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35.

-Hey sunbae, ça fait un bail, non ? Tu te souviens de moi ?

Ma phrase d'accroche sonnait assez faux maintenant que je me faisais la réflexion, mais Kim Seokjin joua le jeu :

-Min, comment t'oublier.

Le ton était aussi froid et pincé que dans mes souvenirs et ça me fit doucement sourire de voir qu'il ne semblait pas plus naturel que moi. Pourtant, il se tourna vers ses camarades, composés d'une majorité de femmes :

-C'est un dongsaeng de mon lycée sur Daegu à qui je donnais des cours.

-Quelle chance il avait ! scanda l'une d'entre elles.

J'aurais pu croire que le ton était ironique mais il n'en était rien, elle paraissait parfaitement sérieuse, envieuse même. Seokjin l'ignora superbement avec une indifférence aristocratique qui devait sûrement lui donner du succès auprès des autres. Je résistai à l'envie de pouffer dans ma main. J'avais oublié qu'il ressemblait presque à un cliché, à quelque chose de trop parfait pour être complètement réel.

-Tu sors fumer ?

Surpris par sa question directe, j'acquiesçai et me souvenant soudain de mon rôle, je levai ma clope et mon briquet entre mes mains presque théâtralement.

-Je t'accompagne, ça nous permettra d'échanger sur le bon vieux temps, lança-t-il.

C'était si faux que cela semblait presque un gag.

-Oh non, scanda une autre de ses camarades, on allait commencer un nouveau jeu à boire...

-T'inquiète chérie, je vais te le faire, moi, ton jeu, embraya directement un jeune homme au crâne rasé trop heureux de voir un rival s'en aller.

-Reviens vite, lança une dernière fille.

Je m'inclinai doucement avant de prendre la direction de ma propre table. Si le plan de mon aîné était de m'utiliser pour se barrer de sa soirée, je pouvais décemment en faire de même.

J'informai Jiyoong et le reste de mes camarades que j'avais vu un ancien sunbae de mon lycée et que je sortais pour griller une cigarette, personne ne s'en formalisa. A contrario de Seokjin ma présence ne paraissait pas indispensable.

Ça m'arrangeait.

Dehors, l'hiver rude de la capitale nous frappa en plein visage, s'infiltrant par tous les interstices de nos manteaux, écharpes et gants. Clope au bec, je relevai les épaules dans mon cou, déjà frigorifié.

Kim Seokjin avait un manteau similaire au mien, sa doudoune épaisse était par contre bien plus longue et, me sembla-t-il, bien plus coûteuse que la mienne. Il me toisa d'un air courroucé.

-Fumer c'est mal, Min.

-Mentir aussi, non ? rétorquai-je.

Il se renfrogna avec sa figure guindée habituelle :

-Tu n'as pas changé, tu es toujours aussi informel.

-Je t'en prie, fis-je mine de me sentir flatté.

Je retrouvai avec joie le plaisir que j'avais pris à le titiller à la fin de mon tutorat. Même si nos séances, et nos échanges, n'avaient pas duré très longtemps, j'avais toujours eu un sentiment de familiarité avec ce type quand bien même nous venions de deux mondes différents avec deux caractères opposés.

-Ta soirée est-elle si insupportable ? le questionnai-je, réellement curieux de savoir pourquoi j'étais venu jouer le héros.

-Je ne dirais pas insupportable, rectifia-t-il, imbuvable.

-Pourquoi venir dans ce cas ?

-Parfois c'est plus facile que de dire non.

J'acquiesçai en tentant de faire sortir une flamme de mon briquet. Dépité, je dus me résoudre à demander à un type non loin de me prêter le sien. En revenant vers mon aîné, je demeurais surpris de ne pas l'avoir vu bouger.

-Je t'ai libéré, admis-je, tu peux y aller, je ne te retiens pas. En plus, il fait un froid de chien.

-Ne sois pas stupide, je ne vais pas partir comme un voleur en te laissant là, répliqua-t-il de manière implacable.

Il mettait de la politesse là où il n'y en avait pas.

-Tu pourrais, je ne t'en tiendrais pas rigueur, je comptais aussi trouver un moyen de me barrer de là, admis-je seulement.

-Ta soirée est-elle si insupportable ?

-Imbuvable je dirais, lui répondis-je en faisant un petit sourire.

Il n'eut aucun rictus, aucun amusement, aucun froncement de sourcils, mais il finit par dire :

-Tu aimes la soupe ?

Sa question me désarçonna et je recrachai ma fumée en toussant :

-Quoi ? La soupe ?

-Oui, le bouillon de légumes.

-Je suppose, éludai-je, comme plein de gens...

-Suis-moi alors.

-Pour aller où ?

-Boire un bouillon.

Cette conversation était lunaire.

-C'est la proposition la plus barrée qu'on ne m'ait jamais faite... Vas-y, je te suis.

Il pivota d'un air mécontent.

-Je ne te permets pas d'être aussi informel avec ma personne, Min.

-Toutes mes excuses, votre excellence, répondis-je sarcastiquement.

Je fus certain qu'il regrettait de m'avoir invité durant tout le trajet jusqu'au minuscule restaurant qui vendait porridge, bouillon et autres soupes. Dans cette partie du quartier, il y avait peu de clients et nous étions les seuls à avoir moins de cinquante ans. Une vieille ahjumma nous servit de la soupe dans un des bols accompagné d'un peu de riz bouilli. Ainsi, sur des tabourets de plastique, autour d'une minuscule table sans aucun charme, plus proche de la table de camping que d'une table de restaurant, je humais les odeurs qui se dégageaient de mon bol. Armé de ma cuillère, plus large qu'une cuillère à soupe habituelle, je pris quelques gorgées.

Cela me fit un bien considérable, au-delà de ce que j'imaginais au départ.

La dernière fois que j'avais mangé un plat d'hiver comme celui-là, remontait au moment où je vivais encore avec ma mère, avant qu'elle ne retourne chez ses parents.

Ou bien était-ce dans ma vie d'avant ?

J'étais de nouveau confus un instant.

On dîna silencieusement et je terminai mon bol rapidement, réchauffé.

-Les gens sous-estiment l'importance d'un tel plat et ses qualités, prononça Seokjin en reposant son propre bol.

Il y avait dans ses gestes un semblant d'éducation stricte et bourgeoise qui lui donnait un air royal.

-Je te remercie en tout cas.

Je commandai un verre de vin chaud qu'il déclina et lui demandai :

-Que deviens-tu ?

-Je suis un étudiant comme un autre qui tente de décrocher son diplôme.

Le comme un autre me fit doucement rire. Monsieur Parfait croyait-il être si ressemblant aux autres ?

-Laisse-moi deviner, tu es un étudiant de la S.K.Y, non ? lui lançai-je, amusé.

Il me jeta un coup d'œil, laissant peu d'indices sur ce qu'il pensait vraiment, mais il finit par acquiescer silencieusement :

-Comment le sais-tu ?

-Tu étais le meilleur élève du lycée, lui rappelai-je, simple supposition. Je n'avais aucun doute que tu intégrerais l'une des trois plus prestigieuses universités de notre pays.

-Ta présence ici, fournit-elle la preuve nécessaire que tu as eu ton examen de fin de lycée ? m'interrogea-t-il.

-Je l'ai eu, grâce à toi. Tu en doutais ?

-Ton niveau était catastrophique et misérable, je suis étonnement surpris.

-Je ne suis pas rentré dans la même université que toi, je suis dans une faculté moyenne, je fais du commerce, des statistiques et de la compta, poursuivis-je en ignorant sa dernière phrase.

Je le vis tiquer, mais il marmonna :

-Je suis dans une section de commerce international.

-Je ne suis pas surpris. Dans quelle entreprise effectues-tu ton année de stage ?

-Une société d'assurance pour les voitures.

