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Chapitre 47 - Utopie déchue (partie II)



« Son Altesse royale le Prince Meyram. »

C'était comme cela qu'ils l'appelaient. Eux, avant, les châtelains, les Gardes. Et eux encore, des années plus tard, lorsque leurs souvenirs les rattrapaient, et qu'ils oubliaient qu'ils parlaient d'un traître.

Un silence glacial était tombé sous les voûtes. Seuls demeuraient quelques glapissements de Promis, qui le laissaient impassible. Il la fixait. Patient, grandiloquent, telle une statue fissurée. Elle, son âme semblait l'avoir quittée. Elle ne savait que faire, ou que dire. Comment devait-elle l'appeler ? Qui était-il, pour elle ?

Comment devait-elle s'adresser à l'homme qui allait la tuer ?

— Mon oncle, murmura-t-elle.

Le Roi d'Utopie ne semblait pas écouter. Un instant, elle se crut face à la Reine, mais chez cet homme, la placidité dissimulait mal la fébrilité. Elle voyait les reflets verts danser à la surface de ses iris, les reflets de ce pouvoir, qu'il regardait sans doute davantage qu'il ne la regardait elle.

« Où est Lyruan ? »

Elle tenta de racler sa gorge, puis expira à grand-peine :

— ... Vous n'avez... pas changé...

— Heureux que vous le remarquiez, souffla-t-il, absent.

— ... ne serait-ce...

Elle se força à détourner les yeux. Comme obligé, le regard de l'homme plongea à son tour sur sa main nervurée. Les craquelures. Elles baignaient dans les flammes du brasero, longues, fines, si noires qu'elles semblaient avaler la lumière. 

Le Roi ouvrit sa paume devant lui. Il la leva, la tourna, dévoila des doigts plus fissurés que le château sous les bombes.

Au bout des anneaux froids, les poings de l'Angevert se serrèrent de plus belle.

— Peu discret, il est vrai, concéda son oncle avec un flegme glacial. Mais ce n'est pas un prix très cher payé... Ne vous souciez donc pas de mon apparence, ma nièce. Je porterai les nouvelles marques de votre pouvoir avec joie.

Il fit un geste de la main. Des silhouettes se détachèrent de l'ombre pour avancer vers le piédestal. Poings vibrants, elle les ignora, car elle était retombée dans les iris du cauchemar. Ces deux tâches de ciel, rougies par les flammes, qui plongeaient au centre d'une nuit sans lune.

— Je sais ce que l'Ordre pense, murmura le Roi sur un ton de conversation. Ce pouvoir serait sacré. Son Détenteur suprême le serait tout autant. Personne d'autre ne devrait posséder une telle force... Cela pourrait être dangereux...

Des ombres sans visages entouraient le piédestal.

— Mais le fait est, ma nièce, que les mortels déplorent de vivre dans une mascarade. Et ce danger, que vous redoutez, n'est en réalité que... justice.

— Vous volez après une malédiction.

— Le pensez-vous ?

Un léger rire lui échappa, qui la glaça plus que l'air ne le faisait. Les secondes s'écoulaient et il semblait abandonner son air de convenances. Il planta de nouveau ses yeux dans les siens. Dès lors, elle n'eut plus aucun doute. Il voulait qu'elle disparaisse.

— Prenons notre amie commune, sourit-il avec innocence.

Son cœur cessa de battre.

— Une Détentrice comme nulle autre, minauda-t-il. Même le coma rédempteur n'a pas l'air de l'effrayer...

— Que voulez-vous à Lyruan ?

— Oh, rien de plus qu'à vous, ma nièce. Je partage l'avis de mon stratège, Walkaerys en possède trop pour que nous la laissions dans la nature.

Des cliquetis résonnaient vers la base des chaînes d'or. Perdue dans des interrogations, elle réalisa qu'ils ne la détachaient pas, mais qu'ils l'emmenaient ailleurs. Face au regard noir impassible, elle se contorsionna, tenta de fuir hors du lit de pierre. Mais à l'instant où ses jambes tombèrent du piédestal, ses bras tenus en arrière la tirèrent à lui retourner les épaules.

— Pas d'or sur elle ?

Les ombres floues des Utopiens restaient placides, de reflets ardents dans leurs yeux de verre. Vision embuée, un talon sur le sol, l'Angevert serrait les dents pour ne pas crier. Des mains finirent par la sauver du calvaire, empoignèrent ses chevilles, les ramenèrent sur la pierre.

Et une main se plaqua sur son torse. Une vague de chaleur froide la foudroya, s'infiltra dans son corps sans retenue, enserra son cœur, lui offrit une seconde de délivrance. Puis tout s'arrêta. Souffle court, la vision plus claire, ses yeux se rivèrent sur son oncle. La main encore enfoncée dans la robe, il fixait la base de son cou.

