Déprime
Samedi 8 juin, jour 114 - 17e semaine
-Anna... ça va?
La voix résonne à travers la porte. Je me renfonce dans ma couette. Je sais que c'est Mei. Mais je n'ai pas envie de l'entendre, ni de la voir. Je n'ai envie de voir personne. Je veux juste... juste qu'on me laisse tranquille. Alors, je ne réponds pas. J'attends. Elle va sûrement finir par repartir.
-Anna, je sais que tu m'entends... continue-t-elle. Ça fait une semaine, tu ne peux pas rester enfermée dans ta chambre indéfiniment... je sais que... ce qu'ont dit tes parents était... terrible. Mais pense à nous, qui nous inquiétons pour toi... pense à moi, Anna... pense aux petites...
-Laisse moi, Mei. S'il te plaît...
Je l'entend rester derrière la porte quelques instants, avant de s'éloigner.
Elle a raison. Ça fait une semaine que je suis enfermée dans ma chambre. Je ne sors pas, je mange et bois peu... j'ignore pourquoi je quand je serai mise à la porte par mon par mon propriétaire. Après tout, je n'ai plus rien... du tout. Je suis seule au monde, rejetée par mes propres parents. Ceux qui, malgré leur rigueur, ont toujours été là pour moi jusqu'ici... enfin, presque. Ne plus jamais pouvoir retourner dans ma chambre... revoir mes petits frères... tout ça me déprime beaucoup trop, je n'arrive pas à me sortir de cette déprime qui me traverse.
La porte de ma chambre s'ouvre soudain en grand avec fracas. Je gémis alors que la lumière vient frapper mes yeux.
-Joy, si c'est toi, j'ai dit que je...
-Rien à voir avec Joy, grosse branleuse. Lance la voix de Jade, ma colocataire. Et évite de me comparer à cette demi portion. Je suis là pour te sortir de la merde dans laquelle tu t'enfonce, alors tu vas lever ton boule et me suivre.
-Et pour aller où? Je n'ai nulle part où aller?
-T'es sourde toi un peu? Et cet appart, c'est pas un endroit où tu peux aller? Et chez ta meuf? Et chez tes amies? Arrête de faire comme si t'étais seule au monde! Et ramène toi, je vais te sortir. T'es enceinte, au cas où tu aurais oublié. Le sport? La santé? Ça te dit rien?
Je soupire longuement en titubant hors du lit.
-J'arrive, j'arrive...
En entrant dans le salon, je retrouve Mei, assise sur le canapé, en train de se ronger les ongles. Quand elle relève les yeux, je vois immédiatement qu'elle n'est pas non plus en si bon état. Ses yeux son rouges, elle semble plus ébouriffée encore que d'habitude, et d'immenses cernes marquent ses yeux.
-Anna...
Je me jette dans ses bras.
-Pourquoi tu es dans cet état? Lui dis-je à l'oreille. Tu es à la veille de tes oraux, tu ne peux pas te permettre d'être fatiguée...
-Désolée, mais j'étais... inquiète. Pour toi.
-Pardon de... t'avoir inquiétée. Dis-je, penaude. Je... vais sortir un peu, ça m'aidera sans doute.
-D-D'accord. Je viens avec...
-Toi, tu rentres chez toi et tu dors. L'interrompt Diane. Allez zou.
Mei proteste faiblement, mais il est évident qu'elle ne tiendra même pas jusque chez elle. Je l'amène jusqu'à mon propre lit, où elle s'effondre et s'endort presque immédiatement.
-Eh ben ça... j'ai jamais vu quelqu'un s'endormir aussi vite. Remarque Diane. Bon, on y va?
-Tu m'emmène où?
-Juste faire une petite ballade, je te dis. Arrête de poser des questions et suis le guide.
Je marche dans les pas de ma coloc aux cheveux teints. Nous sortons de notre résidence étudiante, et marchons tranquillement vers le centre ville. C'est le matin, un samedi, et la ville est plutôt animée. Il fait chaud, mais encore pas assez pour que ce soit insupportable. Au contraire, un doux petit vent vient me rafraichir, et est très agréable. Mes pensées vagabondent alors que nous marchons en silence, mais bien que je passe mon temps à ressasser les mêmes problème que durant la semaine qui vient de s'écouler, j'ai l'impression... d'avoir l'esprit plus clair. De mieux prendre du recul. Je n'ai plus un sentiment aussi amer que lorsque je me morfondais dans mon lit.
-Alors? Me demande Diane. Fait du bien, hein?
-Oui... oui, j'avoue. Merci.
-Et on est pas arrivées à destination, encore.
-Où va-t-on?
-Dans un endroit que tu devras bientôt fréquenter très régulièrement... tadaa!
Devant moi, se trouve un parc pour enfant. Il est plutôt peuplé pour l'heure qu'il est, et les enfants se courent les uns après les autres, glissent au toboggan et jouent dans le sable avec de grands cris sous l'oeil attentif des parents, qui les observent assis sur les bancs.
-Wow... je dois pas être venue dans un endroit comme ça depuis... depuis que mon petit frère était plus en âge d'y aller, ça doit faire... quasiment dix ans?
-Ah, pas mal. Moi j'ai pas dû y retourner depuis que j'ai cessé d'y aller enfant. Commente Diane. Vient, ya un banc ici, on va s'assoir.
