Mercredi 24 juillet, jour 160 - 23e semaine

Je reste figée, incapable de réagir face à ce qu'il vient de se passer. Cette fille, cette Ariane inconnue, vient d'embrasser Mei sous mes yeux. MA Mei... Qu'est ce que tout ça signifie... Mei m'aurait-elle menti? Non... Non, impossible. Je refuse d'y croire... Mais alors que diable est-il en train de se passer? Mon esprit fonctionne à 100 à l'heure, mais mon corps, lui, reste parfaitement immobile, comme figé par une force inconnue. 

Mei cherche à se défaire de l'embrassade de l'autre... je le vois bien. C'est Tom qui est obligé d'intervenir pour séparer les deux jeunes femmes, conscient de la position dans laquelle je me trouve, et dans laquelle cette fille est en train de mettre Mei.

-Quoi? S'énerve la jeune femme sur Tom. Ça fait des années que je ne l'ai pas vue, tu peux me laisser montrer ma joie tout de même, Tom! Regarde comme elle a changé!

-Ariane, je crois que tu t'emballe un peu trop là... lui répond simplement l'ami de Mei en me regardant. 

Ariane suit son regard pour tomber sur moi, qui lui rend son regard avec une hostilité à peine dissimulée. Son regard se porte ensuite sur Mei qui s'est éloignée d'elle pour venir se replacer à côté de moi. Puis, ses yeux reviennent une dernière fois à moi et descendent vers mon ventre arrondi. Un éclair de compréhension traverse son regard, et son visage se tord d'un rictus de colère.

-Mei... comment as-tu osé!  

Elle s'avance droit vers elle, mais j'ai eu le temps de reprendre mes esprits. Et j'ai tiré mes propres conclusions: Mei me devra quelques explications, mais ce n'est clairement pas elle la fautive. 

-Non, dis-je, comment oses-tu, TOI! Tu surgis de nulle part pour embrasser ma copine comme si de rien n'était et tu crois avoir en plus le luxe de t'en prendre à elle? 

-Dégage, la grosse. Me lance-t-elle avec un regard mauvais.

-L'avantage d'être grosse, c'es que tu ne pourras passer que quand je l'aurais décidé. Fais-je avec un brin d'humour quelque peu "joyesque". 

Ariane semble hésiter face à moi, puis fait demi tour avant de s'éloigner en furie. Je reprends un peu mon calme, peu à peu... Pendant un instant, j'ai vraiment cru qu'elle allait me frapper. Tous les regards sont tournés vers moi, et je me sens légèrement gênée. Je me retourne alors vers une Mei penaude, qui évite mon regard comme elle le peu. 

-Je peux avoir des explications? Dis-je sur un ton froid. 

-Je peux tout expliquer, Anna... commence-t-elle.

-Sérieusement, Mei? Lance Tom. C'est la pire réplique à lancer quand tu dois expliquer quelque chose. En gros, Ariane est une fille qui est venue il y a quelques années, durant quelques semaines, et qui est sortie avec Mei à cette époque. Elle est jamais revenue en vacances ici depuis. 

Mei soupire et s'assoit sur le sable, proche du feu de camp. 

-J'avais complètement oublié cette fille... murmure-t-elle. Je suppose qu'en effet, on a jamais rompu officiellement à l'époque, vu que c'était la fin des vacances... mais quand même, ça fait plus de trois ans qu'on a pas eu le moindre contact! J'aurais jamais cru la revoir un jour, et encore moins qu'elle nous considère encore ensemble!

-Là, elle marque un point. Fait remarquer Tom. 

Je soupire en m'asseillant à côté de Mei. Je vois bien qu'elle attend que je dise quelque chose, mais je ne sais pas quoi dire. Ma crainte s'est avérée réalité: Mei a bien eu des histoires autres que moi, et je viens d'être confrontée à l'une d'elle. Ma raison me crie de ne pas en tenir rigueur, car après tout, avec qui elle est sorti dans le passé ne me concerne pas, et découvrir une ex petite amie n'ayant pas vraiment tourné la page ne devrait pas me mettre dans cet état. Mais mon coeur ne me laisse pas penser droit, et un milliard de questions et de doutes m'assaillent... 

-Mei...

-Oui?

-Promets moi seulement que tu ne ressens plus rien pour elle. 

-Ça fait bien longtemps que tu es la seule qui m'importe, tu sais... 

Je ne peux m'empêcher de sourire face à ces mots doux, mais je reste intransigente. 

-Promet le moi, Mei.

Un silence plane un instant. Puis...

-Je te le promets, Anna. Je suis déjà amoureuse, et c'est de la femme qui est assise à côté de moi, ainsi que des enfants qu'elle porte... 

Sa main vient se glisser le long de la courbe de mon ventre, et je me détends soudain. J'aimerais probablement rester en colère plus longtemps, mais je crois que ce n'est simplement pas dans ma nature. Cependant, si je recroise cette Ariane, les choses seront sans doutes moins sûres. Et vu la petite taille du village dans lequel nous nous trouvons... Autant dire que la probabilité de rencontre est élevée.

Je préfère ne pas y penser...

-Quand même, Mei, tu aurais pu au moins rompre officiellement à l'époque. Quelle tombeuse tu fais... ricane Tom.

-Ça va hein! Se défend Mei. Je ne pensais pas la revoir un jour, et j'avais franchement pas envie de lui renvoyer un message la première en lui lançant "Ah oui, au fait, c'est fini entre nous". Ça n'a pas de sens, et c'est franchement pas cool. 

-Chercher toi des excuses... la taquine Tom. La vérité c'est que tu es bien trop gentille pour pouvoir rompre comme ça avec quelqu'un, c'est tout. 

Mei se défend de cette accusation avec véhémence, ce qui me fait rire doucement. Je sais que Tom a raison, car c'est parfaitement le style de Mei... elle serait bien incapable de faire volontairement du mal à qui que ce soit. Cependant, cela soulève d'autres questions, des questions qui me posent problème... 

Si Mei est incapable de rompre, combien d'ex comme Ariane risque-t-on de croiser au juste? 

***

Nous marchons lentement, main dans la main, sur le chemin de la maison. Il est tard, nous sommes restées longtemps avec les autres sur la plage. J'ai ainsi pu faire rapidement connaissance avec quelques uns des amis de vacances de Mei, et ils sont tous adorables. La fatigue a cependant fini par avoir raison de moi, et en me voyant commencer à piquer du nez, Mei a proposé que l'on rentre se coucher. Face à mes protestations, elle a même sorti l'argument massue: 

-Le docteur t'as dit de te ménager, non? Il faut que tu te reposer. 

J'ai grommelé et traîné du pied, mais ai fini par lui emboîter le pas. Nous sommes seules dans cette petite rue. La lune disperse une lumière tamisée sur notre environnement, et une brise fraîche et légère fait se balancer les grandes feuilles des palmiers et les branches des pins. Il fait encore chaud, et la main de Mei tenant la mienne n'est pas la pour aider. Mon cœur palpite à 100 à l'heure... Le moindre contact avec la peau de Mei m'électrise complètement. C'est une sensation étrange, comme si j'étais saoul alors que je n'ai pas bu une goutte d'alcool. Un sentiment euphorique qui me donne envie de me serrer contre elle jusqu'à ce que nos corps ne fassent plus qu'un. 

Je ne suis plus du tout fatiguée.