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Chapitre 19 - Innocent


Pabavar réapparut avec Kay une bonne heure plus tard.

Pendant ce temps, nous n'avions pas chômé. Dans un Cœur Noir de nouveau libéré, l'intégralité des mécanos s'était regroupée pour la commande de l'armée. Quarante, cinquante, peut être étions-nous plus, assis en tailleur, les jambes pleines de ces cordes affreuses, énormes, immondes.

« Quelle horreur. »

Le moindre regard posé sur ces vieilles tresses me parcourait de décharges abominables. Impossible de les nouer, je fis semblant de les trifouiller du bout des doigts. Cela les défaisait plus qu'autre chose, mais c'était bien le cadet de mes soucis. Du coin de l'œil, je surveillai les autres, qui, même avec de la bonne volonté, n'avaient pas l'air de mieux s'en sortir. Valentesa serrait de toutes ses forces une boule de cordes qui ressemblait autant à un nœud qu'à une pâquerette. Pleh, presque ramené par la peau du cou de sa rue pour nous aider, s'emmêlait les mains dans un bouquet sans queue ni tête. Chef, évidemment, supervisait, bien droit sur ses jambes. Et Pabavar...

« Tiens ? »

Mains lâches sur ses mollets croisés, le grand muet ne s'intéressait pas plus aux cordes qu'à ce qui se passait autour de lui. Il semblait captivé par autre chose. Même Kay, à côté, eut l'air de trouver son comportement étrange. Après m'avoir jeté un coup d'œil, le déchargeur se releva lui souffler trois mots dans l'oreille, sourcils froncés.

Moi aussi je me penchai sur ma voisine.

— Pourquoi est-ce qu'il me fixe comme ça ?

Valentesa releva le menton, ses rubis étincelants tout de suite braqués sur le géant, de l'autre côté du filet.

— Il doit en pincer pour toi, minauda-t-elle avec un lever de sourcil évocateur.

Pas plus d'explications. Elle retourna à son travail avec un ricanement lumineux, tandis que Pabavar restait toujours immobile. Derrière, le monocle de Chef ne tarda pas plus pour me juger d'un air sévère. Je replongeai aussitôt sur le filet, les pensées emmêlées.

Ah ça, pour faire exploser des machines, il y en avait du monde, au Cœur Noir. En revanche, dès qu'il fallait se servir de ses dix doigts avec habileté, ça se pressait beaucoup moins. Les soldats repassèrent au moins quatre fois pour nous demander d'accélérer. A leur place, j'aurais fait pression, quitte à moi-même mettre de l'ordre dans cette équipe de bras cassés. Au bout d'un moment, les trois quarts des mécanos s'éclipsèrent enfin, pour laisser le champ libre aux rares personnes douées avec les cordes. Je n'en faisais pas partie. A la place, je m'attelai avec d'autres à étendre la bête au fil du tressage. 

Les vieilles cordes se prenaient dans le plancher. Les uns tiraient dans un sens, les autres partaient à l'opposé. La tête penchée sur le sol, je devais sans cesse décider entre les ordres contradictoires qui venaient des deux bords de la salle. Et à chaque main refermée sur le cordage rugueux, pour le tirer dans un sens ou un autre, je me revoyais au milieu des nuages, je réentendais mes cris. Chaque fois que je me saisissais d'une corde, c'était une fois de plus, vaine, pour dégager ce monstre de mon visage. Je revoyais le ciel sous mes pieds, pas ce sol étrange. 

Des gouttes de sueur s'écrasaient sur le revers de mes mains. mais je ne sentais pas la chaleur. Les pieds dans ce filet immense, j'avais replongé dans un froid aussi mortel que glacial.


Les ingénieurs déserteurs s'étaient adossés aux piliers. Ils discutaient, tranquilles et agacés ; venant d'eux, c'était plus ou moins la même chose. Chef avait abandonné son hystérie productiviste et ne nous criait plus de retourner au travail. Il avait eu raison, il n'y avait plus rien à faire pour nous.

Même à moitié replié, le filet recouvrait la majeure partie du sol. Ses premiers nœuds, encore brillants de verni, venaient rencontrer les pieds nus et sales des mécanos. De temps en temps, leurs doigts couverts d'ampoules se tendaient vers ce drôle d'ouvrage. « C'que c'est encombrant. », « C'que c'est inutile. » Je les écoutai d'une oreille. « Quel gâchis. », « Non mais, quel gâchis. » La paroi du Cœur Noir n'avait jamais été aussi confortable. Je m'y lovais, avachie, prise de fatigue et de cauchemars.

Je m'endormais en plein jour. Le temps n'avait décidément aucun sens ici.

— ... T'en mettrais des filets de c'te taille ! Ça va pas de faire des trucs aussi grands ?

« Et moi, je t'en mettrais des filets tout court, grognai-je derrière lui, en rentrant le menton. Rien à faire que sa corde soit un peu moins épaisse que l'autre, elle ne se couperait pas au couteau... On ne passerait pas entre les mailles... »

Le soleil brillait un peu moins fort derrière les barres des remparts. Mais c'était trompeur, car le soir n'était pas près d'arriver. La voix de Chef se remettait déjà à claironner, dans toute sa délicatesse, pour nous crier de débarrasser le filet. Je pris appui sur des tuyaux pour me redresser. Mon dos craqua plus que la structure de la salle dans une rafale ; j'avançai groggy, une main dans le creux des hanches.

Nous roulâmes les mètres de cordages au sol en un paquet sans queue ni tête. C'était à se demander si nous ne venions pas de créer le plus grand nœud de l'histoire du royaume, mais, évidemment, pas le temps d'y réfléchir. Deux cris de l'hirsute plus tard, nous portions tous cet amas à bras le corps, pour le hisser sur nos épaules. Le filet rêche brûlait la peau au moindre frottement. Il dégoulinait sur les torses, de ses longs boyaux tentaculaires.

Ah, ce que je n'aurais pas fait pour être ailleurs. Juste ailleurs.

Notre troupe se mit en route comme de gentils petits soldats. Sans difficulté, j'alignai mon pas sur celui du musclé devant moi, mais, autrement, je crois que personne ne se coordonnait. Pas même Pleh, qui s'était curieusement retrouvé à ouvrir la marche. De toutes manières, mon collègue n'avait jamais réussi à tenir la cadence du pas plus d'une dizaine de mètres, et nous nous perdions déjà au milieu d'un de ces innombrables quartiers hétéroclites. C'était une panique monstrueuse. Le filet pesait un troupeau d'ânes morts. Un rien aurait pu tous nous renverser.

Kay meugla un juron en se prenant mon talon. Le musclé, silencieux depuis plusieurs minutes, tremblait de la tête aux pieds. Concentrée sur l'arrière de son crâne, j'essayai de faire le vide. Les petits pas précipités de Chef retentissaient parfois sur les côtés, entre les murmures et les rires de la population. Autant de distractions que je ne pouvais pas prendre le luxe de considérer.

Je ne l'avais pas remarqué, mais, rue après rue, nous nous enfoncions à l'intérieur du nuage. La luminosité finit bien par me mettre la puce à l'oreille. Des uniformes apparurent, un escadron ou deux, qui nous prêtèrent main-forte, essayèrent de cadencer notre progression à grands renforts d'indications. Les pas se synchronisèrent un minimum. Soulagée d'un poids, stabilisée dans mes appuis, je cherchai à repérer les visages, pour les prises de gallons. Ce ne fut pas facile ; je soufflai comme un bœuf, mon cœur aurait pu s'échapper au moindre mouvement de trop.

Quelle procession étrange. Il n'y avait plus de civils autour de nous, mais à coup sûr, nous aurions été sur toutes les lèvres. Des mécaniciens, bougons et détrempés, assistés de soldats de la Couronne, faisant route ensemble, un chaos de cordes trimballé entre leurs deux rangées d'épaules. Même après une nuit qui n'en était pas une, je réalisais bien que cela n'avait aucun sens.

Ce que je n'avais pas réalisé, en revanche, c'était là où nous nous rendions.

La nuit tomba autour de nous. Enfin, le temps que nous traversions les entrailles de Vendomeland. Le groupe entra dans un vaste halo de jour. Jambes raides, dos droit, j'accompagnai le mouvement, sans un regard aux alentours. Mais des hésitations dans la procession me forcèrent à ralentir. De toutes façons, personne ne tint plus longtemps. Les bras lâchèrent, une floppée de cordes envahit nos pieds. Et les mentons se levèrent. Tous. Haut.

Très haut.

