Chapitre 24:
Le sourire d'Ethan était rafraîchissant. C'était agréable de le regarder quand il avait cet air reconnaissant qui adoucissait les traits de son visage.
- Ah! s'exclama-t-il soudain en se levant. J'ai quelque chose pour vous deux.
Il nous pointa du doigt, Owen et moi, et je le dévisageai pendant qu'il quittait la pièce en me laissant la peluche de son frère.
Je lançai un regard interrogateur à mon frère loup, qui haussa des épaules pour me faire comprendre qu'il n'en savait pas plus que moi.
Le jeune flic réapparut quelques secondes plus tard, avec un livre à la couverture en cuir, et un tas de feuilles reliées par une ficelle dans les mains.
Les battements de mon cœur ralentirent, et j'eus l'impression que ceux-ci faisaient un bruit assourdissant dans ma poitrine.
Owen se leva et se précipita vers Ethan.
- Comment as-tu eu...? commença-t-il.
Doucement, je tendis la main vers les feuilles que le policier tenait.
- Je me souviens que vous aviez toujours ça dans les mains quand je suis arrivé, se souvint Felix.
Comme si je sortais de la réalité et entrait dans un rêve, j'ouvris avec précautions ce qui était pour moi, ma bouée de sauvetage et mon trésor. Je tournai lentement les pages abîmées, recouvertes de dessins. Ils étaient si beaux et réalistes, que j'en fus moi-même étonnée.
Tous mes dessins étaient là, tout ce que j'avais un jour imaginé ou vu était transcrit sur ces feuilles. Forêt, plage, montagne, et d'autres paysages étaient représentés au crayon à papier. Il y avait aussi des familles, des parcs d'attractions, des groupes d'amis, ou juste des portraits vu dans les livres que le maître avait chez lui.
La plupart de mes dessins venaient de ce que je voyais à la télévision. Les seules fois où elle était allumé, c'était quand le maître buvait. Dans ces moments là, il s'affalait sur son fauteil, un verre d'alcool à la main. Lorsqu'il finissait par s'endormir complètement saoul, la télévision continuait de marcher. Je m'asseyais devant, sur le tapis sale : parfois à côté d'une flaque d'alcool dans les meilleurs jours, et de vomi dans les pires, et je regardais tout ce qui passait pendant des heures. Je ne changeais pas de chaîne et bougeais le moins possible pour ne pas le réveiller. Je ne savais pas ce qu'il aurait pu me faire s'il avait découvert que je regardais la télévision à son insu. Il n'avait jamais voulu qu'on l'allume.
Je me tournai vers le jeune policier, les yeux embués de larmes. C'était à mon tour d'être reconnaissante.
- En fait, commença-t-il gêné, lorsque j'ai compris qui vous étiez, je me suis dit que je pourrais peut être récupéré ça pour vous.
Owen ferma son cahier bruyamment.
- Ça ne va pas t'apporter des ennuis? Ce sont les indices d'une scène de crime dont l'enquête est en cours.
- Si personne ne s'en rends compte...
- Tout finit par se faire savoir.
- Tu es bien placé pour le savoir hein? lançai-je au loup-garou.
- Ah.. euh.. ça..
- J'espère en tout cas que vous finirez par me parler de cette histoire de nouvel Ange que vous devez trouver!
Fel et Owen se jetèrent mutuellement des regards qui voulaient dire : "Qu'est-ce qu'on doit faire??" Je soupirai et secouai la tête.
- Plus tard. Notre but est de trouver le dernier Numéro. D'accord?
Visiblement soulagés, Owen acquiesça, et Felix brandit le poing.
- J'ai tellement hâte de le trouver! Je ne connais que vous comme Numéro, ce serait génial d'en rencontrer un autre! Pas vrai!?
Je souris faiblement. C'était une réaction normal, il n'était pas resté très longtemps et n'a pas expérimenté toutes les tortures qui amusaient le maître. Je pensai à sa petite sœur, et changeai tout de suite d'avis. Cette pensée était déplacée. Le maître avait tué sa sœur devant lui. C'était au minimum, égal à ce que nous avions subi.
- Sans doute. Je me demande si je le connais... ou si c'est First ou Second.
- Ah oui, c'est vrai que quand tu es arrivée, il n'y avait que Third.
Ethan nous regarda parler avec admiration.
- Comment vous faites pour en parler si naturellement? demanda-t-il.
Nous nous figeâmes tous les trois. Il le remarqua et devint livide. Il bougea inutilement les mains devant lui, comme s'il essayait d'effacer ce qu'il venait de dire.
- Désolé, désolé! Je ne voulais pas vous.. enfin, c'est que.... Peut être que vous pouvez en parler entre vous parce que vous avez vécu la même chose et que vous vous comprenez! Désolé...
- Probablement... marmona Owen.
Comment pouvait-il comprendre ça en un regard? Nous même, en plusieurs années, nous n'avons pas pris conscience de cela. En même temps, c'était la première fois qu'on en parlait à quelqu'un d'autre. Mais je sentais qu'il y avait quelque chose de différent chez ce Ethan Rodriguez, quelque chose sur lequel je n'arrivais pas à mettre la main dessus.
Je ne devais pas être la seule à l'avoir remarqué, car une aura d'intérêt et de méfiance entourait mes frères et plombait l'atmosphère.
- Euh... Tu devrais rendre mes dessins et le cahier d'Owen, dis-je pour détourner l'attention de tout le monde. Ce serait idiot que tu aies des problèmes à cause de nous.
Je lui tendis mes feuilles, avec un pincement au cœur. Ça m'avait fait plaisir de revoir tout ça : une preuve que dans les moments les plus sombres de mon existence, il y avait eu quelques doux instants qui m'ont fait tenir le coup.
Il ne me demanda pas si c'était bien ce que je voulais. Il avait sûrement compris que cette décision n'avait pas été facile pour moi. Il récupéra sans un mot mes dessins, et Owen lui tendit son cahier à contre-cœur.
- Par contre, ajoutai-je, j'ai une faveur. Est-ce que tu pourrais nous faire entrer dans la maison?
Felix, qui avait été silencieux jusque là se leva d'un bond. Il semblait contrarié. Mon frère loup, quant à lui, m'attrapa brusquement par les épaules.
- Ça va pas!? Tu te souviens pas de ta crise de tout à l'heure!? Tu étais à plus de 100 mètres de la maison et tu as failli t'enfoncer ton couteau dans l'épaule, tout ça parce que tu te souvenais trop fortement du jour où il t'a fait la marque!
- Comment tu peux être aussi sûr que c'est pour cette raison!!?
- Parce que quand nous nous sommes approchés nous avons aussi revécu ce qu'il nous avait fait à ce moment là, déclara le fauve. Il y a quelque chose qui ne va pas avec cette saleté de maison.
- Et-et alors? Maintenant on sait à quoi s'attendre, on peut y retourner.
- Il est hors de question que tu ailles là-bas et que tu finisses par te suicider!
Je clignais des yeux, surprise par ce qu'il venait de dire. Il me secouait comme un prunier, et la terreur qui teintait sa voix suffisait à me donner l'impression d'avoir pris une douche froide. Ses yeux brillaient : il était prêt à se mettre à pleurer pour me dissuader d'y aller.
Pourtant, il savait parfaitement que sa comédie n'allait pas marcher avec moi.
- Je ne vais pas me suicider! Je ne veux pas faire ça! m'écriai-je.
- Tu voulais peut être te planter un couteau dans l'épaule alors!? répliqua Owen sur le même ton.
J'allais rétorquer, mais je refermai la bouche, n'ayant aucun argument valable.
Je ne savais pas pourquoi j'avais eu cette envie, mais à ce moment là, je voulais à tout pris effacer ce qui me faisait aussi mal, et c'était la seule solution qui m'étais venue à l'esprit. Et je ne sais pas à quel moment mon corps à obéit à ma pensée car la seconde d'après, Ethan m'arrachait l'objet tranchant des mains.
- On doit retrouver le dernier Numéro! Tu le sais! Et pour ça on doit commencer par le dernier endroit où l'on sait qu'il était! Et il était dans la maison!
- On n'ira pas!
- Et pourquoi pas!?
- Parce que j'ai dit non!
- Et depuis quand c'est toi qui commande??
- Je suis le plus vieux!
- Et alors! T'es pas le plus malin non plus!
- Je ne changerai pas d'avis, on n'ira pas!
- Si, on ira!
- J'ai dit non!
- J'ai dit oui!
- Felix, dis lui qu'on ne va pas aller dans cette baraque!
- Non, Felix est d'accord avec moi, on va dans la maison, pas vrai?
Ce dernier leva les deux mains en signe de neutralité. Il n'allait pas prendre parti, comme à chaque fois qu'on avait ce genre de dispute Owen et moi. Il avait appris à ses dépends, que s'il disait être d'accord avec Owen, je le lui ferais payer en oubliant de faire à manger pour lui, et que dans le cas contraire le loup-garou l'attacherait sûrement à un arbre pendant plusieurs heures sous une pluie torentielle. Et c'est bien connu que les chats n'aiment pas particulièrement l'eau.
Pendant que nous continuons notre dispute, ayant rapidement oublier Fel, Ethan regarda le fauve d'un air ahuri.
- T'en fais pas, c'est souvent comme ça avec eux, expliqua Felix. Là, Owen va dire quelque chose du genre : "Ah ouaip t'es sûr!?" Et elle va lui dire un truc comme : "Exactement!" Et ils ne vont pas se lâcher du regard pendant une quinzaine de minutes.
- C'est toujours comme ça? demanda le jeune flic.
- Quand c'est pas elle et lui ou moi et elle, c'est lui et moi... Et elle nous le fait toujours regretter, rit-il. On ne peut pas l'empêcher de se disputer, ni nous disputer devant elle... Elle gagne à chaque fois.
Je lançai une phrase au hasard à Owen, pour me tourner vers Felix et lui dire pourquoi je gagne à chaque fois, mais mon frère loup n'en avait pas finit avec moi.
- Oh tu crois!?? aboya-t-il.
Aboyer.. le comble pour un loup- garou à mon avis.
- Parfaitement!! lui répondis-je d'un ton sans appel. J'irai, avec ou sans toi!
Les yeux plongés dans ceux de l'autre, on attendait de voir qui flancherait en premier. Car on savait que celui qui détournerait le regard en premier devrait se plier à la volonté de celui qui n'avait pas céder. Personnellement, je pourrais rester des heures sans tourner les yeux, et je savais que lui aussi le pouvait.
Je fronçai encore plus des sourcils et plissai les yeux. Il semblait plus déterminé que les autres fois. Peut être était-ce parce qu'il pensait que ma vie était en jeu. N'importe quoi. Il était hors de question que j'abandonne.
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