D'un geste mesuré, ses longs doigts quittèrent les plis de son ventre, pour glisser vers l'encolure. Tordue, cambrée, elle se sentit foudroyée une seconde fois, quand la main fissurée s'enfonça sous la soie. Son oncle pinçait les plis de la doublure, en extirpait un long fil doré, pas plus épais qu'un cheveu.

Un cri s'étouffa dans sa gorge, tandis qu'incrédule, le Roi contemplait le fil, tenu entre son pouce et son indexe.

— Piètre tentative...

Son regard, lentement, se penchait vers l'obscurité. Aussitôt, les voix des Serviteurs commencèrent à gémir. Ce fil était en or, les Promis avaient essayé de l'aider. Des mensonges auraient pu les protéger, mais la parole l'avait quittée. Elle ne pensait plus qu'à cette peau froide contre la sienne, au creux des fissures, à en oublier ce qui se trouvait dans ses propres paumes.

Une ombre fila au-dessus de sa tête. Ses bras rompus se levaient, tirés en avant. Des mains épaisses guidaient les chaînes face à elle, d'autres accompagnèrent son dos, jusqu'à ce qu'elle se trouve assise. Sitôt que ses coudes purent se plier, elle serra les bras sur son torse, pétrifiée.

Dans les flammes prêtes à s'éteindre, les ombres se transformaient en monstres. La grande cape de son oncle s'éloignait, et avec elle, la pression d'une force qui la dépassait. Mais la délivrance ne fut que de courte durée. Les soldats sans visages s'approchaient des ombres des Promis, avachis contre les murs. Les voix priaient l'Angevert, les Divins. Alors que toutes les âmes imploraient son aide, les mains soulevèrent ses bras maigres, pour la porter vers le couloir.

Sa tête ne put se tourner en arrière. Ses pieds titubèrent dans quelques pas maladroits, avant de se renverser sur les dalles. Les soldats qui la soutenaient longèrent un homme encapuchonné, dont la peau semblait aussi sombre que les voûtes. Tourné vers les Serviteurs, il hocha la tête. Puis des sifflements retentirent, des hurlements éclatèrent. Les bras la trainèrent plus loin. Elle dépassa la porte dans une folie de cris.

Les échos horrifiés des Serviteurs se répercutèrent dans le couloir comme dans une salle vide, jusqu'à ce qu'une voix, fatiguée, ordonne qu'on ferme la porte. La voix de l'Angevert la quitta pour de bon. Pieds trainants, âme vide, elle se laissa porter dans un autre corridor de pierre. Les pulsations de son cœur étaient intenses, puissantes, la chaleur envahissait son esprit, la cape, les masques, tout devenait difforme. L'inconscience voulait la ramener à elle, délivrance inatteignable.

Les cris s'étouffaient avec la distance. Des dizaines de pas réguliers battaient les dalles, ses pieds nus glissaient en chuintant. 

Le soleil ne brillait pas par les fenêtres, il n'y en avait pas, il n'y avait que flammes et ombres. L'humidité collait la soie à sa peau, ses yeux ne se désembuaient pas. Menton relevé avec peine, elle finit par fixer cette cape immense, qui frappait les dalles devant elle. Les ailes de velours dansaient dans des vagues déterminées.

Elle pensa à Veban.

Les soldats l'entraînèrent dans des escaliers. Ses pieds frappèrent les marches, elle gémit plusieurs fois, avant que la même voix nonchalante derrière elle n'ordonne aux porteurs de la soulever. Ses bras déjà brûlants la tirèrent de plus belle. Les lourdes chaînes tintaient sur la pierre, pliaient ses mains vers le sol. L'escalier semblait sans fin. Son oncle, devant, dévalait les marches sans se retourner.

Toujours plus d'ombre, toujours plus de froid. La braise quittait l'air, remplacée par la pierre humide et l'eau croupie. Un nouveau sol de dalles succéda aux marches, les soldats la redescendirent, ses pieds glissèrent sur un parterre glacé.

Au bout du couloir semblait se trouver une salle, éclairée par une haute et lointaine lumière. Une aura s'y trouvait. Elle lui parut familière, mais elle réalisa vite que ce n'était pas celle de Lyruan.

L'incompréhension la frôla, avant que la peur ne la saisisse. Elle pensait avancer vers elle-même, vers sa propre aura, immobile, en retrait du centre de la caverne qui approchait. Un sursaut d'énergie la traversa, le pouvoir fondit dans le poignet d'un des soldats. Le porteur la lâcha en criant. Fébrile, elle tenta de reprendre pied, de se dégager des autres mains, mais un autre soldat remplaça le blessé. Soulevée du sol, elle sentit les muscles se gainer autour d'elle, une force sans appel la porta en avant.