Ce fut à moi de tiquer et le verre au bord de lèvres, je me figeai :

-J'ignorai que dans une telle université vous faisiez des stages aussi... basiques ? Je pensais que vous étiez envoyés dans les grandes entreprises chaebeol : Samsung, LG, Hyundai, Korean Airlines, entre autres....

-Nous pouvons effectuer les stages que nous désirons où nous le désirons, éluda Seokjin.

Il ne sembla pas vouloir répondre davantage mais me voyant rester silencieux, prêt à attendre, le temps qu'il faudrait pour davantage d'explications, il finit par reprendre :

-C'est mon choix. J'ai effectué un stage chez Samsung et le groupe SK l'année dernière mais je voulais... revenir à l'essentiel.

-Pourquoi pas, supposai-je, mais les plus petites sociétés peuvent-elles vraiment t'embaucher ? Ça touche moins à l'international et les postes comme les tiens ont des salaires impressionnants habituellement...

-Non, je fais simplement de la compta et j'aide le chargé de finances.

Il dut apercevoir sur mon visage que ça me déroutait parce qu'il se redressa :

-Ça se rapproche plus de tes compétences, j'en suis conscient. J'aime pouvoir travailler à échelle humaine et mettre le nez dans des petites sociétés me plaît. L'ambiance est différente, c'est assez familial et engageant.

Oui, il était véritablement parfait, c'était le mot.

Je supposais qu'il y avait une raison supérieure à cela mais il ne m'en parla pas davantage.

-Et toi ?

-Je suis coincé dans ma deuxième année et je dépends de mes sunbae pour trouver des stages avant les vacances d'hiver. Ce qui se révèle être un échec. Contrairement à vous, les grandes universités, les plus petites ont moins de place et la compétition est rude pour accéder à certains postes.

-Dans quoi voudrais-tu travailler ?

-La même chose que toi actuellement, tout me convient. Des petites entreprises ou des compagnies qui ont un chiffre d'affaires, même s'il n'est pas d'un grand ordre. Compter c'est mon truc et faire des plans de financement aussi.

-Pas de gestion financière ou de chargé d'affaires budgétaire ?

-Je n'ai pas le niveau, avouai-je, et je ne touche pas à tout ce qui est droit, gestion patrimoine, analyse du marché ; ça c'est votre job à toi et les gens qui sortent de la S.K.Y, ceux qui bossent dans le commerce ou la spécialisation finance.

Il acquiesça seulement et nous continuâmes d'échanger sur le sujet. Malgré le fait qu'il me reprochait mon côté informel, notre discussion fut cordiale. Comme je m'y attendais, à travers ses mots, Seokjin se montra d'une perfection à tous les égards. Son discours était propre, intelligent, et ses notions justes. Je sentis l'écart qu'il y avait entre lui et moi, ce qui nous différenciait au-delà du niveau d'études, de l'âge, ou du milieu social mais en termes de connaissances.

On resta deux heures à se parler, et lorsqu'enfin mon corps se mit à refroidir, je finis par prendre congé, pressé de rentrer, prendre une douche brûlante et me coucher :

-Ravi de t'avoir revu en tout cas.

Il se leva prestement.

-Merci de m'avoir... dépanné, je dirais. C'était aimable de ta part.

-À ton service, éludai-je.

Je lui fis une petite révérence qui le fit rouler des yeux et le saluai ensuite distraitement. Pourtant, alors que je refermais ma veste, prêt à affronter le froid glacial jusqu'à la station de métro la plus proche, une nouvelle clope au bec, il m'interpella :

-Min.

Je me tournai à moitié vers lui, mais il ne se passa rien. Il demeura silencieux comme en pleine réflexion et j'attendis jusqu'à ce qu'il me tende la main :

-Donne-moi ton numéro, je te prie.

Je fus le plus surpris et il m'arrêta immédiatement :

-Ça n'a rien d'amical, c'est purement professionnel.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

-J'ai un autre stage d'ici quelques semaines, dans une autre compagnie, un fabricant de vélos électriques, une marque qui s'est lancée il y a moins de cinq ans...

-Comment fais-tu pour décrocher autant de stages ? m'exclamai-je en lui tendant mon téléphone, on dirait que ça ne te demande aucun effort.

-Je te ne le dirai pas.

Il enregistra mon numéro puis ajouta le sien :

-Il y a moyen qu'il cherche d'autres stagiaires, si j'ai des infos, je t'appellerai.

Mais avant que je n'aie eu le temps de le remercier, il poursuivit presque sévèrement :

-Ne me harcèle pas si je ne te donne pas de nouvelles. Pas de messages intempestifs non plus, je ne fais que des appels. Je te bloquerai à la moindre occasion.

Je me mis à pouffer en secouant la tête avant d'acquiescer :

-Entendu.

On se salua et je récupérai le premier métro venu, tentant au mieux de me réchauffer. Une fois assis dans la rame qui filait d'arrêt en arrêt, je sortis mon téléphone. Son contact était encore ouvert sur mon écran et je me mis à sourire en secouant la tête.

Sacré personnage.

En rentrant à l'appartement je me sentais vidé, il n'était pourtant pas tard mais la fatigue accumulée se faisait doucement sentir sur mon corps. Pressé de prendre une douche et de filer au lit, je fus surpris de voir Hoseok assis dans le canapé et cela me réveilla brusquement.

-Tu es déjà rentré ? m'étonnai-je.

Il ouvrit la bouche puis la referma et, sans réussir à interpréter son expression, je croisai le regard de Taehyung assis à côté de lui sur le canapé. Ce dernier se leva prestement.

-Je descends m'acheter une boisson à la supérette en bas, m'informa-t-il.

Il semblait fatigué et de mauvaise humeur et me dépassa sans un mot. Me libérant de mon manteau puis de mes chaussures, lentement, je pris la place qu'il venait de quitter. Lorsque la porte d'entrée se referma avec le bruit caractéristique du verrouillage électronique, Hoseok m'offrit un regard un peu coupable.

-J'ai vraiment été trop con, hyung.

Il se prit la tête entre les mains, les coudes sur ses genoux.

-J'ai été tellement nul...

-Ça ne s'est pas bien passé ? lui demandai-je en passant une main sur son dos dans un geste réconfortant.

-C'est ma faute, souffla-t-il en se redressant.

Il soupira plusieurs fois avant de se tourner vers moi.

-En plus je crois que j'ai contrarié Taehyung par-dessus tout ça.

-Pourquoi tu l'aurais contrarié ?

-Je suis rentré, j'avais plein de questions et dans mon ignorance, je pense... que je l'ai un peu agacé.

-Ton ignorance ?

-Hyung, je ne savais même pas ce qu'était une personne trans.

Il secoua la tête en fermant les yeux.

-Je m'attendais pas du tout à ça, j'ai réagi comme un débile, je n'ai pas compris ce qu'elle disait... Je voyais bien qu'elle était sérieuse et du coup pour détendre l'atmosphère, j'ai fait une petite blague stupide.

Il se reprit :

-Pas une blague inappropriée, mais mal venue dans un moment pareil. Ça a dû lui donner l'image d'un type qui ne prend rien au sérieux.

Il souffla encore :

-D'abord j'ai voulu faire le malin, le type qui savait, mais en fait, je n'ai pas réussi à jouer le jeu. Je lui ai fait répéter puis j'ai admis que je ne comprenais pas. Quand elle a dû m'expliquer, je me suis senti comme un con et je ne m'attendais pas à... tout ça.

Il se frotta le visage de ses paumes avant se rattraper :

-Je ne devrais pas dire « tout ça », c'est ce qui a contrarié Taehyung, je crois. Tu vois, j'ignorais même que des mots que j'utilise, des expressions ou des abus de langage pouvaient être offensants...

-Je comprends, admis-je en lui tapotant le dos.

-Même si Sun m'a expliqué, je suis rentré avec énormément de questions. Taehyung a dû y répondre. Il m'a un peu ouvert les yeux sur tout ce que j'ignorais ou que je refusais de voir, je ne sais pas...

-Et avec Sun, comment ça s'est terminé ?

-Je crois que je l'ai blessée alors que ce n'était pas mon intention, j'ai juste été surpris et choqué... Je ne savais pas trop quoi dire, il m'aurait fallu du temps pour tout saisir, mais du temps elle n'en avait pas. Elle est partie en me disant au revoir comme si elle n'allait jamais me revoir.

-Mais tu as envie de la revoir ?

-Bien sûr ! s'exclama-t-il. Mais... je t'avoue que je suis confus tout de même...

Il resta un moment silencieux à regarder le vide.

-Je ne me suis jamais posé ce genre de question sur le genre, le sexe, la sexualité, ça a toujours été... évident et facile, non ? Dans le fond, je ne me suis jamais demandé comment c'était pour ceux qui, au contraire, ne trouvaient pas ça si facile et si évident. Et là, c'est comme si tout devenait complexe. Du coup ma non-réaction ou mon expression a dû... lui faire du mal. Ce n'était pas du tout mon intention je te jure, hyung, c'est juste que... je ne sais pas comment réagir...

-Je comprends.

Je n'avais malheureusement rien à dire de plus. Je me sentais comme un très mauvais ami, dans la difficulté de trouver les bons mots, mais dans le fond, je comprenais véritablement tout ce qu'il disait.

-J'ai peur de la revoir et que je sois complétement, encore, à côté de la plaque, et en même temps si je ne reviens pas vers elle, c'est comme si c'était l'indifférence ? C'est quoi les codes ? C'est quoi les règles ?

-Ah, tu as dit ça à Taehyung et après ça il t'a grondé, c'est ça ? supposai-je.

-Oui....

-Les mots codes et règles, il les a en horreur.

-Maintenant je me sens largué, lâcha Hoseok en s'enfonçant dans le canapé, complètement pas à la page. Je pensais que j'étais quelqu'un d'ouvert d'esprit, que rien ou presque ne me surprendrait, et je découvre qu'en fait je sais rien du monde qui m'entoure. Rien du tout. Je suis à des années-lumières de la réalité.

Il se redressa à nouveau en proie à différentes émotions.

-Je fais quoi, hyung ?

-Tu as envie de faire quoi ?

-J'ai envie de m'excuser et en même temps, je sais même pas comment comprendre ou appréhender ça...

Je mis quelques secondes à lui répondre, m'enfonçant à mon tour dans le canapé :

-Laisse-toi du temps pour faire le tri entre tout ce qu'elle t'a dit, tout ce dont Taehyung t'a informé aussi et agit comme tu le fais habituellement.

-C'est-à-dire ?

Le voir si peu confiant de lui-même me donna un pincement au cœur et je m'arrachai un sourire en coin.

-Comme quelqu'un de réellement ouvert, bienveillant et toujours prêt à aller vers les autres.

Hoseok secoua la tête :

-La preuve que non...

-C'est normal qu'il y ait des choses que tu ne saches pas ou que tu ne connaisses pas, non ? On n'a pas la science infuse. Même si ta réaction n'a pas été aussi brillante que tu l'imaginais, je pense que non seulement Sun est en mesure de comprendre si tu lui expliques, mais que si vraiment tu envisages des choses avec elle, tu peux te rattraper.

-Tu crois ?

Il se passa une main dans les cheveux.

-J'avoue que je ne sais plus trop où j'en suis, là.

Je lui posai une main sur l'épaule.

-Essaye de penser à autre chose ce soir, essaye de dormir aussi, demain est un autre jour et tes pensées seront sûrement plus claires.

-Tu as sans doute raison...

On resta ainsi, avachis dans le canapé taché jusqu'à ce que je lance un film sur mon ordinateur, un blockbuster américain sans grand intérêt. Taehyung arriva à ce moment-là, prépara des cappuccinos et on se cala tous les trois devant l'écran. Je ne fus pas certain que dans notre trio nous fûmes très concentrés, mais cela passa le reste de la soirée jusqu'au coucher et je laissai l'ordinateur à Hoseok avant de prendre la direction de ma chambre, deux heures plus tard.

