Chapitre 35:
Je le repoussai vivement, et le fusillai du regard.
- Intéressante? répétai-je. Je ne suis pas une bête de foire.
Il rit en réponse, et excédée, je repris mon sandwich pour apaiser mon estomac. Je ne mettais pas rendu compte que j'avais faim à ce point, et c'est rapidement que j'englouti presque la totalité de la demi-baguette, sous le regard du vampire.
Je l'ignorai royalement, me concentrant sur les SDF qui se partageaient leur sandwich. À force de manger peu, leur appétit avait diminué, et ils pouvaient bien tenir plusieurs jours avec ce sandwich, ou le manger à trois.
Alors que je finissais ma dernière bouchée, je me mordis la langue. Le goût acre et métallique de sang envahit ma bouche, et les yeux écarquillés, je la gardais expressément fermée. Je ne voulais pas que le vampire italien perde le contrôle de sa soif, et essaye à tout pris de me mordre dès qu'il sentirait les effluves de mon sang.
Il y a 7 ans, je m'étais écorchée un genou en tombant d'un arbre. Il y avait des cerises mûres dessus, et je voulais absolument montrer ma délicieuse découverte à mes frères. Je me souviens que nous n'avions pas eu de repas digne de ce nom depuis deux ou trois jours, et que ce joli cerisier tombait à pique.
Blessée j'étais retournée près de mes frères, avec mon butin. Malheureusement, j'avais attiré un jeune vampire, qui lui aussi n'avait pas mangé depuis un certain temps. Il avait été impossible de le résonner. Il tentait frénétiquement de m'atteindre, et s'il m'avait attaqué avant que je sois avec Owen et Felix, il m'aurait dans aucun doute vidé de mon sang.
Et je ne voulais pas renouveler cet incident, ici, avec ce vampire, alors qu'il allait essayer de convaincre son père de me garder en vie. Cela serait une bonne opportunité pour moi. Le père sera sûrement contre l'idée de son fils, mais finira par accepter à condition que je leur serbe à quelque chose dans leur vengeance. Je leur proposerai alors de faire l'otage, en échange de ce qu'il veulent du roi. Et là, je retrouverais Alek.
- Qu'est-ce qu'il y a bella rosa ? Pourquoi pinces-tu les lèvres de la sorte?
Je sursautai en l'entendant parler de sa voix grave et mélodieuse. J'avais presque oublié qu'il était là. Je m'apprêtais à lui répondre, quand je me rappelai que pour ça, il faudrait que j'ouvre la bouche.
Le vampire me scruta, attendant que je parle. Lorsqu'il se rendit compte que je n'allais pas le faire, il plissa les yeux et s'approcha de moi.
- Tu ne comptes pas ouvrir la bouche? Pourquoi?
Muette, je tentais de m'éloigner encore, pour éviter qu'il ne sente l'odeur de mon sang, mais je fus acculé contre le mur. Je jurai intérieurement. Le goût aigre du sang était toujours présent sur mon palais, ce qui me dissuada de l'envoyer balader.
Il attrapa mon menton et le souleva du bout des doigts. Je lui lançai un regard noir, et lorsque je vis son visage d'encore plus près, je fus ahurie.
Il ne va pas...!?
Il s'approcha encore, et une idée - enfin, un éclair de génie, je précise hein!- me traversa l'esprit. Je rapprochai, moi aussi mon visage. Mais beaucoup plus vite, et plus fort. De sorte à lui cogner le front assez fort pour qu'il recule brusquement.
Je sautai sur mes pieds et attrapai le vampire par le tee-shirt.
- Tu t'es cru où, italien de mes deux!? lui hurlai-je dessus.
Pour toute réponse, il retint un rire.
- Qu'est-ce qu'il y a de drôle?
- Votre réaction, bella rosa. Vous pensiez que j'allais vous embrasser?
Là, il rit pour de bon.
- J'essayais juste de vous faire parler. Et j'ai réussi.
