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5.

Deux semaines.

Deux semaines que le calvaire de ma nouvelle vie avait commencé.

Techniquement je parvenais à jouer le rôle d'un lycéen lambda sans trop de difficultés. Mais en même temps c'était bien là tout mon problème. Car se rendre au lycée et suivre les cours était d'un ennui mortel. Rien de bien grandiose en soit, je n'avais qu'à me poser sur une chaise et écouter les profs déblatérer leurs sciences. Mais c'était véritablement insupportable.

Outre ce fait, j'avais retrouvé sans joie les histoires adolescentes que je considérais comme puériles à présent et auxquelles je m'efforçais d'adopter une conduite « normale » alors que, clairement, ça me passait au-dessus de la tête. Mais il n'y avait pas que ça. Je devais me coltiner l'apprentissage de notions théoriques que je trouvais désuètes, inintéressantes et absurdes.

Avec un tel programme, je sentais le décalage immense entre l'adolescent que je devais être et l'adulte de quarante-sept ans bloqué dans ce corps. Je rongeais mon frein, incapable de me contrôler. J'avais parfois des sautes d'humeurs impressionnantes. Comment pouvait-on seulement imaginer que chacun de ces élèves, avec un programme aussi lamentable, puissent être préparés à la réalité, au monde du travail, à la vie d'adulte, à ses galères ?

J'avais du mal à jouer le jeu, du mal à être dans cette peau, à penser comme un individu de dix-huit ans et non comme l'adulte dépressif et aigri que j'avais été.

Que j'étais toujours.

J'étais frustré. Frustré d'arriver à l'école à 8h, frustré de devoir travailler en autonomie jusqu'à 9h, frustré de suivre les cours jusqu'à 17h et de devoir me recoltiner des heures de travaux en autonomie jusqu'à 19h.

Et encore, je ne faisais pas partie de ceux dont les parents payaient des cours du soir jusqu'à 22h.

J'étais frustré de perdre des heures précieuses ainsi alors qu'à côté, le monde tournait, que le temps avançait.

-Mr Min. Votre travail, où est-il ?

Je sortis de mes pensées brutalement en relevant la tête. Le professeur Young chargé des cours d'écriture chinoise, à la calvitie marquée, me toisa, haussant un sourcil, la main en avant comme réclamant son dû.

Je n'avais pas écouté un traître mot de ce qu'il avait dit en rentrant dans la classe qui s'était levée pour le saluer puis rassise dans un ensemble méthodique et organisé.

-Je n'ai pas pu le faire, répondis-je en lui montrant mon bras plâtré.

Sa main retomba mais il me fixa avec une irritation visible et mon faux sourire dégringola alors que je n'abaissais pas mon regard du sien.

Ce qui était infernal dans cette histoire, en plus du reste, c'était de me coltiner ces profs austères, qui semblaient prendre un malin plaisir à nous rappeler continuellement les règles de la société, répétant tels des perroquets des phrases pseudos moralisatrices sur l'importance des études, de la hiérarchie, du monde du travail à n'importe quel prix.

Même au prix de sa propre vie personnelle.

-Vous allez jouer à ce jeu longtemps ? grinça-t-il.

-Je ne joue pas, répondis-je platement. Mon bras est toujours dans le plâtre, je ne peux donc pas écrire mes devoirs.

-Vous avez peut-être réussi à faire croire à tous mes collègues que vous étiez gaucher, mais je sais pertinemment que ce n'est pas le cas. Alors à moins que votre bras gauche entrave le fonctionnement de votre cerveau, je vous prierai de faire ce devoir ou je vous colle un avertissement.

Parmi la ribambelle d'abrutis que contenait le panel de professeurs sous qualifiés de ce bahut, celui-là était le pire. Le pire étant qu'il enseignait l'écriture chinoise et j'abhorrais littéralement cette matière. Nous écrivions en Hangeul depuis deux siècles mais il fallait qu'on se tape les écritures chinoises, donc l'ancien coréen, malgré tout.

Ça faisait chier.

-Pardon ? répéta-t-il, ses yeux s'écarquillant brutalement. Que venez-vous de dire ?

Je lui jetai un regard dépité. Visiblement, j'avais pensé voix haute.

-J'ai dit que ça faisait chier.

-Vous viendrez me voir à la fin de l'heure, Mr Min, déclara-t-il en relevant le menton, laissant transpirer dans sa voix une dose de sévérité dans le but de garder la face devant sa classe.

Tout autour de moi, mes camarades, aux doux yeux innocents à présent choqués, chuchotaient entre eux, surpris par mon comportement comme s'il s'agissait d'un événement d'une gravité phénoménale.

C'était ridicule.

N'avaient-ils pas conscience que nous n'étions que du bétail, des moutons formatés par un système scolaire traditionnel extrémiste, strict et destructeur ?

L'éducation nationale coréenne nous formait à être des élèves studieux, martelés au lavage de cerveau. On avait même des « cours de moral » de 13h à 14h pour inculquer règles et normes de la société vis-à-vis de l'histoire de notre pays. On nous formatait à un moule, nous faisant croire à un monde utopique ; que si nous travaillions suffisamment, que si nous nous tuions dans les études, les portes du futur s'ouvriraient à nous.

La bonne blague.

J'étais énervé, agressé par ce système. J'en avais chié ces vingt dernières années et je devais revenir en arrière, rester assis et ne rien dire. Ne pas rechigner, courber la tête, avaler leurs conneries et me laisser bourrer le crâne jusqu'au bout ?

Où était ma liberté d'expression dans ce merdier ?

La fin du cours marqua la fin de l'après-midi et le début de la pause avant les cours de la soirée. Ce fut avec lenteur et agacement que je remontai la file des tables individuelles alors que Jaehyo, Wooji et Minho m'attendaient dans le couloir adjacent à la salle, à la fois impressionnés et inquiets pour moi.

Le professer Young me toisa avec supériorité derrière son bureau sur son estrade.

-Vous êtes devenu particulièrement impertinent, Mr Min, depuis votre accident.

Il fronça les sourcils :

-Vous vous permettez d'être désagréable avec la plupart de mes collègues, de faire des remarques, de couper la parole pour montre votre désaccord sur les enseignements. C'est une conduite inacceptable pour un élève de notre établissement. Pour qui vous prenez-vous exactement ?

-Je me prends pour quelqu'un avec une liberté d'expression.

-Je vous demande pardon ? s'offusqua-t-il.

-Vous vous rendez compte du taux de suicide qu'il y a dans notre pays ? De gamins qui n'atteignent jamais les dix-neuf ans à cause de la pression ? Vous trouvez ça normal ? Quel avenir est-ce que vous nous offrez ? Celui de bien fermer sa gueule alors que la société est un calvaire ? Tout ce qu'on apprend ici est d'une inutilité effroyable. Rendez-vous à l'évidence, votre matière ne sert à rien, c'est obsolète. A l'air du numérique qui va arriver, personne n'écrira plus jamais en écriture chinoise. On s'en battra complétement les steaks car l'alphabet hangeul va tout prédominer. J'apprends par cœur des choses inutiles, mais vous ne nous apprenez rien, des débats politiques, de l'éthique, de la philosophie, de la réalité. Où est la réalité, professeur, dans ce système scolaire lamentable ?

Il me fixa avant de papillonner des yeux mais, alors que je pensais qu'il allait devenir tout rouge, en perdre ses lunettes, me crier dessus, me demander de faire vingt tours de stade en courant ou de nettoyer des chiottes le restant de l'année après, bien évidemment, avoir menacé par courrier mes parents de m'expulser si je ne présentais pas d'excuses officielles, il soupira seulement.

- Le système éducatif coréen n'est pas à votre goût, Mr Min, néanmoins il fait ses preuves et il continuera de les faire dans les années à venir.

-Pardon ?

-C'est un modèle de réussite, nous formons ici les élites de demain. Notre pays est en train de remonter la pente des puissances mondiales après la guerre et nous le faisons grâce à notre rigueur dans le travail, grâce aux élèves que nous formons pour être performants dans leur réussite et atteindre le meilleur. Élèves qui, une fois adultes, amélioreront nos entreprises et les filières économiques de notre pays.

-À quel prix ? m'écriai-je. Au détriment de quoi ? Vous entendez ce que vous dites ? Vous parlez de performance comme si c'étaient des machines ! Nous sommes des humains, où est notre plaisir ? Où est notre développement personnel, psychologique et affectif dans cette histoire ? Où est le véritable épanouissement ?

-D'excellents résultats scolaires vous garantissent de rentrer dans une bonne université et, ainsi, d'obtenir un emploi dans une excellente compagnie. Le développement psychologique et personnel se fait tout du long de ce processus avec la sécurité d'avoir servi la nation à...

-Et le taux de suicide alors ? cinglai-je en perdant mon calme. Comment vous expliquez ça ? Comment pouvez-vous affliger ça à des élèves ?

-Nous mettons en place des couvre-feux, des cours du soir qui ne vont pas au-delà de 22h pour ne pas épuiser le...

Je roulai des yeux, incapable d'en écouter davantage.

Il était inutile de parlementer avec ce type de personnage convaincu par ce qu'il disait. Cependant, alors que je m'apprêtais à sortir, il lâcha :

-Si ça ne vous convient pas, quittez-le.

-Pardon ?

-Quittez le lycée, répéta-t-il.

Je fronçai les sourcils avant de ricaner :

-C'est ça votre solution ? Abandonner ? Dégager les éléments indésirables ?

Mais alors que j'allais reprendre, il avisa :

-Le système est ainsi Mr Min. Vous pouvez le critiquer, le haïr, ça n'empêche qu'il a démontré des résultats très probants. Notre pays n'en serait pas là aujourd'hui sans son modèle éducatif. Vous êtes un élève, vous faites partie de ce système malgré tout et, si vous ne vous y pliez pas, aucune porte ne s'ouvrira à vous.

-Donc je dois me la fermer, grognai-je avec sarcasme. Belle éthique, bravo.

Il resta figé avant de soupirer doucement :

-Je reconnais que notre organisation présente des failles non négligeables qui peuvent vous inquiéter. Mais vous serez libre de penser ce que vous voulez une fois diplômé. L'accès à l'université représente une certaine liberté. Sinon, libre à vous de quitter le pays pour un système différent si celui-ci vous déplait.

Je reculai, désabusé. Sa réponse me déplut, cette insensibilité, cette manière pénible de parler. Bordel, ça me faisait chier que des gens comme lui qui enseignaient à une prochaine génération ne prennent pas leurs responsabilités.

Il retira ses lunettes pour les nettoyer avec un mouchoir en tissu sorti de sa poche et marmonna :

-Si vous voulez changer notre société, grand bien vous en fasse. Nous avons besoin de personnes pour réfléchir et amener des idées afin d'améliorer certains dispositifs mais, sans diplôme, vous n'irez pas loin et vos idées non plus. Parfois il faut savoir s'adapter à un système pour pouvoir l'améliorer.

Je me mordis la langue pour retenir ma fureur et il me scruta. Sa supériorité me donna envie de le frapper mais je finis simplement par détourner la tête. Je ne pouvais pas lutter contre la conviction inébranlable, non seulement de ce type, mais du système tout entier.

J'aurais mieux fait de naître dans un pays différent.

-Dans l'état actuel des choses, vos notes sont bien moyennes pour avoir votre diplôme.

Allez, qu'il en rajoute une couche...

-Et que me proposez-vous ? ironisai-je. Rien, bien sûr. Ce n'est pas comme si votre modèle scolaire était soutenant et bienveillant pour les élèves. Vous vous fichez complètement de ce qu'on peut ressentir ou de nos difficultés.

Il remit ses lunettes :

-Détrompez-vous.

Je fronçai les sourcils, brusqué.

-Il existe des cours gratuits de soutien, d'aide aux étudiants par un autre étudiant. Sur vos heures de travail en indépendance, vous pourriez bénéficier d'un tutorat par un élève plus âgé dans la matière qui fait chuter votre moyenne, à savoir la mienne. En échange il vous faudra donner un tutorat à un élève en difficulté dans une matière que vous maitrisez, à savoir les maths.

Je levai un sourcil, méfiant.

-En quoi c'est censé me convaincre ?

-Je n'essaye pas de vous convaincre, reprit-il d'un ton de voix désagréable. Notre établissement est un lieu de formation respectable, un renvoi ou un abandon d'étude ne ferait pas une bonne image. Remarquez, néanmoins, qu'un peu d'entraide peut rendre les choses plus humaines. Non seulement ça vous fait augmenter votre moyenne en vue de l'examen final, mais vous pourriez gagner des points supplémentaires en aidant d'autres élèves.

Ma soudaine soif de réussite, dans l'optique de changer mon avenir, me démangea et je me détestai pour être autant en contradiction avec ce que j'avais essayé de défendre un peu plus tôt.

-Vous avez besoin de ce système autant qu'il a besoin de vous, reprit-il fermement. Vous êtes bien trop jeune pour connaître le prix d'un tel relâchement dans les études et ce que ça peut entraîner comme conséquences pour votre avenir pro...

-Je sais exactement de quelles conséquences il s'agit, l'interrompis-je durement.

Il prêchait un convaincu.

Ma soudaine envie de rébellion retombait comme un soufflé. Qui étais-je pour défendre des convictions que j'étais prêt à abandonner dès qu'on m'offrait la possibilité de tout recommencer et de tout réparer ?

Je voulais changer les choses, je voulais changer ma vie. Et ça commençait par mon diplôme.

C'était terrible d'en être réduit à ce constat. Mais dans ce pays, ce simple bout de papier insupportable était un passage obligé et obligatoire, sans cela rien n'avait de sens. Sans cela il était impossible de s'élever, d'aspirer à un avenir. C'était la clef de ce monde et les puissants se galvanisaient en croyant avoir inventé un système éducatif parfait car le reste du pays reposait sur cette simple base.

Conneries.

Mais je n'avais pas le choix. J'étais revenu, il y aurait sûrement un prix à payer pour ça. Mais j'étais là avec une deuxième chance. Je devais me forcer à m'adapter.

Sans cela mon retour en arrière n'aurait servi à rien.

-Vous pourriez bénéficier de ce tutorat pour améliorer votre moyenne et pourvoir à de meilleures places de classement. Les universités sont très regardantes sur les résultats, vous le savez. Votre niveau en mathématique pourrait vous permettre des études supérieures correctes.

Sa remarque me surprit. Moi à l'université ? Pouvais-je décemment envisager cette option ?

-Je vous laisse y réfléchir. Mais notez bien que la prochaine fois que vous me manquez de respect ou que vous intervenez dans mon cours avec des propos aussi insultants, je sévirai.

Il sortit et en trainant les pieds et je le suivis malgré moi.

Merde.

J'avais l'impression d'avoir échoué à me faire entendre, d'avoir échoué à me faire comprendre.

D'être si faible...

D'être prisonnier du système.

La petite troupe m'attendait dans le couloir, tous impatients de savoir quel sort m'avait été réservé.

-Alors, alors ? interrogea Wooji.

-Alors rien, le toisai-je froidement.

Je me passai une main sur le visage.

Qu'est ce qui m'arrivait ?

Ça n'allait pas.

Mais là, c'était moi qui clochais.

Ils me fixèrent presque déçus et je pris la direction des distributeurs pour me prendre quelque chose à boire.

-Il t'a mis une retenue ? s'enquit Jaehyo.

-Non...

-J'arrive pas à croire que tu aies dit « chier » en classe, souffla Minho, presque impressionné.

-Vous savez quelque chose de cette histoire de tutorat ? lançai-je soudainement.

Ils se figèrent et Jaehyo répéta :

-De tutorat ?

-Oui, il m'en a parlé. Genre tu te fais aider dans une matière par un sunbae et tu aides un hoobae à ton tour.

-J'en ai entendu parler, reprit Jaehyo, mais y a pas beaucoup d'élève qui le font sur l'école. La plupart n'ont pas le temps avec les cours du soir...

-Je veux voir si ça rapporte des points dans la moyenne.

-Des points ? répéta Wooji en écarquillant les yeux. Mec, t'es sérieux ? On a déjà suffisamment de devoirs comme ça ; ce truc de tutorat, c'est une perte de temps. Vaut mieux aller aux cours du soir plutôt qu'à ça.

-Est-ce que ce n'est pas inutile ? souffla Minho avec un rictus. Y a que ceux qui bossent pour être dans le top 10 des meilleurs élèves et viser les grandes universités. Les types comme nous qui n'allons pas aux cours du soir parce que nos parents n'ont a pas les moyens, on s'en fout... C'est pas comme si on visait de grandes études. Et puis les autres vont trouver ça bizarre si tu fais ça...

-Ce que les autres pensent n'a aucune importance, il faut arrêter de dépendre stupidement du regard des autres, déclarai-je sévèrement en appuyant sur la touche et ma canette de Sprite dégringola.

J'étais encore si remonté que j'avais du mal à me calmer.

Personne n'avait raison, personne n'avait tort et je me trouvais dans cet interstice-là, partagé entre ce qu'il avait dit et ce que je pensais. Entre ma colère, mes ressentis, ma rancœur, mes regrets et mes aspirations.

-Pourquoi tu te focalises sur les notes tout d'un coup ? demanda Jeahyo, toujours aussi surpris. Pour quoi faire ?

-Pour avoir mon diplôme, quelle question, répondis-je sarcastiquement.

-On s'en fout du diplôme, ricana Wooji. Franchement, on l'aura les doigts dans le nez !

Je me figeai et le fixai droit dans les yeux délibérément. Il me donnait soudain envie de le claquer. Il était si mesquin à rire sans cesse de tout comme si rien n'était important.

Comme l'être stupide que j'avais été dans le passé.

-A qui tu essayes de faire croire ça sérieusement ? Tu penses que ça te donne une image « cool » de dire ce genre de choses ? Personne ne s'en fout et c'est bien là le problème alors garde ce genre de remarques débiles pour ta personne.

Je les laissai en lâchant un « je vais pisser », sans me retourner.

Ces gamins me fatiguaient, vraiment.

Ils me renvoyaient trop de choses d'avant. Comment pouvions-nous être aussi naïfs ? Autant dans le déni ? Aussi stupides ? À croire que tout serait facile et que tout tomberait du ciel ?

Après avoir terminé mon affaire, et alors que je me lavais les mains, Jaehyo entra dans la pièce. Il avait les bras croisés et tenta de paraître nonchalant sans y arriver. Voyant que sa tentative d'attirer mon attention sur sa personne ne fonctionnait pas, il fronça les sourcils :

-Mec, t'es sûr que ça va en ce moment ?

-Pourquoi tu me demandes ça ?

-Parce que ça fait quinze jours que t'as l'air carrément à cran...

-Laisse tomber, déclarai-je en reprenant ma canette posée sur le lavabo.

-Si t'as un souci tu peux me le dire, hein... lâcha-t-il sans me regarder, comme si ce n'était pas important alors que clairement ça avait l'air de le toucher.

-J'ai dit laisse tomber, clamai-je durement pour terminer cette conversation.

Comme s'ils pouvaient comprendre...

*******

Trois jours plus tard, je me repointai devant le bureau du professeur Young non seulement avec ma copie mais aussi avec l'intention ferme d'accepter ce tutorat.

J'avais bien réfléchi.

Tellement, que ça m'avait pris la tête.

Je gardais mes pensées, mes convictions mais j'avais dû ravaler ma fierté. Ravaler mes mots, revoir mes priorités. C'était tellement rageant et frustrant à la fois mais je n'avais pas le choix.

Je le devais.

-Vous voulez vraiment participez ? me toisa-t-il, presque surpris.

-Je ne vais pas le répéter deux fois.

-Vous semblez d'un coup moins convaincant dans vos propos que la dernière fois.

Je plissai des yeux :

-Je suis toujours convaincu que ce système est merdique...

-Faites attention à votre langage, Mr Min, reprocha-t-il.

-...Mais dans l'état actuel des choses, m'y opposer ne servirait à rien, repris-je sans lui accorder la moindre attention. Ne croyez pas que je sois revenu dans le « droit chemin ». Je préfère voir ça comme un combat. Car après tout, comment garder un minimum de recul et de réflexion critique sur un tel sujet tout en étant soi-même à l'intérieur de ces murs ?

Il parut un peu surpris mais peu intéressé par mon point de vue :

-Si vous le dites...

Ce fut comme s'il me disait « cause toujours » et je dus prendre sur moi pour calmer ma rage et éviter de lui rentrer dans le tas.

-Je vous ferai parvenir, par vos délégués de classe, l'élève de l'année supérieure qui vous aidera dans ma matière et celui de l'année inférieure que vous devrez aider. Les tutorats se passent sous la surveillance de la bibliothécaire, c'est comme ça qu'on les valide. Si vous essayez de...

-Vous pensez que je vais gruger ? Vraiment ? Après tout ce que je viens de vous dire, c'est là, la confiance que vous me portez ?

-Ne commencez pas à me manquer à nouveau de respect... me menaça-t-il de son fauteuil dans lequel il était enfoncé.

Il était impossible de parler avec eux, comme à un bon nombre de personnes dans ce système rigide qui espérait sincèrement que rien ne change jamais. Surtout pas les codes, surtout pas les lois, surtout pas la hiérarchie stricte de la société coréenne.

Peu importe si mes paroles étaient justes, je n'étais qu'un élève et lui le professeur. Ainsi, je n'obtiendrai jamais raison.

J'étais peut-être bien en enfer finalement.

-Ça aura lieu une fois par semaine, reprit-il, donc deux pour vous. Un tutorat avec l'élève que vous devez aider et un autre avec celui qui vous aidera et ce jusqu'à fin de l'année scolaire.

Je pris congé rapidement après ces infos avant de revenir vers ma classe.

En m'installant à ma place, mon esprit se remit à l'organisation.

Ravaler ma frustration.

Ravaler ma fierté.

Procéder par priorité et motivation.

Je ne pouvais pas rester sans attendre et voir ma vie s'effondrer et s'il en fallait, pour ça, me laisser glisser dans le moule, je devais le faire. Néanmoins, j'aimais assez cette image, de m'imbriquer dans un rôle conforme à ces murs tout en gardant un pied hors du moule.

C'était ma porte de sortie personnelle, celle qui me faisait sentir unique et éloigné de cette réalité. Celle qui me permettrait de garder la tête hors de l'eau quand les choses me paraitraient proches de la noyade.

Tout en réfléchissant, mes yeux croisèrent ceux de Wooji qui détourna le regard.

Visiblement, mes paroles ne lui avaient pas plu.

Ça m'importait peu.

J'avais un plan et je le suivrais.

*******

J'avais déjà vu ce mec quelque part.

Je ne savais pas où ni quand mais je le savais.

Je fixais mon « tuteur » de troisième année depuis qu'il venait d'arriver dans la bibliothèque. Il ne s'était pas présenté puisque son nom m'avait été refilé sur une feuille d'information.

Tous les mardis soir, 18h15, bibliothèque. Kim Seokjin.

Ça me disait un truc, ce nom. Où est-ce que je l'avais déjà entendu ?

-Tu as terminé ?

Je papillonnai des yeux avant de reporter mon regard sur l'exercice qu'il m'avait demandé de faire et haussai simplement les épaules.

Il tira le cahier et ses sourcils se froncèrent brusquement :

-Tu te moques de moi, j'espère ?

-Pas du tout.

Il me toisa avant de soupirer bruyamment :

-Tu n'as même pas un niveau de lycée, à peine celui du collège. Tu ne peux vraiment pas traduire ça ?

-Écoute, commençai-je...

Mais il m'interrompit, son visage froid et ses yeux perçants me coupèrent et il argua :

-Je dois avoir mon diplôme cette année, je fais ce tutorat plus par bénévolat qu'autre chose car le professeur Young me l'a demandé. Je devrais travailler en autonomie avant d'aller à mes cours du soir. Je perds un temps précieux sur mes propres révisions alors je ne vais pas m'investir dans un tutorat pour te réapprendre toutes les bases.

Je le vis se lever soudainement et ramasser ses affaires mais je l'arrêtai.

-Écoute, je sais que mon niveau est catastrophique mais si j'ai pris ce tutorat, c'est pour m'améliorer. J'ai désespérément besoin d'aide et je suis prêt à fournir tous les efforts qu'il faudra pour m'améliorer.

Il se figea, semblant hésiter et je fermai les yeux, avalant à nouveau ma fierté mal placée :

-S'il te plait, laisse-moi une chance.

Il hésita quelques longues secondes puis se rassit avant de me fixer :

-Il va te falloir des efforts monumentaux pour y arriver.

-Je suis un peu rouillé, mais les notions vont revenir.

-Rouillé ? répéta-t-il sans comprendre.

Je lui fis signe de laisser tomber.

On resta silencieux alors qu'il semblait peser le pour et le contre et je le dévisageai encore une fois.

Où est-ce que j'avais déjà vu ce type ? À l'époque je ne fricotais pas avec les dernières années sauf ceux dans mon équipe de basket-ball mais il n'en faisait pas partie. Alors qui était-ce ?

Je le vis bouger et ressortir sa trousse et ses manuels.

-Bon...si tu me prouves ta motivation et que tu t'améliores, je peux...

-Je le ferai. Maintenant je veux juste que tu m'aides à traduire ce putain d'exercice de merde pour demain.

Il tiqua face à mon langage et je me mordis la langue.

Les oreilles de ce pauvre enfant n'avaient pas l'air d'entendre souvent des injures.