Le banc est une bénédictions pour mes pauvres jambes. Le fait de ne pas m'être assez nourrie commence à se faire sentir... et je le regrette beaucoup, d'autant plus que le poids que mes pauvres gambettes doivent porter est plus élevé que d'habitude.
-Elles ont encore pris du poids... dis-je en caressant mon ventre d'un air distrait.
-Je pense pas qu'elles vont arrêter. Plaisante Diane.
-Merci, Diane. Dis-je finalement. Je me sens mieux, je crois que j'avais juste besoin de sortir un peu.
-Qu'est ce que tu vas faire maintenant?
-Je ne sais pas. Dis-je dans un soupire. J'ai dis que je me sentais un peu mieux, pas que j'avais trouvé une solution... mes parents m'ont rejetée, et je ne sais pas si je peux seulement y faire quelque chose. J'ai... peur de ressortir en ville et de les croiser.
-Lyon est grand, tu sais.
-Peut être... mais justement, la vie ici me rappelle beaucoup trop de souvenirs avec eux. Et... je ne pourrais même plus payer ma moitié de loyer...
-Ma mère accepte de payer ta part ce mois ci, le temps que tu trouves une solution.
-C'est gentil... je pense que... je vais suivre ce que tu m'as conseillé.
-Je t'ai conseillé quelque chose? Moi?
-Oui. Tu m'as fait remarquer que j'avais des endroits où aller, et j'en ai un en particulier. Je vais vivre avec Mei... je ferais mon possible pour ne pas être un poids pour elle financièrement, et comme ça... je pourrais également partir d'ici.
-Donc tu je vais devoir me trouver une nouvelle coloc' lesbienne. Soupire Diane.
Je rit à sa remarque.
-C'est une façon de voir les choses.
Diane regarde fixement les enfants jouant dans le parc pendant quelques instants, avant de reprendre sur un ton... différent.
-Dis, Anna... je sais qu'on est pas nécessairement très proches mais... je peux te poser une question?
Je suis un peu surprise par son approche.
-Euh... bien sûr! Vas-y.
-Il y a eu un truc entre toi et Joy?
Je suis encore plus déstabilisée qu'avant.
-Euuh... eh bien... on peut dire qu'il y a eu... des sentiments réciproques pendant un moment, mais... que ça n'a pas marché...
Diane soupire.
-Donc elle est sur toi...
-Ce n'est pas certain... elle m'a dit qu'elle voyait régulièrement une vendeuse qu'on a rencontré il y a quelques temps, alors.. je pense qu'elle a tourné la page, ou qu'elle essaie. Pourquoi?
Diane triture ses doigts longuement et jette quelques regards un peu nerveux.
-Tu crois que... j'ai mes chances avec elle? Finit-elle par avouer en évitant le contact visuel.
J'éclate de rire, ne m'étant pas vraiment attendue à cette question là. Elle rougit.
-C'est à ce point foutu?
-Non, non, je ne ris pas pour ça, excuse moi. Pfiou, tu m'as juste surprise... ça m'avait manqué de bien rire. Et... je ne saurais pas te dire si tu as une chance avec Joy, tout ce que je peux te dire c'est de tenter. Et je te souhaite bonne chance, aussi. Elle est magnifique, mais question caractère... tu as intérêt à être accrochée.
Diane me sourit un peu timidement. Un détail me revient en mémoire à propos de Joy.
-Puisque tu cherches une colocataire lesbienne... je pense que Joy ne rêve de rien d'autre que de s'enfuir de chez elle, où ses parents et un voisin un peu trop persistent la cloîtrent un peu trop à son goût.
-Tu pense qu'elle va supporter l'odeur de ma teinture?
-Ça... je peux pas dire.
***
De retour à mon appartement, je me sens sereine pour la première fois depuis une semaine. La demande innocente de Diane m'a rappelé que le monde ne s'est pas arrêté de tourner malgré mon drame personnel, et j'ai désormais les idées plus claires sur ce que je veux faire. La journée passe lentement, et, quand le soir arrive, je me déshabille lentement, puis glisse dans mon lit aux côtés de Mei, toujours endormie depuis ce matin. Elle bouge légèrement et semble se rappeler s'où elle se trouve.
-Merde... fait-elle d'une voix à moitié endormie. Les révisions...
-Tu ne pourras pas plus réviser aujourd'hui, Mei. Il est 22h.
-J'ai pas mal dormi, je crois...
-Tu peux dormir encore un peu... je suis épuisée, personnellement.
-Anna...
Mei passe ses bras autour de mon cou, et je me blottis au creux de sa poitrine.
-Mei... dis-je. Tu accepte si je te demande d'aller vivre avec toi l'année prochaine?
-Qu... quoi? Vraiment? Tu es sûre?
-Certaine.
-Mais... et...
-Mes amies? Ce n'est pas parce que je pars qu'on ne se verra plus. Et Camille est follement excitée à l'idée de m'accompagner. Mes études? Tant que je peux trouver une fac ayant les mêmes spécialités, je peux en changer. Ma famille?
Un silence plane sur ce point là, avant que je n'ajoute.
-Je préfère m'éloigner d'eux... ce sera moins douloureux.
-Anna...
Son odeur et sa chaleur me rassurent, et lorsque sa bouche vient rencontrer la mienne, je me sens définitivement en sécurité. Et je ne me sens jamais mieux que lorsque nous faisons l'amour, comme ce soir là...
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