Je le lâchai subitement, et la main sur la bouche, je mis une distance de sécurité entre lui et moi. Sauf qu'il ne semblait pas sentir l'odeur de mon sang.
- Tu ne sens pas? lui demandai-je.
- De quoi? Le sang? Si, je l'ai senti dès que vous vous êtes mordu.
- Et ça ne...?
- Votre sang a une odeur à faire tourner la tête de n'importe quel vampire.
Voyant mon expression interrogatrice, il m'adresse un léger sourire. Ce sourire était différent des autres. Il me paraissait plus sincère.
- Je n'aime pas le sang.
- Hein? m'exclamai-je.
- Je n'aime pas le sang. Oui, je suis un vampire, c'est mon alimentation, et ainsi de suite.. mais je ne suis pas devenu vampire par choix, bella signora. J'avais une femme, et j'allais avoir un enfant. Puis un soir mon père et moi nous nous sommes fait attaqué par des monstres. Nous savions ce qu'ils étaient : nous étions des mages. Le problème, c'est que j'étais jeune, inexpérimenté et arrogant. Je pensais pouvoir leur faire face seul. Idiota che ero, se maudit-il.
Il leva la tête et fixa le plafond d'un regard vide.
- Par ma faute, nous sommes devenu des vampires. Mais mio padre ne m'en a jamais voulu. Nous voulions justice, nous voulions que ceux qui nous avaient attaqué, ceux qui avait privé mon père de ma mère, moi de ma femme et de mon futur enfant, soient puni. Nous sommes allés nous plaindre au roi de cette espèce.
Un masque de colère se peignit sur ses traits. L'entrevue ne semblait pas s'être déroulé comme il l'espérait. Je restais silencieuse, afin qu'il continue de parler s'il en avait envie.
- Au lieu d'accéder à notre requête, il nous a mis sur le dos le génocide de plusieurs villages. Et nous avons été jeté en prison. Pendant je ne sais pas combien d'années. La prison est dans une brèche temporelle le temps va tellement plus lentement dedans... j'y suis resté presque 10 mois, mais qui sait combien d'année sont passées en sachant quand une heure, presque une semaine s'est écoulé ici!
- On est en 2016.. lui indiquai-je dans un chuchotement.
Un air affolé s'afficha sur son visage quand il tourna les yeux vers moi.
- 2016? répéta-t-il, incrédule. J'ai été enfermé dans cette cage en 1898! 1898! Pendant presque 120 ans, j'ai été enfermé pour rien... Valentina.. La mia dolce Valentina.. Elle, mon enfant et ses enfants.. ils doivent tous être morts...
Il tomba à genoux, la tête entre les mains. Ses épaules étaient secouées de soubresauts, il pleurait. Son désespoir était palpable. Son esprit était rempli des souvenirs qu'il avait de sa Valentina. Elle était belle, souriante, je pouvais le dire. Il pensait si fort à elle, elle et son ventre arrondie, les bras ouvert pour l'accueillir chez lui, que son image m'apparaissait encore plus clairement que si j'avais forcé le passage de son esprit.
***
- Alessandro! Il mio amore... J'ai une nouvelle, un très bonne nouvelle! disait-elle dans sa langue.
Sa voix était harmonieuse, joyeuse. Cette femme était épanouie.
- Que m'a préparé la mia donna comme surprise?
- Je suis enceinte! Je porte ton enfant Alessandro!
L'homme s'arrêta et comptempla sa femme, des étoiles dans les yeux.
- Tu.. tu..
- Oui!
Il s'agenouilla et la prit par la taille pour l'approcher de lui. Il posa un doux baiser sur son ventre, et les larmes aux yeux, il lui dit :
- Valentina.. c'est le plus beau cadeau que tu puisses me faire.. un enfant per dio, tu me donnes un enfant! Ti amo talmente... Valentina!
