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33.

Ce jour-là, Kim Taehyung m'attendait de pied ferme à l'appartement. C'était là un événement suffisamment rare pour que ça m'interpelle.

J'avais conscience alors que cela ne voulait dire qu'une seule chose : il avait quelque chose à me demander.

Ma journée de cours s'était terminée en début de soirée, après dix heures passées assis dans des classes fermées, le nez sur un écran d'ordinateur. Je n'avais donc qu'une hâte en rentrant à l'appartement : manger, me laver, me coucher et évacuer cette migraine que les écrans provoquaient habituellement.

De ce fait, ouvrir la porte et le voir m'attendre comme un enfant sage, les mains jointes derrière son dos, avec la certitude que s'il prenait un air innocent, il obtiendrait ce qu'il voulait, ne me donna pas envie d'engager la conversation. J'en soupirais d'avance.

Je laissais planer le silence après l'avoir salué, retirant mon manteau, mes gants et mon bonnet, essayant quelque peu de réchauffer mes mains gelées. J'étais véritablement exténué et j'allais devoir me lever aux environs de quatre heures du matin pour me rendre à l'Entrepôt. J'avais encore une fois fait chou blanc dans mes recherches de stages. La fin d'année approchait et je désespérais à l'idée de pouvoir prendre de l'avance.

Visiblement, les postes étaient jalousement gardés par les élèves des années supérieures et j'avais beau tenter par tous les moyens de pouvoir y accéder, je restais, comme toutes les personnes de ma promotion, sur le banc de touche. Les traditions universitaires voulaient que ce soit les aînés qui puissent confier les stages aux années inférieures et ainsi de suite. L'idée n'aurait pas été mauvaise en soi, si la hiérarchie sociale n'était pas déjà suffisamment compliquée au départ. Je n'avais aucun contact avec un ou une élève de troisième année et je n'avais pas le loisir de participer à toutes leurs soirées étudiantes dans l'unique but de me faire accepter, ou de me faire pistonner pour l'année suivante.

Parce qu'il était là, le jeu pervers de ce système. Attribuer ce pouvoir aux années supérieures stipulait que ces derniers contrôlaient à leur guise les choses. Et nous, pauvre année inférieure, nous acceptions bon gré mal gré le bizutage et autres demandes inadaptées dans l'espoir de décrocher le graal. Et, comme si le système n'était pas assez malfaisant, nous nous engagions inconsciemment à répéter ce fonctionnement aux années suivantes quand viendrait notre tour d'abuser de ce pouvoir.

-Tu as passé une bonne journée ? s'enquit le gamin avec bonne volonté en s'approchant de moi.

Il portait un gentil sourire sur les lèvres et une attitude prudente auxquels je n'étais pas dupe. Je soupirai, me frottant les tempes avant de marmonner :

-De quoi as-tu besoin ?

Le sourire devint une grimace et il grogna :

-Tu pourrais au moins me répondre avant de supposer que j'ai besoin d'un truc...

-Kim, j'ai la migraine, je suis exténué, j'ai passé une sale journée, je sais que tu veux me demander quelque chose, soufflai-je bruyamment. Dis-moi juste ce qu'il te faut.

Mes yeux observèrent minutieusement notre appartement et j'aperçus qu'il l'avait rangé et nettoyé, que tout semblait en ordre. L'aspirateur avait aussi été passé et la vaisselle faite. Il avait mis les moyens, mais je doutais que cela puisse être suffisant.

-J'ai besoin que tu signes un truc, finit-il par lâcher.

-Je ne signerai rien que je n'aurais pas lu auparavant, grognai-je en me laissant tomber de tout mon long sur le canapé, le nez dans les coussins.

-C'est une autorisation de droit à l'image, je ne pensais pas que ce serait si important mais les profs insistent. Ils disent qu'il y a une loi sur...

-Une loi cybernétique, admis-je les yeux à moitié fermés, toute image est soumise à une autorisation, c'est pour éviter les fuites des données et tenter de maîtriser le cyberharcèlement.

-Ça y est, tu recommences, sembla-t-il s'agacer, à faire le monsieur-je-sais-tout...

-Je sais des choses, je te les partage, me défendis-je.

