Samedi 18 mai, jour 93 - 14e semaine

-Non, non, ne pleure pas! S'exclame-t-elle. Oooh, je suis désolée, je suis vraiment trop... nulle!

-Ne dis pas ça. Dis-je avec un sanglot. Je suis juste... heureuse. Pendant tour ce mois où te ne m'envoyais pas de message, j'avais peur que... que ça veuille dire que tu refusais. Et je n'osais pas t'en envoyer de peur de te déranger. Je ne savais même pas que tu avais ces concours, alors j'ai... j'ai eu peur.

Le regret se peint immédiatement sur le visage de Mei.

-Je t'avoue que... je me suis beaucoup demandée si je serais à la hauteur. Travailler m'a aidée à penser à autre chose. Je me suis dite que si je ne me dépêchais pas, tu allais me remplacer... mais en même temps, je me disais que quelqu'un d'autre ferait sans doute une meilleure mère que moi. Alors...

Ma gorge se serre en entendant ces mots. Je sèche ma dernière larme, avant de reprendre.

-Tu sais, Mei, ce mois ci j'ai... rencontré quelqu'un.

Son visage se fige.

-C'est la fameuse personne dont je te parlais à l'instant. Elle est... magnifique. Exceptionnelle. Sûre d'elle, toujours prête à se mettre en danger pour les autres, elle m'a beaucoup soutenue et aidée dans les moments difficiles.

-Tu... tu l'aime?

Je la regarde droit dans les yeux. Je n'ai pas le droit de lui mentir ici.

-Oui, je l'aime, Mei. Je l'aime beaucoup, et je sais qu'elle aussi, elle m'aime. Elle m'a proposée de... prendre ta place si tu refusais ce soir.

Mei baisse les yeux, choquée par ma révélation, qui rend réelle sa propre peur. Mais je n'ai pas fini de parler. Je pose ma main sur la sienne, et la serre fort.

-Avant de venir, j'étais perdue, Mei. Parce que... je vous aime, toutes les deux, et je ne savais pas du tout quoi faire... je me refusais de vous blesser, et perdre une seule de vous deux m'est insupportable. Mais... mais je t'ai vue, et... mes doutes se sont envolés, Mei.

Elle relève les yeux, et son regard se fixe dans le miens. Nous restons longtemps assises, face à face, main dans la main, les regards fixés l'un dans l'autre.

-C'est toi que j'aime le plus, Mei. On se connait peu, et pourtant je me sens si bien lorsque tu es là... que je n'ose imaginer ce que ce sera lorsque nous nous connaîtrons mieux.

-Anna... mais cette fille semble si... tellement meilleure que moi! Belle, intelligente, sûre d'elle, forte... moi, je suis une coquille emplie de doutes, dans un corps qu'elle déteste, et qui a passé un mois entier à se morfondre alors que c'est toi qui traverse la période la plus dure. Je... suis juste pas...

-Si. Tu es très bien, Mei. J'aime ton côté indécis, j'aime ce sentiment de fragilité que tu laisse paraître. Tu n'as pas besoin de faire semblant d'être solide comme elle. Tu es bien comme tu es. Et je t'aime comme tu es.

-Anna...

Nos visages se rapprochent, et un nouveau baiser scelle notre amour. La main de Mei tient maintenant la mienne, tout comme je tiens la sienne. J'ai le sentiment de faire le bon choix. Un sentiment amer reste là, alors que je repense à Joy. Je ne peux pas le faire disparaître, et je n'en ai pas envie. Quoi que j'en dise, j'aime aussi Joy, et je ne veux pas que ces sentiments disparaissent, comme dispersés aux quatre vents.

Nous nous séparons à contre coeur lorsqu'un serveuse vient nous demander notre commande. Puis, nous recommençons à nous fixer sans rien dire, comme pour rattraper le temps perdu.

-Merci de m'en avoir parlé. Finit par dire Mei. Tu aurais pu laisser ça sous silence, mais tu as choisi de me le dire...

