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40.

Il m'avait suffi de poser un pied dans cette soirée pour ressentir un éprouvant sentiment de dégoût et de lassitude.

Qu'est-ce que je foutais là ?

Cet établissement sur Gangnam était un des plus prisés de la capitale depuis plusieurs semaines. L'esthétique du lieu flirtait entre un bar haut gamme et une boîte de nuit. L'ambiance était sombre, colorée par des leds violettes et un sol carrelé blanc illuminé, donnant un côté quasi futuriste à l'endroit ; c'était, ce jour-ci, plein à craquer. La musique électro me parut stridente dès l'instant où je pénétrai dans les lieux et cela ne fit que surenchérir sur un brouhaha bourdonnant. Tâchant de me frayer un chemin jusqu'au bar, me glissant entre les individus entassés autour de quelques tables, je finis par repérer Sun qui me fit signe de la rejoindre.

Le 31 décembre était arrivé à la vitesse de l'éclair et parce que le lieu de stage nous avait autorisé deux jours de congé, le temps des fêtes, Sun en avait profité pour revenir à la charge avec sa merveilleuse idée : m'inviter à une soirée avec ses amis dont elle me parlait parfois mais que je n'avais alors jamais rencontrés. Ce jour-ci, elle se distinguait parmi les femmes présentes de par la taille qu'elle faisait mais surtout par ses tenues comme toujours à la fois avant-gardistes et chics. Je n'avais revêtu, pour ma part, que des vêtements propres pour l'occasion.

-Yoongi ! cria-t-elle pour couvrir la musique, je te présente Yujin, Gaeul et Wonyoung.

Je saluai mollement les trois femmes présentes et la blonde, que Sun avait présentée sous le nom de Wonyoung, m'apostropha directement comme cherchant à me rassurer :

-Tu ne seras pas le seul mec rassure-toi, ils sont partis chercher une table ou une banquette pour que l'on puisse s'installer.

J'acquiesçai, peu certain d'avoir eu besoin d'être rassuré à ce sujet, observant ensuite le décor sans être en mesure de poser mes yeux sur un endroit fixe. J'étais à la fois mal à l'aise et irrité de l'être. Une nouvelle fille arriva quelques minutes plus tard. Lorsqu'elle se tourna vers moi, elle demeura surprise et légèrement sur la défensive. Pourtant, tâchant d'être entendue par-dessus le bruit, elle se présenta :

-Hyonseo.

Je fis de même en retour, puis, rapidement je me mis à m'ennuyer. Une conversation se déroulait près de moi, mais n'ayant pas suivi le point de départ, je n'eus pas le courage de m'y intéresser. Dans ce genre de moment pénible de l'existence, gêné de ne rien faire ou d'attendre, je dégainais mon téléphone. Mon pouce valsa sur les quelques applications que j'utilisais finalement très peu avant de basculer sur le réseau social coréen, au joli logo jaune et noir. J'avais envoyé un message au gamin hier pour lui souhaiter un joyeux anniversaire, sa réponse était apparue dans la nuit.

« Merci, hyung. »

C'était stupide de ma part de me sentir rassuré par deux mots écrits sur un clavier, mais en l'absence de nouvelles concrètes depuis trois semaines, je m'accrochais à cet ultime message pour me dire que tout se passait pour le mieux.

Tout irait bien, n'est-ce pas ?

Bientôt, les trois compagnons des amies de Sun arrivèrent et me saluèrent simplement. Aucune table ne serait disponible avant une heure. De l'impatience naquit une conversation où tous semblaient se connaître au point que je ne me sentis ni à ma place, ni pleinement pris en considération. Je m'éclipsai au bout d'une dizaine de minutes pour me fumer une cigarette à l'extérieur. Le temps était glacial, le ciel semblait à deux doigts de pleurer de la neige et la température était certainement rendue dans son négatif.

Le roof-top offrait une jolie vue sur le quartier. Une vue rendue quasi impossible par le nombre d'individus s'y agglutinant. Des chauffages extérieurs avaient été installés de ci et de là, près de quelques tables. Les fumeurs, eux, avaient été rétrogradés près du gros cendrier, loin, beaucoup trop loin de la chaleur. En tirant ma première latte, satisfait de ce monceau de plaisir que me procurait cette première bouffée, je me fis la réflexion que nous avions l'air d'être des pestiférés ainsi retranchés dans notre coin. Je n'eus pas le loisir de prolonger ma pensée car en tournant la tête, je me retrouvai nez à nez avec la dénommée Hyonseo.