Je proposai à Taehyung de prêter des écouteurs à mon meilleur ami pour qu'il ne soit pas dérangé par le son du film en sachant qu'ils dormaient dans la même pièce - les parois de la chambre du gamin n'étaient pas très bien isolées - et il me répondit avec agacement :

-De toute façon je dois bosser sur une peinture, je m'en fous du son.

Je voulais en savoir davantage sur les raisons de sa contrariété, mais il se détourna de moi et je finis par prendre la direction de la chambre.

Le lendemain matin, non seulement Taehyung n'avait rien peint et semblait encore plus morose qu'habituellement, comme déçu de lui-même, mais Hoseok avait à peine dormi. Il se leva en retard alors que je préparais le petit-déjeuner. Mon meilleur ami avait aussi profité de ce week-end pour prendre rendez-vous dans des centres de formation universitaire dans sa volonté d'éventuellement reprendre ses études.

Toute la journée durant, nous n'évoquâmes pas Sun.

Hoseok devait repartir en train le soir-même avant que je n'embraye pour faire la nuit à l'Entrepôt. Ce ne fut donc, que deux heures avant de partir, tandis que nous envisagions d'aller boire un iced-coffee dans un café proche de la gare, qu'il m'interpella :

-Il faut que je la voie.

-Elle doit bosser, admis-je, elle n'est pas mon binôme pour la nuit donc j'ignore si elle travaillait ce matin ou si elle est encore à l'Entrepôt.

-Je vais l'appeler alors, laisser un message sur son répondeur, ou mieux, lui écrire un long texte...

Il semblait redevenir lui-même soudain plein d'entrain et de vie mais avec cette note touchante et réconfortante qui le caractérisait tant.

-Je vais m'excuser et lui dire que je suis un ignorant total, mais que dans le fond ça ne change rien. Je veux apprendre mais surtout je ne veux pas perdre son amitié ou le lien que nous avons. Ce serait trop bête...

Puis il s'enflamma :

-Une lettre, je vais lui écrire une lettre !

Ce fut exactement ce qu'il fit. Il écrivit des tartines impressionnantes, plusieurs pages jusqu'à cacheter l'enveloppe et me demander d'un air de petit chiot :

-Tu pourras le lui remettre ?

-Je le ferais.

Ainsi, le week-end avec mon meilleur ami se termina sur cette note un peu plus positive.

La semaine s'enclencha et le courrier bien scellé demeura un moment dans mon sac. Non seulement je n'arrivais pas à croiser Sun, je supposais aisément qu'elle n'avait pas envie qu'on aborde le sujet ensemble, mais nous n'avions pas d'horaires en commun et restions assez débordés chacun de notre côté.

Je ne réussis qu'à glisser le courrier dans le casier contenant ses affaires à l'Entrepôt, trois jours plus tard.

Par ailleurs, je n'eus aucune nouvelle de Kim Seokjin, ni des demandes de stages que j'avais effectuées de mon côté. La semaine se termina avec un Taehyung silencieux et contrarié, bousillant ses différentes toiles sans savoir vraiment quoi et comment peindre.

Tout ce que je compris dans les mots mâchés qu'il m'adressa, c'était qu'il avait un nouveau devoir à rendre avant la fin de l'année et qu'il devait réaliser un cœur mais avec l'interdiction d'utiliser du noir.

Condamné aux couleurs, cette directive semblait lui déplaire.

-Tu peux faire un cœur humain, rouge, proposai-je un soir en terminant la vaisselle. Ça rentre dans les critères, non ?

Il me jeta un regard torve comme s'il doutait de mon intelligence ce qui manqua de me vexer.

-Oui, comme 99 % de mes camarades, quelle idée formidable ! ironisa-t-il.

-C'était une proposition, me renfrognai-je.

