-"Non Bryan !" S'énerve Michèle son téléphone coincé entre son épaule et son oreille. "Il faut absolument que le dossier Miller soit sur mon bureau lundi matin." Elle fouille dans son sac d'une grande marque à la recherche de ses clés. "Si je n'arrive pas à conclure cette affaire, il faudra que je passe par Chisty et c'est hors de question." Elle ouvre sa boîte aux lettres et récupère son courrier.

Son sac pendu à son coude, son mobile à l'oreille et les lettres et autres publicités sous le bras, Michelle se dirige vers l'ascenseur la menant directement à son appartement luxueux. Elle lutte un instant avec son trousseau et finit par réussir à entrer. Enfin chez elle, elle pose tout sur le meuble de l'entrée, retire ses chaussures et se dirige vers sa cuisine. "C'est bon on fait comme ça." Elle se verse un verre de jus. "OK ! Merci, à lundi matin, huit heures." Puis elle raccroche enfin et avale son verre d'un trait.

Michelle est une femme très occupée mais aussi très travailleuse. Elle est cadre dans une agence publicitaire, elle gagne très bien sa vie et vit dans un très bel appartement avec une vue imprenable sur Central Park.

Aux yeux de tous, sa vie est parfaite, elle a tout ce qu'elle veut. Ou presque.

La jolie métisse une fois son verre rincé, retourne vers le meuble dans le vestibule et récupère les enveloppes avant de se poser sur son canapé, une jambe pliée sous elle. Elle commence le tri, factures, pubs, remerciements d'une grande marque pour la pub qu'elle leur a fait il y a un mois, et un faire part.

Michelle hésite un instant, elle déteste les baptêmes, mariages et autres anniversaires auxquels elle est invitée. Toute cette mascarade autour de gâteaux toujours plus gros, recouvert de couches de crème toutes aussi insipide que la vie de ceux qui l'ont convié, l'ennui profondément.

Elle regarde l'enveloppe d'une jolie couleur crème et lit encore l'adresse et le nom afin d'être certaine que cette maudite invitation lui soit bien destinée. Aucun doute. "Michelle Jones" c'est bien elle.

-"Merde !" Souffle-t-elle. Elle va devoir trouver une excuse.

Elle passe son index dans le rabat et ouvre le papier. Elle doit bien se l'avouer, ce faire part de mariage est plutôt pas mal. Elle le regarde puis le retourne pour voir qui l'invite et à qui elle devra fournir un bobard.

Malheureusement, très vite la situation lui échappe. Son souffle se coince dans sa gorge et immédiatement les larmes lui montent aux yeux. Mais elle ne laisse pas les perles salées glisser sur ses joues. Elle essuie son chagrin d'un geste rageur.

Reprenant contenance et son souffle, elle se redresse et lit de nouveau les noms sur l'invitation, cette fois-ci pas de mensonge, elle ne pourra pas se faufiler. Elle devra y aller et faire bonne figure. Féliciter les mariés.

-"Merde." Dit-elle tout haut.

Les noms et prénoms des futurs époux semblent la narguer, brillants de leur encre dorée.

La nuit est enfin tombée et avec elle, la colère et le chagrin de Michelle s'en sont allés. Elle doit trouver une solution mais comment faire. Elle ne peut tout simplement pas refuser l'invitation, elle sait qu'elle ne le doit et ne le peut pas, ça serait trop compliquer à régler par la suite, et puis elle leur donnerait satisfaction et ça c'est hors de question. Elle se tourne une fois encore et tasse son oreiller, ses cheveux bruns glissent sur ses épaules dénudées, les fines bretelles de sa nuisette tombée sur ses bras fins dans son mouvement.

Elle cherche sans relâche une solution à son dilemme, comment se présenter là-bas dans deux mois et avoir l'air complètement comblée. Elle aimerait dormir et ne plus y penser mais c'est tout simplement impossible, dans son esprit les noms sont imprimés à jamais. Et si elle se présente à leur union, seule, ils ne louperont pas l'occasion de la rabaisser sur l'unique point sensible, et plutôt mal placé de leur part, de sa vie si parfaite.

-"Non et non." Chuchote la métisse. "Pas question."

Incapable de dormir, elle se lève et enfile son peignoir en satin avant de se diriger vers son salon. Elle ouvre son ordinateur portable et s'installe confortablement sur son canapé.

Deux heures du matin et elle est encore sur internet à chercher la solution miracle à son problème, un verre de vin rouge dans sa main.

-"J'irais toute seule et puis c'est tout !" Râle-t-elle avant de fermer l'écran d'un coup sec. "Pas possible." Se reprend-elle immédiatement en ouvrant de nouveau son PC. "Je dois trouver une solution."

Trois heures du matin, la bouteille de vin est vide et ses yeux la piquent, elle a arpenté Google de fond en comble afin de trouver comment ne pas passer pour une misérable. Elle a d'abord pensé emmener un collègue, puis finalement y aller toute seule ou encore voir avec Bryan son associé, mais il est bien trop bavard et indiscret. Tout espoir semble perdu mais un son léger de cloche la sort de sa torpeur, une publicité vient de s'ouvrir.

-"Besoin de compagnie ? Contactez-nous."

Besoin de compagnie, ces trois mots trottent dans sa tête. Qu'est-ce que ce site peut bien offrir. Épuisée, légèrement ivre et plutôt d'humeur maussade depuis l'ouverture de ce fichu courrier, elle laisse la curiosité l'emporter.

Elle clique sur l'icône et le site s'ouvre presque instantanément devant ses yeux fatigués. C'est un site d'escort-boy et d'escort-girl que ce soit pour homme ou femme, il y en a pour tous les goûts.

"Escort-Love." Lit-elle. "Qui que vous soyez, qui que vous vouliez, vous trouverez."

-"Oh putain Michelle." Jure-t-elle en se passant les mains sur le visage. "Mais qu'est-ce que tu fous ?"

Les rayons du soleil frappent les paupières closes de la femme d'affaires. La lumière la réveille, elle est couchée sur son divan, couverte de son plaid, son ordinateur éteint sur la table basse. Michelle cligne des yeux plusieurs fois et chasse le reste du sommeil encore prisonnier de ses cils. Elle se redresse, s'étire comme un félin et inspire un grand coup. Près de son PC sur la table il y a une bouteille de vin vide, son sac à main renversé, son portefeuille ouvert et sa carte de crédit posée tout à côté du fameux faire part.

Puis en un éclair tout lui revient.

-"Oh putain !" S'écrit-elle. "Mais qu'est-ce que j'ai fait ?"