C'était une fille avec un visage rond et des cheveux bruns coupés au carré. Une frange lui tombait un peu au-dessus des yeux, rehaussée par un bonnet jaune moutarde. Son visage était joliment maquillé, et ses oreilles ne possédaient aucun bijou. Elle portait un sweat uni vert pomme sous son manteau gris extra-large, un jean et une paire de baskets qui semblaient passées de plusieurs années. Elle eut l'air aussi étonné que moi et sans un mot, elle leva sa cigarette pour me la montrer. Je lui tendis mon briquet qu'elle récupéra entre ses mitaines aussi jaunes que son bonnet.

Nous restâmes l'un à côté de l'autre, sans parler, seulement observant l'environnement, les autres, ceux qui ne fumaient pas et qui semblaient se porter agréablement sous les parasols chauffants.

-Est-ce que toi aussi tu as été piégé pour venir à cette soirée ?

Son ton était léger avec seulement un soupçon d'ironie.

-Littéralement, on m'avait promis un billard, quelque chose de tranquille...

-On m'avait promis simplement un resto.

On échangea un regard de connivence comme les deux personnes que nous étions, blasées et contraintes d'être là pour de mauvaises raisons.

-Tu es Yoongi, le collègue de l'Entrepôt de Sun, c'est ça ?

-Elle parle vraiment de moi autant que ça pour que tu puisses m'identifier ? m'étonnai-je

-Ça lui arrive. Je crois qu'elle te nomme sous un diminutif pas très sympa...

-Oui, Nain de Jardin, marmonnai-je en roulant des yeux.

Cela sembla la faire rire et j'enchaînai simplement :

-Elle ne me parle pas vraiment de ses amis ou du moins, si elle le fait, je n ai pas retenu les noms, je m'excuse...

Elle me répondit par un geste évasif avant de jeter sa cendre à travers l'interstice prévu à cet effet dans le cendrier de métal.

-En fait, je suis l'amie de Gaeul au départ, mais je connais Sun un peu, on s'est rencontrées quand elle était amie avec un de mes ex qui essayait de percer dans le stylisme mais c'était avant... avant la transition.

-Je vois. Et tu bosses dans le stylisme aussi ?

-Pas du tout, je bosse dans un labo d'analyse.

-D'analyse de sang ?

-De tout. Et toi ?

-Je suis en étude, en compta et commerce, soufflai-je en écrasant mon mégot avant de le jeter dans la poubelle.

Elle fit une sorte de grimace.

-Un monde que je ne comprends pas. Tu es donc plus jeune que moi ?

Soudain, j'eus un instant de vide. Cette impression étrange, à nouveau, qu'on m'avait gommé le cerveau et je fronçai les sourcils, incapable de retrouver mon âge. Je pouvais retrouver mon année de naissance mais cela me parut un instant fastidieux, de me rappeler dans quelle année nous étions. Elle dut prendre mon silence comme un malaise parce qu'elle s'empressa de dire :

-Pas besoin des formules de politesse, ne t'inquiète pas, je préfère être appelée par mon prénom de toute façon.

-Je crois avoir vingt-trois ans ou quelque chose comme ça, balbutiai-je après un rapide calcul approximatif.

-Tu crois ?

Elle pouffa :

-C'est si difficile de se rappeler son propre âge, pourtant chaque année le temps nous le rappelle, non ?

Je répondis à son amusement par une figure similaire avant d'éluder :

-C'est une longue histoire...

-Je peux comprendre, admit-elle avant de jeter son mégot dans le cendrier.

Notre action menée, glacés de la tête aux pieds, on s'entre-regarda.

-Allez, prenons notre courage à deux mains pour y retourner, amorça-t-elle avec peine.

Je regardai à nouveau l'heure à mon portable en secouant la tête.

-Je pense que je ne serai pas courageux, je vais rentrer avant que ce soit la cohue après minuit dans les transports.

-Tu n'as pas envie de fêter celle nouvelle année ?