-Bien.

Au final, cette heure en sa présence avait été pénible et je me doutais qu'elle l'avait été aussi pour lui, néanmoins il ne prononça rien en faisant remplir nos documents de présence par la bibliothécaire. Je le détaillai de nouveau alors qu'il signait l'espace d'émargement, ses épaules étaient vraiment larges. Était-il dans le club de natation ? Il avait l'air d'être un de ces élèves intellos aux allures parfaites.

Il devait avoir du succès avec les filles, ce gamin-là.

On fit le chemin ensemble jusqu'à quitter le bâtiment ; et il me salua droitement et je répondis gauchement.

Ses parents devaient être aisés pour l'inscrire aux cours du soir et puis, parmi les manuels qu'il avait sortis de son sac, il avait en plus des cahiers fournis par des cours privés dans un centre d'apprentissage non loin d'ici. Jaehyo et moi passions devant tous les soirs en rentrant du lycée.

Il était certainement le modèle de la réussite coréenne dans toute sa splendeur : grand, plutôt agréable à regarder, poli, droit comme un i, excellent élève qui allait sûrement s'inscrire dans les grandes universités et devenir PDG dans les années à venir.

Une image me revint mais s'enfuit de mon esprit tout aussi rapidement.

J'avais presque retrouvé qui était Kim Seokjin mais voilà que je venais de l'oublier de nouveau.

Il avait été froid dans son approche. Pas forcément pour me prendre de haut mais parce qu'il semblait avoir tout un placard à balai coincé dans le fessier. Au moins il m'avait conseillé tout de même deux trois manuels où je devais être capable faire tous les exercices. Il fallait que je demande à ma génitrice d'acheter ces fichus bouquins. Je soupirai, déjà démotivé.

Je fis le trajet seul jusqu'à chez moi, ce qui me prit une vingtaine de minutes. Il faisait très sombre et j'espérais seulement qu'il ne pleuvrait pas avant que je n'arrive.

Voilà un mois que j'étais bloqué dans mon corps de dix-huit ans. C'était loin d'être facile mais, s'il s'agissait de l'enfer, c'était tout de même une torture plutôt lente et peu douloureuse pour l'instant.

Mais si je commençai à prendre des habitudes, il n'y avait qu'une seule chose à laquelle il m'était impossible de m'habituer.

-Yooni, tu es rentré ? Le dîner est servi.

Elle, lui.

Eux.

Mes parents.

Je vis les chaussures dans le meuble d'entrée et je sus qu'il était arrivé.

Je claquai ma langue contre mon palais en soufflant bruyamment.

Ça allait mal finir, cette histoire.

Je savais qu'il n'était encore rien arrivé, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'éprouver de la rancœur et de la haine. J'hésitai, j'hésitai vraiment à les inclure dans mon plan mais je préférais mille fois me coltiner des cours d'écritures chinoises plutôt que de devoir me confronter à ce qui me servait de parents.

Je m'assis à ma place avec cette humeur désagréable et ma mère me sourit, sourire que je ne lui rendis pas.

Le silence s'installa et que je mangeai rapidement, sans vraiment mâcher.

-Merci pour le repas.

Fuir ce calvaire était la seule solution.

-Déjà, s'inquiéta-t-elle comme chaque soir, mais...

-J'ai des devoirs.

Je sortis, remontant l'escalier avec hâte jusqu'à ma pièce, mon antre, mon sanctuaire.

Et dire que ce n'était que ma chambre. et Pourtant, j'avais l'impression que les murs étaient remplis de tout le désarroi de mon adolescence, ses rêves, ses secrets, son calvaire, son carnage.

Je balançai mon sac sur le lit et enlevai mon uniforme. Sur mon bureau trônait, en vrac, la fiche d'information du tutorat avec le nom du hoobae de première année que je devais rencontrer la semaine prochaine : Kim Taehyung.

Je m'effondrai sur le matelas en soupirant longuement. Le temps passait trop lentement et pourtant j'avais l'impression qu'un être invisible me murmurait sans cesse au creux de l'oreille le balancement désagréable du temps.

Je voulais que ma peine se finisse rapidement mais il me restait une dernière angoisse, qui me collait à la peau, m'étranglait parfois, celle qui surgissait surtout le soir :

Pourquoi avais-je véritablement remonté le temps ?




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Chapitre corrigé par automnalh

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