Chapitre 43:
[Point de vue omniscient]
- Attend.
Alek redressa la tête en grognant furieusement contre la personne qui osait l'arrêter. De quel droit lui disait-on "Attend" ? Comment ça "Attend" ?
Ethan ne broncha pas d'un poil en voyant son frère tous crocs dehors, les yeux lançant des éclairs. Certes, son jumeau n'était pas humain, mais il restait un individu.
Et des individus dangereux, étranges ou complètement cinglés, il en avait vu passer dans son commissariat. Même si la plupart du temps, c'était des femmes hystériques accusant leur voisin de tapage nocturne ou autre, ou bien des hommes bourrés et agressifs.
- Quoi!? tempéta le jeune vampire.
Ethan fit un pas vers lui, sans une once d'inquiétude dans son attitude.
- Tu as dit que tu devais te connecter à elle, dit le policier.
- Et alors?
Ethan fronça les sourcils de mécontentement. Le ton cassant du vampire ne plaisait pas à son jumeau. Il voulait juste comprendre, juste savoir si cela allait les lier provisoirement ou pas. Et surtout de quelle façon. Le mot connecter lui paraissait beaucoup trop vague, et en particulier lorsque cela concernait Rika.
- Qu'est-ce que tu veux dire par connecter ?
Alek sembla comprendre, et l'agacement qu'il ressentait retomba d'un coup. Il n'avait pas réalisé que c'était ça qui l'inquiétait. Ses crocs se rétractèrent, comme les griffes d'un chat, puis il expliqua :
- Quand on meurt, de mort naturelle ou accidentelle, on est tous envoyé dans une pièce. Différente pour chaque personne. C'est un départ, vers le monde des morts.
- Par contre, coupa Oscar qui avait repris sa respiration, si 3, 10 ou 20 personnes se font tuer par une même personne, ils vont tous dans la même pièce.
- Oui, mais là ce n'est pas le cas de Rika, s'exaspéra Alistair. Laisse Sa Majesté finir, insolent.
- Insolent toi-même, je parle si...
Un regard noir suffit à le faire taire, mais il grommela quand même :
- Il a bien tué son fils, et des humains pour se nourrir. Elle pourrait ne pas être seule dans la pièce où elle a atterrit.
Alistair s'excusa promptement, acceptant qu'il s'était, à l'évidence, trompé. Alek reprit :
- Le poison qu'elle a dans le sang est mortel pour un simple vampire. Mais je suis le Roi des Vampires, un Ange, et en plus de ça je suis déjà allé dans le monde oublié. Ça me permet d'être un peu moins vulnérable au poison ; ça va me tuer pendant un court laps de temps, et seulement dans le meilleur des cas.
- Si tu la sauves en résumé.
- Oui.
- Je ne comprends toujours pas pourquoi tu dois la mordre, affirma tout de même Ethan.
Owen se redressa, et fit deux grands pas vers eux, pour mieux se concentrer sur la conversation. Il n'avait pas pensé à demander la raison exacte de cette morsure. Il lui avait suffit d'entendre "c'est pour la sauver au péril de ma vie" pour qu'il l'accepte. Il remercia intérieurement l'humain, sans pour autant penser à le lui dire en face. Jamais il ne ferait ça.
- Pour que je me retrouve dans la même pièce qu'elle, je dois me faire tuer par le père italien, avant qu'elle n'en sorte. Et il est mort. Tout ce qu'il reste de lui, c'est le poison qu'elle a dans le sang.
- Tu aurais pu simplement prendre le sang de son bras sur tes doigts et le lécher, gronda Owen.
- Ce n'est... commença le jeune roi pour se défendre.
Il fut interrompu par Felix, qui attrapa son frère et le recula.
- C'est un vampire, alors laisse le faire à la manière des vampires. Et puis il a dit qu'il n'allait pas boire son sang. Elle en a trop peu pour que cela ne l'a mette pas plus en danger. Il va juste entrer physiquement en contact avec le sang et avec ses dents, puisque c'est la partie la plus sensible aux globules rouges de son corps. Et puis tu ne crois quand même pas que ramener à la vie quelqu'un est aussi facile que ça, franchement!?
Si Owen avait été sous sa forme de loup, il aurait sûrement baissé les oreilles en signe de désolation. Bien sûr que non, il ne pensait pas que c'était une affaire facile. Il était juste un peu inquiet : il laissait la vie de sa sœur aux mains d'un vampire, doublé d'un Ange du CAM. Son instinct tout entier lui disait de ne pas lui faire confiance, mais son esprit gardait en tête la promesse qu'il avait faite à Rika. Celle de faire un effort avec le dernier Numéro. Et surtout c'était ce même gars qui voulait sauver sa sœur, au prix de sa vie, alors il culpabilisait un minimum de se méfier du vampire.
