
Partie 2
— Je m'appelle Pog, reprit-il.
— Or, répondis-je.
— Pas ton vrai prénom, hm ?
— Nan, le tien non plus.
Il opina à nouveau. Ce genre de choses ne se partageait pas à la légère. Les noms donnaient du pouvoir aux mages.
Actuellement, personne ne connaît mon vrai prénom. Mes parents avaient été emportés par la dernière épidémie de Mal rouge qui a ravagé la ville, il y a trois ans. Ma tante, mon cousin et mes deux frères avaient été tués lors d'un incendie qui a ravagé l'échoppe à côté de notre maison. J'étais restée seule. J'avais survécu en volant et en dormant un peu n'importe où depuis huit mois. J'étais une espèce d'exception. Les gens ont tendance à se rassembler pour survivre, j'ai préféré marcher en solitaire.
« Parce que tu es un loup, pas un mouton. »
— Te voilà de retour, toi ? grommelais-je à voix basse.
Pas assez bas cependant, puisque Pog releva la tête.
— Qu'est c't'a dit ?
— Rien d'important.
« J'ai peut être une idée pour nous sortir de là. »
Je me mordit la joue pour retenir une exclamation. La voix comprit mon silence et poursuivit.
« Cela va nécessiter un peu de temps, mais je devrais parvenir à nous sortir de ce mauvais pas. »
Sans me donner plus de précisions, la voix me laissa à nouveau seule.
Les heures succédèrent aux heures. Le soleil monta et descendit dans le ciel, l'étroit rectangle de lumière de la fenêtre faisant office d'horloge. Ma cheville douloureuse me faisait souffrir et mon estomac grondait. Je n'avais rien avalé depuis plus d'un jour, et bu seulement à la fontaine publique au matin. Pog semblait être un solitaire comme moi, de part son silence et son respect du mien. Un peu plus tôt dans la journée, il s'est même poliment détourné pendant que je me soulageais dans le trou prévu à cet effet dans le coin de la cellule. Ses manières m'étonnaient, mais je n'avais pas envie de dépenser mon énergie à l'interroger sachant que nous serions probablement séparés très bientôt, d'une manière ou d'une autre.
Deux bout de pain secs et une gourde d'eau furent jetés à travers le passe-plat de la porte. Pog s'approcha, ramassa la nourriture et me lança ma part. Je l'attrapai au vol et m'empressai de croquer dedans. Moins dur que je ne le pensais, je la mâchais avec délice. Mon compagnon de cellule s'était assis plus près de moi, mais à une distance respectable. Je tendit la main et il me passa la gourde. Je pris plusieurs longues gorgées et laissai échapper un soupir de satisfaction. Ce repas ne satisfaisait pas ma faim mais mon estomac ne grondait plus comme une bête sauvage acculée.
— Tu volais de la nourriture, hm ? demanda soudain Pog.
— Ouais... Et toi ?
— Pareil, mais pas pour moi. J'étais transporteur chez un meunier, je piquais les pains brûlés dans les rejets pour les donner à des gamins pendant ma tournée. J'me suis fait choper.
— T'as de la famille ?
— Nan, morts à cause du Mal rouge.
— Ils nous ferons tous crever, grognai-je. Foutus nobles et foutus magiciens. Ils nous regardent mourir enfermés dans leurs beaux châteaux, bien protégés par leur larbins aux mains brillantes.
L'homme hocha la tête.
— Comment va ta cheville ?
— Peu importe vu que je n'en aurais bientôt plus besoin.
— Hm.
Il se releva et regagna son coin de la pièce. La nuit tombait.
Je m'endormit sans m'en rendre compte, couchée le dos contre le mur. Ce fut le bruit de plusieurs paires de chaussures sur la pierre du couloir qui me réveilla.
« Quoi qu'il se passe, reste calme et fait comme si tu ne parlais pas. »
— Hein ? chuchotai-je.
« Fais comme si tu étais muette ! Ça nous donnera du temps et peut être des opportunités. »
Je n'eus pas le temps de réfléchir aux ordres de la voix. La porte de la cellule s'ouvrit. Trois gardes entrèrent à l'intérieur. Deux d'entre eux encadrèrent Pog et le troisième me chargea sur son épaule. Ils nous descendirent dans la cour de la prison, et nous agenouillèrent sur le sol, nous liant les mains dans le dos. Je grimaçai comme la position faisait protester ma cheville plus fort que jamais. Quatre autres prisonniers furent amenés comme nous.
— Tenez-vous bien, bande de chiens galeux ! Le premier qui bouge, je le raccourcis d'une tête ! gueula le probable gradé qui se tenait devant nous.
Sortit alors du corps de garde la plus curieuse créature que j'avais jamais vu. Six pattes griffues, pas plus haut qu'un mètre, un corps en longueur couvert de poils blancs, un cou allongé pour une tête trop petite dont la majeure partie consistait en un museau et une paire d'oreilles tombantes. Derrière la bête venait ce qui ne pouvait être qu'un prêtre, le crâne rasé et vêtu d'une longue tunique blanche brodé de motifs abstraits dorés. Ce seul vêtement pourrait nourrir une famille de cinq enfants pendant deux semaines !
— Vous qui avez péché, l'Eglise vous offre le pardon ! nous lança le religieux. Dans votre âme se cache peut être le potentiel de servir notre Déesse ! Vous abandonnerez cette vie de pécheur et vous rachèterez en mettant votre talent à Son service !
Une vague de ricanements suivit son intervention. Pour ma part, je gardai le silence. L'un des détenus cracha au sol devant lui.
— Je sais pas où mon potentiel est caché, mon mignon, mais je sais où tu peux te mettre ton discours !
La percussion d'un poing métallique contre sa mâchoire tua dans l'œuf une nouvelle vague de rires gras.
— Qu'est ce que j'ai dit, les pouilleux ? hurla le gradé.
Personne ne se risqua à répondre. La créature s'approcha de nous, oreilles dressées et truffe en mouvement. Elle commença par l'autre extrémité de notre file, reniflant le visage du premier homme de très, très près. Elle cherchait visiblement quelque chose, peut être le potentiel de nos âmes comme l'avait déclaré le chauve en tunique qui récitait ses prières en lui jetant des regards énamourés.
L'étrange animal s'attarda à peine sur le second, celui qui restait sonné au sol après le coup de poing du soldat. Le troisième était une troisième mais elle n'eut pas le droit a beaucoup plus d'attention. Le quatrième reçu un coup de langue et émit un bruit de dégoût. La créature s'approcha de Pog et le renifla longuement. Elle semblait hésiter mais se détourna finalement de lui pour s'intéresser à moi. Ses petits yeux dorés me détaillèrent de la tête aux genoux. Elle me renifla le visage, le torse, me poussa du bout du museau. Je manquai de tomber sur le côté, me rattrapai de justesse.
La bestiole s'assit sur sa paire de pattes arrières et frotta sa tête contre la mienne. Un bruit bizarre émanait d'elle, à mi-chemin entre le gémissement et le ronronnement.
— Elle a le potentiel ! s'exclama le prêtre.
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