-Signe le papier, s'impatienta-t-il en me tendant la feuille. C'est tout ce dont j'ai besoin, pas besoin d'un cours.

-Pourquoi tu veux me faire signer une autorisation de droit à l'image exactement ?

-Pour les photos...

Je tournai la tête, avachis comme une âme en peine dans ce canapé taché de peinture que Sun trouvait « très stylé » selon ses dires.

-Les photos ? répétai-je en fronçant les sourcils. Quelles photos ?

-Les photos que j'ai prises de toi il y a une semaine de cela, trépigna-t-il en secouant la feuille toujours dans sa main. J'ai besoin que tu me donnes ton accord tout simplement, ne chipote pas.

J'allais évidemment chipoter.

-Pour quoi faire ?

-Pour que d'autres puissent les voir, que je puisse les utiliser, les montrer et... les exposer.

Il avait prononcé à toute vitesse, à tel point que mon cerveau dut faire un effort ultime pour tenter de décortiquer chaque mot. Quand les informations arrivèrent enfin entièrement, je me relevai de moitié :

-Comment ça les exposer ? De quoi est-ce que tu parles exactement ?

Taehyung souffla bruyamment, comme si j'étais un enfant capricieux qui ne voulait rien entendre. C'était tout le paradoxe qu'il y avait souvent entre-nous, car de nous deux, à mes yeux, c'était lui l'enfant aussi têtu que rigide.

-Je te l'ai déjà dit, tu n'écoutes jamais ! Avec la fin d'année qui arrive, certains étudiants sont triés sur le volet pour pouvoir exposer dans la galerie attenante à l'école. J'aimerais y participer et présenter un projet.

-Tu ne m'as jamais parlé de cette expo... me défendis-je.

-Bien sûr que si.

Il me mettait le doute. Aurais-je à ce point-là oublié ce qu'il pouvait me dire ?

-Si tu m'avais dit que tu exposerais des photos, je m'en serais souvenu, tout de même, râlai-je en me remettant en position assise.

-Pas la photo exactement, le tableau lié à la photo.

-Attends, quoi ?

Il souffla, se crispa, mais sembla impossible à calmer dans cette montée d'agacement que j'étais en train de lui provoquer. Le voir si vite irritable ne fit qu'empirer ma migraine et ma potentielle mauvaise humeur.

-Tu fais exprès de ne pas comprendre, c'est ça ? C'est pourtant très clair ! Je veux peindre l'une des photos que j'ai prise de toi, recouvert de peinture, le week-end dernier. Je veux la peindre si nettement pour qu'on ne distingue pas s'il s'agit d'une photo ou d'un tableau... C'est le projet que j'ai. Si je suis sélectionné, je pourrais l'exposer dans la galerie universitaire.

Cette fois, il ne me fallut que très peu de secondes pour comprendre la totalité de ses mots et je me repris soudainement, tâchant de réfléchir en amont à ce que j'allais lui dire.

-Que tu reprennes la peinture c'est très bien, mais de quelle photo parles-tu, exactement ? l'interrogeai-je avec calme.

-Tu sais, celles, du week-end dernier... éluda-t-il en se balançant d'un pied sur l'autre.

-Taehyung, tu en as développé au moins une vingtaine. Je ne les ai pas vues...

-L'une d'entre elles... Si je te la montre, tu vas refuser.

-Je vais refuser si je ne la vois pas.

Il souffla fortement semblant se contenir du mieux qu'il pouvait puis, d'un geste directif, comme s'il s'agissait d'une arme, il me tendit à nouveau sa feuille :

-Tu as juste à signer le papier, qu'est-ce que ça change au final ?

-Ça change tout. Je veux voir la photo que tu vas peindre. Pourquoi tu dois peindre ces photos-là de moi ? Tu ne pouvais pas trouver d'autres clichés que ceux de la semaine dernière ?

Je ne le comprenais vraiment pas.

-Parce que je...

Il voulut dire quelque chose mais se retint à la dernière seconde, il se reprit alors, semblant chercher ses mots :

-... je les aime bien et j'ai envie de peindre comme ça, c'est tout. Ne cherche pas et signe.

