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Chapitre 8 - Le filet




Les conversations battaient leur plein dans le salon, plus bondé qu'il ne l'avait jamais été. D'un coup d'œil furtif, j'avais compté les silhouettes – huit, dont six étrangères. Certains s'étaient fait servir une tasse, assis dans les fauteuils défoncés du salon. D'autres se tenaient droits entre les guéridons, campés en position détendue pour mieux berner l'adversaire. Tout ce beau monde croulait de mielleux et de gentillesse. Bien tenté. Mais ils ne m'auraient pas comme ça.

Conformément à ce que Jeanne avait annoncé, le docteur se trouvait parmi les visiteurs. Avec ses lunettes qu'il mettait, enlevait, et ses phrases compliquées, il se donnait des airs idiots. Les autres, je ne les avais jamais rencontrés. Il y avait des femmes en vestes vertes, d'autres en blanc, un homme rabougri, qui semblait plus encore aimer la paperasse que le docteur.

Un long bâillement résonna depuis le toit. Je l'ignorai.

Les quelques mots que j'attrapais à la volée ne m'aidaient pas à comprendre la discussion. La porte du jardin avait beau rester entrouverte, saisir un terme dans ces amas de vocabulaire suffisait à me donner une migraine. Seules certitudes, il fut question de « poules », de « maison », de moi, aussi. Un mot revenait presque à chaque phrase, j'aurais bien aimé le connaître. Le démanageman.

Ly ? dégoulina la voix de Galliem.

Pas maintenant.

Je m'ennuie...

Guette, comme je te l'ai dit, soufflai-je vers la gouttière, avant de me rabattre sur la porte.

Y'a rien à guetter. Toutes tes machines sont à l'arrêt, y'a personne, bâilla-t-il encore.

On ne sait jamais.

Mouais, j'ai connu meilleur stratège que toi.

Je fronçai les sourcils, tandis qu'un étage plus haut, des claquements secs m'indiquaient que Galliem avait quitté son poste d'observation.

Le toit du poulayé grinça sous le poids de l'oiseau.

Ecoute, lança Galliem parmi les caquètements, c'est toi la gradée ici, mais j'ai l'impression que la situation ne craint pas tant que ça.

Tu n'as pas dû faire face au vrai danger, marmonnai-je à demi-mot.

Il ne m'avait pas entendue. Mais à peine me fis-je la réflexion, une phrase me revint en mémoire. « Tu penses qu'on est soldats pour faire de la décoration ? »

Un nouveau battement d'ailes résonna. Je tournai la tête vers Galliem, accroupi dans la terre, les poules contre le grillage à l'opposé de lui. Depuis la veille, il n'avait pas quitté son uniforme de cuir.

Je peux prendre de la terre ? demanda-t-il sans préambule.

Les conversations du salon dans les oreilles, je mis deux secondes à comprendre sa question. Je hochai la tête, circonspecte, Galliem me remercia vaguement, avant d'enfourner une poignée granuleuse dans une poche de sa ceinture. Encore un étrange objet de collection. Mais après tout, si ça lui faisait plaisir...

L'oiseau tordit la tête vers l'arrière du poulayé.

Oh, vous avez de bonnes cordes, aussi ! Je peux en prendre un bout ?

Tu pourras tout avoir...

Merci !

... si tu guettes le... heu...

Trop tard, les cordes m'avaient occultée. Les franges de sa jupe dans la terre, Galliem s'attela à dégager le vieux tas de cordages que j'avais toujours voulu ensevelir. Je me revis pousser la terre des champs dans sa direction, pas plus tard que la veille. Ces cordes m'avaient toujours paru hideuses, ça m'étonnait que le soldat y trouve un quelconque intérêt.

Entre les protestations des poules et les grattements de Galliem, je ne comprenais plus rien aux voix du salon. Je soupirai, un regard pour l'escargo du pot posé à côté de la porte. Dans ce genre de situation, il n'y avait plus qu'à se résigner. A petits pas, je m'éloignai du battant, pour avancer vers l'énergumène.

C'est vraiment du bon travail, souffla Galliem entre deux tirées. Les nœuds ont l'air... très solides...

Tu as besoin d'aide ?

Non, non, regarde.

D'un grand coup de bras, il arracha les cordes du sol. Une trainée de terre s'envola aussitôt des cordages qui pendaient de ses mains.

P-pousse-toi, grinça-t-il, les joues rouges.

Je fis un pas en arrière à l'instant où, dans un fracas sourd, les cordes s'abattaient sur le sol de terre. Galliem souffla comme une bouilloire, les poules piaillèrent. Je me retins de dire qu'on ne voyait pas bien la différence avec le tas précédent.

Lui essoufflé et moi silencieuse, nous nous penchâmes sur la bête. Les cordages, épais comme le poing, s'enroulaient mieux qu'un troupeau de serpans, serrés en nœuds énormes à une grosse main de distance chacun. Aux extrémités pendaient de lourdes besaces, dont la plupart étaient trouées et vidées.

