait a vraiment beaucoup compté pour moi
Elle raccrocha, - sans avoir rendu inaudible le début de gloussement qui sortit de ses lèvres - , et Yves alla ainsi aider l'autre à rester debout.
- Corinne, s'exclama-t-il. Qu'est-ce que tu fais ici ? Retourne à l'intérieur !
- Non Yves ! rétorqua cette dernière. Je... J'avais... Il fallait que je te voie parce que tu... Tu n'es vraiment qu'un idiot ! C'est tout ! Maintenant je... Je... Je vais aller dormir alors !
- Seule ? Demande à l'une de tes connaissances de te raccompagner !
- Ils ne peuvent pas ! Ils ne savent pas où se trouve ma chambre ! Et moi non plus d'ailleurs ! Et toi tu sais où elle se trouve, la chambre de l'ignoble métisse qui t'a pris pour son toy boy il y'a un mois ? Ou t'as cru peut-être que j'étais amoureuse de toi ?
Elle éclata de rire. Yves ne savait que faire. « Voilà qu'elle se met à me demander à moi où se trouve sa chambre ! » monologua-t-il tandis que Corinne riait toujours.
- Je pourrais avoir ton téléphone au moins ? lui posa-t-il.
- Je l'ai laissé..., fit la jeune métisse. Je l'ai laissé... Je ne sais plus où ! Ah-ah-ah-ah-ah !
Elle rigola encore. « Et tu aurais appelé qui ? continua-t-elle. Mes amis sont presque tous cloîtrés dans leurs barraques ou occupés à vivre leur vie, mes frères et sœurs n'en ont rien à faire de moi, et mes parents ne me voient même pas. Ah-ah-ah ! Au départ, c'était juste pour attirer l'attention que j'accumulais les bêtises quand j'étais gamine ; et puis vu que personne ne réagissait, j'ai finalement pris l'habitude de faire ce que je voulais ! » Ça avait beau amuser Corinne, ce n'était par contre pas le cas pour Yves. C'est alors qu'elle passa du rire aux larmes. Elle pleurait. « Que vais-je faire de toi ? » soupira-t-il.
Le soleil s'était déjà levé. Yves était dans sa chambre avec Corinne. Il avait toujours les même vêtements qu'à la boite et c'était pareil pour la jeune métisse, à savoir une blouse mauve et une jupe noir assez près du corps. Nathy y'avait aussi dormi et même après avoir vu leur visiteuse, il ne laissa sortir aucun mot de sa bouche. Là, il était sorti depuis un bon bout de temps. On frappa à la porte. Yves, réveillé par cela, posa tout doucement ses pieds sur le sol avant d'aller ouvrir presqu'à ce même rythme. Ce qu'il finit par découvrir le frappa, lui, de stupeur. Célia, dans une robe verte claire légère et évasée, le regardait droit dans les yeux et le sourire aux lèvres.
- Célia ! s'exclama le jeune homme. Que fais-tu ici si tôt le matin ?
- Je suis là pour t'inviter à passer cette fameuse matinée avec moi afin de m'acquitter pour hier, même si je ne sais pas si on peut encore parler de matinée à onze heures.
- Il est onze heures ?
- Bien-sûr, signala-t-elle avec humour, ne me dit pas que tu viens de te réveiller ?
Son silence répondit à sa place.
- Tu as dû en profiter pour faire la fête avec tes amis, induisit-elle. Je comprends. Je n'aurais pas dû venir à cette heure-ci d'ailleurs ! Je te laisse.
- Où est-ce que je suis ? fit de la chambre la voix de Corinne, ce qu'Yves reçut comme une mauvaise gifle de la part du destin. Eh Yves ! Cette fois on n'a rien fait j'espère ?
Célia l'interrogea du regard. Yves avait l'air coupable malgré lui.
- De quoi elle parle ? chercha à savoir Célia. Tu as fait des trucs avec elle ?
- Écoute Ce...
- Réponds-moi Yves ! Est-ce tu as déjà fait ce à quoi je pense, même une toute petite fois, avec elle ?
Il ne voulait pas lui mentir et donc, il hocha lentement la tête. Elle se retourna immédiatement. « Célia ? » s'écria-t-il en s'apprêtant à la rattraper.
- Eh toi, l'arrêta Corinne en arrivant près de lui, j'espère que tu n'en pas profité pour...
- Il n'y a pas que ça dans la vie Corinne ! la coupa-t-il.
- Ah oui, j'avais oublié que tu resteras toujours un p'tit crétin.
- Tu sais quoi Corinne ? Je ne sais pas ce que j'ai pu te trouver de si spécial : tu ne sais que faire la fête, boire de l'alcool, allumer des types que tu n'aimes même pas juste pour qu'ils te fassent sentir un peu plus vivante que tu ne l'es en réalité et cela durant un court instant ; franchement, tu me fais pitié !
Corinne allait le gifler, mais il ne le permit pas cette fois et stoppa sa main. « Quoi, ajouta-t-il, ça te fait de la peine d'entendre que tu n'es rien d'autre qu'une petite gamine égocentrique et superficielle, que les autres ne te respectent presque pas parce que toi-même tu n'arrives pas à le faire, et que c'est toi-même qui gâches toute seule ta vie ? Pourtant, c'est vrai ; tu auras beau avoir autour de toi ou connaître autant d'hommes que tu le voudras, ça ne te servira à rien si tu ne les apprends pas à te traiter comme il faut ! » Elle n'avait pas l'air de l'écouter et tentait en vain de reprendre son bras.
- Mais il n'est pas trop tard Corinne, concluait-il. Tu n'as que dix-huit ans. Tu peux encore apprendre à vivre correctement ta vie sans compter sur tes amis ou ta famille...
- Je ne sais pas ce que j'ai pu te raconter comme bêtises hier quand j'étais soule, répliqua celle à qui il parlait, mais ton serment, toi tu peux te le mettre où je pense !
Elle lui arracha son bras et partit sans se retourner. Yves jugeait avoir fait ce qu'il pouvait pour elle. Ce qu'il désirait à cet instant-là, c'était parler à Célia.
Le lendemain de ce jour-là, Yves voulut discuter avec Célia, mais elle l'évita. Elle s'en tenait à l'image qu'elle avait en tête : lui et Corinne dans le même lit. Néanmoins, Yves n'était pas prêt à renoncer. Il tenta tous, mais rien à faire. Célia refusait de l'entendre. Bientôt, novembre arriva à sa fin et décembre commença malheureusement très mal pour toute la classe d'Yves : au cours d'une de ses nombreuses soirées de folie, Corinne s'était drogué et cette fois, les conséquences de son insouciance furent fatales pour elle : sa première expérience avec la drogue fut aussi la dernière et elle fit une overdose, n'ayant pas lésiné sur la quantité qu'elle avait prise. Elle mourut à seulement dix-huit ans, dans un bar où elle était allée avec ses amis, qui étaient dans une transe si extraordinaire qu'ils ne l'avaient pas remarqué. Un sombre souvenir de la période des fêtes demeurait à présent dans la mémoire de toutes les personnes qui l'avaient connue, comme dans celle d'Yves, qui réalisait en fin de compte qu'elle avait uniquement besoin que quelqu'un prenne soin d'elle comme il se devait.
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