***
Sans m'en rendre compte, je me suis également mise à pleurer. Cet homme avait été enfermé alors qu'il était innocent, et il avait perdu ce qu'il avait de plus cher au monde à cause de ça. Cela ne m'étonnait pas qu'il veuille se venger pour cette erreur.
Mes sanglots avaient arrêté ceux d'Alessandro, qui, les yeux gonflés et rouges me dévisageait.
C'est en croisant son regard que je me souviens d'une chose essentielle. S'il avait été emprisonné il y a 120 ans, le roi des vampires de l'époque n'était pas Alek. C'était.. le maître. Le vampire qu'ils détestaient était mort.
Je séchai mes larmes, et soufflai un coup en espérant que ma voix ne sera pas étrange.
- Alessandro, le.. commençai-je.
- Comment connais-tu mon nom?
Je sursautai au ton dur qu'il employait. Il était passé du vouvoiement au tutoiement, sûrement parce qu'il se sentait menacé. Son esprit me le démontrait : il était aux aguets, écoutant les battements de mon cœur pour savoir si j'allais mentir ou non, les muscles tendu, près à parer ou à lancer une quelconque attaque. Après la surprise, l'indignation. D'où il se permet de me parler aussi mal? Alors que je compte éclaircir un malentendu, lui, il décide de se comporter agressivement. Ce n'était pas comme si je le suivais depuis le siècle dernier! J'avais seulement dit son nom, qu'il m'avait envoyé par pensée, même s'il ne s'en était pas apercut.
- Oh, le ton que tu viens d'employer ne me plait pas du tout Alessandro!
Il haussa les sourcils en m'entendant parlé comme une mère en colère qui disputait son enfant. J'essayais de garder mon calme, c'est pour cela que je ne pouvais pas m'empêcher de parler de cette façon.
- C'est pas parce que t'es un putain de vampire italien, ajoutai-je en le pointant du doigt et en m'avançant, que tu peux te permettre d'être aussi désagréable, alors que je me sens compatissante envers toi, mon kidnappeur! Je lis simplement dans les pensées, et non! Je n'ai pas lu dans les tiennes. TU m'as envoyé le souvenir de quand Valentina t'as annoncé sa grossesse, pendant que tu pleurnichais comme un enfant, juste là, à genoux. Qu'est-ce que tu crois? Que mon passe-temps est de m'occuper de ta vie? J'ai d'autres chose à faire. Et aussi, le roi actuel....
Je n'eus pas le temps de m'expliquer plus que ça que je fus soudain tiré en arrière et jeter au sol. L'arrière de ma tête cogna durement sur le béton, deux fois, pendant que je roulais disgracieusement dans la poussière. Je fermai les yeux sous le coup de la douleur et enroulait mes bras autour de ma tête.
Les SDF qui se trouvaient encore là, s'enfuirent bruyamment, faisant résonner leurs pas dans mes oreilles sifflantes. Derrière ces bruits, des éclats de voix me parvinrent.
- Padre! Che è ciò...
- ....notre otage...
- ....utile!
- ...imbecille igueno!
- ...pas naïf! Réaliste!
- ...repas... prendre des f..
- ....forte..
- ...umana!
- ...former en vamp...
Je ne saisissais pas ce qui se disait, et c'est vacillante que je tentais de me relever. Le sol et les murs ondulèrent, et je me rattrapai sur les coudes. Je passais une main dans mes cheveux, là où ça me faisait mal, et un liquide chaud se colla à ma peau. Je pestai. Il fallait que je m'ouvre le crâne, évidemment! Poussant une dernière fois sur le sol, je me relevai.
Une fois sur pied, je clignai plusieurs fois des yeux pour ne pas voir le monde autour de moi bouger. Une masse informe et floue se déplaça à la vitesse de l'éclair et je sentis une main dans le bas de mon dos, et l'autre sur mon menton. Ma tête bascula sur le côté, dévoilant mon cou.
- Padre! entendis-je Alessandro crier.
