Rien que pour vos yeux
Holmes voulu sauter sur ses pieds pour se précipiter vers Watson, mais sa jambe blessée céda sous lui, et il s'écroula sur le sol avec un cri de douleur.
Watson recula prudemment, les deux bras en l'air. Kinman entra dans la pièce et claqua la porte avec son pied.
Le détective prit appuie sur le sofa pour se redresser, mais ne put faire mieux que s'asseoir par terre. Le cœur serré par l'angoisse – Watson était menacé par une arme ! – il dévisagea l'hôte impromptu.
Les traits de Kinman étaient tendus par l'angoisse. Ses yeux rougis ressortaient sur ses cernes noirs, témoins de plusieurs nuits sans sommeil. Ses joues creuses, partiellement couvertes de barbe, criaient famine.
C'était un homme au bord du désespoir. Prêt à tout.
-Que voulez-vous ? Dit enfin Watson.
-C'est vous... répondit Kinman d'une voix traînante. C'est vous... Vous les avez tués...
-Nous n'avons tué personne, le contredit doucement son interlocuteur. Que vous arrive-t-il ?
-VOUS MENTEZ ! Hurla Kinman en resserrant spasmodiquement sa prise autour de son arme.
Le docteur se laissa tomber au sol.
Il y eut un coup de feu.
-WATSON ! Hurla Holmes, secoué de terreur.
À son grand soulagement, Watson se redressa et envoya valser d'un revers de la main l'arme de son assaillant. Kinman sembla soudain vidé de ses forces. Il se laissa tomber sur un fauteuil et commença à pleurnicher, la tête entre les mains.
Estimant qu'il n'y avait pas de danger immédiat, Watson mis l'arme hors de sa portée et se tourna aussitôt vers Holmes. Le détective attrapa la main qui lui était tendue, se remit debout, et agrippa comme un damné le bras de Watson, pour se persuader qu'il était bien là, à côté de lui, en chair et en os. Et pour s'en servir de béquille, aussi. Une ravissante béquille.
-Peut-on savoir ce qui nous vaut une attaque armée à l'heure du thé ? Lança Holmes d'un ton à fissurer les pierres.
-Vous les avez tous tué, geignit Kinman. Vous allez me tuer aussi.
-Il me semble que Watson a précisé que nous ne tuions personne, répliqua l'autre. Quoi que, dans votre cas, ça serait de bon cœur. Si vous insistez...
-Holmes ! Le rabroua son ami.
Watson laissa le détective s'appuyer contre l'accoudoir d'un fauteuil et se pencha sur l'homme qui l'avait persécuté, quelques jours plus tôt.
-Racontez-nous, dit-il gentiment. Si quelqu'un essaie de vous tuer, Holmes le trouvera. C'est le meilleur détective de Londres. Vous devez bien lire le Strand, non ?
-Watson ? Intervint le meilleur détective de Londres. Puis-je vous toucher un mot ?
L'intéressé lui jeta un regard interrogatif.
-En privé, explicita Holmes avec une nuance d'exaspération.
Watson leva les yeux au ciel et tendit son bras pour que le détective y prenne appuie. Il subtilisa au passage le revolver de Kinman, et sortirent sur le palier en claquant la porte.
-Watson, déclara aussitôt Holmes, je ne vais pas aider cet homme.
-Mais quelqu'un essaie de le tuer !
-Tant mieux ! Répliqua l'autre avec un geste d'énervement. C'est un individu parfaitement ignoble !
-Peut-être, répondit doucement le docteur, mais nous ne pouvons le condamner à mort aussi facilement.
Holmes posa la paume de ses mains sur les joues de son amant.
-Après ce qu'il vous a fait, mon cher Watson ? Murmura-t-il.
-À quoi bon se venger, Holmes ? Répondit le docteur en s'approchant de lui. Qu'est-ce que cela changera ?
Holmes caressa pensivement la tempe de son ami du bout de son pouce.
-Pourquoi me regardez-vous comme ça ? s'amusa le médecin.
-Je vous aime, répondit Holmes. Vous n'imaginez pas à quel point je vous aime, John. Vous n'imaginez pas tout ce que je pourrais faire pour ne pas vous perdre. Cet homme vous a blessé, et a faillit vous tuer, à l'instant. Je ne peux pas lui pardonner ça. Je ne pourrai jamais. J'aimerais qu'il meure.
Watson le regarda sans parler, les lèvres entrouvertes, les joues brûlantes. Le cœur en pagaille.
Holmes avait dit... Holmes avait dit... Oui, il avait bien entendu, il était certain... Holmes avait dit... À lui ! Lui ! John Watson ! Sherlock Holmes lui avait dit « je t'aime » !
Il avait toujours été persuadé que ça n'arriverait jamais, que ce n'était pas dans la nature de Holmes, de dire ces choses-là, et qu'il devrait se contenter de sous-entendu et de gestes doux.
-John ? s'amusa Holmes.
-Je... Euh...
-Vous en êtes certain ?
-Mon Dieu, Sherlock, vous allez me rendre fou... rétorqua Watson dans un soupir avant de lui voler ses lèvres.
Il glissa sa main sur la nuque du détective pour fouiller ses cheveux comme sa langue fouillait sa bouche, avide, cupide, débordant de désir et de tendresse.
-Je dois avouer, murmura Holmes, à bout de souffle, que vous avez des arguments percutants. Mais je n'ai pas changé d'avis et je ne...
Watson le fit taire d'un autre baiser, tout aussi brûlant.
-D'accord, conclus Holmes lorsque leurs lèvres se séparèrent. Allons aider cet abruti. Mais juste pour vos beaux yeux, Watson...
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