Kilyan était sur le haut du toit, approchant discrètement le poucif. La petite bête ailée au plumage rose soyeux était prise au piège par une brique sortie du pavé lui bloquant sa seule et unique patte.
Son petit bec rond essayait de tapoter la brique pour s'y libérer sans succès.
Ne voulant pas l'apeurer, il s'approcha doucement de l'animal. Heureusement qu'il était reconnaissable par ses lourdes respirations, sinon il aurait bien pu rester là pendant un long moment.

Une fois l'oisillon au creux de ses deux mains, il descendit du haut de la maisonnette, sautant et s'agrippant à des branches d'arbres, habile comme un singe.

Il le rendit à Madame Sugrette, qui était soulagée de retrouver sa créature sauve. Elle remercia Kilyan du fond du coeur, comme le faisaient les autres membres du village après avoir été dépannés par le jeune homme.
Il lui rendit comme à son habitude un sourire rayonnant en répliquant que c'était son devoir.

Âgé de seulement dix-neuf ans, il était chef du village. Il l'était devenu malgré lui, il y a près de cinq ans, après que son père, Argus, avait quitté le village sans revenir. Plusieurs rumeurs existaient sur le sujet, toutes des versions différentes à la même conclusion qu'il était mort. Peu nombreux étaient ceux qui pensaient qu'il avait fui le village, car une personnalité vaillante et courageuse comme Argus ne courrait pas les rues. Son fils avait d'ailleurs hérité des qualités de son père et malgré son jeune âge, portait sur ses épaules la responsabilité du village avec brillance.

Cheveux brun en broussaille, une plume tombante attaché sur le côté de son bandeau à l'horizontal de sa chevelure, il avait un regard sans faille qui semblait, de ses yeux marrons foncé, voir à travers chacun, prêt à l'écoute et à aider.
Il portait une tenue simple malgré son statut : un pull blanc qui avait tendance à se salir vite, une veste marron à col roulé sans manches par dessus, ainsi qu'un pantalon décontracté juste plus foncé et d'épaisses bottines daim camel.
Intrépide pour certains ou insouciant pour d'autres, il ne reculait devant aucune demande, minime ou grande, dangereuse ou non. Il menait son rôle du mieux qu'il pouvait.

- Kilyan ! S'écriait une voix au loin d'un petit garçon agitant haut la main.

- Lou ! S'exclama gaiement Kilyan. Que fais-tu dans le coin ?

- Je suis venu voir l'admirable jeune chef à l'oeuvre et en prendre une leçon ! Mais j'arrive trop tard je vois, tu t'en es déjà occupé. Cela ne m'étonne pas de toi, tu es Kilyan après tout !

- Aha, répondit-il gêné, yeux plissés et main derrière la tête. Je ne fais que mon devoir. Viens, rentrons ! J'ai des courses à faire, tu veux bien m'aider ?

- C'est un honneur ! Dit-il en garde à vous.

Le petit garçon se joignit au jeune homme. Il avait à peine neuf ans, ses cheveux étaient noir et ses yeux bleu foncé. Il le suivait partout, tel un petit frère en admiration. Cela ne dérangeait pas ce dernier, qui lui apprenait au passage quelques techniques de base de combat. Un jour, il sera grand et pourra l'aider à protéger le village en cas de danger. Il ne pouvait pas compter uniquement sur sa force.

Parcourants le marché, il ne passa pas inaperçu. Le marchand de légumes lui adressa un gracieux sourire, la fleuriste lui offrit des tournesols et les passants qu'il croisait ne manquaient pas de lui souhaiter une bonne journée.
Un groupe de jeunes filles rougirent à l'approche du chef apprécié. 《Monsieur Kilyan bo-bonjourr ! 》, 《Ah il m'a regardé !》, 《V-Vous permettez de m'accorder un peu de votre temps un de ces jours ?》

- Sans problème, répondit-il, n'oublie pas de noter ta requête dans la fiche. Elle sera réglée jusque dans les trois prochains jours, si ce n'est par moi ou mes assistants tout aussi compétents !

La fille parut déçue. Kilyan se tourna vers son fidèle ami, le petit Louis :

- Ben ça alors, tu crois que c'est si urgent que ça pour elle et que le délai ne suffit pas ?

- Je ne pense pas que tu aies saisit l'air, dit le petit en soupirant, une fois le groupe de fans dépassé.

Le chef s'interrogea un instant, puis laissant tomber ce qu'il ne comprenait visiblement pas, s'exclama :

- Voilà, on est arrivé chez moi ! Merci de ton aide mon p'tit Lou, je peux toujours compter sur toi.

Le garçon était fier de lui. Kilyan ouvrit la porte de sa demeure et déposa les courses sur la table. La porte était encore ouverte alors qu'il surprit une voix inconnue :

- Ohhh, on est enfiiiin arrivé ! J'en avais marre de marcher dans la boue et la terre sans population. Bon, je sais que j'avais dit que je pouvais m'en passer, mais voir qu'on est enfin dans un village ça fait du bien ! Tu m'écoutes, Féli ?

- Oui, oui, mais tu parles trop vite Astrid. Tu parles à la place d'Arold qui ne sort presque aucun mot, mais il faut te suivre des fois !

Kilyan ne connaissait pas ces voyageurs, habillés de vêtements usés par le trajet. Il brandit son épée et pivota vers les inconnus.

- Qui êtes-vous ? Pas un geste ! N'entrez pas !

Malgré sa peur, Louis ne pouvait s'empêcher de penser qu'il était classe.

C'est alors qu'un grand homme, visage à moitié couvert par un tissu, apparut, une main en l'air :

- Du calme, nous ne voulons aucun mal. Nos pas nous ont guidés vers cette hutte, après renseignement avec des passants. J'aimerais parler à ton chef.

Kilyan déglutit et répondit sans baisser du regard, malgré la carrure intimidante de son interlocuteur :

- C'est moi.

Arold parut surpris qu'un gringalet puisse diriger ce village.

- Hm, bien, dit-il décontenancé. Je peux ?

Sans attendre une réponse de la part de son hôte, il entra prudemment dans la hutte, ses mains à l'évidence et à l'écart de ses vêtements.
Kilyan rangea son épée. Il resta vigilant, même si le fait qu'aucun de ses éclaireurs ne l'ai prévenu d'un danger le rassurait.

- Je me nomme Kilyan. Vous pouvez tous entrer. Lou, installe nos invités.

L'enfant s'executa et installa le groupe à une table grande et rectangulaire, au centre d'un tapis beige et fait mains. La pièce était réchauffée par le feu de la cheminée se trouvant à gauche. Une fois assis, Kilyan revint avec un plateau contenant six grandes tasses à porcelaine. Il posa chacune des tasses devant les attablés avec l'aide de Louis. D'un liquide marron clair et mousseux, il en sortait un air chaud et réconfortant.

- À vous voir, j'imagine que vous avez dû faire un long voyage. Buvez ça. C'est du chocolait, une spécialité de notre région. Vous n'avez pas l'air de venir d'ici d'ailleurs...

Il acheva sa phrase d'un air interrogatif, puis s'assit à son tour à la tête de la table. Il poursuivit :

- Je suis conscient que si vous avez pris la peine de venir jusque là c'est pour faire appel à moi, et si cela est dans le domaine du possible, je me ferais un plaisir de vous aider. Seulement, la priorité de la sécurité du village passe avant tout, et je me dois d'assurer que vous êtes fiable. Qui êtes-vous ?

Arold, le seul à n'avoir pas encore pris une gorgée de la boisson chaude, poussa la tasse sur le côté, avant de prendre la parole :

- Je comprends totalement. Nous ne voulons aucun mal. Mais je sais bien que cela ne te suffira pas pour prouver mes bonnes intentions. À la place, permets-moi de te montrer ceci.

Il sortit de sa poche arrière le médaillon et le lança vers Kilyan qui le rattrapa au vol.
Le brun regarda l'objet, et, remarquant un détail, écarquilla soudainement des yeux.

- Reconnais-tu l'insigne ?

- Et comment. C'est la marque de fabrique de ma famille depuis des générations.

- J'ai besoin que tu m'en dises plus sur ce bijou.

Kilyan balança sa chaise en arrière avant de la faire atterrir à nouveau au sol. Il baissa la tête.

- Je suis désolé, mais j'en sais pas plus. Cela fait cinq années qu'on ne fabrique plus d'armes avec ce signe. Je n'ai pas eu l'honneur d'apprendre les préceptes de mes ancêtres, car mon père qui aurait dû me les enseigner une fois le moment venu n'est plus...

Arold perçut une hésitation au moment où il évoqua son père. Il devait en apprendre plus. Le médaillon était le seul indice en sa possession, il fallait qu'il trouve la clé menant à la prochaine étape.

Il s'énonça :

- Kilyan, connais-tu la légende de la lame puissante ?