- Vas-y Alek, mords-la, ordonna le félin. Mais fais gaffe aux représailles s'il se passe un seul truc de foireux. Si elle meurt, peut être que tu mourras toi aussi, mais j'en ai rien à foutre que tes amis soit âgés de plusieurs centaines d'années de plus que nous. Ils iront te rejoindre dans la tombe. Sa mort signe votre mort à tous.
Oscar gronda sous la menace, et Alistair sourit du plus grand sourire dont il fut capable. Il l'avait deviné et à présent il en avait la certitude. Le plus dangereux entre le loup-garou et le métamorphe n'était pas le plus impulsif. Comme avec lui et le militaire. Le plus dangereux, c'était ce Felix. Il y avait quelque chose dans son regard, quelque chose de dur et d'impitoyable, qui donnait envie au vieux vampire de se confronter immédiatement avec le fauve. Cette envie lui brûla presque les veines. Cette détermination, cette promesse de mort, elle était souvent dans les yeux de ses ennemis. Et pourtant, jamais il ne l'avait vu d'une telle intensité. Oh oui, il voulait se battre contre le métamorphe félidé. Juste pour passer le temps, pour se distraire. Pour voir si cette rage pouvait rivaliser avec la sienne.
- Sa Majesté ne rate jamais ce qu'il entreprend, répondit le Conseiller à la menace du frère de Rika. Mais, jeune lion, votre vivacité d'esprit et votre détermination à tenir la promesse que vous venez de nous faire, m'affame. J'espère sincèrement pouvoir croiser le fer avec vous, un jour prochain.
Felix le gratifia d'un sourire. Si cela l'amusait de vouloir prendre une raclée, pourquoi pas. Car le félin ne perdra pour rien au monde. Il se le jura.
Pendant l'échange entre les deux hommes, qui acaparait l'attention de tous, Alek avait retourné ses yeux vers Rika. Elle avait l'air si paisible, qu'il oubliait presque qu'elle était morte. Il se reprit : seulement son corps était mort. Son âme et son esprit, étaient sur le chemin de cette mort. Il sentait que son corps était vide, qu'il n'était plus qu'un cadavre, car sa peau chaude il y a quelques minutes se rafraîchissait, et cela n'avait rien de rassurant. Il la tira, de sorte à ce qu'elle tombe du canapé pour se retrouver à moitié allongée sur lui. Elle tomba comme une masse. Il entoura ses bras autour d'elle et attrapa du bout des doigts se qui recouvrait le sofa. Il s'en servirait comme couverture pour elle. Sa condition de vampire faisait que sa chaleur corporelle était à la même température de celle de la jeune femme, et il n'était pas assez bête pour ne pas se rendre compte que c'était mauvais signe.
Il lui carressa les cheveux, de la main, et approcha son visage de son cou, une nouvelle fois. Il huma son parfum si particulier et agréable, mais ne s'y attarda pas. Il s'effaçait, et le sentir disparaître lui faisait peur. Ses canines s'allongèrent, et il colla sa bouche à la peau douce de sa gorge. Puis il enfonça ses crocs dans la chair de la jeune femme, d'un coup sec. Si elle ressentait la douleur, elle serait fulgurante, et disparaîtrait vite. Elle ne serait pas progressive, la brûlant de l'intérieur peu à peu.
Il ne s'attendait pas à la première sensation qu'il éprouva. Il fut assailli par une vive douleur, qui remonta de ses crocs à sa mâchoire, et de sa mâchoire à ses épaules, jusque dans le reste de son corps. Il voulut lâcher la prise qu'il avait sur la gorge de la femme aux cheveux écarlate, mais son image l'en empêcha. Il faisait ça pour elle, il pouvait bien en supporter un peu plus.
- C'est le poison qui vous fait cet effet, entendit-il.
C'était Alistair qui parlait. Sa voix était atténuée, sûrement à cause du bourdonnement qui lui vrombissait dans les oreilles.
Heureusement qu'elle n'était pas un vampire, car elle aurait beaucoup souffert avant de mourir, à cause de ce poison.
Pourtant, plus il souffrait de ce poison, plus une colère sourde remontait en lui.
Ce vampire.. il aurait été le seul à pouvoir boire son sang.. Il en a fait sa banque de sang personnelle!
Si ce vampire d'origine italienne n'était pas déjà mort, Alek l'aurait sûrement démembré et brûlé. Il l'aurait affamé en l'exposant au soleil, torturé pendant des jours de ce supplice. Il l'aurait rendu fou de douleur, avant de l'achever.
