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Chapitre 37 - Corbeau


En temps normal, j'aurais été énervée.

Énervée qu'on m'écrase les pieds comme un payasson. Énervée qu'on ne me laisse pas respirer, tant cet endroit devenait le plus grand fouillis de Van-Ameria.

Oui, en temps normal, j'aurais attrapé tous ces soldats un par un. Je leur aurais passé l'envie de coller leurs plastrons au mien. De me presser comme une norange. De poser leurs semelles sur ma tête, pour reprendre leur envol.

Évidemment, à ce moment-là, je ne pouvais pas le faire.

— Première et deuxième compagnies, sur les Sommets !

Les ordres tonnaient comme des coups de tonnerre.

— Troisième compagnie, en interne ! Suivez les majors !

Ma main se referma enfin sur un bâton de combat. On me poussa dans l'aile ; je manquai de tomber sur le reste des armes. Du bout des doigts, je parvins à attraper un bandage. Puis la foule me comprima par derrière, je dus me retourner pour lui faire face.

Si j'avais eu la même vision chez Émile et Jeanne, j'aurais sûrement tourné de l'œil. Je ne savais pas combien de personnes avaient pu entrer dans la caserne, mais jamais je n'avais compté autant de têtes les unes sur les autres.

Tant pis pour les bandages. Il me fallait de l'espace. Je jouai des coudes pour atteindre la sortie, mon aile pliée à m'en déboiter les os.

Je trébuchai dans les marches du parvis. Il y avait trop de monde, je ne voyais pas où je mettais les pieds.

Les ordres du Général, transmis par le lieutenant-colonel, fusaient comme si je me tenais à côté de lui. Tout le monde trépignait, tout le monde poussait dans le sens contraire au mien.

Quand enfin je pus m'éloigner, je pris une grande inspiration.

J'étais tirée d'affaire. Pour l'instant.

Le ciel clair de l'après-midi se couvrait d'une brume épaisse et grisâtre. Des oiseaux noirs piaillaient dans les airs par dizaines. Bâton dégainé, des soldats couraient sur l'herbe, partout et nulle part. La caserne principale avait l'air encore plus prise d'assaut que la nôtre.

On calfeutrait en urgence l'arrivée de la corde rouge, et les escaliers pour la Cité de Nacre, à l'aide de planches et de lourdes pierres. Quant au château, les Gardes Royaux barricadaient les fenêtres d'immenses plaques de marbre, aidés du Sagevert, qui étalait une discrète couche de magie sur la pierre. Serait-ce suffisant ?

— Valkeris.

Le caporal Heden revenait indemne de la cohue. Son chignon refait lui donnait l'air calme, dans cette folie ambiante.

Il me tendit un autre bandage.

— J'en ai déjà un, caporal.

— Ne soyez pas bête, prenez-le.

J'obéis, lèvres pincées.

— Les nouvelles recrues ne combattent pas, lâcha-t-il. Si je vous le donne, c'est au cas où les choses viendraient à nous échapper.

Alors que la situation ne s'y prêtait pas, je me retins de sourire.

— Caporal, pourquoi me le dire ?

— Pour vous demander de ne pas combattre, Valkeris.

— Mais vous savez ce que je ferai, si vous ne me donnez pas d'ordre.

Son regard partit ailleurs.

— Oui, je le sais...

Un long croassement nous fit lever la tête. Des centaines de corbeaux se démenaient dans les bourrasques.

— Mais je ne peux pas, termina-t-il, abrupt. Je ne suis plus votre formateur.

Il avait raison. Notre discussion allait s'achever, et je ne bougerais pas une plume des Sommets. Peut-être était-ce pour ça qu'il avait commencé par me donner un bandage.

Des cris s'élevaient dans les rafales. Je vérifiai à nouveau les nuages. Il y avait de nouvelles ombres dans la brume, trop grandes pour être des corbeaux.

— Vous ne prenez pas les ordres, fit Heden, concentré sur le ciel. Prenez-vous les conseils ?

— Je prends les conseils, confirmai-je.

— Restez dans le centre. Pas d'écart ni vers les murailles, ni vers le château.

Ça ressemblait beaucoup à des ordres.

— Ils viseront votre aile en premier. Ne leur tournez jamais le dos. Surtout, ne vous retrouvez pas seule. Préférez la fuite. Ce ne serait pas un déshonneur, ajouta-t-il, ce serait laisser une famille à votre frère.

Le mugissement d'une corne résonna avant que je ne réponde. Des quatre coins des Sommets, des escadrons s'envolèrent. Les soldats sortaient des casernes en flots ininterrompus, couraient, déployaient leurs ailes, partaient à l'assaut du vent, haut, plus haut encore.

Heden changea son bâton de main.

— Ne combattez pas, Valkeris, répéta-t-il.

— Bonne chance à vous aussi.

— Laissez-moi tranquilliser ma conscience. Ne combattez pas.

Avec un sourire qui sentait l'amertume, il s'élança à son tour, pour décoller en souplesse. Condamnée à rester au sol, j'observai sa silhouette rapetisser.

Les Sommets se vidaient ; les soldats montaient mètre après mètre, se rapprochaient des nuages.

Le vent se déversait dans une direction, compact comme un mur. Je me protégeai, le temps de trouver un rythme de respiration.

Les nuages se dégageaient en volutes de brume. Et quand je découvris ce qu'ils cachaient, je fus prise d'un doute.

Avoir de la magie, c'était une chose. Pouvoir réaliser un miracle, c'en était une autre.

« Jamais l'Angevert ne pourra les repousser » réalisai-je, obnubilée.

L'armée d'Utopie se dévoilait. Enfin, je mettais une image nette sur un nom.

C'était la bonne nouvelle. Peut-être la seule.

Des milliers. Et des milliers.

Partout, dans chaque nuage, les silhouettes s'amassaient à en perdre le compte. Où que je regarde, autour des murailles, au-dessus du château, des ombres lugubres battaient l'air avec frénésie. Leur masse prédatrice planait sur nous, et ça les faisait rire. Je l'entendais, que ça les faisait rire. Dans le vent, sans doute personne ne pouvait l'ignorer.

Ce n'était ni du deux contre un, ni même du trois contre un. Je déglutis péniblement. Ces pauvres soldats, peinant en première ligne au milieu des nuages, j'espérai que Galliem ne soit pas parmi eux.

Je n'eus pas le temps de le chercher. Des nouveaux cris fusèrent, une première ombre fondit sur les soldats.

Puis ce fut l'apocalypse.

Des chocs. Des hurlements. Les ailes blanches et noires se mélangeaient dans un torrent de plumes, pliaient, soulevaient des linceuls de brouillard. Des gouttes tombaient, sombres et collantes. Le vent dépouillait les plumes, comme les feuilles mortes d'une forêt, puis il jouait avec les blessés, incapables de contrôler leur vol. Ici, un courant envoyait un soldat face contre terre. Là-bas, une bourrasque s'engouffrait sous les ailes d'un autre, le précipitait derrière les remparts. Son cri glacial me tétanisa jusqu'aux os.

Il y en avait trop, des cris comme celui-là. Un esprit faible aurait lâché son bâton, pour se coller les mains sur les oreilles.

Il ne fallait pas que je réfléchisse. Penser aux ordres : protéger le château, l'Angevert, Galliem, Émile, Jeanne. L'herbe vibrait sous mes pieds. Des soldats s'écrasaient autour de moi, des Van-Ameriens comme des inconnus.

Yeux clos, j'inspirai le mieux possible.

J'avais battu Migon, j'avais triomphé de plusieurs recrues, j'avais été sergent. Une fois de plus, je serai victorieuse.

À peine relevés, les Utopiens couraient droit vers le château. Leurs armures dépareillées leur donnaient l'air de machines de cuir et de métal lancées à vive allure.

Après des journées passées à courir, les rattraper n'aurait pas dû être difficile. Mais je tremblais des pieds au bout de l'aile, ça me compliquait la tâche.

Les bâtons de combat étaient mieux équilibrés, plus solides et plus lourds. Je les manipulais mieux. Sèchement, je fis tourner mon arme, frappai un premier Utopien dans la nuque de toutes mes forces.

Il s'effondra sur l'herbe.

Un pressentiment me fit lever la tête, pile au bon moment, pour apercevoir une silhouette chuter sur moi, lame en avant. Je dégageai l'ennemi en catastrophe, le coup ne suffit pas à l'assommer, mais l'empêcha de me heurter.

De ses grandes ailes poudreuses, l'Utopien reprenait de la hauteur. La saleté des plumes les assombrissait à les faire paraître noires. Un horrible masque de cuir était collé sur sa figure, percé de deux ronds de verre au niveau des yeux. Je ne savais pas si le grincement qui s'en échappait était un cri de peur, ou un rire éraillé.

— Dur d'être blessée, hein ?

L'Utopien se moquait de mon aile.

— Dis-moi de quel côté est planquée l'Angevert, ordonna-t-il en désignant le château. Ensuite, promis, j'abrègerai tes souffrances.

Il dut percevoir ma hargne à travers son masque. À défaut, il la sentit avec mon coup cinglant dans ses valseuses.

L'honneur voulait terminer le travail. Je dus le ravaler pour fuir, alors que l'Utopien blessé me prenait en chasse. Ses cris furibonds s'entendaient malgré le vent et les croassements. Il rameuta d'autres guerriers, une dizaine d'ombres me survola.

Combien de soldats avais-je été capable d'affronter ? Je tentais de me souvenir, quand je dérivai fébrilement vers le ciel.

Un florilège de cris raisonnait aux quatre vents. Les Utopiens en surnombre croassaient dans les nuages, avec leurs oiseaux de malheur. Les flèches fusaient dans tous les sens depuis les murailles, plus dangereuses qu'efficaces. La terre et le sang tachaient les uniformes, les bras qui tenaient les bâtons s'affaissaient un peu plus à chaque instant.

De là-haut, nos Sommets devaient paraître misérables. Notre château devait tenir dans leur main. Et nous, sous leurs pieds, devions sembler aussi dangereux que des proies piégées dans leur propre enclos.

Aucune trace de l'Angevert.

Je courus, courus, courus. Mes poumons brûlaient comme si j'avais respiré des braises. Je boitais plus qu'après une journée d'entraînement, mon aile traînait en poids mort, mes jambes ne me portaient que par miracle.

Je ne voulais pas ralentir, mais j'y fus obligée.

Des affrontements germaient par centaines. Je ne savais plus où je devais aller, où je devais combattre.

Je pensais savoir me battre. Mais Heden avait peut-être raison. Je ne devais plus être à la hauteur.

Serrées sur mon bâton, mes mains se mirent à trembler. Je refusais de savoir pourquoi.

Débarrassée de mes poursuivants, je continuais à errer au milieu des combats. Le soleil couchant, rouge entre les nuages, embrasait nos ennemis, comme des torches aux ailes de charbon.

« Réfléchis, Lyruan, m'exhortai-je. Réfléchis. »

Difficile de rappeler la logique, quand l'instinct de survie me mouvait. Mais les Utopiens étaient loin, je devais profiter de l'accalmie.

Je mis des mots sur une crainte : l'Angevert ne sortirait pas de son château. J'en étais sûre, ce serait trop dangereux pour elle. Pour nous sortir de là, nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes.

Je devais retrouver des forces. Peu importe que ce soit possible ou non, mon aile attirait les ennemis comme une sphère attirait la magie ; déjà, deux soldats accouraient vers moi. Je ne me donnais pas cinq minutes avant de me retrouver au cœur d'une mêlée, et je n'avais plus l'énergie nécessaire pour prendre de la distance.

D'autres Utopiens atterrirent, leurs masques lugubres rivés dans ma direction. Les armes blanches luisaient aux ceintures, sous la noirceur des ailes ébouriffées.

Ils étaient sur moi. Mon bâton se leva au dernier moment.

À nouveau, je dus parer les coups de poignards, d'épées, de lances. Les attaques cherchaient à tuer.

— Pas mal, pour une gamine, railla-t-on derrière.

Je me retournai pour parer une épée rouillée. Trop tard pour me dégager, j'étais encerclée.

Avant même que je puisse rassembler mes pensées, un balayage me faucha la cheville. Je chutai en arrière.

De sombres rires de vainqueurs retentissaient derrière les masques. Affalée dans l'herbe, j'eus envie de m'enfoncer jusqu'à la Nacrée.

Il valait mieux rêver d'une fuite impossible, que réaliser que je ne me relèverais pas.

— Vous n'aurez jamais l'Angevert, crachai-je.

Les Utopiens dégainaient bien plus de lames qu'il n'y en avait à la revue des troupes. Ils ne prenaient pas la peine de répondre.

— Je ne vous laisserai pas envahir Van-Ameria, m'essoufflai-je. Ni Terremeda.

Ils levaient les armes.

— Je n'ai pas peur.

Mon aile s'avachissait dans mon dos. Je tremblais comme une feuille. La situation devenait insupportable, je fermai les yeux pour ne plus la vivre.

— Je n'ai pas peur...

Ne penser à rien. Ne pas laisser la honte m'envahir. Surtout, ne pas penser à Galliem, Émile, Jeanne, Pleh, Heden, tous les autres.

Un silence étrange s'installa. Curiosité, ou fichue fierté, je vérifiai les Utopiens.

Eux, ne me regardaient plus.

Masques levés, ils observaient quelque chose derrière moi.

Des sueurs froides dans la nuque, je glissai d'épée en rapière, pour vérifier que je ne rêvais pas. Les lames s'étaient arrêtées et des masques se penchèrent sur moi, incrédules. Ils attendaient que je bouge, peut-être.

Vibrante, je me retournai, là où ils regardaient tous.

Au premier coup d'œil, je crus qu'une ombre avait poussé sur la plaine.

Une ombre longiligne. Décharnée, noire, effilée. Une ombre dont la cime dominait les Utopiens de plusieurs têtes. Immobile, elle était enroulée d'une armure de cuir, de lambeaux sombres. Un long masque aux verres opaques lui servait de visage.

Cette ombre était un homme. Et à sa vue, je me sentis plonger en plein cauchemar.

D'un geste vif, le Corbeau me saisit par la gorge. Il me traîna avec lui.

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