XX
- Arold, en fait, il y a une chose dont j'aimerais te parler.
Victoria s'approcha de l'étendue verte, là où on avait prit l'habitude de se reposer. Cela faisait maintenant six mois que j'avais rejoint ses rangs. Et il n'y avait rien à dire sur mon travail et mon étonnante discipline.
- Tu te doutes bien que je ne t'ai pas sorti par hasard de cette prison glaciale.
En effet. Je me suis toujours demandé la raison de son acharnement pour m'avoir fait sortir du dôme. Mes talents étaient-ils suffisants pour se démener à ce point ?
- J'attendais de m'assurer que tu étais digne de confiance, et maintenant, je peux le confirmer. Je vais te révéler une chose de confidentiel, dont aucun soldat n'a conscience.
Je ne répondis pas. Je me contenta de la regarder, curieux.
- Je veux que tu m'expliques comment tu t'es pris pour dérober le médaillon.
- Quoi ?
- Je ne te demanderai pas de le reprendre à nouveau, cela t'impliquerait de prendre des risques et je ne veux pas ça. Le danger, je suis prête à l'affronter moi.
- Je ne peux pas te dire comment je l'ai fais.
- C'est un ordre !
- Tu sais bien que tu ne peux pas me donner un tel commandement. Comment justifierais-tu aux autres ma désobéissance ?
Elle ne sut quoi répondre.
- Victoria, je peux te demander pourquoi tu veux t'en emparer ?
- Ce médaillon est censé m'appartenir, répondit-elle calme, mais cachant une rage intérieur, car elle serrait des poings. C'était le trésor de ma famille.
- C'est tout ? Il ne te manque pas de richesses, tu peux en demander à ta guise. Laisse tomber ce vulgaire caillou.
- Pas que. C'est la clé qui permets de détenir la lame puissante. Pourquoi crois-tu que cet objet est si bien gardé ? Comme tu le dis, ce n'est qu'un matériel. Seulement, il a une destinée spécial.
- Tu parles de cette arme légendaire ?
- Elle existe. Et c'est mon devoir de la retrouver. Ils n'ont peut-être pas déchiffrer l'énigme, mais moi, j'y arriverai.
- C'est pour ça que tu t'es engagée à l'armée ?
- Tu croyais que c'était pour l'idéal Armstrissien ?
Je savais bien que non. Elle m'avait toujours semblé différente des autres. Elle remplissait ses devoirs, mais ce n'était pas par ferveur et adoration pour son pays. Je le pressentais à travers ses paroles. Aujourd'hui, j'en avais la certitude.
- Laisse-moi te donner un conseil, comme tu m'en avais donné un bon l'autre fois: laisse tomber tout ça. C'est peine perdue.
- Je ne m'avoue pas vaincue. Verra bien qui abandonnera le premier.
On échangèrent un sourire complice. Après cette conversation, on s'était de plus en plus rapprochés. C'est parce qu'elle s'était livrée à moi, m'avait conté son rêve. Cela l'avait sûrement relâché d'un poids. Pour ma part, c'était parce que j'avais trouvé une personne normale parmis ces vipères Armstrissienes.
Je compris vite que la nature de mes sentiments n'était pas qu'une simple amitié. Victoria avait le pouvoir de m'apaiser. Je me sentais bien en sa présence. Je pouvais contempler sa belle chevelure dansante dans le vent sans m'en lasser. Un jour, lors de notre pause dans notre spot habituel, j'avais dû la fixer trop longtemps, car elle se mit à me dire soudainement :
- Arold, je rêve ou tu en pincerai pour moi ?
Je rougis et me raidis d'un coup. Puis, détendis mon visage. Je ne voulais pas faire semblant. Je ne voulais pas vivre dans le mensonge. Je n'aimais pas les masques. Je m'approcha délicatement d'elle.
- P'tete bien.
Elle ria en fermant ses yeux doux.
- Tant mieux pour moi alors. Arold, je veux bien qu'on essaie de se prêter au jeu d'être un couple.
- Ce sera notre secret.
C'est ainsi qu'on se mit ensemble. On devait évidemment cacher notre relation, car si elle se savait, Victoria aurait perdu crédibilité envers mon affiliation et auraient du être contrainte d'abandonner son poste. Et moi, de perdre la confiance qui se formait peu à peu avec l'armée.
Cela me suffisait. J'étais comblé à ses côtés. J'en oubliais mes envies de vengeance et de détermination de retourner le monde. Elle était tout ce qui me comptais.
Cela faisait six mois qu'on était ensemble. On avait la certitude que cela durerait pour toujours, que ce n'était pas juste une rencontre de passage. Parfois, elle revenait sur le sujet du médaillon, que je me contentais d'éloigner. Mais peu à peu, je me livra à elle malgré moi.
- Tu vois ? C'est impossible de retenter le coup, lui avais-je expliqué.
- Peut-être bien que tu as raison. Enfin, cette manière ne peut plus être possible. Je me demande si en montant encore plus d'échelons je pourrai m'approcher de cette tour.
- Au péril de tout ce que tu as bâti ? Vi, à quel prix veux-tu te risquer ?
- Comprends-le, c'est mon objectif depuis toute jeune. Il ne me reste aucun survivant de ma famille. Cette quête est la leur, donc la mienne.
- Je sais. Et si je trouvais un moyen de te l'apporter, je le ferais volontiers. Seulement, j'ai vécu de mon propre sort les répercussions que cela engendre. Peu importe combien tu te penses intelligente et capable, c'est tout bonnement impossible.
- Je te tiendrai au courant si je trouve quelque chose d'intéressant, répondit-elle en regardant vaguement l'horizon.
Ce sujet disparut pendant un temps. À mes vingt-et-un ans, il survint à nouveau.
C'était l'époque de la guerre entre les terres. Les raisons de son irruption étaient justifiées de bien de choses, comme le pouvoir, mais faisant partie d'une unité spéciale, on en savait plus. On en revenait toujours au même point:
- Le médaillon. Tout ça pour ça ? m'étonnais-je, y mêlant la rage dans ma voix.
- Je te l'avais dit à maintes reprises. C'est un objet puissant et convointé. Surtout par Armstris.
Éthosia avait des relations tendues avec Armstris. Ils se battaient pour la même raison: obtenir le secret de l'âme puissante. L'armée Armstrissienne solicitait l'aide des forgerons. En ayant Forgon à leurs côtés, cela leur donnait un avantage qui comblait la puissance mondiale en richesses d'Éthosia. Ils s'en étaient pris à la terre de Nemul, dans l'idée qu'ils en savaient bien plus que tous les autres. Ces êtres pourtant pacifiques, étaient prêts à défendre leurs terres et leur savoir. Kreatos, la terre livrée à elle-même et prête pour chaque bataille, avait son propre camp et ne manquait pas l'occasion de se battre. Dans leur habitude, ils voulaient prouver leur indépendance face aux autres.
- Je t'avoue que je suis fatiguée, m'avait-elle confiée.
- Moi aussi. Et c'est normal. On est en mission constamment, avec cette guerre.
- On est atroce, dit-elle. On pourrait vivre en paix, mais on choisit la guerre. Tels sont les humains. Je comprends mieux ton acharnement pour m'enlever la conviction de m'accrocher à un vulgaire objet. Cela ne vaut pas tous ces morts.
Nous étions blottis l'un contre l'autre, profitant du peu de moment de répit, sur un canapé donnant sur la cheminée. J'avais aménagé dans une petite maison tapis dans la forêt. J'avais gagné la confiance presque absolue d'Armstris, je dirigeais moi-même une unité. Alors on me laissait mon espace privé sans rechercher à découvrir où j'habitais. Et il faut dire que je semais tous ceux qui essayait. Victoria n'habitait pas ici officiellement, mais elle passait la plupart du temps dans ma demeure, veillant bien sûr à ne pas être découverte.
- Cela sera bientôt fini, lui avais-je prononcé, passant une main sur ses cheveux pour la rassurer.
- Et de façon si horrible. Je suis contente de ne pas être chargée de cette opération.
Armstris allait simuler un accident, auquel la princesse d'Éthosia, Rosa, devait périr. Puis, voulant arranger les relations diplomatiques avec le roi, allait proposer de la remplacer avec une enfant orpheline de Nemul. Le roi ne pourrait refuser l'offre, car un trône sans futur héritier serait périlleux. De plus, en lui offrant un Némulien, Armstris gagnerait la confiance d'Éthosia, car ils savaient qu'avoir un connaisseur de langue ancienne était un atout pour la quête du médaillon et de l'arme. C'est ainsi qu'ils engageraient une trève - le médaillon restant dans son pays "d'origine", mais sans pouvoir en savoir davantage, faisant dissiper la méfiance du roi. Mais bien sûr, Armstris avait un plan plus avancé qu'elle ne garderait que pour elle même. C'était la terre la plus tordue de toutes après tout, et c'est en ça qu'elle devait sa puissance.