-C'est pas un cœur qu'il faut peindre, mais quelque chose du cœur ou au cœur de... c'est plus subtil et symbolique. Tout comme le pont de la dernière fois, il ne faut pas prendre ça au sens strict.

Il reparlait de la peinture où il avait obtenu la meilleure note de la classe.

-Et tu n'as pas d'idée ?

-Non.

Il restait seulement un mois avant les examens et la fin d'année universitaire. Un délai court pour un projet qui pouvait prendre un certain nombre de temps.

Pour ma part j'étais frustré de ne pas avoir trouvé de stage pour la période des vacances d'hiver et la rentrée prochaine et bien que j'avais (aie) des difficultés à l'accepter, j'étais au moins rassuré à l'idée que mes finances ne se portaient pas trop mal à présent. Mes examens m'inquiétaient peu par ailleurs et j'attendais le retour de Sun et de sa lettre pour reparler de ce sujet avec elle.

Dans le fond, je me faisais le constat que les choses se passaient étonnement bien. Un semblant de stabilité se mettait doucement en place malgré pourtant des signes, qui m'inquiétaient mais que je refusais de voir.

Les signes finissent toujours par s'imposer à nous.

*******

J'ouvris les yeux péniblement, affalé dans mon lit, la couette remontée jusqu'au nez, baigné par une chaleur à la fois réconfortante mais poisseuse. Conscient d'avoir trop chaud. Mon corps me parut lourd, courbaturé, mes paupières pénibles à ouvrir. Cette impression d'être arraché au sommeil était due à la voix de Taehyung dans l'encadrement de la porte, râlant :

-Qu'est-ce que tu fabriques, bon sang ? Dix fois que je t'appelle, on va être en retard ! Ils ont prévu de la neige aujourd'hui en plus.

Dans un effort pénible pour me relever, je me sentais nauséeux, parasité et mes yeux tombèrent sur le radio-réveil.

Il ne me restait que dix minutes pour me préparer.

L'agencement de mes membres fut pénible pour sortir du lit, j'avais la tête prise dans une migraine infernale. Je me sentais étrange mais surtout, particulièrement en retard. C'était rare, improbable même.

Jamais je n'étais en retard.

J'enfilai une tenue rapidement sans m'occuper de savoir si le haut irait avec le bas, filai vers la salle de bain me brosser les dents tandis que déjà prêt, Taehyung trépignait en mettant ses chaussures.

-C'est fou ça ! D'habitude, tu ne te rendors jamais ! me lançait-il.

Mon visage dans le miroir me fit un effet étrange et mon estomac se contracta douloureusement mais je n'avais pas le temps de m'occuper de ça. Je tâchais de chasser le nuage autour de mon esprit, me rafraîchit la bouche puis courus me préparer un mug isotherme avec le café réchauffé de la veille pour le boire durant mes cours.

Au moment de refermer le réceptacle, ma tête tournant, je m'accrochai subitement au meuble.

La sensation d'un vide étrange me paralysa et mon cerveau traversa une zone de blanc incompréhensible avant de revenir à la normale. Assoiffé, barbouillé et en proie à un malaise dont je ne comprenais pas la teneur, je me dirigeai lentement vers le meuble à chaussures près de l'entrée.

Je devais aller en cours.

Taehyung avait sa tête des mauvais jours, les cheveux rassemblés sous un bonnet, l'écharpe enroulée autour de son corps, les sourcils froncés et la mine désagréable. Son impatience se sentait, son irritabilité était étouffante.

Mais moi, plus j'avançais plus j'avais le sentiment de paniquer, de traverser quelque chose que je ne pouvais pas saisir.

Je me sentais vide.

Vide et déchiré, comme soudain coupé en deux. Clignant des yeux, je peinai à observer mon environnement comme si j'avais du mal à le reconnaître.

Tout me paraissait nouveau et habituel pourtant alors pourquoi j'éprouvais un sentiment d'étrangeté paralysant ?

Qu'est-ce qui m'arrivait ?

Taehyung fit une grimace devant moi.

-Qu'est-ce que tu as ?

-Je ne sais pas... je me sens...