Partis du Cœur, nous avions rejoint l'artère principale. Le couloir stratégique. La zone la plus militarisée de la troisième strate.

Une chorale de chuintements mécaniques crissait dans l'air. Des poulies grinçaient, des mécanismes tournaient, encore et encore, entrainés par des machines dont on ne pouvait qu'imaginer la taille et la force. Des kilomètres. Et des kilomètres. Les cordes, flanquées de poignées et étriers, dévalaient ce passage dantesque. A mi-hauteur, des cavités sombres ; partout, des plateformes, des galeries, parcourues d'uniformes, qui s'agitaient comme les ouvrières d'une immense fourmilière. Ça montait. Ça descendait. La tête me tourna, alors que je regardais vers le haut.

Notre présence agitait les militaires. Ce qui en agita vite certains en retour. Plutôt que les installations, certains mécanos préférèrent dévisager les regards fermes, qui les jugeaient en silence. Ce n'était pas le cas de tout le monde. Kay, statique, ne quittait pas le sommet des yeux. Même Pabavar, derrière lui, avait relevé son sourire vers les dizaines et dizaines de mécanismes.

— ... grouille de partout. Ces saletés de troufions cambouisés.

L'endroit n'avait pas l'air de ravir le musclé. A observer Chef, qui négociait un peu plus loin, avec la caporale de tout à l'heure, les autres durent comprendre que nous avions du temps à perdre. Un groupe se forma vite autour du plaignant, peut-être aussi pour se rassurer, imaginai-je.

— Vivement que tout ça s'arrête, grogna encore l'autre dans les rotations.

Le vent apportait quelques nuages par la large ouverture. Je les voyais distraitement glisser entre les pales de l'hélice de cuivre, en contrebas, pour envelopper de leurs volutes les premiers étriers. Le gouffre, à quelques mètres de nous, était à moitié couvert d'une toile de corde, tendue par des rangées de pieux solides. Ces quelques changements dans le décor m'intriguaient autant qu'un nouveau meuble qu'on aurait déposé chez moi. Mais même si je leur tournais le dos, je laissais toujours une oreille trainer du côté des mécanos. Ainsi, j'entendis, un moment plus tard, que j'étais devenue le sujet de leurs conversations.

— Pourquoi ne devrais-je pas avoir l'air si détendue ? lançai-je fort, en me retournant vers leur groupe de manchots serrés.

Le musclé me gratifia d'un œil courroucé. Ce regard respirait l'animosité jusque dans son blanc cru, mais il n'ajouta rien, et se repencha parmi les autres. Qu'à cela ne tienne, je fis un pas dans leur direction.

— ... Ils gaspillent les ressources. Ils nous donnent une misère.

— Armés, mais idiots, souffla un autre.

— Ouais, idiots.

Je secouai la tête, un soupir exaspéré retenu entre les lèvres.

« Du calme, tentai-je. Ce n'est pas nouveau ce genre de... »

— Vivement que tout ça parte en fumée.

« De... »

— La Couronne, tu parles. Un Angevert, tu parles. Des mensonges. Ce sont tous des marionnettes. C'est comme les autres corbeaux, là, ils ont tous qu'à...

Il s'arrêta pour me regarder. Bonne idée qu'il avait eu de s'interrompre. Ça me calmait.

Pour l'instant, du moins.

— Ils ont qu'à quoi ?

En cape face à un soldat, jamais je n'aurais pris cette voix cinglante de fatigue. Mais je n'étais ni en cape, ni — heureusement — face à un soldat.

— Les corbeaux et les troufions, pas de différence, grogna l'autre, de nouveau rivé sur moi.

Il repoussa une main qui se posait sur son épaule.

— Z'avez qu'à tous crever, articula-t-il à mi-voix.

Et il cracha sur le sol de planches entre nous.

Toute cette hargne. Toute cette haine. Ce gars m'avait toujours détestée, et je le savais très bien. Une infiltrée en mission, calme et réfléchie, ne devait pas se laisser aller à la provocation. Galliem, Klonor, Migonem. J'en avais connu d'autres, des idiots qui jouaient avec mes nerfs. Rester calme et réfléchie. Calme et réfléchie.

— Bien, bien crever, surenchérit-il.

Ma tête se pencha sur le côté. Un craquement. Deux. Trois.

« Bon, alors, toi... »

Le musclé venait de signer son arrêt de mort.