-Non. Je veux voir ma photo.

-Tu fais chier ! râla-t-il brutalement.

Voyant que je ne flancherais pas, il abattit la feuille sur ce qui nous servait de table basse avec violence avant de se diriger d'un pas colérique, les poings serrés, vers sa chambre. Il en revint avec une photo imprimée en très grand format, aussi immense qu'un poster et mes yeux s'écarquillèrent :

-Mais pourquoi tu les as imprimées aussi grandes ?

-Juste celle-ci, celle que j'ai choisie. C'est pour mieux dessiner les détails et de toute façon ça ne m'a rien coûté parce que l'école à toute sorte d'imprimantes...

-Ce n'est pas le problème ! m'écriai-je, c'est beaucoup trop grand !

-Tu voulais la voir ! s'emporta-t-il, maintenant regarde-la et signe ce fichu papier !

Il retourna alors sa photographie qu'il avait gardée, jusqu'alors, ostensiblement tournée vers le verso. Sans un bruit, il l'imposa devant mes yeux et je reculai, perturbé. Je regrettais amèrement d'avoir demandé à la voir, c'était plus évident finalement de ne pas avoir ce cliché sous les yeux. Je me sentis irrémédiablement mal à l'aise, j'avais du mal à me reconnaître et pire encore, la photo avait été imprimée si large que tout sautait aux yeux dans les moindre détails.

Je me sentis mal un instant.

Je n'avais pas l'habitude des photographies, je n'en avais plus l'habitude. Cela faisait des années que je ne m'étais pas vu au-delà de mon reflet dans le miroir.

J'avais déjà des difficultés à me reconnaître, à me voir si jeune, à ne pas me sentir dissocié, à intégrer mon corps, à échapper au cauchemar et à ces sensations fantômes de mes membres éclatés, mais cette situation représentait un ennui supplémentaire. Me voir comme cela, dans une photographie sombre, esthétique certes, mais improbable comme s'il s'agissait d'un autre, d'un imposteur, me perturba. J'étais taché de peinture et seule la luminosité du soleil, un fin filet de lumière arrivait sur mon œil droit. Cela donnait un clair-obscur étrange. Ma peau était claire et ainsi illuminée, si opaline que l'image paraissait trop irréaliste, retravaillée presque.

Mais pire encore, c'était mon expression, je me sentais méconnaissable, ainsi figé sur le papier glacé. Je voyais tous mes défauts, ce visage enfantin que je n'aimais pas, cet aspect candide si différent de ma personnalité. Je ressemblais à un adolescent, une sorte de poupée, fragile et mélancolique.

C'était l'une des photos que Taehyung avait faites tandis que j'étais allongé sur le sol après notre bataille de peinture, essoufflé, fatigué. Il avait pris son appareil et s'était tenu au-dessus de moi. Cela offrait une contre-plongée qui me mettait en gros plan et ainsi découpé, on ne voyait que mon torse, donnant la perception que j'étais nu d'une certaine manière.

Je voyais un autre Yoongi allongé là, dans l'ombre et la lumière, taché de peinture multicolore, vulnérable.

Je refusais d'être vu ainsi.

-Non, pas question.

Ses épaules retombèrent comme s'il s'y attendait mais son visage fit une grimace de déception énervée.

-C'est toi qui m'encourages à reprendre la peinture et là, c'est toi qui refuses !

-Trouve une autre photo, pas celle-là, pas une de moi, scandai-je.

-J'ai déjà décidé, je veux peindre cette image-là !

-Je ne te signerai rien du tout et ça réglera le problème.

-Mais pourquoi tu me fais ça ? cria-t-il soudainement, complétement dépossédé.

Notre début de dispute s'arrêta brutalement quand la sonnerie de l'interphone nous interrompit et je me levai du canapé pour décrocher. La voix de Sun m'avertit qu'elle était arrivée et je me frappai le front, lui cachant que j'avais littéralement oublié qu'elle devait passer. J'activai l'ouverture de la porte de l'immeuble tandis que Kim s'était rendu dans sa chambre, y redéposant le poster.

En entrant Sun, dut sentir que l'atmosphère était tendue, qu'un silence poisseux nous entourait. Elle ne fit aucune remarque, mais en apercevant la cuisine vide, elle comprit.

-Tu as oublié que je venais, c'est ça ?

-J'ai passé une dure journée, répliquai-je immédiatement, désolé.

-Ne compte pas sur moi pour cuisiner...

-Je vais passer commande, admis-je en cherchant parmi les prospectus accrochés avec des aimants sur le frigo.

Nous avions absolument tous les menus des restaurants du quartier réunis à cet endroit-là.

-J'ai déjà commandé une pizza, avertit Taehyung, je savais que tu aurais oublié et que noona aurait faim...

Sun eut un petit levé de menton fier en me toisant avec son humour ravageur :

-Prends-en de la graine, Nain de Jardin. Il ne m'a pas oubliée, lui.

Je croisai le regard du gamin qui me fit la moue, semblant fier de sa vengeance et je fermai les yeux.

-Noona, continua mon colocataire avec entrain, il faut que tu m'aides. Yoongi ne veut pas signer l'autorisation du droit à l'image pour sa photo que j'ai prise de lui.

Le culot de ce type me mettait en rogne.

-Quelle photo ? interrogea-t-elle.

-Ne te mêle pas de ça, s'il te plaît, insistai-je en sortant les boissons du frigo.

-Je veux voir cette photo, s'enthousiasma-t-elle. Vous avez fait une séance ?

Elle m'envoya un petit coup d'œil silencieux qui me signifiait : « pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? ».

Fier d'avoir une alliée, Taehyung s'enthousiasma, retourna à sa chambre toujours comme un enfant joyeux et en revint, cachant le poster derrière lui.

-Noona, si je te la montre, tu dois m'aider à le convaincre.

-Deal, répondit-elle sans hésiter en s'installant en tailleur comme une mère fière du travail scolaire de son enfant.

-Sun, l'avertis-je durement.

-Il a réservé de la nourriture pour moi, lui, me lança-t-elle à la cantonade et avec un air innocent. Et puis je suis curieuse, tu sais bien.

-Entendu, admis-je avec humeur, dans ce cas-là je veux savoir ce que tu prépares en secret et que tu ne me dis pas depuis des semaines.

-Deal, clama-t-elle sans aucune hésitation.

Mon plan tombait à l'eau et je demeurais ahuri au beau milieu de la pièce de vie, persuadé qu'elle n'aurait jamais accepté de confier quelque chose qui semblait très personnel pour elle ces dernières semaines. Démuni, je n'eus d'autre choix que de voir Taehyung retourner son poster et le porter fièrement aux yeux de ma meilleure amie. Je préférai filer en direction de ma chambre, incapable de supporter son expression lorsqu'elle porterait son regard sur le moi de l'image. Je n'entendis seulement, avant de refermer la porte :

-Wow.

Porte close, je déballai mon sac de cours, rangeai quelque peu la pièce, triai mes documents, vérifiai mes mails ; les mains occupées, je tentais de libérer mon esprit qui n'arrivait pas à se dépêtrer de ce sentiment de malaise que je ressentais depuis que j'avais aperçu la photographie. Je n'entendais rien ou à peine quelques mots de l'autre côté de la cloison et il fallut de longues minutes pour que Sun toque et rentre.

Elle referma le battant derrière elle et s'y adossa, les mains dans les poches de sa combinaison pantalon noire qui soulignait ses grandes jambes.

-Ne cherche pas à me convaincre, je ne signerai pas son foutu papier, l'alertai-je en lui tournant délibérément le dos.

-Yoongi.

L'utilisation de mon prénom dans sa bouche était suffisamment rare pour que, malgré moi, je lui porte intérêt :

-Cette photo est absolument incroyable, est-ce que tu le sais au moins ?

-Non.

Je sortis mes affaires du placard et préparai mes vêtements de travail pour la nuit ainsi que ma tenue pour aller en cours ensuite. Je parvenais toujours à grappiller cinq minutes pour me changer dans les vestiaires avant de filer à la fac.

Sun croisa les bras.

-Il y a quelque chose que tu ne me dis pas.

-Ce ne serait pas dans mes habitudes, marmonnai-je platement, tu es bien la seule personne à tout savoir sur tout...