Même ma voix tremblait et je reposai malhabilement mon mug de café chaud sur un coin de meuble avant de me prendre la tête, me frottant les tempes.

Je me sentais faible, dans l'incapacité de penser.

Penser à tout, à rien, me demandait un effort considérable.

-J'ai dû pas mal cauchemarder cette nuit, admis-je en tentant de reprendre contenance et en avançant encore.

-Pas du tout, répondit Taehyung toujours impatient de partir, tu as dormis d'une traite, ça doit être la première fois je crois...

Je fronçai les sourcils, ayant du mal à sortir du flou qui enserrait mon cerveau.

Ça voulait dire que je n'avais pas rêvé de l'accident ?

L'Accident.

Je me figeai, mon corps se mit soudain à trembler, quelque chose fit écho en moi soudainement. Je me sentis frigorifié comme si je me trouvais à l'extérieur, supportant les vents glacés de l'hiver et je fis un effort considérable pour me souvenir.

Quel accident ?

Mes bras m'en tombèrent alors brusquement et je sentis l'angoisse venir couper mon souffle.

Dans ma tête ce fut la panique et je fermai les yeux, respirant de plus en plus fort, me crispant davantage.

Quel accident ?

De vagues réminiscences me venaient, des flashs, des échos, de cette vie d'avant, de cet instant, puis un à un, comme si on gommait certains éléments, les images disparaissaient. C'était comme si je tentais d'attraper un nuage, tout se dérobait dans ma tête comme si on vidait un sablier de sable. Je courais après les images vainement en paniquant, incapable d'en arrêter la fuite.

Mes souvenirs s'effaçaient.

Pourquoi ?

-Qu'est-ce que tu as ? s'inquiéta soudain Taehyung en changeant d'expression de visage.

Je n'arrivais pas à lui expliquer, les yeux écarquillés, le corps plié en deux comme vaincu par une douleur aiguë. La sidération laissa place à une panique beaucoup plus grande encore et je fermai les paupières, forçai sur mon esprit, quitte à m'en faire exploser le crâne, pour tenter de retrouver des images, tenter d'en attraper quelques-uns.

Je tentais de courir dans les vagues qui me rejetaient toujours sur la plage emportant les couleurs, les objets, les symboles de ma vie loin avec le courant, tout me paraissait inaccessible à présent.

Et surtout : l'Accident.

La sensation de froid revint, j'entendais presque les pneus de la voiture crissant sur le verglas puis...

Puis il n'y eut plus rien.

L'instant disparu, la date, l'heure, les sensations, la voiture, tout.

Tout disparut.

Tous mes souvenirs d'avant, un à un, se dilapidèrent dans le néant.

Toute ma vie d'avant disparue.

J'étais mort.

Les larmes arrivèrent déboulant sur mon visage, débordant, le chagrin me prit comme jamais jusqu'alors il ne m'avait pris, je me mis à pleurer de tout ce que contenait mon corps, mon âme, mon cœur et Taehyung paniqua ; je sentais ses bras m'entourer tandis que je m'accrochais à lui désespérément.

Mes jambes manquèrent de ployer sous mon poids et je tentai de respirer par grandes goulées, en vain. Je ne voyais plus rien, plus la réalité, seulement la sensation pénible que ma vie m'échappait.

Je mourais.

Ce fut sûrement ça que Taehyung entendit parce qu'il m'agrippa plus fort, sa panique faisant tressauter son corps, ses phrases résonnant dans ma tête en passe de devenir vide :

-Qu'est-ce que je dois faire ? Qu'est-ce que je dois faire ?

Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer, de crier, de tenter en vain de rattraper quelque chose, un souvenir oublié, une perception. N'importe quoi.

Rien.

Il ne me restait plus rien.

Ma vie d'avant mourait en moi.


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Chapitre corrigé par pina_lagoon et automnalh

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(09.12.21) Merci beaucoup pour les 50k ❤️💜 . Je suis toujours aussi heureuse de vous voir aimer cette histoire~

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