Ce que Louna n'avait pas anticipé, c'est que même après un râteau, la vie continue.

À la gare, les amis bouffent des sandwiches jambon-beurre patiemment. Le train démarre dans quinze minutes, ils ont tout juste le temps de déjeuner. Sur la droite, Alice est en train de montrer à Louna des vêtements qu'elle a repérés.

— J'aime beaucoup le haut, se contente-t-elle de commenter.

Ilyes et Léon matent des vidéos drôles en ligne, tandis que Raphaël fixe le panneau des trains.

— Argh, c'est déjà fini quoi. Flemme de rentrer à Paris, avoue Léon.

Lou' n'a pas vu la fin du voyage arriver. Au fond, elle est restée bloquée au jour où elle a lu le message de Noé. Le reste du temps, elle fumait, lisait, écoutait les gens parler tout en étouffant son trouble intime. Même son meilleur ami n'a pas osé en discuter. Comme quoi Louna était plus opaque que jamais.

— Voie 5 ! s'écrie Raph' tout à coup.

Les cinq amis se lèvent, traînent avec eux leurs valises. Pour éviter toute discussion, Lou' dirige la file. Dans le train, elle trouve sa place rapidement et s'installe en priant pour que les autres soient autour d'une table de quatre, sans elle.

— Tu veux de l'aide ? propose Raphaël en la voyant ranger sa valise.

Elle lui décoche un sourire poli.

— T'inquiète.

Une minute plus tard, la brune comprend qu'il est assis à côté d'elle selon la distribution des sièges. Derrière eux, Ilyes se prépare à s'assoupir. Sur leur gauche, Alice et Léon débattent sur les derniers hashtags twitter.

— Enfin un peu de calme, commente le brun.

Elle sourit légèrement et tente de démêler ses écouteurs. Quand il s'installe pour de bon, Lou' sent qu'elle n'arrivera pas à tenir une longue discussion. Ces vacances l'ont crevée. Littéralement.

Une heure plus tard, elle se réveille tranquillement. Le trajet se déroule sans encombre et Louna découvre un Raphaël concentré, les sourcils froncés, peinant à lire. Elle lui pose quelques questions, la bouche pâteuse.

— Ça parle de quoi ?

— Des gueules cassées. Ma grand-mère me l'a offert pour Noël.

Les deux parlent un peu littérature avant que la discussion ne s'essouffle. Louna sent la distance se creuser entre Raphaël et elle. Mais... ce gouffre s'agrandit avec tout le monde. La brune s'isole désormais mais à chaque fois, elle ose à peine penser à Noé.

— Tu vas faire quoi tout à l'heure en rentrant ? demande-t-il en rangeant son livre.

Lou' soupire.

— Je pense regarder un film avec ma mère, ment-elle piteusement.

La vérité, c'est que Lou' a prévu de voir Noé. Enfin, juste avant qu'il ne prenne le car pour le ski. C'est lui qui le lui a proposé, face à l'absence de réponse de Lou'. Elle avait répondu ensuite par un « OK, conservatoire, 17h ». Un peu sec, un peu direct mais pas très flou.

Pourtant, la brune n'a aucune idée de ce qu'elle va lui dire. Elle ne sait même pas si ce sera gênant. En tout cas, elle sait juste que ça fait trois jours qu'elle garde tout pour elle, que son cœur est gonflé de maux et de non-dits bouffants.

— T'es là la deuxième semaine ? interroge Raphaël.

Louna observe le brun, se dit que c'est con qu'elle soit aussi focalisée sur une autre personne, au point de ne pas apprécier tous ces signes qui ne trompent pas.

— Ouais, tu veux qu'on se voit ?

— J'ai une place en trop pour une expo après-demain. Ma sœur m'a lâché, tu veux venir ? explique-t-il simplement.

Raphaël sourit et devient tout rouge. C'est mignon. Louna se contente alors d'acquiescer et de lui sourire, pour de vrai.