-Je serai mieux chez moi. Le passage de l'année, il y en aura jusqu'à la fin des temps de toute façon. C'est une chose comme une autre.

Mon ton dut paraître quelque peu condescendant et alors que je me voyais partir sur un malaise, elle sembla soudain soulagée.

-Je suis tellement d'accord avec toi.

Sans crier gare, elle dégaina un téléphone dernier cri embellit par une coque chargée d'autocollants en tout genre.

-Si tu t'en vas, je vais en profiter aussi.

Le départ fut simplifié par ma non-volonté de saluer qui que ce soit mais, alors que je croyais que de son côté elle aurait eu un peu plus de culpabilité envers ses amis, sans crier gare elle me suivit. La file d'attente à l'extérieur était interminable et je sentis tomber un ou deux flocons dans mon cou avant de remonter mes épaules.

On fila en direction de la sortie du métro. La station d'Hongdae était absolument blindée dans tous les sens du terme, et accéder au métro tandis qu'une foule dense en sortait se révéla compliqué.

Il était étrange de se sentir à l'inverse des autres et galvanisant à la fois.

Dans l'escalator, elle pivota à demi dans ma direction.

-Tu prends quelle ligne ?

-La cinq.

-Moi aussi. Par ici.

Nos pas s'accélèrent en entendant la sonnerie caractéristique de départ quelques secondes avant que les portes ne se ferment et on s'engouffra rapidement dans la rame quasi vide dans ce sens.

-Que comptes-tu faire en rentrant ? l'interrogeai-je.

-Lire, j'ai un roman à terminer et j'ai hâte d'être au dénouement et toi ?

-Me mettre devant un film, je suppose, admis-je. Je ne suis pas très bouquin... Tu aimes quoi comme lecture ?

-Les ouvrages réalistes et poétiques en général, j'adore les auteurs japonais notamment. Tu préfères les films à gros budget ?

-J'aime les films coréens plutôt que ceux tournés à l'étranger, davantage les thrillers ou des histoires d'affaires de flics, de tribunaux et de conspiration.

On continua d'échanger ainsi naturellement jusqu'à ce qu'elle se prépare à descendre à son arrêt. Tandis que la conversation s'arrêtait et que j'anticipais de lui souhaiter une bonne soirée, elle argua :

-Tu es plutôt cool en effet, je comprends pourquoi Sun est amie avec toi. Tu sais, j'étais mal à l'aise quand je t'ai vu tout à l'heure. J'étais persuadé que Gaeul voulait me piéger parce qu'elle s'inquiète en permanence de ma non mise en couple. J'avais l'impression que tout était préparé.

Cela me fit sourire.

-Il est possible que Sun avait cette idée derrière la tête elle aussi... Je te rassure, contrairement à ce qu'elle semble penser, je n'éprouve pas le désir de rencontrer quelqu'un pour me mettre en couple et je ne suis pas venu à cette soirée en ce sens.

-On se ressemble finalement, admit-elle tandis que le métro freinait. En tout cas, merci de m'avoir donné l'opportunité de fuir cette soirée qui n'a aucun sens selon moi. J'ai été heureuse de te rencontrer.

-Moi aussi.

Elle me fit signe de la main et quitta la rame, je la vis disparaître en direction de l'escalator sans se retourner alors que les portes de métro se refermaient dans un petit bruit électronique et que le trajet reprenait.

Dans les semaines qui suivirent, par deux fois je recroisai Hyonseo comme par hasard, en présence de Sun et d'une de ses amies. La première fut que j'obtins la véritable partie de billard qu'on m'avait promise trois semaines après le nouvel an. La seconde fut lors d'un restaurant suivi d'un karaoké. Les desseins de Sun et de ses amies semblaient évidents et, un soir, tandis que nous dînions ensemble avant de rejoindre sa bande pour un ciné, je le lui reprochais. Elle s'excusa mais me lança à la cantonade :

-Admets seulement que vous avez l'air de bien vous entendre.

-Cela n'en fait pas un argument recevable pour nous forcer de la sorte.

Elle finit par admettre les faits et m'assurer qu'elle ne recommencerait pas.

-Ça te fait du bien, au moins, de sortir ? me demanda-t-elle après un temps.

-Un peu...

-Dans ce cas-là, ma part du contrat est faite. Maintenant, soyez libres de faire ce que vous voulez, je ne vous mettrai plus en contact.

Pourtant, là où je m'attendais à ce que tout se fige, ce fut Hyonseo, ce jour-là, en sortant de la séance qui me proposa d'échanger nos identifiants KakaoTalk pour discuter. Sans aucune hésitation je les lui transmis et dans les jours qui suivirent, je lui recommandais deux films à regarder et elle me proposa deux livres à lire. Nos échanges étaient brefs, sans complications.

Alors, peu à peu, nous commençâmes à discuter. Ça ne touchait rien d'autre que des sujets banals et ordinaires, mais cela anima le quotidien. Nous ne parlions pas de nous voir et encore moins de dîner, d'avoir un rencard. C'était simplement une conversation amicale pour le simple plaisir d'échanger. Bientôt en plus des pots de peintures rangés dans ma bibliothèque fraîchement construite, s'ajoutèrent des livres.

À la fin du mois de février, je le sentis enfin, ce sentiment de vie.

C'était comme la perception d'une petite flamme de bougie, vacillante et soumise aux courants d'air et pourtant bien présente, qui me réchauffait quelque peu. Je me levais avec plus d'entrain, je me sentais plus léger, le vide disparaissait. J'avais l'impression d'enfin m'intéresser un peu au monde qui m'entourait, de me ressourcer dans des moments de calme où je n'avais plus à subir le passage du temps. Je prenais du plaisir à mon loisir, mon outillage pour le bois s'était égayé et j'avais encore envie d'en apprendre davantage.

Je voulais construire autant sur le plan manuel que symbolique.

J'en étais le premier surpris.

Quelque part, dans la capitale française, là où il avait été envoyé depuis un mois, j'espérais que Taehyung construise lui aussi un bout de sa vie.

*******

Les couloirs étaient sales, sombres, étroits, sans fenêtre, semblaient infinis, se distordant dans différents angles impossibles. Le carrelage avait la couleur des murs, verdâtre, noirâtre et dégoûtante, se déclinant d'une variation de gris. J'avançais dans ce couloir avec la sensation que je devais courir sans y parvenir. J'étouffais et à chaque respiration ma vie s'obscurcissait, ou bien étaient-ce les ténèbres qui s'épaississent ?

Les portes des couloirs étaient closes et si je m'arrêtais un instant, j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une version déformée d'un couloir de mon ancien lycée.

Mon cœur cognait à mes oreilles, stimulées, angoissées, et tout me paraissait mortifère. D'autres personnes se trouvaient avec moi mais je ne les distinguais pas, leurs visage étaient flouté, englouti par la noirceur de l'endroit. Tantôt nous avancions, tantôt nous courions. Le danger suintait par tous les murs ainsi que la sensation terrible et oppressante que j'étais en danger. J'avançais, encore et encore, trébuchant à chaque fois, cherchant Taehyung. J'avais le sentiment que je devais le trouver, que j'approchais de la salle où il était enfermé.

C'était un cauchemar, je le savais mais je ne pouvais pas en sortir. J'avais la peur au ventre, l'impression terrible que des choses allaient surgir de l'ombre et me dévorer. La porte était vitrée, un encart minuscule où l'on ne voyait que les visages. Les poignées étaient grippées et dedans Taehyung restait bloqué. Il me criait derrière l'épaisseur du battant que je devais partir. Il était dans une pièce qui devenait un couloir sans que rien ne l'explique et derrière lui, des zombis par centaines surgissaient. Ces corps décharnés, non vivants, surgissaient, s'effondrant avec horreur avant de se relever, inclinés dans des positions impossibles et effrayantes. La porte ne flanchait pas, peu importe la quantité de force que je mettais dans mon poignet pour faire pivoter la serrure. Mes yeux ne cessaient de remonter à la vitre avant de comprendre qu'il s'agissait d'un miroir, que ce que je voyais n'était pas le danger imminent de Taehyung mais le mien. C'était derrière moi que ces zombies déboulaient.

Ceux autour de moi, des alliés inconnus, sans visages, me criaient de courir, on me disait de prendre une arme que je n'avais pas et derrière la porte vitrée, Taehyung pleurait.