Eh ben, ceux qui ont fait ce truc n'avaient pas de ressources à gaspiller, soupira Galliem, une main dans ses cheveux décoiffés. Il va me falloir un bon couteau pour le couper.

Je ne répondis pas. Peut-être était-ce les ombres, mais les mailles avaient l'air de me regarder de travers.

T'as plus ton couteau de sergent, toi ?

Couper cette chose au couteau..., réfléchis-je à voix haute.

Quelque chose ne tournait pas rond. Ma peau se hérissait, quand bien même les étrangers bavardaient loin, derrière la porte du salon.

Bon... on attendra de voir tes vieux, se résigna Galliem.

Les cordes rugueuses pliées sur la terre m'étaient étrangement familières. Mais quand la lumière de la Boussole m'avait attirée à la toucher, cette fois, je me serais abstenue de poser une main sur cette chose. Pire, à sa simple vue, je sentais mon corps sur le qui-vive, comme s'il s'apprêtait à détaler.

Il faut en avoir le cœur net, murmurai-je avec un frisson.

De quoi ?

Sans me perdre en explications, je pliai les jambes, pour tomber accroupie à côté du tas de cordes. Les mailles me toisèrent, je toisai les mailles. Puis, avec une inspiration, j'en empoignai une à pleine main.

Et là, ce fut le déclic. A l'instant même où le cordage frôla ma peau, la sensation me transporta ailleurs.

Dans les airs, du vent plein les oreilles.

Les nuages, le sol, la joue éraflée contre cet amas qui appuyait sur mes bras, mes jambes, ces autres membres qui dépassaient de mon dos. Mes paumes gelées se râpaient contre les fibres rêches, des plumes blanches s'effritaient par dizaines, une lame s'envola de mon poing, après avoir tenté de percer la corde. Une maille en travers du visage, je m'entendis hurler, gainer mes muscles jusqu'au dernier, pour repousser le filet.

Le filet. Un tambour dans la poitrine, je confirmai que je l'avais déjà vu. Et que ce n'était pas lors du plus beau jour de ma vie.

Hm, fit Galliem, la corde t'intéresse aussi ? Tu veux en garder un bout ?

Même pas en rêve.

Enfin, dans mes rêves, je n'avais pas ce choix. Je me levai sur mes genoux, étonnée qu'ils ne soient pas congelés, et vérifiai l'état de Galliem. Comme je l'espérais, il ne s'intéressait plus au filet. Ses yeux rêveurs se perdaient en direction des champs.

— ... Je peux encore prendre de la terre ?

Mes sourcils se haussèrent. Je soufflai mon accord, et l'oiseau sauta presque de joie, en se précipitant sur un tas poudreux de la bordure du jardin. Je terminai de me redresser, un œil sur son uniforme, quand une pensée me traversa l'esprit.

Si Galliem n'avait pas de filet avec lui, quand il s'était écrasé dans les frèzes, pourquoi en avais-je un, moi ?

Tout ça ne faisait qu'entretenir un mauvais pressentiment. Le filet à mes pieds, je reculai d'un pas. Avec ce ciel bleu au-dessus de ma tête, je sentais les images du cauchemar revenir, plus claires encore que la nuit précédente.

Galliem, murmurai-je, je voulais te dire...

— Où sont-elles, les poulettes ?

La voix qui jaillit hors du salon nous fit sauter, l'oiseau dans sa terre et moi. Une étrangère en veste verte avançait ses bottes d'un bon pas, les mains encombrées de grandes caisses en plastik ajouré.

— Pardon les jeunes, je n'en ai pas pour longtemps, glissa-t-elle au passage, en contournant le filet.

Muré dans le silence chaque fois que quelqu'un apparaissait, Galliem m'observait avec de grands yeux, comme s'il guettait un signe. Il fallait bien avouer que la tentation était grande. Cette femme qui semblait en avoir après les poules, agissait seule. De plus, ni Jeanne ni Émile ne semblaient l'avoir suivie.

Le portillon du poulayé s'ouvrit, la femme y entra comme chez elle, puis déposa ses caisses en douceur. Derrière, des têtes s'étaient penchées à la porte du salon. Jeanne – dommage – et le docteur examinaient sa manœuvre comme s'il s'agissait d'une opération périlleuse. Galliem, lui, ne semblait rien comprendre. Les fesses dans la terre, il fixait l'intruse au milieu des poules avec des yeux ronds.

La femme attrapa les poules dans ses bras, une à une, pour les poser dans la caisse. Tant d'adresse m'épatait, mais ce sentiment contrastait avec les protestations des volatiles, que la manœuvre semblait effrayer. L'inconnue kidnappait impunément les amies d'Émile ; elle ressortit aidée d'une autre dame-à-veste, qui l'avait rejoint. Elles trébuchèrent du coin de la chausse sur les mailles du filet. Je me retins de les aider à se déséquilibrer.

Jeanne observait toujours sans protester. Les femmes firent ainsi deux allers-retours, emplis de caquètements interrogateurs, avant que la dernière caisse ne disparaisse par la porte. La plupart des têtes les suivirent. Aussitôt, Galliem s'extirpa de la terre, précipité vers le salon.

Attends, lui intimai-je en le saisissant par le poignet.

Ly, on peut pas laisser faire ça ! me chuchota-t-il à la figure, révolté. Qu'est-ce qu'ils veulent aux oiseaux ? Pourquoi ils les empêchent de voler ?

Même lorsqu'il m'avait parlé de mon passé, le soldat n'avait pas semblé si sérieux. Son attitude me troubla, mais du coin de l'œil, je repérai Jeanne, qui attendait près de la porte.

Ce sont les ordres, repris-je tout bas. Jeanne sait ce qu'elle fait.

J'ai une idée, coupa-t-il. Il y a des projectiles rangés sur le toit de la maison. Je vais monter, et...

Galliem.

Ma main serrait son brassard de cuir. L'oiseau garda sa bouche entrouverte une seconde, avant de pincer les lèvres, ses iris lumineux posés sur moi. Je n'osais qu'à moitié le regarder en face. Voir ces poules quitter la maison me faisait plonger sous une averse.

Je ne veux pas retourner sur Van-Ameria, avouai-je.

Malgré moi, je m'imaginais à la place des volatiles. Je m'imaginais quitter cet endroit que j'avais toujours connu, pour un ailleurs dont je ne savais rien, dont les dangers pouvaient vite se dessiner.

Mon regard dériva vers le filet.

Tu es sûre ? bafouilla Galliem.

Oui.

Heu... D'accord. On n'a qu'à rester ici.

Je dressai la tête, surprise.

Tu n'as pas envie de retourner d'où tu viens ?

J'ai plus rien, là-bas, sourit-il avec amertume. Et avec tous les ordres que j'ai, hem, contournés pour venir te voir, j'y laisserais des plumes si je rentrais seul.

Son poignet glissa hors de mes doigts, je n'avais même plus à l'esprit que je le tenais. Lourdes, les mains de Galliem s'abattirent sur mes épaules.

Que ce soit pour des oiseaux ou une destination, je suis tes ordres, sergent, glissa-t-il avec un sourire complice.

Et, sifflotant, il retourna d'un pas ferme en direction de la terre.

L'orage qui grondait dans mon esprit se transforma en bruine. Son plastron de cuir sous les yeux, à défaut de remercier l'oiseau, je me sentis esquisser un sourire.

— Élise ?

« Jeanne ? » Le premier filet de voix suffit pour que je me détourne de Galliem. A l'opposé du tas de terre, grelottante dans son châle sur le pas de la porte, la grand-mère nous fixait de ses petits yeux ridés.

— Rentre, Jeanne, bredouillai-je en me précipitant vers elle.

— Un instant, un instant. Ma petite, je dois te dire quelque chose. Émile et moi avons décidé de déménager.

Encore ce mot. Je voulus lui répondre que je le savais déjà, mais que le sens de cette action m'échappait. La grand-mère dut le comprendre.

— Nous allons quitter la maison, fit-elle à mi-voix.

— Où allons-nous ? demandai-je aussitôt.

— Nous... Émile et moi allons dans une maison de repos. C'est une maison pour personnes âgées.

Jusque-là, rien de suspect. Mais sa petite mine me mit la plume à l'oreille, et le temps de tourner les plans de Jeanne dans ma tête, je réalisai que je n'en faisais pas partie.

— Tu n'as pas de papiers d'identité, ce qui complique un petit peu les choses pour te laisser la maison, poursuivit Jeanne, penaude. Les voisins acceptent de t'héberger, mais je me demandais... ce jeune homme avec toi vient de quelque part, n'est-ce-pas ? Vous avez un endroit où aller ?

Deuxième averse. L'orage mental était de retour ; je cachai ma confusion sous un regard résolu.

— Oui. Ne t'inquiète pas pour nous.

— J'espère ma chérie, j'espère...

Ses petits bras se levèrent. Poings serrés, je courbais le dos pour répondre à son accolade. La grand-mère tremblait contre moi et tout compte fait, ce n'était peut-être pas le vent le responsable.

Quant à moi, je me refusais ne serait-ce que de vibrer. Les yeux fixés sur le lointain des champs ensoleillés, je plongeai le nez dans son châle, en tentant de taire les pensées parasites. C'était difficile. Les sifflements des bourrasques, ajoutés aux batifolages bienheureux de l'oiseau dans sa terre, avaient de quoi retourner ma fausse sérénité.

« Je ne veux pas partir. »

Pourtant, ces bras contre moi me serreraient un jour pour la dernière fois.

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