-Je veux que tu saches tout ce qu'il y a à savoir, Mei. D'autant que tu risques de la rencontrer d'ici peu et que, connaissant son caractère, elle risque de t'en faire voir de toutes les couleurs.

Mei déglutit.

-Je ne sais pas si j'ai très hâte de la rencontrer.

Je ris.

-Tu verras. Elle est fantastique. Avec elle, on ne s'ennuie jamais.

Je lui souris, et elle me rend timidement mon sourire. Je laisse échapper sa main pour fouiller mon sac. J'en ressors la pochette contenant les photographies de l'échographie.

-J'ai... amené les photos de l'échographie, si... tu veux regarder.

-Oh! Euh... j'aimerais bien, oui... s'il te plaît.

Je lui glisse l'enveloppe entre les mains, et l'observe avec attention alors qu'elle ouvre la pochette et regarde les grandes photos bleues. Ses yeux s'écarquillent en les voyant, et elle reste bouche bée, sans savoir quoi dire, quelques secondes. L'émotion se lit dans ses yeux, et une tendresse infinie qui déferle sur les futurs humains apparaissant sur l'image.

-Il est... il a une drôle de tête. Fait elle avec un petit rire béat. A... Attends, on dirait qu'il y en a deux?

-Il y en a deux, Mei. Lui dis-je avec un sourire et un plaisir non camouflés.

Elle me fixe quelques instants, essayant sans doute de déterminer si je mens ou non. Mais réalisant que ce n'est pas le cas...

-Incroyable... murmure-t-elle. Ce sont des vrais ou des faux? On connaît leur sexe? Ooh, comment va-t-on les appeler?

J'éclate de rire devant son enthousiasme soudain, qui me redonne également chaud au coeur.

-Du calme, du calme, Mei... je te promets que je t'expliquerai tout en détail, d'accord? Ça te dit de venir avec moi pour la deuxième échographie, la semaine prochaine?

-B-Bien sûr! Quand tu veux! Par contre j'ai... hum...

-Qu'est ce qu'il y a?

-Je n'ai pas vraiment fini mes concours, il me reste les oraux, donc... je devrais probablement beaucoup me balader durant le mois de juin. Partout en France, je veux dire.

-Ne t'inquiète pas pour moi, tu n'as pas besoin d'être là à tous les rendez vous médicaux!

-Mais j'en ai déjà raté tellement...

Je souris. La soirée s'allonge lentement, et nous continuons de discuter tout en mangeant. Je me sens vraiment bien en sa présence, comme si j'étais apaisée, si rien ne pouvait m'arriver. C'est donc avec regret que je vois la fin du repas arriver.

Nous marchons quelques minutes ensembles, puis je prends mon courage à deux mains.

-Si tu veux, tu peux... venir dormir chez moi? Dis-je.

Mei rougit jusqu'aux oreilles, comprenant le sous entendu sous jacent de ma phrase.

-C'est que... je... sais pas si...

Elle baisse les yeux, et se triture les doigts. Je lui prends doucement le poignet, et la rassure.

-On fera rien que tu ne veuille pas, d'accord? Tout à notre rythme.

-D'accord... finit elle par murmurer.

Je l'entraine avec moi jusqu'à mon appartement, où nous montons le plus discrètement possible. A peine suis je entrée dans ma chambre que je la pousse doucement sur le lit et palpe son corps avec ardeur. Mei me le rend bien, en gémissant sous mes assauts et en me touchant à son tour. Lorsque ma main descend vers son entrejambe, cependant, je la sens qui se tend.

-Pas là? Lui dis-je avec douceur.

-N...Non, pas là. Je n'y arrive plus, avoir ce... truc entre les jambes me dégoute au plus haut point, et...

-Ça va... on en a pas besoin, après tout.

Rassurée, Mei repart à l'assaut de plus belle. La nuit résonne longuement de nos gémissements de plaisir. C'est comme une vraie première fois avec elle. Sans alcool. Sans se forcer à quoi que ce soit. Juste deux amoureuses, dans leur lit.