Au même moment
[Point de vue omniscient]

Les trois hommes avançaient dans les rues de la ville d'un pas assuré. La nuit commençait à tomber, donnant un teint orangé au ciel. Alek était encadré de son Conseiller et de son Général.

Le Roi frissonna, et se retourna machinalement. Il avait soudain sur l'impression que quelqu'un l'appelait : il avait cru entendre quelqu'un dire "Third".

Le trio était assez dévisagé par les gens qu'il croisait : le Roi était le seul habillé normalement, d'un point de vue humain. Alistair était vêtu d'une tunique indienne d'un blanc inégalé. Il aimait la porter lorsqu'il sortait du palais des Vampires. Oscar, ayant reçu pour ordre de s'habiller sans sa tenue militaire, avait enfilé une sorte de combinaison entièrement noire, qui le rendait encore plus effrayant avec sa cicatrice et son tatouage.

- Vous sentez cette odeur? questionna l'homme à l'allure de barbare.

Alek s'abstient de répondre, et le Conseiller ne fit qu'acquiscer. L'ancien Numéro sentait bien cette odeur. Un peu trop même. L'odeur du sang de Fourth était réellement appétissant. Il aurait du mal à se contenir s'il sentait cet arôme plus d'une heure. Il na fallait pas oublier qu'il n'était encore qu'un jeune vampire, malgré son rang.

- C'est un sang de qualité. Je n'en avais jamais senti un de ce genre.

Lorsque le vampire militaire croisa le regard de son Roi, il se hâta d'ajouter :

- J'ai dit que ça sentait bon. Pas que j'allais mordre le joli cou de la demoiselle. Alors range tes crocs, Sire.

Alek porta sa main à sa bouche et se rendit compte que ses canines étaient allongées, sans qu'il ne s'en aperçoive. Alistair prit le visage du jeune vampire entre ses mains puis captura son regard des yeux.

- Votre Majesté, commença-t-il, vos pupilles sont dillatées, votre respiration saccadée, vos canines transparaissent de vos lèvres, et les veines autour de vos yeux deviennent rouges. Il serait plus judicieux que vous arrêtiez de respirer un certain moment. Cela vous fera tenir un peu plus longtemps en ville.

Le jeune Roi se contenta de hocher lentement la tête. Soudain, le Conseiller pressa le visage d'Alek contre son épaule, et lui ordonna de respirer un grand coup.

- En sentant une autre odeur, votre soif s'apaisera quelque peu.

Ils restèrent ainsi quelques instants, jusqu'à ce que Oscar les sépare.

- Bon, les mecs, c'est gênant là. On y va, la maison est juste là.

Alistair relâcha Alek, qui regarda la rue en se remettant en marche. Il se souvient être sorti, deux jours après sa résurrection. Il s'était endormi et quand il s'était réveillé 56h plus tard, il avait eu du mal à comprendre qu'il était vivant. Il avait alors quitté la maison, et qu'elle ne fut pas sa surprise en voyant deux hommes devant la porte, attendant qu'il sorte. Oscar et Alistair voulaient accueillir leur nouveau Roi, et l'aider dans ses devoirs et dans la compréhension du monde dans lequel il entrait. Il en avait bien besoin, car tout ce qu'il avait comme bagage c'était les souvenirs du maître, de Fourth, de lui : Third, et le nom que lui avait rappeler l'Ange Déchu.

Ils passèrent le portail de la maison des Numéros et virent un agent de sécurité gardant la scène de crime.

- Vous n'avez pas le...

Oscar se mit face à lui et dit seulement :

- Tu ne nous as pas vu.

- Je.. je.. vous ai pas vu, répéta le garde. ..je.. vu quoi?

Oscar le tourna dans l'autre sens, de façon à ce qu'il marche par automatisme dans une direction inverse à la leur. Puis l'homme s'écroula et le Général se passa une main derrière la tête, mal à l'aise.

- J'ai peut être un peu trop forcé.

- Pourquoi on vient ici? demanda subitement le souverain. On devait aller à la prison.

- Cette maison a été construit sur la seule porte de la prison, informa Alistair.

Sur ces mots, il entra dans la maison. Il se dirigea immédiatement vers la cave, connaissant parfaitement les lieux. Alek eu un mouvement de recul lorsqu'il se trouva devant la porte des escaliers qui menaient à la cave.

"Je veux pas! Je veux pas! Laisse moi jouer avec Third!"

Il se frotta avec force les yeux. C'était ce qu'avait dit Fourth avant que leur bourreau ne la jette dans ces escaliers comme si ce n'était rien d'important.
La cave, c'était cet endroit où il les avait marqué.

"Un trois, un joli trois pour mon petit Third! Ça fait mal? Supporte le, petit. Les hommes ne pleurent pas!"

Comment voulait-il qu'il ne pleure pas? C'était impossible. Un enfant qui tombe sur les genoux pleure à cause de la douleur. Alors comment un enfant qui se fait ouvrir l'épaule est censé ne pas pleurer?
Mais Fourth n'avait pas pleurer. Lui, il avait été paralysé par la peur, incapable de bouger ou de parler lorsqu'il avait compris ce qui allait lui arriver. Fourth, elle, ça n'avait pas été le cas.

"Enfoiré."

"Je suis pas ta fille! Je suis pas ta fille!"

"Non! Non, non, non! Lâche moi! Lâche moi, je ne veux pas que tu fasses ça! Il a eu trop mal, je ne veux pas!"

Sa gorge se noua. Même dans un moment comme celui-ci, elle n'avait pas pensé qu'à elle seule. Cette petite fille pensait toujours aux autres..

- On est arrivé, Votre Majesté.

Alek s'échappa soudain de ses souvenirs. Il n'avait pas remarqué qu'il était descendu dans la cave et que ses deux amis avaient déplacé la cheminée pour dévoiler un passage. Il fallait encore passer une grosse porte métallique, qu'il finit par pousser en voyant qu'aucun des deux vieux vampires n'allaient le faire.
Il entendit d'innombrables cliquetis, et au lieu de s'ouvrir comme une porte normal, elle s'enfonça dans le sol.

La prison était sombre, et il avait du mal à distinguer ce qu'il s'y trouvait. Il avança quelques pas; et il eut l'impression de traverser un mur de gélatine.

- Nous sommes dans une brèche temporelle. Le temps ne s'écoule pas de la même façon ici qu'à l'extérieur. J'ai toujours voulu savoir s'il s'écoulait plus vite ou plus lentement, déclara le Conseiller.

- Tu ne le sais pas? demanda Alek, qui obtint une réponse négative.

Ils continuèrent d'avancer dans un long couloir, toujours aussi peu illuminé. Oscar les prévient qu'il ne fallait pas qu'ils touchent le métal des grilles qu'ils allaient passer, car cela les brûlerait jusqu'à l'os en une fraction de seconde.
Au bout d'une dizaine de minutes, ils croisèrent les premières cellules. Ils n'avaient croisé aucuns gardes jusqu'ici, et ça ne plaisait pas au deux anciens vampires, qui étaient aux aguets, prêts à n'importe quel changement de situation.
Dans les cellules, on pouvait voir les vampires se tordre de douleur, les crocs d'allongés, agonisant de leur faim grandissante.

- Les vampires d'ici sont sous-alimenté. Ça ne m'étonnerait même pas qu'ils aient perdu la tête après quelques secondes à sentir cet arôme de luxe.

Alek glissa un coup d'œil inquiet vers son Général. Si ce qu'il disait été vrai, il suffirait que seulement un prisonnier puisse s'enfuir pour que la Quatrième soit en danger. Il devait vraiment remettre tout ça en ordre, même s'il n'avait aucune idée de comment procéder.

- Votre Majesté, mettez vous derrière, ordonna le Conseiller tout d'un coup.

- Deux cellules individuelles sont vides. Il y a trois ennemis dans l'enceinte de la prison, affirma Oscar.

- Quoi? Pourquoi trois?

Le jeune Roi recula quand même, ne s'opposant pas à eux. Ils étaient plus vieux et beaucoup plus expérimentés et en mesure de faire face à ce genre d'imprévus.
Le Général s'avançait déjà, agissant en éclaireur, et disparut au tournant d'un couloir.

- Ali, explique moi!

- Seuls, ils n'auraient jamais pu quitter leur box. Un garde leur est venu en aide.

- Ah.. mais dis moi, s'ils sont aussi assoiffés que ceux qui sont dans leurs cellules..

- Ça ne sera pas beau à voir.

- Tiens, c'est ce que j'étais en train de me dire justement : ce n'est pas du tout beau à voir.

