Chapitre 5 - Compte à rebours
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Les chandeliers avaient été apportés par dizaines, comme par volonté d'éclairer chaque recoin de la pièce. Leurs lueurs vacillantes se reflétaient sur le verre de la fenêtre, prêtes à repousser la nuit elle-même. Mais il était une ombre qu'aucune flamme ne parviendrait à chasser : celle qui planait dans le regard le plus lumineux de Van-Ameria.
L'obscurité, Adaline l'aurait mille fois préférée à cette tiédeur fausse, ce tremblement agressif, qui projetait de sinistres silhouettes sur les murs. Plus noirs que les Sommets au-dehors, ces grands êtres ténébreux la surveillaient, la toisaient, épiaient son moindre geste, sa moindre parole.
Avec eux auprès d'elle, le temps s'étirait indéfiniment. Au ralenti, la main du Général se leva, jusqu'à venir effleurer son plastron de cuir.
— Je vous en prie.
Sa voix avait réchauffé l'air un court instant, avant que la tension ne retombe sur ses épaules voûtées. Elle était la plus vénérée de ce royaume. La Sauveuse des mortels, le seul rempart contre Utopie. Pourtant, tout ce qu'elle ressentait, des lourds draps qui entravaient ses jambes, à la respiration lente de ses gardiens, sans oublier ces yeux de glace, ceux de la Reine, figés sur elle comme s'ils la sondaient à chaque instant, tout cela, qui aurait pu dire que c'étaient là des privilèges ? Elle était une déesse captive.
Mais elle le voulait. Elle l'avait accepté, enfin.
Et, pour l'heure, elle savait exactement ce qu'il lui restait à faire.
Lentement, ses paupières diaphanes se fermèrent. Le Général n'aurait pas l'occasion de revoir le tourbillonnement de magie qui éclairait ses iris, qui attirait la convoitise de bien plus de personnes qu'elle ne l'imaginait.
À l'instant où elle rouvrit les yeux, le pouvoir fondit.
Puissant, invisible. Respectueusement courbé en direction du lit, le militaire blond se pétrifia, étincela d'un vert fade, mais suffisant pour suspendre son existence. Que ce soit la forte épée à ses côtés, ou son insigne plus prestigieux que tous les uniformes de la troupe, rien ne l'avait protégé. Face au pouvoir de l'Angevert, même le preux Général n'avait d'autre choix que de se soumettre.
À peine se pétrifia-t-il, un compte implicite commença dans la pièce.
Une minute.
Ses mains avaient tremblé dès la première seconde.
Deux minutes...
Elle voulut le retenir, mais son gémissement étouffé déchira le calme de la chambre. Haletante, tremblante, elle s'effondra sur les draps, tandis que tous les regards se rivaient sur le Général. Le militaire bougeait placidement ses doigts devant lui, montrant, à qui ne l'avait pas encore compris, que le sort ne faisait plus effet.
Seule, la déesse luttait pour garder conscience, fixait cet homme libéré, de toutes ses forces. Si seulement il pouvait lui transmettre du courage, mais il n'était qu'une silhouette parmi les autres, droite derrière les mèches qui pendaient de son front, et obstruaient sa vue, comme autant de barreaux de prison.
Le silence qui suivit, entrecoupé de sa respiration rauque, fut un des plus pesants qu'elle n'ait jamais vécu.
— Cela devient préoccupant, énonça finalement une voix, ce que tous ici devaient penser tout bas.
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