-Pas sur ça, pas sur ce photo-shoot que vous avez fait ensemble.

-Ce n'était pas programmé, c'est arrivé comme ça.

-Yoongi, même les choses les plus simples on en parle habituellement et là c'est tout sauf simple. Qu'est-ce qui s'est vraiment passé pour que ça te provoque autant de rejet ?

-Ça soit se voit non ? On a fait les cons, on a fait une bataille de peinture comme des gamins dans l'appartement, on a niqué notre caution et il a décidé de prendre tout en photo ensuite...

-Et depuis, Taehyung se remet à peindre ?

-Visiblement...

-Si tu n'étais pas d'accord pour être pris en photo pourquoi tu ne lui as pas dit ? s'étonna-t-elle.

-Ce n'était pas que je n'étais pas d'accord. C'était l'impulsion du moment. Je m'en fichais de ces photos tant que je ne les voyais pas et maintenant il veut en faire une peinture à exposer ! m'exclamai-je.

-Ça te dérange que les gens puissent te voir ? supposa-t-elle en penchant la tête un peu sur le côté.

-Tu ne serais pas gênée, toi ? l'interpellai-je en me retournant enfin vers elle.

-Yoongi, je crois que les gens doivent voir cette photo, cette peinture.

Je soufflais fortement en roulant des yeux.

-Tout ça parce qu'il t'a commandé de la bouffe, tu n'en fais pas un peu trop ?

-Je ne fais pas ça pour la pizza, répondit-elle, je le fais en toute objectivité. Cette photo est absolument incroyable. Si Taehyung parvient à vraiment peindre ça de manière aussi réaliste qu'il le dit, avec son propre style, ce sera carrément magnifique.

-Pourquoi il faudrait qu'il me peigne, moi ? m'écriai-je, j'ai l'air...

-Offert ?

Je fis une grimace en serrant mes poings, mes pieds commencèrent à marcher de long en large dans la chambre comme pour contrôler une envie dévastatrice d'aller déchirer cette photo géante.

-C'est ça qui te dérange, n'est-ce pas ? marmonna-t-elle. Il y a quelque chose dans cette photo, un sentiment, une émotion, c'est captivant et tu es captivant...

-Je ne suis pas ça, Sun, regarde-moi.

-Je te regarde mais je ne te vois pas ainsi.

-Alors c'est lui qui me regarde comme ça, murmurai-je contrarié.

-Non Yoongi, il n'a saisi que l'expression que tu lui donnais à cet instant-là. Tu n'es pas gêné qu'il t'ait pris en photo, mais qu'il te voit, ainsi.

-Ok, stop, arrête avec ta psychologie de comptoir à deux balles, m'énervai-je.

-Je trouve ça fascinant, admit-elle seulement. Tu questionnais tes émotions la dernière fois, non ? Cette photo montre que tu éprouves des choses, que tu exprimes des sentiments quels qu'ils soient. N'est-ce pas le travail du photographe de capturer des moments comme on ne voit pas habituellement ?

-Pas ces moments-là !

-Alors quoi ? Tu lui en veux de vouloir exposer ça ? C'est trop intime pour toi ?

-Sun, la ferme !

-Cette photo est d'une rare beauté que tu veuilles ou non le reconnaître, il y a quelque chose en toi, quelque chose d'esthétique, de photogénique, ton regard captive l'autre. Non pas uniquement chez Taehyung, mais chez le spectateur en général. Cette photo m'a saisie. Tu es plus expressif que tu l'imaginais, ton corps exprime et parle, ce n'est pas que l'affaire de ton cœur.

Je lui fis signe de s'arrêter là avec énervement avant de me laisser tomber sur mon lit en me massant la tempe droite.

-Je n'arrive pas à croire que tu essayes de me convaincre de faire quelque chose que je refuse de faire, soufflai-je.

Elle bougea enfin, rejoignant sur le lit, s'asseyant avant de croiser les jambes.

-Tu veux que je te dise ce que je pense vraiment ?

- A part que je suis fascinant ? ironisais-je.

- Je pense que tu l'inspires.

-Qui ?