Alek pointa du doigt un vampire au comportement animal, déchiquetant la gorge d'un homme en uniforme. Le vampire tourna soudain la tête vers eux. Il n'avait plus aucune ressemblance avec l'espèce humaine. Ses yeux étaient teintés d'un rouge terrifiant, et les veines de son visage étaient gonflées, ce qui déformait ses traits.
Lorsque le vampire ayant perdu la raison aperçut Alistair et Alek, il se jeta brusquement sur eux, tout crocs dehors. Il suffit d'un simple coup de pied du Conseiller pour repousser le vampire assoiffé. Oscar arriva à ce moment là et l'enferma dans l'une des cellules vides.

- J'ai trouvé un garde un peu plus loin, informa le Général. C'est lui qui a ouvert les cellules de deux vampires. L'un d'eux est son fils.

À peine le danger était maîtrisé que les deux vampires passèrent à un autre problème. Alek n'était toujours pas habitué à ça.

- Par ici.

Ils suivirent Oscar, qui les emmena rapidement vers le garde. Ils étaient passés devant plusieurs boxs, et la folie des vampires qui ne contrôlaient plus leur soif à cause de l'odeur du sang de Fourth angoissait considérablement Alek. Ils retrouvèrent finalement le garde, qui était ligoté, assis sur le sol, un sourire mauvais sur le visage.

- Tu reviens avec ton Roi pour qu'il proclame ma sentence, Monsieur le Général de Armées Vampiriques?

Le souverain se crispa, ne sachant pas bien s'il devait vraiment punirle vampire à des pieds.

- C'est aussi ton Roi.

- Non. Je n'ai pas de Roi. Je n'obéis qu'à l'Impératrice de la Sorcellerie.

- Le jour où toi et ton fils avez été mordu, vous avez perdu votre magie.

- Que tu crois. Je peux encore contrôler la fumée, et mon fils la lumière. Et surtout, nous supportons beaucoup plus facilement l'odeur du sang que vos congénères. Mon fils est sûrement déjà sorti, grâce à l'entrée de vos soldats dans la prison.

Alek écarquilla les yeux. Il s'avança et attrapa le col du garde.

- Vous n'allez pas attaquer celle qui porte cette odeur!? s'écria-t-il.

Le vampire commença alors à se dématérialiser, changeant son propre corps en fumée. Il glissa des mains du jeune Roi, et se libéra en même temps de ses liens.

- Vous tenez à elle?

La voix paraissant lointaine, ou imaginaire. Aucun des trois n'étaient sûr d'avoir réellement entendu le garde parler. Mais Alek, lui répondit quand même, vociférant :

- Vous n'avez pas intérêt à vous approchez d'elle, ou je vous égorgerai tous les deux avant de vous décapiter de mes mains!

Un rire sinistre retentit dans la prison souterraine.

- Penses-tu vraiment avoir le temps de le faire, Roi des Vampires? Dans cette brèche temporelle, le temps s'écoule beaucoup plus lentement qu'en surface. 10 minutes ici équivaut à une journée dehors. Le temps que je sorte, j'aurais une avance d'une heure ou deux sur vous!

Ces mots s'éloignèrent, avec la fumée, jusqu'à disparaître subtilement. Le garde s'en était allé, avec une annonce qui les déconcerta. Le premier à réagir fut Alistair.

- 10 minutes? Une journée? Votre Majesté! Nous sommes là depuis plus de 20min minutes! Nous avons perdu 2 jours à l'extérieur!

Le sang d'Alek se glaça, et il bondit en direction de la sortie. Il fallait qu'il trouve Fourth avant le père et le fils. Apparemment les deux vampires pouvaient encore utiliser la magie, même si cela avait l'air restreint d'après les dires du père. Mais pouvait-il le croire?

De sa vitesse surnaturelle, il retourna dans le long couloir qui menait à la sortie, suivit d'Alistair et d'Oscar. Il dû ralentir lorsqu'il sortit de la brèche ; la sensation de traverser de la gélatine le paralysait pendant une fraction de seconde. Il passa dans l'autre sens la grosse porte métallique et une fois qu'il fut dans la cave de la maison du maître, il se figea.
Il plaqua ses mains sur sa bouche et son nez, s'empêchant de respirer, et mit un genou à terre. Quand ses amis arrivèrent à sa hauteur, il attrapa le bas de la tunique d'Alistair. Le regard implorant et les yeux brillant de larmes, il murmura :

- Je l'ai raté... Elle était là.. elle était là... et je l'ai raté..