Les vampires ne se réduisaient pas en cendres en étant exposé au soleil, mais ils en étaient comme allergique. Les rayons UV de cette boule de feu leur brûlaient légèrement la peau, continuellement. Ces brûlures étaient à peine visible pour l'œil d'un être surnaturelle, alors encore moins pour un humain, et puis la peau des vampires se régénerait presque instantanément après chaque brûlure. Sauf que le soleil les brûlait sans arrêt, et sortir le jour les épuisait plus que la nuit, car ils utilisaient une quantité énorme de sang pour se régénérer. Et pour compenser ceci, ils devaient en consommer encore plus, ce qui pouvait devenir dangereux pour les humains. Alors même si les vampires peuvent sortir le jour, la plupart d'entre-eux préféraient rester des créatures nocturnes.
Soudainement, Alek n'entendit plus rien, à part ce bourdonnement qui se calmait peu à peu. Aussi, il n'avait plus mal.
Ce qu'il ressentait était indescriptible. Il se sentait bien, si bien qu'il aurait pu rester là pour toujours. Il n'avait mal nul part, même en évoquant de douloureux souvenir. Il ne culpabilisait plus de rien, il ne regrettait plus rien non plus. Il n'avait plus peur, il ne doutait plus. Il se sentait juste.. bien. Sans pouvoir l'expliquer.
Il buvait quelque chose, mais il savait que ce n'était pas du sang. Le sang avait un goût. Que ce soit salé ou sucré, qu'il soit épais ou non. Alors que là, il n'y avait pas de goût sur sa langue. Il buvait autre chose. Mais cette "autre chose" était bien à Rika. C'était profond et unique. Ça lui appartenait, il en était sûr. Et soudain, il reconnu le goût de ce qu'il buvait, même s'il n'aurait pas dû le reconnaître.
Il buvait ses souvenirs. Il buvait ses émotions. Il buvait l'essence de son esprit, sans rien y comprendre pourtant.
Ce n'était pas dangereux pour elle, sinon, ça l'aurait été pour lui. Car le flux de pensées qu'il recevait était ce qui l'empêchait de sombrer dans l'inconscience et de ressentir la douleur du poison.
Elle continuait de le protéger, tout le temps, même dans la mort.
Il était de son devoir de lui rendre la pareille. Alors il enfonça plus profondément ses crocs dans sa chair.
****
[Point de vue Rika]
Je haussai un sourcil en voyant le bureau. Il était un peu plus grand que lorsque je l'avais quitté. Sûrement parce qu'il y avait une personne en plus et que la pièce s'agrandissait en fonction du nombre de personne qui y entrait.
- C'était la pièce où j'étais! s'exclama Alessandro.
- Ah bon?
- Oui! C'était le bureau de mio padre nella sua casa in Italia!
- Chez lui?
- Sì!
- Ok, heureusement que je comprend "casa" et "italia", soupirai-je.
- Je ne dis pas tant de chose italiano, bella rossa!
- Minimum un mot par phrase.
Il leva les yeux aux ciels et je détournai les miens. Le pièce était composé de tout ce qu'il avait de plus normal : un vieux bureau en chêne, avec la chaise qui allait avec, un canapé de l'époque, une grosse malle remplie de bibelots et une petite bibliothèque. Je m'approchai de cette dernière, intriguée par tous les livres que j'y voyais. C'était tous de simples livres, avec de vieilles pages jaunies. C'était des encyclopédies, des dictionnaires de langues, des romans, des essais, et des poèmes. L'un d'eux attira mon attention. Il était trop moderne pour avoir sa place dans cette bibliothèque vieille de plus de 100 ans. La couverture, au lieu d'être aussi épaisse que les autres, était fine et plastifiée. Le titre, en latin disait : "mortuum meum"
- Tu comprends le latin? dis-je en me retournant vers le vampire.
Je montrai le livre à Alessandro, qui se leva et me le prit des mains lorsque je le lui tendis.
- Ce n'est pas un livre de mon père, déclara-t-il.
- Ça se voit bien, c'est pas de la même époque, p'tit vieux.
Il grogna, et j'éclatai de rire. Ça me faisait du bien de parler avec le vampire italien. Sa personnalité était rafraîchissante. Il me rappelait souvent Felix, qui était joueur, mais il me donnait aussi l'impression d'être un coureur de jupons. Une petite voix dans ma tête me soufflait qu'il était comme ça parce qu'il n'avait pas pu vivre avec sa femme et connaître son enfant. Il essayait sans doute de passer à autre chose plutôt que de passer sa vie à se morfondre. Il l'avait déjà assez fait en prison. Par moment, Alessandro me rappelait également Owen. Lorsqu'il grognait après l'une de mes remarques par exemple. Son grognement était peut être moins animal et un peu plus gutural, mais ça me faisait du bien. Mes frères me manquaient, et je ressentais leur absence de plus en plus.
