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Chapitre 4 - Parler le terremedien


La nuit avait couvert les fenêtres d'un noir d'encre. Le vent frappait aux carreaux avec fougue, sans que personne ne pense à augmenter le son de la tévé. Ça n'empêchait pas l'écran de captiver le jeune homme. Les images de l'océan teintaient sa face claire, ses yeux limpides, les boucles de ses oreilles et les perles de ses colliers. Au fur et à mesure de l'avancée du film, ses paupières s'étaient relevées, son cou s'était figé. Mais s'il semblait absorbé, ce n'était qu'une apparence. Il suffisait que je m'éloigne vers la cuisine, pour sentir le poids d'un œil ambré sur mon dos.

Jeanne, fébrile, remplissait une énième assiette de tout ce que ses placards grinçants contenaient. Du pouasson, du poulé, des tartines de konfitur, de la semoule, des feuilles de salade défraîchies. Je tentai de rassurer la grand-mère en jouant les calmes, mais avec la peur de la contaminer de mes propres interrogations, je n'osai pas l'approcher trop longtemps. Main sous l'assiette, je la contournai pour rejoindre le salon, où Émile s'attelait à disposer de vieilles pièces de cuir, entre les cadres-à-fotos.

Evidemment, si sa tête restait face à la tévé, le regard de l'étranger croisa le mien sans que je n'aie eu à le chercher. Sans un mot, il prit l'assiette, la posa sur les franges de sa jupe, avant de plonger les doigts dans la nourriture. Je ravalai mes réflexions. La première fois que je lui avais présenté des couverts, il avait louché sur le couteau, et ignoré la fouchette.

— Hm hm, chantonna Émile.

Entre les taches de rousseur et les miettes, la bouche du jeune homme se remplissait de tous les ingrédients sans distinction. Ce ventre sur pattes acceptait tout ce que Jeanne lui offrait, et le mâchait avec vigueur, les joues arrondies. Toujours rivé sur moi, il jeta un bout de pouasson sur sa langue couverte de konfitur. Je grimaçai sans le vouloir. Il sembla le remarquer, et sourit.

Ma nuque se hérissa.

— Élise, regarde un peu.

A contrecœur, je me tournai vers Émile. Le grand-père marmonnait :

— C'est pareil, hm.

— Qu'est-ce que c'est ? grommelai-je en luttant pour ne pas me pincer le nez.

Les lunettes d'Émile, bleutées par la tévé, se penchèrent en silence sur les sombres pièces de cuir à l'odeur piquante. Un plastron, des brassards, des protège-tibias, je reconnus en plus sale l'armure de l'autre oiseau dans mon dos. Même un amas de franges froissées trônait aux abords d'un court pantalon.

Plus discrets, entre deux cadres-fotos, se tenaient une chaînette rompue à pendentif translucide, et une fine bague dorée. Je repérai aussi un sautoir, au pendentif de bronze patiné. Il semblait représenter deux losanges concentriques, dont le plus large était teint d'un rouge sombre écaillé.

— J'avais ce collier ?

Émile, l'air somnolant, ne répondit toujours pas, mais ça n'avait pas d'importance. Je tendis la main vers le pendentif, et une fois les losanges passés sous mes doigts, je crus sentir, vaguement, les prémices d'une sensation familière.

Un petit rire me fit jeter un œil derrière. Assis sur les coussins troués, l'inconnu tenait dans sa main un losange semblable, tout de bronze, pendu autour de son cou. Sur son visage se lisait une sorte de satisfaction.

Mais ses lèvres pincées me rendaient malade, à moins que ça n'ait été la faute des relents de sueur séculaire de l'armure. Allait-il finir par s'exprimer ? Allait-il expliquer qui il était, pourquoi sa tête – encore pleine de terre – s'était plantée dans le potager ?

Allait-il dire d'où il venait ?

— J'aimera que tu parles, chuchotai-je, plongée dans son regard.

Silencieux, ses grands yeux clignèrent, tandis que son sourire joyeux s'affadissait. Raide, il se tourna vers Émile, plongé sur les dessins du cuir de l'armure, puis sur Jeanne, qui nous épiait depuis la porte de la cuisine.

A gestes lents, il déposa l'assiette de feuilles de salades à côté d'un vieux brassard. Puis, vif, il se pencha à l'abris d'un fauteuil.

J'ai jamais...

Sa gorge sèche le fit toussoter. Il avala et reprit :

J'ai jamais trop compris l'Ordre sur la discrétion. Mais pour le terremedien, c'est mort. Je sais pas le parler. Trouve autre chose.

Et tout sourire, il appuya sa dernière phrase d'un clin d'œil, avant de se redresser à la vue de Jeanne. Je fus incapable d'adresser un regard rassurant à la grand-mère, un frisson me pétrifiait sur place.

Cette langue, qu'il utilisait, n'était pas celle des grands-parents. Pourtant, j'en avais compris chaque mot, chaque subtilité d'intonation, à un degré de précision dont je n'avais pas l'habitude. Le jeune homme, loin de s'en inquiéter, mâchonna une feuille de salade, tourné vers les pouassons lumineux qui coloraient l'écran.

Compris. Si je voulais en savoir plus, je devais prendre les choses en main.

— Émile, Jeanne, je peux monter avec lui ?

J'avais demandé au grand-père pour le protocole, mais plus rêveur que jamais, il laissa seule Jeanne réfléchir à ma demande. Le visage de celle-ci trahissait toujours son inquiétude. Arrimée à l'encadrement, entouré des dernières fumées du dîner brûlé, elle murmura une petite approbation.

Je me dressai entre les fauteuils, le pendentif en losange ancré dans la main.

— Viens.

Le jeune homme interrompit sa mâche, pour me fixer avec interrogation. Une idée saugrenue me traversa l'esprit, je la mis en application avant de trop y réfléchir.

Viens, crus-je répéter, ma main libre tendue vers lui.

Cette fois, il s'anima. Un grand sourire en travers du visage, il claqua sa paume dans la mienne et sauta sur ses jambes, avant de visiblement étouffer un juron, quand sa cheville blessée heurta le sol.

Lui déplié, nos tailles s'égalaient. Avec un peu plus d'hésitation, je lui offris mon épaule, pour le soutenir entre les meubles. Le docteur s'était arrêté sur mes oreilles ; je me surpris à l'imiter, en glissant un œil sur celles de l'étranger. Pointues à leurs extrémités, un anneau doré ouvragé pendait sur l'hélix de l'une d'elles. Le métal me renvoya mon regard perplexe, tandis que je nous extirpais du salon.

L'ascension des escaliers aurait mérité davantage de préparation. Nos épaules cognèrent les murs, l'inconnu buta contre les marches. Fébrile, je le soulevai, encore, et le repoussai dès que nous attînmes le sombre pallier aux odeurs de cirage. Un geste rapide vers la porte de ma chambre envoya l'étranger y clopiner, tandis que moi, je m'affalai contre la cage d'escalier.

Avec tous ces tintements de bijoux, on aurait dit un grelot monté sur ressorts. A sauts vacillants, le jeune homme parvint jusqu'à la porte, qu'il ouvrit sans trop de problèmes. Son armure de dos ressemblait toujours à celle du salon, jusque dans les stries qui perçaient le cuir, le long de ses omoplates.

Je repensai à la salle de bain non loin, à mon reflet dans le miroir. Ces marques sur l'armure de l'étranger correspondaient à l'emplacement exact de mes cicatrices dorsales.

Questionnée, j'entrai à sa suite.

Ma chambre n'était pas la pièce la plus étonnante de la maison. La salle de bain, en comparaison, m'avait bien plus surprise, avec toute cette eau chaude qui pouvait couler de la tuyauterie. Il fallait croire que le jeune homme s'extasiait d'un rien. Accroupi sur la mokette poussiéreuse, il sauta quand je pressai lintérupteur, tourna à cloche-pied autour des pieds du lit ou du bureau, observa ses yeux dans la glace de l'armoire, détailla les fleurs ballantes de la tapisserie jaunie, se jeta sur les bibelots plus ou moins rangés des étagères, à commencer par de vieilles ampoules.