— Mais arrêtez-la, bon sang !

Je repoussai le premier plastron.

Le musclé glapissait en fuyant, un œil au beurre noir.

— Arrête-toi !

— Silence ! assénai-je, sans quitter ma cible des yeux.

Borné, bête, en tout cas il avait conservé la survie dans ses instincts primaires. Face à mon pas écrasant, le musclé se transformait en colosse aux pieds d'argile. Il trébuchait. Se relevait, traits tordus dans ma direction, repoussait les quelques gens sur son passage de gestes mal assurés. Derrière lui, j'avançai. J'avançai. Sans faiblir, sans tarir, animée d'une volonté implacable d'en coller une nouvelle à cet abruti.

— Tu te crois où ? cria-t-on encore sur ma gauche.

Une poigne solide pivota mon épaule. Cape courte, insigne pourpre et argenté. Le militaire me prenait en face à face, plantait son regard dans le mien.

— Les prisons centrales ne sont pas loin ! menaça-t-il sans préambule.

La silhouette floue de Pleh tremblait loin derrière lui.

— Regardez-moi, sergent, plaquai-je.

Le brun tiqua.

— Regardez-moi bien.

Toujours main serrée, il me dévisagea sans comprendre. Plusieurs secondes, j'attendis plusieurs longues secondes, avant que, lentement, sa poigne ne faiblisse. Je me dégageai aussitôt, sous ses yeux démesurés.

Les soldats me laissaient enfin place nette. Du coin de l'œil, je voyais les uniformes se reculer. Ceux du Cœur Noir, quant à eux, semblaient chaque instant plus stupides. Leurs têtes sautaient du filet aux cordes, de l'armée à mon visage, en passant par leurs acolytes, qui, je le devinais, se rapprochaient dans mon dos. Le musclé dissimulait sa carrure de déménageur derrière des allumettes maigrichonnes, une grande main aplatie sur son œil.

— Restez pas plantés là !

Apparemment si, ils le restaient.

— Faites quelque chose, gémissait-il encore. Elle est devenue folle ! Complètement folle !

Une muraille de têtes se cristallisait autour de nous. Ils allaient être déçus, le spectacle serait de courte durée...

— Oui ! C'est bien mon grand, vas-y !

Quelqu'un avançait derrière moi. Prête à la riposte, j'étais persuadée qu'il n'oserait pas s'approcher. Un pas tranquille. Puis un deuxième. L'attente générale finit par m'interpeller ; un dernier regard assassin lancé au mécano, je m'apprêtais à me retourner.

Mais avant que je n'en ai eu le temps, une serre de rapace se referma sur mon bras.

Et ce simple contact provoqua un déclic.

Un immense déclic. Tellement immense, qu'au départ, je ne réalisai pas ce qui m'arrivait.

Le musclé, les soldats, les cordes, le sol. 

Tout disparut, englouti par une fumée noire.


Les lambeaux sombres battaient contre mes jambes, au-dessus de kilomètres de vide. Le petit pendentif, enfermé dans ma paume, diffusait son pouvoir salvateur, enveloppé d'une petite lumière courageuse.

L'Utopien gesticulait, tentait de me faire tomber.

Sa main refermée sur mon cou.

Tombant devant son aile, je basculais contre lui.

Le grand masque noir me fixait, en silence.

Ses doigts plus solides que la pierre.

L'épée fendait mes doigts, délivrait le pendentif enfermé.

Je tombais.

Sa main.

Le masque.

Sa main.

Immense. 

Sa main.

Silencieux.

Cette main...


Figée sur la face déconfite du baraqué. Immobile, les pensées dans un état indescriptible. Mon cœur avait chuté sur Terremeda. Ou il s'était frigorifié. Mes souvenirs ne m'avaient pas rendue aveugle, pourtant, plus rien n'existait. Ma main. Mon coude, mon avant-bras. La sensation se décupla, dès que je l'eus sous les yeux. Ça. Les longs doigts sur la manche de ma vieille robe, qui l'enserraient, sans bouger.

Je levai la tête. Innocent, le sourire de Pabavar planait au-dessus de moi.

Innocent.

Doigt après doigt, il ramena sa main contre lui, sans me quitter des yeux.

Innocent.

« Innocent...? »

— Ah, Seigneur..., soupira la voix de Kay au loin.

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