Chapitre 17 : La Fugue
"Tu as échoué. Tu n'as plus ta place ici.
-Mais... je... non, monseigneur!
-Silence. Tu as laissé Kuro la ramener, tu l'as laissée être mise en danger. Et avec la situation actuelle, tes sentiments entrent en contradiction avec la survie de la meute. Il m'en coûte de te dire ça. Shawn, tu es banni.
Ça pour du scoop, c'était du scoop. Cette saleté de loup mâle, à l'origine de mon départ forcé pour poursuivre l'autre traqueur, était revenu par ses propres moyens. Bon, je ne l'avais pas trop amoché non plus. Enfin, il me semble. Oh, j'ai oublié, ça n'a aucune importance. Toujours était il que son retour ne s'était pas fait en grande pompe. Et que ce que je venais d'entendre m'en donnait une explication claire. Le père de Katarina ne voulait sans doute pas que sa fille apprenne le sort qu'il réservait à son fidèle toutou. Quelle ironie... Ainsi, les loups-garous ne sont pas si différents des humains. Manipulateurs, menteurs, tant de présents laissé à ces races par Arachne, dieu du contrôle et des mensonge. Je soupirais, et m'éloignait de la salle du "trône". Décidément, où que j'aille, les mâles étaient les mêmes.
"Où est il passé, par tous les Dieux! S'énerva le vieux Sindar. Nous avons accepté de repousser la date du mariage pour votre fille, Lody, et maintenant c'est lui qui s'échappe?
-Toute mes excuses, Monseigneur. Répondit mon père. Il a échappé à la vigilance de ses gardes.
-Vos gardes sont ils si mauvais, mon cher Lody? Lui asséna Helsing d'une voix lancinante. Un simple humain peut leur échapper...
Il gardait un air hautain, mais avait l'air contrarié par cette fugue. La fugue de Nathan Draw, mon fiancé, et surtout un humain qui avait connaissance de notre existence. Je savais qu'il n'allait pas très bien, ces derniers jours. Il passait son temps à se tourmenter seul, à regarder le ciel, perdu dans ses pensées. Nathan était, de l'extérieur, un business man pure souche, dur, froid, prenant calmement des décisions qui impactaient la vie de milliers d'employés. Mais, sous ce masque de jeune génie, il était un être tourmenté et sombre, qui avait besoin d'un appui solide. Et cet appui qu'il pensait avoir trouvé en moi, en Helsing, en tous ceux qu'il avait rencontré ici, c'était effondré quand il avait découvert que nous lui avions menti sur notre véritable condition : celle de non-humains, d'êtres surnaturels.
Mais le plus étrange, c'était comment pouvait-il avoir disparu. Il était surveillé 24h sur 24 par des gardes loups-garous, jusqu'à ce que sa période de trouble passe. En général, les humains au courant de notre existence sont pourchassés ; mais celui là était trop important pour le Conseil pour le laisser disparaître. Le fait qu'il connaisse notre existence facilitait même leur plan, à condition qu'il accepte toujours le mariage qui lui était promis avec moi. Et pourtant, il avait pu s'enfuir. Une nuit, en plus. Personne ne savait comment.
Je commençais à en avoir assez d'être cloîtrée dans cette propriété, à devoir être sur mes gardes en cas d'autre attaque de la meute des bannis sur Kyne. Et je n'étais pas la seule : la belle Amazone montrait des signes évidents d'agacement et d'ennui devant l'insistance de ses hôtes à la garder à l'intérieur. J'étais moi même étonnée qu'elle ne se soit pas encore enfuie de force, par esprit de contradiction. Mais j'avais moi même décidé de m'enfuir et d'aller retrouver Nathan, alors autant l'emmener avec moi. J'entrais dans ma chambre, où elle se prélassait depuis des jours avec Maya. On avait essayé de la mettre ailleurs, mais elle avait refusé : j'étais son jouet favori, actuellement. Hors de question de l'en éloigner. Le pacte que nous avions scellé en était en grande partie responsable.
A ma grande surprise, son ennui semblait s'être envolé. Au milieu de son odeur puissante et sauvage, je sentais une pointe d'excitation, comme si elle avait senti que quelque chose d'intéressant, "d'amusant", allait se passer.
"Venez. Dis-je. On va chercher Nathan.
-Alors tu pars à la chasse au prince charmant... sourit-elle. Prévisible, prévisible. Mais je m'ennuie, alors ça me va.
Elle se leva en même temps que Maya. J'étais impressionnée à chaque fois que je voyais à quel point elles étaient synchronisées. On aurait dit qu'elle partageaient un seul esprit, ce qui était peut être le cas... Je n'en savais toujours pas beaucoup sur l'espèce des Amazones. Toujours était-il que son assentiment rapide à me suivre me rassura. Je pensais que l'idée de partir dans une chasse à l'humain l'aurait rebutée un certain temps avant qu'elle accepte. Nous partîmes donc immédiatement, en passant par la fenêtre. Les gardes étaient désormais nombreux dans la propriété, et plus seulement des lycans : de nombreuses autres espèces s'étaient jointes à nous. Mais nous longeâmes les murs extérieurs, nous faisant le plus discrètes possible. Il faisait déjà nuit noire, et on sentait dans l'air les senteurs du printemps proche. L'herbe se faisait plus douce, les bourgeons commençaient à apparaître, et l'air nocturne était frais mais pas froid. Arrivées à la limite de la propriété, je me déshabillais sous les regards approbateurs de la belle Amazone et de sa compagne, puis me changeais en louve, afin de mieux sentir la piste de mon fiancé fugueur. Elle était déjà faible, sa fuite datant pourtant seulement de la nuit précédente. Mes deux compagnes m'observaient silencieusement, comme jugeant la manière dont je m'y prenais, d'un œil professionnel. Puis Kyne soupira.
"Décidément, tu ne sais pas faire grand chose toi même. Tu as de la chance que nous soyons là.
Je grognais, vexée. Mais elle avait tout de même raison. Je n'étais pas une très bonne combattante, trop légère pour rivaliser avec les grands loups. Je n'étais pas particulièrement douée pour la traque et la chasse, ayant plus souvent été chassée que chasseuse. Je n'y connaissais pas grand chose en politique de meute, et au sujet des autres espèces. Si je m'en étais sortie jusqu'à maintenant, c'était grâce aux autres. Ce constat amère me rendit triste. Mon instinct me criait que quelque chose allait se passer, mais je n'y fis pas plus attention. Je me contentai de suivre mes deux guides, flairant habilement leur proie, vers le centre ville.
Maya miaula soudain, à l'approche d'une route. Kyne grogna un peu.
"Il est monté dans une voiture qui l'attendait. Kidnapping?
-Nathan est milliardaire. Il a tout de même des moyens de se déplacer autrement qu'à pied.
-Se déplacer en véhicule est d'un ennui sans fin.. cracha-t-elle. Tu l'appelles par son nom, qu'est ce que tu ressens pour lui au juste?
La question n'étais pas énervée, ni preuve d'une quelconque jalousie. Juste preuve de la curiosité maladive de la femme chat. Cela me vexa un peu. Ne pouvait-elle pas faire preuve d'un peu de jalousie, comme Nathan quand elle m'avait touchée devant lui?
"C'est un ami. Très proche. Peu être plus. Dis-je, énervée.
Je voulais qu'elle soit jalouse, que cela montre qu'elle avait un peu d'attachement pour moi. J'ignorais pourquoi je ressentais tout cela. Au lieu de cela, elle rit.
"Ne t'attache pas trop à lui, c'est un conseil.
-Pourquoi?
Avais-je trouvé ma trace de jalousie?
"Parce que c'est un humain. Et en plus un mâle.
Non, je ne l'avais pas trouvée. Mais son regard s'assombrit, et elle détourna les yeux, revenant à sa piste.
"Je ne sais pas ce que tu penses des humains mâles, ni pourquoi. Mais tu ne peux pas faire de généralités comme ça. Me défendis-je. Nathan est différent, il est tourmenté et a besoin de quel...
-Je suis bien placée pour le savoir. Me coupa-t-elle, toujours dos vers moi.
Elle se retourna, et ses grands yeux violets étaient emplis d'un cocktail d'émotions que j'eu du mal à discerner. Mais j'étais certaine d'y voir de la souffrance. Et de la haine. Puis elle finit par une phrase qui m'ébranla :
-J'étais humaine, avant.
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