Une main sur la poignée, l'autre serrée sur le sautoir en losange, je fermai la porte.

— Qui es-tu ? m'empressai-je de demander.

Son attention fut plus difficile à capter que prévu. Le regard d'ambre se fondait sur une ampoule grillée comme s'il s'agissait du plus précieux des diamants.

Les vieux viendront pas ? demanda-t-il d'un ton clair, en levant l'ampoule dans la lumière.

Pour le forcer à me regarder, je me contentai de secouer la tête. L'effet ne se fit pas attendre.

L'ampoule claqua contre l'étagère quand l'inconnu la posa. Sa tête décoiffée se pencha vers le sol, mains appuyées sur la planche vernie, il lâcha un petit rire qui sentait fort la nervosité.

Deux ans, murmura-t-il.

Sa main balaya son visage.

Je t'avoue... j'y croyais pas. Mais fallait essayer, non ? Ah, nom de toutes les Couronnes... Tu es vivante !

Sans prévenir, il s'élança sur moi, bras grand ouverts. Hérissée, je me collai contre la porte, les mains jetées in extremis sur ses bras.

— Arrête, menaçai-je dans ses yeux illuminés.

Oh, allez, Ly, minauda-t-il. Plus besoin de parler ce truc. Quel talent, d'ailleurs. Par contre, je pensais que tu serais plus contente que ça de me voir. Ouais, j'en reviens pas, t'es vraiment une sans-cœur ! s'indigna-t-il soudain. Moi j'ai souffert, si tu veux savoir. Oui, votre seigneurie. La maison était vide, j'osais plus regarder tes affaires ! Et tes hommes, ils sont presque tous partis en dépression. J'ai même failli ne pas entrer dans l'armée, avec tes bêtises. Et toi, tout ce que t'as dû endurer... On a tellement de choses à se raconter ! Ces gens, ils t'ont pas fait de mal ? T'as pas désespéré de ne plus nous voir ? Ah, tu m'as manqué, j'étais tellement pas sûr de te retrouver... C'est vrai, je pensais que t'étais morte !

Il força à nouveau pour me prendre dans ses bras. Sans réfléchir, je repoussai son ventre du pied, qui l'envoya se cogner contre le bureau dans un cri de souris. Ma main se saisit de la première chose qu'elle trouva, une lampe de chevet, et la braqua sur son torse.

— Je m'appelle Élise. É-lise, répétai-je en me désignant du sautoir en losange. Toi, qui es-tu ?

Affalé contre les tiroirs, il loucha sur mon arme de chevet.

Quoi ? Mais... Attends, Ly, tu sais qui je suis.

Avec un regard de défi, je fis lentement non de la tête. L'inconnu blêmit.

Tu...

Il sembla réfléchir.

Tu te rappelles de Van-Ameria ?

A nouveau, je fus contente de le contredire, sentant que je mettais terme à un gros malentendu.

Je n'avais pas terminé mon geste, que le jeune homme eut l'air de tomber des nues une seconde fois. Sa bouche s'ouvrit, son regard se perdit sur les tapisseries. Il sembla se trouver à ma place, quand je l'avais trouvé planté dans le sol : l'esprit plein d'informations, mais incapable d'analyser la situation.

Les yeux ambrés papillonnèrent vers les ampoules, le lustre.

Ma sœur est amnésique.

Il l'avait murmuré sans préambule. Les mains serrées sur le losange et mon arme de fortune, je sentis mes phalanges se comprimer jusqu'à craquer.

Le regard de l'étranger vagabonda encore dans la pièce. Jusqu'à retomber sur moi. Il m'observait comme je le faisais, avec une fascination inquiète, mais une fébrilité palpable.

Une discussion. Il me fallait une discussion.

Je... Excuse-moi, bredouilla-t-il avec une grimace. On a plein de choses à se dire. D'accord ? Et, heu... Promets que tu n'utiliseras pas ton arme.

Je sentais qu'il y mettait du sien. Son regard était devenu très sérieux, beaucoup plus sérieux que jusqu'à présent.

Mes lèvres se pincèrent.

Je hochai la tête.

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