Il me fallut un effort considérable pour ouvrir les yeux et, tiraillé par le sommeil, envahi par les images, je fis un effort monumental pour tendre le bras en direction de mon portable. Ce fut la lumière de l'écran qui m'aida à rebasculer dans la réalité tandis que tout mon corps demeurait paralysé, encore tendu par des perceptions qu'il supposait réelles.

Il faisait nuit, je voyais la lumière naturelle derrière les rideaux épais. L'heure sur mon écran indiquait quatre heures du matin. Déshydraté, perturbé par ce que je venais de vivre, je mis un temps infini à bouger, ankylosé. Si je fermais les yeux, le cauchemar me happait à nouveau comme s'il n'avait été mis que sur pause une seconde. Son intensité m'inquiéta d'abord puis m'angoissa ensuite. C'était un sentiment pénible, un mauvais pressentiment et me redressant, faisant fi du décalage horaire, j'appelai Taehyung.

Il ne décrocha pas la première fois, la seconde fois non plus mais, même si je savais pertinemment que deux appels étaient un chiffre correct, entendable, acceptable pour montrer son inquiétude, j'essayai une troisième fois. Il décrocha.

Je l'entendis respirer rapidement, sans rien prononcer et je lançai immédiatement d'une voix cassée :

-Est-ce que tout va bien ?

Il eut un sanglot et sa voix éraillée me répondit :

« Comment fais-tu pour toujours être là à chaque fois, pile au moment fatidique ? »

Je le sentis alors, puissamment ce lien qui se passait de mot, ce quelque chose au-delà de nous qui nous liait. Il me parut se tendre, être si vivace qu'il se déclenchait même dans mon sommeil.

Il m'avait fallu être vivant pour le ressentir intégralement.

Il m'avait fallu être à distance pour comprendre son ampleur et son implication dans sa vie et la mienne.

Ce n'était pas un lien du temps, je crois que je le savais sans vraiment oser me l'avouer, c'était encore différent.

Il y avait dans la façon dont Taehyung avait formulé sa phrase, un reproche et je me redressais intégralement, la peur au ventre.

-J'ai fait un cauchemar de toi, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais inconsciemment, mon esprit a dû sentir quelque chose et m'a envoyé un message.

Il renifla.

« Il m'arrivait quoi dans ton cauchemar ? »

-Tu te faisais bouffer par des zombis.

Il eut un ricanement désabusé et j'embrayais :

-Qu'est-ce qu'il y a, où est-ce que tu es ?

Il prit un temps infiniment long pour répondre et cela me rendit presque fou un instant.

« Je suis dans un appartement, les autres sont partis faire des courses pour une soirée avant la fermeture des magasins. »

-Et pas toi ?

« Je n'avais pas le cœur à ça, je n'ai le cœur à rien. »

- Ça ne se passe pas bien à Paris ?

« C'est compliqué... »

Il y avait des trémolos dans sa voix avant que ses pleurs ne me parviennent et je repris immédiatement, les entrailles nouées :

-Taehyung, parle-moi...

« J'ai échoué... marmonna-t-il durement, j'ai cru que je pouvais le faire mais je n'y arrive pas putain... »

-Tu n'as pas échoué, tu es encore là, à me parler...

« Ça allait si bien et maintenant tout se casse la gueule d'un coup, je me sens comme une merde... je n'aurais jamais dû me mettre avec ce mec. »

Mes épaules retombèrent et mes sourcils se froncèrent.

-Quel mec ?

Il renifla longuement avant de lâcher, d'un ton qui semblait ne pas vouloir s'en préoccuper :

« Un type de la promotion, un allemand, un con. »

-Il t'a fait du mal ?

« Non, rien de tout ça à part si me prendre pour un con est considéré comme de la violence. J'ai pas envie de parler de lui. »

-C'est lui qui te met dans cet état ?

« Non ? Ça couve depuis un moment, je n'aurais jamais dû écouter ce foutu psychiatre français avec un accent anglais insupportable. Visiblement la molécule que je prends en Corée pour mon traitement, ils ne la vendent pas ici, je n'ai pas compris pourquoi, une histoire de loi... le truc qu'il m'a filé à la place je ne le supporte pas, alors j'ai arrêté de le prendre. »

Puis il rajouta :

« De toute façon avec ou sans ça change rien, j'ai impression d'être une putain d'horloge, quand je vais trop bien je sais qu'ensuite la retombée sera catastrophique et là je suis en plein dedans... »

Puis il ajouta sombrement :

« J'ai tellement envie de mourir. »

-Ecoute-moi, soufflai-je en m'asseyant dans mon lit, tu n'as pas échoué. Je sais que tu n'es pas dans une période facile et que tu as l'impression que ça ne va faire qu'empirer, mais vois déjà tout ce que tu as accompli.