Je réalisais alors que la personne qui m'avait balancé au sol n'était autre que le père du vampire italien. Et qu'il comptait me mordre dans le cou, là tout de suite. Voulant éviter à tout pris mon baptême de morsure de vampire, et remarquant qu'il semblait etre en train d'admirer les veines de mon cou, je bougeai rapidement mes mains vers ses yeux, et y enfonçai mes pouces dedans. Une canine m'écorcha la peau, et je tombai à la renverse lorsque le vampire me lâcha. Mon répit fut de courte durée car il revint à la charge, sans passer par la contemplation de la peau de mon cou cette fois-ci.
Ses crocs s'enfoncèrent dans ma chair et j'étouffai un cri. Je me débattis comme un beau diable pendant quelques secondes qui me parurent interminables, et mes muscles se paralysaient lentement. Un bruit de succion retentissait dans mon esprit, et je sentais mon sang se faire aspirer. Mes sens finirent par s'engourdir également, et je percevais de moins en moins bien ce qui se passait autour de moi. La bouche sur mon cou disparut, et je m'écroulai comme une masse.
J'entendais des bruits étouffés, comme si l'on se battait, quelques mètres à côté. Je reconnu le son de souffles rauques, de gémissements de douleur, puis d'un coup plus rien. Le silence fut briser par un cri déchirant, à faire pleurer un mort.
Puis à nouveau le silence. Un silence de plomb.
La morsure dans mon cou me brûlait atrocement. Je voulais hurler ma douleur, mais aucun son ne s'échappait de ma gorge.
Un visage apparut au dessus de moi, secouant sa main devant mes yeux pour voir si je réagissais.
- Eh... Eh.. signora rossa.. tu m'entends? Désolé. Excuse mon père. S'il-te-plait. S'il-te-plait. Il.. ne recommencera plus. Ni sur toi, ni sur personne. Tiens le coup. Belle rosa, sopravvivi.. tu entends jolie rose? Survis.
Il toucha su bout des doigts le contour des deux trous dans ma peau, ce qui me fit pousser un gémissement. J'avais mal, et je ne pouvais pas lui dire. Cependant, il sembla le comprendre car il retira sa main et m'attrapa sous les aisselles. Je sentis mon corps se faire légèrement soulever, ou peut être juste traîner. Ma tête s'appuya sur quelque chose, que j'identifiai comme les genoux d'Alessandro.
- Le loup-garou et le métamorphe félidé devraient bientôt arriver. On a fait un peu de bruit en se... enfin, tu vois. Leur odeur s'approche. Heureusement que je ne suis pas allé trop loin...
Il murmura cette dernière phrase, plus pour lui-même.
Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire. Ou du moins, vu l'expression de souffrance qui lui tordait les traits du visage, je comprenais qu'il avait fait quelque chose de terrible.
Il a tué son père? me demandai-je.
Cela devait être le cas. Il avait des traces de coups sur le visage et les bras. Sa lèvre inférieur était fendue, et il saignait abondamment. Et puis surtout... ses yeux regardaient fixement un point, et je pouvais y lire une infinie tristesse.
Alessandro toussa, cachant sa bouche de sa manche. Son pull en fut recouvert de sang, mais ce n'était pas ça qui retenait mon attention. C'était plutôt le pied de biche qui lui transperçait la poitrine.
- Bella signora rossa.. t'as intérêt à vivre, parce que je n'ai pas tué mon père et sacrifié ma vie pour que tu ne survives pas. Sopravvivi, di acordo?
Il avait beau me dire ça, la douleur dans mon cou ne cessait pas. Elle était forte, brûlante, et je voulais juste fermer les yeux pour arrêter de souffrir.
Alessandro fut le premier à fermer les yeux. Je sus qu'il était bien mort lorsque son corps se putréfia.
Pour ne pas voir ça, et ne pouvant pas bouger pour m'en éloigner, je tournai la tête et fermai les yeux.
Grossière erreur parce que je perdis conscience avec ce geste.
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