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Chapitre 41 - Haïr


La nuit avançait tranquillement sous les étoiles. Des braseros et de longues tables avaient été rapportés des casernes, couvertes de denrées de bout en bout. Ça nous changeait de nos pauvres paniers quotidiens. Un arrivage frais des Grandes Fermes, quelque part sous la Cité de Nacre, nous inondait de graines de toutes tailles, de fruits et de légumes. Parfois, je reconnaissais un aliment de Terremeda, et parfois, je me demandais comment ces choses pouvaient exister. Les formes, les couleurs et le goût étaient différents. Presque tout ici sentait l'eau fraîche, plus ou moins sucrée, amère, ou acidulée.

La Garde avait insisté sur les graines et certains fruits, meilleurs remontants, selon eux. J'avais pris ce qu'on m'ordonnait de manger ou boire sans rechigner. Être obligé de participer à un banquet, ça n'arrivait pas tous les jours dans l'Armée.

Entre les flammes, les étoiles et les conversations chaleureuses, les Sommets avaient retrouvé leur lumière.

Les nouvelles recrues, épargnées des combats, étaient remontées sur les Sommets. Depuis un moment, j'observais Pleh, rabroué par les armures, alors qu'il tentait de se resservir. Mon camarade goulu devait avoir eu son compte.

Personnellement, je ne me voyais pas avaler autre chose. J'avais une boule dans le ventre.

Le dôme du château n'était pas éclairé. Fondu dans l'ombre des tours, j'aurais presque pu l'ignorer. Mais ce qu'il renfermait occupait toutes mes pensées.

Une silhouette sombre s'approcha. Un soldat, pas bien vieux, enrubanné de la tête aux pieds. Je faillis ne pas le reconnaître.

— Vous auriez dû garder votre bandage, caporal.

Heden sourit.

— Que pensez-vous, je viens le récupérer.

J'étais assise à même l'herbe. Ça ne sembla le décourager, il s'installa à mes côtés.

Distraite, je lui tendis le bandage. Galliem, appuyé à sa nouvelle canne discutait avec un groupe d'Archers à forte majorité féminine.

— Je n'en reviens pas que vous n'ayez rien.

Heden riait nerveusement. Il fallait sans doute le démentir.

— J'ai failli suffoquer, Tomber, m'écraser sur les Sommets, j'ai percuté un éclair et ai été blessée à la main, ici. Mais la magie de l'Angevert a dû agir dessus, il n'y a plus de traces.

— Vraiment ?

Un frisson inattendu me figea jusqu'aux orteils. Heden cherchait la blessure sur ma peau, du bout des doigts.

Il ne cherchait pas au bon endroit. Je levai la main dans la lumière, pour lui tracer la course de la rapière. Le caporal sembla circonspect ; peut-être ne croyait-il pas à ces histoires de guérison miracle.

Comme quoi, même pour des Van-Ameriens, ce pouvoir restait bien énigmatique.

— On ne vous a pas ménagée, Valkeris, murmura-t-il finalement.

— Ils n'ont épargné personne. Sauf votre respect, regardez-vous.

Le moment me semblait propice à de petits écarts protocolaires. Heden parut amusé, ça me rassura. Je croisai les mains sur mes jambes, songeuse. Galliem riait trop fort pour être naturel.

— Vous savez, ça m'a fait étrange de vous avoir sous mes ordres, glissa le caporal.

— Parce que j'ai été sergent ?

— Oui, mais pas seulement. Vous ne devez pas vous en souvenir, mais j'ai été sous vos ordres.

L'idée me parut absurde.

— Deuxième compagnie, formation des nouvelles recrues, confirma Heden. J'ai dû faire un bel effort pour vous considérer comme une subordonnée.

— Croyez-moi, vous y êtes arrivé.

— J'espère bien, Valkeris.

Qu'il prononce mon nom ainsi me fit instinctivement dresser le dos. L'obscurité lui mangeait le visage, mais je fus sûre qu'il retint un rire.

Décidément, le caporal était détendu.

Devant nous, les conversations s'amenuisaient. Les ombres des soldats, projetées par les braseros, ne furent plus qu'une centaine, puis quelques dizaines. Fen, puis Pleh, les visages que je connaissais s'éclipsèrent. Galliem aussi s'éloigna de son groupe, la main collée dans celle d'une Archère.

Peut-être était-il temps de prendre une nuit bien méritée.

— Je vous souhaite le bonsoir, caporal, fis-je en me relevant de l'herbe.

— Ah...

Je réfléchirai plus tard à ce que pouvait signifier ce soupir. J'allais prendre congé, quand il ajouta :

— Je suis rassuré de vous savoir en vie, Valkeris.

— Moi aussi, caporal. Rétablissez-vous vite.

— Bien...

Un « sergent » sembla lui échapper. Déjà dos à lui, j'étais persuadée que nous partagions le même sourire.

Loin du parvis, le calme de la nuit reprenait ses droits. Une brise sifflotante glissait sur l'herbe humide et une grande lune se couchait sur l'horizon. Le château avait retrouvé sa quiétude, libéré de ses plaques de marbre aux fenêtres, et de son invasion de soldats masqués.

Je vérifiai automatiquement le dôme.

Il surplombait les Sommets comme une vigie endormie. Quelques fenêtres étaient entrouvertes. Leurs battants croisés se laissaient caresser par les rideaux pâles, bercés par le vent. Impossible de voir l'intérieur. Aucune lumière, de quelque couleur que ce soit, n'en émanait.

Plongée dans l'obscurité, je m'arrêtai.

« Je te hais » hurlait une voix dans mes souvenirs.

« Je te promets de revenir » lui répondais-je.

Bien sûr. Pourquoi ne l'avais-je pas réalisé plus tôt ?

Il fallait que je parle à quelqu'un.


Je m'étais promis de ne plus jamais croiser la route d'un Garde Royal. Ce fut pourquoi je guettai le moindre détail louche. Un reflet, en haut d'une tour. Ou le chuintement d'une arme qu'on dégaine. Ou l'écho d'une voix trop sévère.

Soit je cherchais à me rassurer, soit je cherchais à me dissuader.

J'étais un soldat. J'obéissais aux ordres et je suivais la vie qu'on traçait gentiment pour moi. Si je réfléchissais trop, je réaliserais que ce que j'étais en train de faire, en ce moment, était le comble de l'idiotie.

Dans l'angle mort des tours, je hissai mon pied sur un nouveau rebord de marbre. Mes ailes battaient l'air par à-coups, pour me garder contre le mur du château.

Le dôme n'était plus qu'à quelques bas-reliefs. Tout y était silencieux, inerte. Mais je me doutais que ce n'était qu'une apparence.

« Je te promets de revenir. »

Que m'arrivait-il ? J'avais l'impression de me souvenir, mais je ne comprenais rien. Comme si des bribes d'images, de sentiments, s'était soudain réveillées, sans que rien ne soit expliqué. Qu'était-ce ? Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, de plus en plus fort, à mesure que la plaine s'éloignait sous les arches et les tours. Je ressentais une chose, envahissante, que je n'arrivais pas à faire mienne.

Je voulais savoir. Que se passait-il ? Que voulaient dire tous ces souvenirs ?

« C'est de la folie, Lyruan, me réprimandai-je. Tu sais où tu vas, tu sais ce que tu dois faire. Là, on va sérieusement te froisser les plumes si on te reprend avec elle. »

Ce n'était plus le moment d'hésiter. Le dôme se trouvait juste au-dessus de ma tête. Je pouvais admirer tous les détails des sculptures : des arabesques blanches, des losanges, une figure ailée, qui surplombait les voûtes des fenêtres.

Je me hissai sur un rebord de marbre, face aux rideaux.

Pas un bruit.

— Il y a quelqu'un ? murmurai-je.

Je n'étais pas à l'abris qu'un Garde me réponde. Prête à décamper, j'attendis. Aucun son. Le calme plat. C'était le silence qui me causait.

Mais un silence plus bavard qu'il n'en avait l'air...

— Habituellement, les visiteurs indésirables... s'abstiennent de s'annoncer.

Je manquai de m'étouffer.

« Par toutes les plumes de Van-Ameria et d'Utopie. »

Cette voix !

Cette voix monocorde, éraillée... À l'instant où je l'entendis, je sus que je la connaissais. Et, en même temps, je ne la reconnus pas. Elle était faible. Plus faible qu'avant.

— Je ne suis pas indésirable, rétorquai-je aux rideaux.

Nouveau silence. J'ajoutai :

— J'ai l'impression que vous me comparez à ces corbeaux, venus frapper à votre carreau dans la journée.

Un soupir me parvint à travers les voiles. Nom d'un insigne de Général, elle était proche.

— Pourquoi n'êtes-vous pas intervenue plus tôt ?

Il ne me fallut pas plus d'un instant pour regretter mes paroles.

— Vous auriez pu sauver des vies, continuai-je malgré tout. Vous n'êtes même pas allée voir ce qu'il nous en a coûté, à tous, d'avoir eu à combattre aussi longtemps.

— On ne m'a pas laissée faire.

Je sursautai sur mon rebord. Une pointe de colère avait percé sa voix.

Je craignis d'être allée trop loin. D'avoir oublié à qui je m'adressais. La raison de ma présence me revint en mémoire. Je l'importunais, je devais aller à l'essentiel.

— Je voulais vous dire que je suis revenue.

Cette phrase en elle-même ne faisait aucun sens. Mais je savais qu'elle en aurait pour elle. Je la discernais, dans mes souvenirs, le jour où j'avais prononcé cette phrase. Une jeune fille, aux cheveux blancs et aux yeux lumineux.

Les rideaux ondulaient paisiblement. Je les fixai, en attendant ma réponse.

Puis mon cœur bondit. Une main squelettique se saisit du voile, pour l'écarter légèrement.

Des yeux à la lueur si faible qu'elle passait pour des reflets. Des joues aussi creuses que celles d'une personne âgée. Le teint plus pâle que la lune. Les cheveux plus rêches qu'une nuée de cordes.

La déesse de Van-Ameria me toisa, le visage impénétrable.

Les secondes qui s'écoulèrent me parurent à la fois immensément longues et bien trop courtes. Les lèvres sèches de l'Angevert frémirent. Elle murmura :

— Non, Lyruan. Tu n'es pas revenue.

Sa main plissa le rideau.

— Mais cela n'a plus d'importance.

Elle disparut derrière les voiles.

— Que voulez-vous dire ? sautai-je.

Pas de réponse.

— Que voulez-vous dire, Votre Altesse ?

J'aurais pu attendre des lustres. Insister, encore et encore. Être patiente. Mais ce n'était que la théorie du bon sens, et je semblais avoir oublié ces mots-là.

— Savez-vous ce que j'endure, avec cette perte de mémoire ? Pensez-vous sincèrement que j'aie besoin d'un mystère, surtout venant de vous ?

« Terrain glissant, Lyruan... »

— Non, en fait, j'ai une autre question. Nous nous connaissons. Nous avons été proches, d'une façon ou d'une autre. Alors... Alors pourquoi est-ce que vous ne m'aidez pas ? Regardez, sentez comme je ne supporte pas cette situation !

Une énergie tourbillonnante se levait sous le dôme. J'étais déboussolée. Mes yeux s'embuèrent.

— Pourquoi me cachez-vous des choses ? Que s'est-il passé, en deux ans, pour que ton comportement change avec moi ! explosai-je soudain.

Son aura était si forte que je la situais clairement dans l'espace. L'Angevert était loin de la fenêtre, recroquevillée.

Elle ne dirait rien.

— Vous n'avez pas le droit, tremblai-je. Vous n'avez pas le droit, si ça me concerne...

— Qui va-là ?

Une voix. Vers la tour.

« Non. »

Je n'attendis pas plus. Une torsion dans l'estomac, je m'éjectai loin de la fenêtre, glissai dans le vide entre les arches et les tours blafardes. Mes ailes ne firent face à l'air qu'au dernier moment, je filai dans un courant d'air frais, sans me retourner.


La porte de la maison claqua derrière moi. Je dus me retenir de l'envoyer valser dans ses gonds.

Je m'effondrai sur le tapis.

La rage coulait à torrents sur mes joues. À moins que ce ne fut le désespoir. Je jetai mes brassards, enfonçai mon visage dans ma chemise tirée du plastron, lançai les bougies fondues qui traînaient aux quatre coins de la pièce.

Par tous les cieux. Moi qui pensais m'être trouvée. Avoir un cadre, un chemin, à suivre sans réfléchir.

« Nom de... »

Ah, j'étais belle, avec mes impressions idiotes. En dépit de tous ces sentiments, de tous les égards que je lui montrais, elle refusait de m'aider. Un sanglot douloureux secoua mes épaules. Un cri voulait sortir, je serrai les dents pour le contenir.

Elle me privait de mes souvenirs. Une part de ma vie, de moi, elle me l'arrachait, elle me la confisquait, sans aucun droit ! Ne comprenait-elle pas que ça m'obsédait ? Que je voulais connaître la moindre information qui m'était cachée ? Non, ou elle ne s'en rendait pas compte, ou elle s'en fichait. Dans tous les cas, c'était insupportable. Impardonnable. Mais, qu'est-ce que je pouvais faire, contre ça ? Rien, rien et encore rien. Rien, parce que cette personne, qui gâchait se facilement mes efforts, était la plus importante, la plus vénérée de ce royaume, qui ne vivait que pour elle. Je ne pouvais pas la maudire. Si je la pointais du doigt, tous les autres se tourneraient vers moi. Qu'était-ce qu'une quête de souvenirs, finalement, face au vouloir d'une déesse, une déesse toute-puissante, dont le pouvoir restait notre seul espoir de résistance ? Elle était intouchable, et moi, moi, j'étais insignifiante...

Mes doigts trempés se retirèrent lentement de mes joues. Tremblante, je glissai sous mon plastron, pour saisir un parchemin.

Le rouleau du Corbeau était là, scellé d'un petit rond de cire brune, marqué d'un sablier géométrique. Une attache bien légère, pour un papier si lourd de sens.

Oui, j'y pensais. À le lire. À répondre à la trahison par une autre. Oui, je pensais à me plonger dans ce parchemin. À le dévorer, encore et encore, à m'imprégner de chaque mot qui y serait marqué.

À l'intérieur, je le savais, il y aurait exactement ce que j'attendais. On voudrait me séduire, me faire changer de camp, en dénigrant celui dans lequel j'étais. Les phrases attaqueraient le Général, la Reine, l'Angevert, sans épargner personne. Elles me berceraient dans ce que je voulais entendre, à tout prix, simplement pour apaiser ma rancœur.

Mon remède était là... Juste entre mes doigts... Vibrant, mon ongle passa sous le cachet.

Le sablier angulaire. Brutalement, il s'ancra dans mon regard comme une marque au fer rouge. Je le revoyais, saignant, cruel, gravé sur la peau blême de mon frère.

Le parchemin se froissa dans ma main. Avec rage, je l'envoyai se perdre dans la pièce.

Je labourai mon crâne de mes doigts, la queue de cheval se défaisait dans le chaos.

Pourquoi ? Pourquoi les choses ne pouvaient-elles pas être aussi simples qu'elles l'avaient semblé ? Mes convictions n'en étaient plus. Je voulais que quelqu'un me dise quoi faire.

Et comme si ça ne suffisait pas, le lendemain, les nouvelles recrues feraient leur entrée dans l'Armée. J'avais un serment à apprendre. Un Serment militaire, de dévouement à la Couronne, et à l'Angevert.

— Maudite ironie, jurai-je en jetant mon plastron.

Fallait-il que j'apprenne ce serment ? Ou non ?

La nuit ne m'aurait jamais autant porté conseil. 

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