Où étaient-ils? Que faisaient-ils? Est-ce qu'ils allaient bien? Avaient-ils retrouvé mon corps? Puisque, je suis morte. Si j'étais dans mon corps, je ressentirai la douleur et j'aurais détruit le mur en me défoulant dessus un peu plus tôt.
- Mon mort, mes morts.
- Quoi? dis-je en sursautant.
- T'es dans la lune signora rossa! Le titre du livre. Il veut dire mon mort, ou mes morts, ça dépend du contexte.
- Oh. Merci l'italien.
Je lui pris des mains le livre, et il me jeta un regard faussement offusqué, comme si mon geste l'avait blessé. C'était ce genre d'attitude qui me rappelait Felix. Je ris, et j'ouvris le livre. Il n'y avait pas de résumé, ce qui attisait ma curiosité.
Quelques minutes plus tard, je le refermai. J'avais lu sérieusement les deux premières pages, puis j'avais lu en travers, afin de n'avoir que le principal. J'étais sous le choc. Il n'y avait que des noms, et une mini-présentation de ces gens. Mortuum meum. Mes morts.
- Alice Eitrap, John Reylbur, Samira Ledrob, Anastasia Karolia, Ernst Lhürm, récitai-je en lisant.
Je vis du coin de l'œil Alessandro se raidir.
Je continuai d'énoncer les noms sur le livre, tournant les pages une à une. Puis je finis par les deux derniers noms. Je fus surprise.
- Alessandro Bonamicci, et Rika O'Connors.
Je posai mes yeux sur Alessandro en refermant le livre. Il se rongeait les ongles.
- Ce sont ceux que ton père a tué. Pas vrai? Il y a ton nom dedans. Et le mien.
Il ne me répondit pas. Il était dos à moi, ne voulant pas me faire face, sûrement honteux des meurtres de son père.
- Il y en a énormément, lui dis-je.
Il soupira.
- Quand.. quand il buvait le sang d'humains.. il.. il ne se contrôlait pas. Il les asséchait, et quand il ne le faisait pas, c'était la substance hallucinogène et mortelle de ses crocs qui les tuait.
Je hochai simplement la tête. Ce n'était pas de sa faute, il n'était pas responsable des actes de son père, et à aucun moment je ne lui en voudrai pour ça. J'étais juste dégoutée de savoir qu'il avait un père avec un aussi gros bagage.
Brutalement, une douleur insoutenable me brûla la gorge. Je poussai un cri déchirant, et laissai tomber le livre au sol, pour me tenir le cou à deux mains. Je tombai à genoux, et Alessandro se précipita vers moi pour me soutenir. Il me parla, mais il m'était impossible de comprendre ce qu'il disait. Ma peau me brûlait, et j'avais la sensation d'avoir deux énormes aiguilles venait de s'enfoncer dans mes veines. Je gémissais de souffrance. Je ne saisissais pas la raison de ma douleur ; je n'étais pas censée ne ressentir aucune souffrance dans le monde oublié? Heureusement, la douleur avait été rapide. Je ne m'attendais pas à ça, et c'était ce qui m'avait mise à terre.
Cependant, je ressentais toujours une brûlure, mais même si elle ne faisait pas mine de s'approfondir, elle ne diminuait pas non plus. Alessandro m'allongea sur le vieux canapé, et me chuchota à l'oreille :
- On dirait que le Roi des Vampires tente de te redonner vie..
Le roi des..? Alek essayait de me ramener dans le monde des vivants? C'est pour ça que je ressentais cette brûlure sur mon cou? Parce qu'il me mordait?
- Je ne peux plus le chercher, mais il vient à moi. Peut être devrais-je te remercier? Désolé que tu ais mal, et que je m'en réjouisse.
Je fronçai les sourcils en ouvrant la bouche, pour aspirer de l'air frais et calmer la brûlure de ma gorge, du mieux que je pouvais. Autant vous dire que ça ne servait à rien.
- Je le laisserai te sortir d'ici. Mais après j'empêcherai cet saleté de roi de repartir. Je le bloquerai dans ce monde. Il mourra ici, pour m'avoir fait perdre ce qui m'était le plus précieux.
J'avais oublié sa rancœur envers le souverain des vampires. Il ne savait pas que le peuple vampirique avait changé de roi, alors il s'imaginait encore que c'était le maître qui allait débarqué. Cet homme avait blessé tellement de gens, comment a-t-il pu être Roi des Vampires? Et pourquoi lui, voudrait me faire revivre? Il m'avait torturé, cela aurait été illogique. Enfin, c'était un peu grâce lui si Alek était en vie aujourd'hui. Il fallait que je prévienne Alessandro de tout ça. Avant qu'il ne fasse une bêtise. Avant qu'il ne s'en prenne à Alek en pensant attaquer le maître.
Merde. Ce sale.... il continue de me pourrir la vie, même dans la mort.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro