Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 19 - L'appel du losange


Les nuits sans cauchemars étaient rares. Pour ne pas dire inexistantes. Le sifflement du vent aimait se glisser dans mes oreilles à peine les yeux fermés. Les draps chauds se glaçaient, l'appui du matelas s'évaporait dans le vide. Toutes ces sensations, je ne les connaissais que trop bien, et je savais que jamais, jamais, elles ne me quitteraient.

Pourtant, comme chaque nuit, je rêvai. Et cette fois, je n'étais pas au milieu du ciel.

Ce qui se passait autour de moi manquait de clarté. Il y avait du blanc, encore, mais ni un blanc pur comme les ailes, ni un blanc vaporeux comme les nuages. C'était un blanc flou, parfois terne, ou lumineux. Quelques ombres s'en échappaient, l'une d'elle surplomba ma tête, pour venir s'y appuyer.

Une grande main me caressait les cheveux.

— Redresse-moi ce dos, glissa une voix grave.

J'avais un dos ; mes épaules tournèrent vers l'arrière pour corriger la posture. J'avais des pieds, aussi. Minuscules, ils se tenaient serrés dans des sandales d'enfant, sur une dalle de marbre poli.

Des portes s'ouvrirent face à moi. Une grande silhouette, blanche et familière, en sortit, vint saluer l'homme.

Je ne savais plus ce que je devais faire. Je me demandais parfois si j'avais le droit d'être là. Je me rappelais être venue pour quelque chose, et sans me rappeler de quoi il s'agissait, je me mis à le chercher dans la blancheur.

Et je la vis.

Derrière la grande dame qui s'avançait, une enfant me fixait, les yeux brillants de rage.


Comme quoi dormir pouvait reposer, parfois. Quand le soleil me réveilla, je n'eus aucun mal à ouvrir les yeux.

— Émile ? marmonnai-je.

Une lumière éclatante brillait derrière la fenêtre, au-dessus de ma tête. Une odeur de tissu moisi émanait du lit, où j'étais allongée. Le sommeil fleurtait avec ma conscience, doux comme une tisane de Jeanne. Ce matin, pas de cauchemar. C'était plutôt une présence rassurante qui trottait dans mes souvenirs, enrobée d'une voix d'homme, qui s'évanouissait dans le soleil.

Personne ne m'avait répondu. Pour cause, la petite maison de Galliem était vide. Eclairée, elle dévoilait tous ses charmes : une commode de bois aussi vernie que les meubles du salon, une odeur de renfermé et de poussière semblable à celle du cajibi... cet endroit me rappelait des souvenirs, mais pas ceux auxquels j'aurais pu m'attendre. Au sol, un épais tapis étalait ses broderies jusqu'au pied des murs, couvert de bougies fondues, et d'un uniforme à l'air propre. L'ensemble paraissait assez simple, si on exceptait la carpette et un miroir doré, posé négligemment contre un mur.

Comment tout ça s'était retrouvé dans les nuages, j'aurais bien aimé le savoir.

Je n'avais aucune idée de l'heure. En revanche, j'avais une idée de mon état. Dans un coin du miroir, une jeune adulte blafarde me fixait, visage plus essoré qu'un torshon. Sa queue de cheval ballotait sur le pull informe comme un balon brun dégonflé. Une sombre lumière trainait dans le vert fatigué de ses yeux. Je ne voulus pas y lire la question qui me hantait de nouveau.

Qu'est-ce que je faisais là ?

« Debout », m'encourageai-je plutôt.

Je dus m'y prendre à deux fois pour m'asseoir. Des courbatures brûlantes me mordaient les jambes et le dos. Pour ne rien arranger, on m'avait empêtrée dans une couverture râpeuse jusque sous le menton. Du froid me glissa sur les jambes, le pull avait rendu son eau au milieu du lit.

« Galliem... »

Chaque vertèbre cria lorsque je me penchai pour retirer le pantalon. Le pauvre tissu avait été écartelé par le vent. Des bleus multicolores teintaient l'arrière de mes genoux, là où la sangle du sac avait retenu mes jambes du vide. Passer le pull au-dessus de ma tête fut aussi humide que de prendre une doushe. Le pendentif de bronze que j'avais récupéré chez Emile et Jeanne reparu. Le losange s'était verdi, de la peinture écaillée resta sur mon ventre.

Pas de trace d'une salle de bain, ni de commodités. Pliée en deux, je traversai la pièce vers la commode, mais n'y trouvai ni serviettes ni chiffons. Les vieux tiroirs débordaient de douces tuniques, trop larges pour Galliem ou moi. A défaut de mieux, ça fit l'affaire. Les broderies du col rappelaient le châle de Jeanne, je me frictionnai énergiquement la tête pour ne pas y songer.

Mais sitôt les pensées évacuées, elle se firent remplacer par une autre.

« Par toutes les frèzes, qu'est-ce que je fais là ? »

Des broderies, une plaine, l'odeur de la poussière. Mais pas de loquet de salle de bain, pas de poules, pas de riz brûlé. Tout voulait se mélanger, rien n'y parvenait. Ce monde restait comme le précédent, en plus étranger encore.

Je ne tenais plus la tunique, elle dégringola mollement sur mes pieds. Autour d'elle s'étalaient mon pull dans sa flaque, une croks sans sa jumelle, un amas de franges de cuir, protections, plastron à losange. Le miroir les multipliait, placide contre son mur. En son centre attendait une grande statue, qui ne savait plus quel visage emprunter.

Ce que je faisais là, ce n'était peut-être pas la bonne question. Beaucoup de personnes m'avaient donné la réponse. Galliem s'était contenté d'un « Lyruan », d'une « sœur ». Heden, les soldats, eux, avaient argumenté avec « sergent ». Même au château, face à la Reine, il n'y avait pas eu de doute. J'étais la bonne, l'authentique. J'avais ma place ici.

Mais la seule personne que j'avais été, c'était Élise. Élise qui veillait, Élise qui apprenait, Élise qui survivait. La dangereuse Terremeda, j'y avais vécu les deux seules années de ma vie. Cette pièce, le château, l'armée, tout ça, c'était le monde d'une autre... Et pourtant, je n'étais plus Élise. Élise n'existait plus, son univers s'était éloigné à jamais. Jeter un œil par la fenêtre, fixer les remparts sur l'horizon, aurait suffi pour s'en convaincre. Derrière les murs de Van-Ameria s'étalait la plus grande frontière impalpable, à jamais infranchissable.

Alors, que me restait-il ? Plutôt que d'oser répondre, je me cassai le dos, pour ramasser la tunique. Le plastron en profita pour se planter devant moi. Lisse et vaillant, son cuir bombait fièrement un losange, enjolivé d'arabesques.

Le losange. Ce symbole envahissait la salle du château, chacun des uniformes des soldats, jusqu'au pendentif qu'ils portaient tous au cou. Je me demandais si je ne l'avais pas aussi aperçu en rêve, sur Terremeda. Peut-être représentait-il le royaume, la Reine, quelque chose de cet acabit. Ancré dans une armure, il sonnait comme un appel, un signe puissant, à embrasser sans attendre.

Je soupirai.

« Si seulement j'étais Lyruan. »

Tout aurait été plus simple.

« Si seulement j'avais des souvenirs. »

Aucun vide ne m'effraierait, pas même celui de l'intérieur.

« Si seulement j'étais quelqu'un. »

Si seulement, oui.

Je m'étais assise sans le vouloir. En face de moi, le plastron attendait patiemment, comme s'il devinait l'issue de mes tourments.

Mais je n'étais pas certaine de ce choix.

Un sentiment me guidait, flou, insondable, incompréhensible. Comme un instinct profond qui affirmait la marche à suivre, sans se fatiguer d'une explication. Je l'avais bien écouté, au moment de quitter Emile et Jeanne, et si j'avais su ce qui nous attendait, j'aurais refusé.

Cette autre vie cachait des épreuves que je ne soupçonnais pas.

« Et d'un autre côté... »

Je voulais le confort, la paix, enfin. Je voulais l'évidence, la certitude, l'espoir. J'avais tant envie de vivre. J'avais tant envie d'être.

On m'offrait une identité sur un plateau. Il aurait été inconscient de ne pas la saisir.

L'uniforme ne resta pas plus longtemps sur le tapis. La chemise blanche ajustée avec ses lacets, je passai le plastron sur mes épaules, tirai le pantacourt et la jupe au-dessus de mes genoux. Le cuir neuf embauma aussitôt l'air poussiéreux. Suivirent des coudières, brassards, protège-tibias, que je serrai avec vigueur. L'élastik retrouva sa place dans une queue de cheval fière.

Il ne restait plus que les sandales à lanières. En les laçant, je crus voir les pieds de Galliem à la place des miens. Je me relevai, fis de lents ronds d'épaules, sautai un peu sur place. L'uniforme était léger, mais le cuir raidissait les jambes et les bras. Avec un peu d'habitude, je ne le sentirais plus.

Le pendentif avait bondi avec moi dans la chemise. D'un geste maladroit sous le plastron, je le sortis, tout pelé de peinture rouge.

— A nous deux, quoi que tu sois, assénai-je.

Je grattai sa peinture de l'ongle, avant de le glisser derrière mon uniforme. Le reflet de Lyruan avait envahi le miroir, il me sourit.

Une armée attendait que je la réintègre. Le Colonel que nous devions rencontrer pourrait sûrement m'aider, mais si j'en croyais l'absence de Galliem, nous avions encore du temps devant nous.

Je poussai la porte du pied, à la redécouverte de mon pays.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro