Case 20
Made to Love You - Dan Owen
25 décembre
Après cet intermède de pré-mise au point, Charlie a rejoint le salon où tout le monde n'attend visiblement plus que moi. Je sais que ma famille ne me jugera pas. Ils ont toujours compris que durant mes années à Paris un truc s'était passé avec une fille parce que lorsque je suis revenu j'étais très différent.
Mais je crois qu'aucun n'aurait pu imaginer l'identité de l'intéressée. Je me suis parfois moi-même demandé si tout cela n'avait pas été qu'un rêve...
Bordel de merde, je suis père.
Gabin est un petit garçon si adorable.
Mon fils...
Et j'ai loupé cinq ans de sa vie...
Je ne sais pas comment arranger ça, je ne sais pas comment faire sans faire souffrir, sans faire d'erreur et ça me panique.
J'arrange une dernière fois mes cheveux dans la glace et je me décide à rejoindre les autres.
À quoi pense Charlie ?
Elle a tenté de me rassurer, on l'a fait tous les deux, mais elle doit me détester de lui avoir menti depuis son arrivée. Elle doit se demander pourquoi, si j'avais tant de sentiments pour elle, je n'ai jamais cherché à la rejoindre...
Lorsque je pénètre dans le salon, débarrassé de notre moment de débauche alcoolisé, je constate que tante Agathe a fait des miracles. Une jolie table est dressée sous forme de buffet avec toutes les victuailles initialement prévues pour être dévorées chez ma sœur.
Alors que je reste un peu en retrait, près de la cheminée, ma tante s'avance avec un large sourire et me prend dans ses bras.
— Joyeux Noël mon chéri. Je suis contente que nous soyons tous réunis. La famille c'est le plus important.
Elle dépose ses tendres lèvres sur ma joue piquante et je resserre mon étreinte pour lui partager mon attachement. Elle a tant fait pour moi depuis la mort de mes parents. Si leurs visages ont disparu progressivement de ma mémoire, ravivés par les photos, celui de ma tante est toujours bien présent et je voudrais être à la hauteur pour la remercier chaque jour...
Ma sœur se déplace à son tour et si je crains un instant sa réaction, elle attrape ma nuque et me serre avec une force incroyable.
— Je t'aime Gabriel. Tu es mon petit frère, ne l'oublies jamais. Peu importe tes choix. Ils t'appartiennent et je veux ton bonheur... il est temps de la vivre cette vie dont tu rêves.
Mon métier, mes expériences personnelles difficiles m'ont blindé le cœur. Mais à cet instant, dans les bras de ma sœur qui rassure chacune de mes peurs comme lorsque j'étais enfant, je sens l'humidité envahir mes paupières. Je craignais certaines de leurs réactions et finalement, je me suis puni tout seul.
— Merci Léa. Je t'aime, joyeux Noël.
Alban s'approche et me fait une accolade virile en me souhaitant à son tour un joyeux Noël. Cette journée est incroyablement riche en surprises. Après mon retour de garde, ce moment d'échange avec Cha, la découverte de ma paternité, ma panique, mon moment seul, celui à picoler avec Jerem, me revoilà en famille, chassant d'un revers de la main toutes les émotions négatives qui ont pourtant menacé de me priver du plus important.
Eliane, la mère de Charlie me serre à nouveau dans ses bras.
— C'est normal d'avoir peur Gabriel. Ça veut dire que tu as conscience de toutes les responsabilités, mais ne t'inquiètes pas, je sais que tu vas assurer.
Côme arrive à grandes enjambées avec le robot articulé que je lui ai offert. Il a l'air ravi de son cadeau et je lui ébouriffe les cheveux juste avant qu'il ne me saute dans les bras.
— Merci tonton, il est trop chouette ! C'est exactement celui-là que je voulais.
Derrière, bien plus réservé, Gabin s'avance, hésitant. Il semble tout penaud. Lorsque j'ai découvert qu'il adorait les pompiers, je lui ai acheté un camion de pompier Lego qu'il devra lui-même construire. J'adorais ça quand j'étais gosse...
— Joyeux Noël Gabriel, tu sais je suis désolé pour ce matin, je voulais pas t'embêter. Tu m'en veux pas ?
Je me sens tellement idiot à cet instant. Il pense que j'ai mal réagi ce matin à cause de lui. Mon pauvre petit bonhomme. J'ai envie de le serrer dans mes bras, de le sentir et de croquer son cou pour le chatouiller. Une chaleur intense s'engouffre dans ma poitrine au moment où ses yeux sondent les miens.
— Eh... c'est pas du tout de ta faute mon bonhomme. J'ai appris une nouvelle tellement surprenante ce matin que j'avais besoin d'un moment pour me sentir bien. Mais ce n'est pas du tout à cause de toi...
— Alors tu ne m'en veux plus ?
— Je ne t'en ai jamais voulu...
Je caresse ses joues roses et ses yeux brillent de soulagement. Il se jette dans mes bras et me serre fort. Autour, je sens ma famille et mes amis retenir leur respiration. Ma tante a les larmes aux yeux et se retient de verser une larme. Lorsque Gabin s'écarte, il est tout à fait inconscient de l'émotion dont il a saupoudré la pièce.
— Merci pour le joli camion. Tu m'aideras à le monter ?
— Alors là mon p'tit pote aucun problème, t'as devant toi le champion toutes catégories du montage de camion de pompiers Lego !
Il rit et se tourne vers Charlie qui lui sourit d'un air de dire, tu vois, je te l'avais dit. Quand ses yeux remontent jusqu'aux miens, je la vois me mimer un merci et ses yeux brillants me transpercent. J'ai envie de traverser la pièce, de la serrer dans mes bras, devant tout le monde avant de l'embrasser comme si c'était la dernière fois. Dire qu'elle a tout ignoré du géniteur de son fils, qu'elle s'en est sans doute voulu de ne pouvoir lui offrir son identité.
Nous portions chacun en nous une part de vérité. Grâce à ma sœur, ces deux vérités se sont enfin réunies et peut-être qu'au milieu de tout ce bordel nous arriverons à nous trouver pour écrire enfin une suite sur une seule et même page.
Une chose est sûre, peu importe ce qu'il adviendra du futur, Gabin est mon fils et je ferais tout pour le protéger et faire partie de sa vie.
Près de la baie vitrée, Jerem et Laura semblent enfin être capables de se parler sans se chambrer ou s'écharper. Cela doit être le miracle de Noël.
Alban débarque avec une bouteille de champagne tandis que tante Agathe aligne les coupes pour le service.
Une fois ces dernières remplies, tout le monde se dresse pour porter un toast à cette improbable réunion familiale. Mais ma sœur interrompt ma tante, choisissant d'initier elle-même ses vœux. Elle balaie l'assemblée du regard avant de s'exprimer, les yeux humides.
— J'ai bien cru que nous n'arriverions pas cette année à nous retrouver tous ensemble. Finalement, ce n'est pas ce que nous avions imaginé, mais nous sommes tous ici, en bonne santé, et c'est le principal. Vous savez qu'Alban et moi allons nous marier dans quelques semaines et j'espère que chacun de vous pourra participer à la concrétisation de notre bonheur. Avec Alban, nous voulions profiter de ce moment pour vous annoncer également que contrairement aux pronostics des médecins, notre amour aura été plus fort. Nous allons être parents dans un peu moins de six mois...
Ma tante, qui n'était pas au courant, se précipite sur ma sœur, en larmes. Alban, souris, ému et Charlie plonge son regard dans le mien quelques secondes. Ces instants de bonheur partagé, elle ne les a jamais vécus.