La princesse Rosa mourut la nuit suivante, d'un accident de calèche. C'était la version officielle. Armstris ne tarda pas à proposer son aide, brandissant un cessez-le-feu.
La prochaine étape fût d'ordonner à la dirigeante de Nemul de proposer des enfants à la chevelure rose. Cette terre avait était dévastée et fût contrainte de capituler.
Mon équipe était en charge d'un des groupes d'orphelines. Nous les avons dirigés aux château, attendant que le roi face son choix.
Il le fit assez rapidement. Je repartis chercher les enfants, sans le reste de mon équipe. Les ramener à leur terre ne faisait pas parti nécessairement de la mission.
Alors que je sortais de chez moi pour commencer la route, je sentis une poignée me retenir en arrière.
- Arold...
C'était Vi. Elle avait une mine songeuse.
- On sait bien pourquoi Armstris a choisi une remplaçante de Nemul. Et si on adoptait l'une d'entre elles, et qu'elle pourrait nous aider à déchiffrer le secret du médaillon ? Tu m'avais bien dit y avoir perçu de l'écriture ancienne. Le roi Éthosia sait que les Nemuls peuvent en savoir plus sur la lame puissante, mais ils ne savent pas que cela leur permettrait de traduire le message codé ! Ce n'est que toi et moi, contre Armstris.
Je la contempla d'un air désolé.
- À nouveau tu ressasses cela, Vi ? Je pensais que tu avais arrêté avec ces sottises. Ne me regarde pas comme ça. Je ne veux pas paraître offensant, mais cela ne vaut juste pas le coup. Toutes ces guerres, ces morts en vain. Tu sais comment s'appelle la nouvelle princesse ? Astrid. Elle est bannie à ne plus revoir les siens. Une simple petite fille qui n'a rien demandée, à cause de l'ambition égoïste de grandes personnes. Penses-y. Pense à ces orphelines. La plupart ont perdu leurs parents à l'issue de cette guerre. Je vais les ramener chez elles, leur offrir le peu de réconfort. D'autres n'auront pas ce privilège, car la plupart des soldats se moquent bien de leurs sorts. Ils ont dû laisser les autres livrées à elles-même.
Je voulais lui faire comprendre la gravité de la situation. Elle était obnubilée par cette envie de porter le flambeau de sa famille, mais au fond je savais qu'elle se rendait compte de sa pensée irréfléchie.
- Vi, continuais-je, si je devais avoir un enfant, cela ne sera pas de manière farfelue et tordue. Je ne renonce pas d'un enfant avec toi, mais pas de cette façon. Tu comptes énormément pour moi, c'est pour cela que je veux que cela soit sincère.
Elle se jeta dans mes bras et me lança d'une voix peinée :
- Je suis désolée, Arold. C'est toi qui as raison.
Nous finîmes ainsi la discussion. Après une semaine de voyage, je revins à mon habitat.
Je trouva un mot sur la table, avec pour inscription : 《colline》. Notre endroit favori.
Je m'y rendis et apperçus Vi au loin. Elle était radieuse, comme à son habitude, avec une pointe de charme en plus. Elle portait une couronne de fleur et était vêtue de blanc. Elle portait soigneusement un bouquet. Je m'approcha d'elle en souriant.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? dis-je.
- Ben alors ? prononça-t-elle. Vu que tu n'es pas doué pour ces choses là, j'ai décidé de me lancer.
Un sentiment étrange m'envahit. Je joignis ses mains entre mes paumes.
- J'ai réfléchie depuis l'autre jour, dit-elle. Tu as raison sur toute la ligne Arold. J'ai longtemps cherché à m'accaparer du médaillon, car ma famille était sans cesse persécutée à cause de cela. Je sentais de mon devoir de récupérer son honneur et mon héritage. Mais cela n'a plus aucun sens, maintenant que je t'ai toi.
J'écoutais attentivement ses mots, sentant l'émotion monter petit à petit.
- C'est avec toi que je veux vivre ma vie, conclua-t-elle. Accepterais-tu, Arold... euh...
Je déglutit.
- ...Fils de Joe. Arold, fils de José, prononçais-je, retenant mes larmes qui s'apprêtait à couler.
Aujourd'hui, j'étais fier d'être le fils de quelqu'un.
- ...Arold, fils de José du dôme, reprit-elle avec mélancolie, de prendre pour épouse, Victoria Ambert, fille de Langfort et Félicity ?
- Bien sûr.
On échangèrent nos anneaux qu'elle avait confectionné en cet honneur. J'étais comblé.
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