Elle n'arrivait plus à respirer. L'aura se rapprochait avec cette caverne étrange, les dernières arches filaient au-dessus du cortège.

Les soldats pénétrèrent dans la salle. Le pas allongé, ils avancèrent vers un piédestal de pierre à hauteur de hanches, précédé de quelques marches. Le socle faisait face à une abomination de métal, de chaînes, de sphères, montées sur plusieurs niveaux dans une forme pyramidale. Rien ne bougeait, tout était à l'arrêt. Mais ses yeux ne purent se décoller de ces mécanismes, qu'elle connaissait si bien, et qu'elle n'avait jamais vu si nombreux.

Les compter était impossible. La hauteur de la machine aurait pu dépasser celle de la statue des jardins. Toutes les sphères luisaient, silencieuses, immobiles, reflétaient sa silhouette blanche et déformée, qui se débattait entre les silhouettes sombres. La machine fixait son impuissance, et attendait, simplement.

Ses pieds vacillèrent quand ils se posèrent à plat sur la pierre. Tirés par les chaînes, ses bras se levèrent jusqu'à encadrer son visage. Il y eut des bruits d'ailes, les anneaux s'enfoncèrent dans la peau à la base de ses mains, ses talons se décollèrent du sol. Les chaînes dorées en rejoignaient d'autres, qui se perdaient tant dans les hauteurs que la lumière semblait les avaler.

Des cliquetis retentirent. Puis les battements d'ailes cessèrent. Les pas s'éloignèrent, la laissèrent dans le silence.

Les sphères d'extraction la toisaient toujours. Elle, debout face à elles, se tenait droite comme pour garder une fierté qu'elle n'avait jamais eue. Les battements de son cœur lui donnaient le vertige. Elle aurait voulu s'effondrer, disparaitre entre ses coussins, éteindre la lumière du soleil.

Ses yeux se levèrent sur ces autres, bleus et noirs.

— Libérez Lyruan.

— Préservez vos forces, rétorqua paisiblement son oncle, en avançant face à elle. Vos Promis ont tant fait pour vous garder en état. Respectez donc leur travail.

Le visage craquelé perdit un instant son sourire.

— J'allais oublier. Rama a insisté pour que je vous transmette un message.

— Qui... ?

— Votre Veban.

Son cœur fut aspiré par les sphères à l'arrêt.

— Il aurait voulu être là, termina le Roi.

Le temps ne s'écoulait plus. La vérité n'était plus. Le Roi resta muet, sembla se délecter de son effarement, qu'elle ne voulait pas admettre. Ses yeux fuirent ceux qui ne la quittaient pas, s'égarèrent sur un autre piédestal à sa droite, où rayonnaient d'immenses contenants de cristal cerclés d'or. Un étrange esprit vert semblait s'en échapper, gisait à moitié sur le sol, la lueur incertaine.

Puis elle se riva le dernier socle de pierre, à sa gauche, qui faisait aussi face aux sphères d'extraction. Des soldats glissaient des chaînes bruyantes entre des anneaux rouillés. Son cœur se serra, elle sauta vers son oncle.

— Libérez Lyruan, supplia-t-elle.

— Je vous ai connue plus docile, ma nièce...

— Je peux coopérer. L'extraction sera plus efficace... si j'y consens.

— Allons, allons. Que d'agitation vaine.

Calme, il fit un pas de plus. Elle essaya de reculer. Les longs doigts glissèrent sous son menton glacé, le soulevèrent sans effort, et de nouveau les yeux noirs avalèrent les siens, lueurs affolées.

Plongé sur elle, le visage du Roi se para alors de fébrilité. Les ongles froids se plantèrent dans sa peau. Une flamme sembla s'allumer au fond de son regard, avant qu'il n'articule, droit dans ses yeux :

— C'est terminé, gamine de Lilifan. Laisse-moi faire ma seule prière à l'Angevert : que tu souffres autant que j'ai souffert par ta faute.

Il ne la lâchait pas. Pensées emmêlées, elle ne parvenait plus à l'écouter. Elle voyait Lyruan, Veban, la Reine, les Promis, Lyruan encore. Ce pouvoir, dans les yeux de son oncle, aurait condamné le seul soleil de ce monde, et elle n'avait rien pu faire.

Une larme coula sur sa joue, tordue par la main du Roi.

Il sembla la lâcher quand, du fond d'un autre couloir, des échos commencèrent à retentir.


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