Tout le monde finit par se serrer dans les bras et féliciter les heureux futurs parents. J'étais dans la confidence depuis longtemps, mais ma sœur tenait absolument à attendre le délai des trois mois pour être sûre que tout se déroule bien dans sa grossesse. Avec Alban, ils n'avaient que peu d'espoir qu'elle tombe enceinte puisqu'elle souffre depuis des années d'endométriose. Comme quoi, les miracles existent et à ce jour, tout risque de fausse couche est considérablement écarté. Dans six mois tout au plus, elle sera maman et je serais tonton.
Je déguste ma coupe du bout des lèvres, j'ai déjà suffisamment bu pour une semaine au moins. Les enfants s'amusent avec leurs jouets et avec Nanuk qui apprécie cette compagnie infatigable. Les mets préparés par ma tante sont délicieux et nous partageons ensemble un merveilleux moment. Au fur et à mesure que la soirée s'étire, s'engouffrant dans la nuit, les enfants tombent de sommeil et j'accompagne Alban pour leur préparer des lits à l'étage. À notre retour, ma tante baille à s'en décrocher la mâchoire.
Il est temps pour chacun de prendre du repos. Moi, j'ai l'impression que ça fait des jours que je n'ai pas dormi...
Les enfants enfin couchés, nous répartissons les chambres et tout le monde se souhaite rapidement une bonne nuit. Je sors Nanuk en passant par le garage. Le froid est vif, je sais qu'il risque encore de neiger cette nuit. Mon chien s'ébroue, pas du tout intimidé par le froid environnant. Je profite du silence apaisant de la nuit pour fermer les yeux et me ressourcer. Je me sens bien, ou peut-être complètement vidé. J'ai l'impression que je pourrais m'effondrer sur mon lit et dormir pendant deux jours.
Lorsque je remonte au salon, le même silence règne à l'intérieur. Pourtant, alors que je lance le lave-vaisselle, une silhouette se distingue près de la baie vitrée.
Charlie.
Elle sort de l'ombre et s'approche de moi, se stoppant à une distance qu'elle considère comme raisonnable.
— Gabriel, je sais que ce n'est pas facile pour toi. Je te remercie pour ton attitude avec Gabin. Il croyait vraiment que tu lui en voulais. Et c'est un peu de ma faute, je crois...
— Arrête Charlie, tout n'est pas toujours de ta faute...
— Je lui ai crié dessus ce matin... j'étais tellement perdue, je ne comprenais pas pourquoi tu avais réagi comme ça et il racontait à tout le monde que tu étais dans mon lit quand il est arrivé dans la chambre...
— Je vois. Pas facile tous les jours d'être parent...
Elle sourit.
Je réduis la distance qui nous sépare et reproduit une fois de plus ce geste qui semble nous apaiser autant l'un que l'autre. Front contre front, nous fermons les yeux quelques secondes, nous laissant envahir par les sensations, par les odeurs de l'autre. Je suis épuisé et pourtant j'ai l'impression de n'avoir jamais été aussi conscient de mes sentiments.
Elle s'écarte et lève les yeux vers les miens. Ils me sondent et j'en fais autant. Nos corps se parlent, mais dans nos têtes c'est encore bien trop le bordel.
— Il va falloir qu'on se mette d'accord pour Gabin...
— Tu es sa mère, je ferais comme tu voudras...
— Tu es son père Gabriel, nous devons en discuter ensemble, prendre des décisions ensemble.
— Oui, tu as raison. Je n'ai juste pas l'habitude.
— C'est normal. Un pas après l'autre...
On se fixe, aussi ennuyés l'un que l'autre avant de se sourire timidement.
— On est vraiment pas au point hein ? Ne puis-je m'empêcher de lui déclarer tout en essayant de reprendre mon sérieux.
— Non, en effet.
— Je crois qu'entre nous tout a toujours été trop intense, trop rapide, trop tout.