Sans réponse de sa part, j'ajoutai :

-Tu as eu raison, tu sais, sur la vie qu'on menait. C'est toi qui avais raison.

« J'ai eu tort », souffla-t-il péniblement, « c'était une connerie de partir. »

-Je ne crois pas, c'est juste plus difficile que tu ne l'imaginais au départ mais ça fait déjà cinq mois que tu es à l'étranger, n'importe qui te dirait qu'à un moment donné le mal du pays arrive, non ? Tu as tenu le coup, tu as pu profiter, j'ai vu toutes tes photos sur Instagram, je reçois toujours tes lettres, tu es dans ton élément là-bas, l'accomplissement de ta peinture en passe sûrement par là, mais il faut surmonter ça et avancer encore une fois. Tu sais que tu peux le faire, tu as choisi cette voie pour ça, pour y arriver.

« Je sais que j'ai fait une promesse », marmonna-t-il avec aigreur, « c'est juste tellement difficile de la tenir. »

Ses larmes dans le combiné me brisaient le cœur.

-J'ai confiance en toi, je crois en toi.

Le silence s'installa, je me sentais à court de mots.

-Est-ce que c'est vraiment pertinent de passer une soirée dans cet état-là ?

« Je n'ai pas envie de la passer avec eux, mais j'ai peur d'être seul, je me sens mieux entouré. »

-On peut se sentir seul en étant entouré...

« Oui, aussi ».

Puis après un temps infiniment long, je l'entendis bouger.

« Je vais rentrer dans ma chambre c'est à deux pas. Tu restes avec moi au téléphone ? »

-Evidemment.

La suite ne fut que des bruits de froissements de vêtements, de portes claquées, d'escaliers, de ville.

-Comment est Paris ?

« Paradoxal » répondit-il seulement, essoufflé par sa marche.

-Dans quel sens ?

« Une ville incroyablement belle à l'esprit artistique très présent mais qui sent mauvais. Tout pue ici, tout le temps. »

Je levai les sourcils, étonné, ne m'attendant pas du tout à cette description. Les compagnies de voyage renvoyaient systématiquement l'idée que Paris était la ville la plus belle et romantique du monde et que rien ne pouvait l'égaler.

« Le métro de Séoul me manque. »

Je l'entendis arriver quelque part, claquer d'autres portes, gravir d'autres escaliers, s'installer, tomber sur un lit à ressorts et souffler :

« Ta vie, alors ? »

Je haussai les épaules sans même qu'il puisse me voir.

-Pas si différente de ce que tu connaissais jusque-là, je me suis mis à vouloir créer des meubles dans l'appartement, j'ai rangé toutes les peintures sur des étagères. J'aimerais changer la vieille table aussi.

Il m'écoutait, sans pleurer cette fois, alors je poursuivis :

-Il y a le stage qui continue de se faire et que je poursuivrai à la rentrée de mars. Je reste à l'Entrepôt en attendant pour pouvoir avoir une avance correcte d'argent, mais j'ai de plus en plus de mal à combiner les horaires. Je vois toujours Sun, j'accueille souvent Hoseok et Jin semble même faire sa place, mais Son Excellence est rigide et peu enclin à la conversation... J'ai acheté des livres, je trouve ça pénible et d'une perte de temps de lire, mais une fois dedans je n'arrive pas à décrocher. C'est une amie de Sun qui me les a conseillés, à l'inverse je lui envoie des films à regarder.

« Il y a donc une fille », remarqua-t-il soudainement.

-Ne t'y mets pas, grognai-je, j'ai suffisamment de Sun et d'Hoseok pour faire des remarques à ce sujet à partir d'absolument rien. Ce n'est pas ce que vous vous imaginez.

Puis resta le silence un long instant jusqu'à ce qu'il marmonne d'une voix tremblante :

« Je te manque ? »

-Oui.

Je n'avais pas hésité un seul instant et j'entendis ses sanglots revenir.

-Ecoute-moi. J'aurais voulu que tu ne partes pas, j'ai souffert de ton absence comme si la vie que je menais n'avait plus aucun sens mais tu avais raison, cette distance est bénéfique pour nous deux. Quelque part, depuis le départ peut-être, quelque chose est enraillé dans cette relation qu'on construit, cette co-dépendance était néfaste pour nous. Tu as été brillant, si tu n'avais pas voulu partir je n'aurais probablement jamais compris. Je suis capable d'admettre maintenant que tu avais raison, nous sommes deux vies et pas une seule, enroulées ensemble. Ces cinq mois ont fait du bien, au-delà de ce que j'imaginais mais ce lien qu'il y a entre toi et moi, je ne sais pas quel nom il a. Ça m'importe peu, appelle-le comme tu veux. Ça ne changera pas et je vais continuer à tout faire pour t'aider à la vivre cette vie, tu comprends ça ?

Entre ses sanglots, sa respiration entre-coupée, je l'entendis murmurer une vague réponse affirmative.

-Accroche-toi, Taehyung, accroche-toi à tout ce que tu as. Tu as beaucoup plus de choses en toi que tu ne l'imagines, la peinture c'est ta béquille comme elle est ta thérapie alors peins, jusqu'où tu peux, en noir, en blanc en couleurs, mais tiens bon.

« J'ai tellement envie de rentrer si tu savais... »

-Alors rentre s'il le faut.

« J'aurai échoué... si je le fais.. »

-Tu n'étais peut-être pas encore prêt, ajoutai-je. L'idée n'est pas de gagner ou d'échouer, c'était de partir, et ça, tu l'as déjà réalisé. Tu l'as fait.

Je l'entendis souffler bruyamment, renifler encore :

« Tu viendrais me chercher si je te le demandais ? »

J'ouvris la bouche mais la refermai rapidement, me retenant, sourcils froncés :

-Pas si j'ai l'impression que c'est un caprice de ta part.

Je l'entendis presque avoir un petit sourire en coin :

« Tu reprends ce ton paternaliste là. Ça, ça n'a pas changé. »

-Je viendrais te chercher si la situation était vraiment désespérée, je crois.

« Parce que tu crois qu'elle ne l'est pas là ? » répliqua-t-il d'un ton soudain courroucé.

-Non.

Je pris un temps, pour être certain de ce que j'allais dire.

-Non, Taehyung, parce que je crois que tu peux encore y arriver. J'attends ta prochaine lettre.

Il ne répondit pas tout de suite et mon cœur tomba comme une pierre dans mon estomac.

Qu'avais-je dit ?

J'avais l'impression que mon discours sonnait presque faux, comme si je tentais quelque chose de nouveau. Ne m'étais-je jamais senti si confiant pour une fois ? Ou était-ce la distance et la conversation téléphonique qui me donnaient des perceptions erronées de la réalité ?

« Ok », l'entendis-je murmurer d'une voix un peu plus sûre, « ok, je vais essayer de prendre sur moi, d'avancer même si j'y crois même pas. »

-J'y crois pour deux.

« Crois-y à 99% dans ce cas, car je ne suis pas certain de tenir les 1% restants... »

Je secouai la tête tandis qu'il murmurait :

« Tu n'avais pas fait de cauchemar depuis longtemps... »

-C'est toujours aussi perturbant d'ailleurs, ça ne me manque pas.

J'entendis une vibration et soupire :

« J'ai un appel. »

-Repose-toi surtout, dors, laisse passer la nuit et rappelle-moi demain s'il le faut.

« Hum. »

Au moment où j'allais bientôt raccrocher, il m'interpella subitement :

« Yoongi. »

-Oui ?

Un silence s'installa ou je n'entendais que sa respiration puis d'une voix basse, il chuchota :

« Tu me manques. »

Mon cœur rata un battement et je me passai une main dans les cheveux tandis qu'il raccrochait aussi rapidement qu'il avait soufflé cette phrase. Je retirai alors le smartphone collé à mon oreille, me demandant pourquoi cette simple phrase me rendait étrangement heureux.





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Chapitre corrigé par automnalh et pina_lagoon

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