Je m'approche. Son regard amusé s'éteint et elle retrouve tout son sérieux, effrayée de cette proximité que j'instaure à nouveau. J'attrape sa main et la tire vers moi. Sa réticence que je ressens à travers les muscles tendus de son bras, ne dure pas. Elle entoure mon buste de ses bras et plonge sa tête au creux de ma poitrine avant de lâcher un profond soupir.
— J'ai tellement cherché à me souvenir de ton visage Gabriel. Je n'avais que des sensations. Des bribes de moments si tendres... je crois que je venais de comprendre à ton contact que ce que j'avais avec Grégoire n'était pas l'amour dont je rêvais... et puis tu t'es envolé. J'ai si souvent rêvé que tu venais sonner à ma porte, que tu me chantais ta chanson griffonnée... mais tu n'es jamais venu.
— Si.
Elle s'écarte et cherche à capter mon regard fuyant. J'ai encore la sensation désagréable qui se diffuse dans mes veines comme ce jour-là. Le bruit de l'orage qui approche, l'odeur de la pluie qui s'évapore et mon désespoir. Si seulement j'avais tenté quand même, si j'étais revenu le lendemain, m'aurait-elle fait une place dans sa vie ?
— Tu es venu ?
La gorge serrée, j'acquiesce d'un mouvement de tête.
— Mais comment ? Quand ? Je ne t'ai jamais vu.
Je prends mon courage à deux mains, à moi de lui raconter.
— Quand je me suis réveillé à côté de toi, juste avant l'aube, j'ai paniqué. J'avais peur de ta réaction si je te disais qui j'étais, j'avais peur que tu me rejettes alors j'ai préféré me sauver en te laissant juste ces quelques paroles griffonnées, pour que tu ne croies pas que tu avais imaginé tout ça... pendant des jours j'ai tourné ça dans ma tête, ma façon de t'aborder, de tout t'avouer et quand je me suis senti prêt, ça faisait déjà une semaine. Je me suis pointé devant chez toi et quand tu en es sortie, tu riais au bras de ton ex...
— Oh Gabriel...
— Je n'étais rien d'autre que cet inconnu d'une nuit. Je m'imaginais que tu m'avais complètement oublié.
— Je suis désolée.
— Tu n'as rien à te reprocher Charlie. Nous avons chacun de notre côté fait des choix qu'il a fallu assumer, quoi qu'il en coûte.
— J'aurais aimé que tout soit différent, j'aurais aimé me réveiller dans tes bras...
— Tu m'aurais jeté... je n'étais qu'un gamin !
— Peut-être, nous ne le saurons jamais...
Nanuk bâille et la fait sursauter.
— Charlie, qu'advient-il de nous ?
— Je ne sais pas Gabriel. Ce qui compte pour moi c'est d'abord Gabin. Je veux le préserver, mais sans lui cacher la vérité. On doit lui annoncer avec tact. Je ne sais pas comment il pourrait réagir. Évidemment il t'adore, mais comment lui expliquer pourquoi tu ne l'as jamais connu avant... ? Et puis nous avons eu tellement d'émotions. Il nous faut du repos et du temps.
Ce n'est pas exactement la réponse que j'attendais. Je ne peux dissocier Gabin de Charlie. Je les veux tous les deux. Mais je n'ai pas l'impression que nous sommes sur la même longueur d'onde.
Pourquoi Charlie ? Pourquoi mets-tu autant de distance entre nous ?
— Tu es fatigué Gabriel, tu devrais aller te coucher... nous en reparlerons demain...
Elle s'approche et dépose un baiser appuyé sur ma joue tandis que mes mains pressent ses hanches dans un geste possessif. Mais lorsqu'elle se détache, je la laisse partir.
Le moment viendra où nos esprits clairs s'aligneront, je le sais, parce que moi, du temps, j'en ai eu assez.
Coucou mes brioches !
Alors comment voyez vous les choses ????
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