-Taehyung. Je pense que tu es une source d'inspiration pour lui, sa muse.

-N'importe quoi...

L'idée me semblait tout bonnement improbable.

-Tu sais comme moi qu'il a désespérément besoin de quelqu'un près de lui, mais plus que cela, il a besoin d'une inspiration, quelque chose qui relance sa peinture. Tu prends juste un nouveau rôle à ses yeux, me lança-t-elle doucement.

-Je n'ai pas signé pour ça, répliquai-je sarcastiquement.

-Tu n'as signé pour rien du tout, mais c'est une autre vie, Yoongi, et si j'ai bien compris, dans celle-ci, c'est lui qui en est au centre. Jusque-là, tu t'es toujours démené pour lui mais maintenant tu peux signer un papier qui le poussera encore à évoluer.

Elle termina doucement :

-Tu devrais être heureux, d'être ainsi vu et regardé, d'ainsi inspirer, des gens tueraient pour être à ta place. Tu viens de découvrir ce que tu es et ce que tu seras sûrement pour lui à l'avenir. C'est peut-être là le véritable rôle que tu dois jouer dans ce grand jeu dont tu ne connais pas les règles.

-Ou peut-être que tu te trompes, marmonnai-je.

-Peut-être que je me trompe, admit-elle simplement en étendant ses jambes devant elle.

On ne rajouta rien de plus et après un silence, Sun se leva en entendant la sonnerie qui annonçait l'arrivée du livreur de pizza, je lui fis signe que je la rejoignais avant de laisser mon dos retomber contre mon matelas.

J'avais l'impression d'être face à un choix cruel et que je m'inquiétais des conséquences de ma décision. Il était difficile de me justifier, d'expliquer pour leur faire comprendre à quel point me voir, me donnait le sentiment d'être dissocié, d'être incapable de me reconnaître. Puis, c'était comme le sentiment d'une intimité, qui n'en était pourtant pas une, étalée aux yeux des autres, je n'avais ni envie qu'on le flatte, ni qu'on félicite, ni qu'on éprouve quoi que ce soit face à mon image.

Il était si facile d'interpréter ce qu'on voulait avec une seule photographie. Je ne désirais pas être un objet d'interprétation.

Qui étais-je pour être peint de cette manière ?

La faim me poussa à sortir de ma chambre, je les interrompis dans une conversation et Sun me tendit une part de pizza que j'avalai rapidement. Ils repartirent sur un échange autour d'un film en particulier dont je n'avais jamais entendu parler et je restais silencieux à les observer.

Ils avaient une familiarité qui leur était propre et le gamin se comportait avec elle absolument naturellement. Pourquoi n'avait-il pas choisit Sun plutôt ? N'était-elle pas une source d'inspiration légitime ? De par sa beauté, sa vie, son parcours, son intelligence et la bienveillance qu'elle avait envers les autres, mêmes les plus rejetants ?

J'étais de retour dans cette vie avec lui, nous étions prisonniers l'un à l'autre dans un grand jeu du destin dont on ne nous avait pas informé des règles jusqu'alors. Je craignais bien trop Kim Namjoon pour m'opposer à ses desseins.

-Donne ce papier que je le signe, lançai-je à Taehyung en tendant la main sans le regarder.

Il y eut une seconde de latence et j'aperçus le petit sourire en coin se former sur le visage de Sun tandis que le gamin partit à vive allure vers sa chambre abandonnant sans hésiter son repas. Il revint avec un papier et un crayon dans une attitude solennelle qui m'irrita mais je m'employai à écrire la phrase indiquée sur le bas du document avant de griffonner une signature.

-Du coup, lançai-je pour changer de conversation. Tu dois me raconter ce que tu trafiques dans ton coin.

Elle termina de déguster sa part de pizza avant de me répondre :

-Je suis en train d'ouvrir ma micro-entreprise.

Taehyung, qui revenait dîner avec nous, après avoir rangé soigneusement le document dans ses affaires, fronça les sourcils.

-Comment ça ?

-Y a quelques mois une amie m'a recommandée auprès d'un de ses proches qui cherchait à créer sur-mesure la robe de mariée de ses rêves. Elle désespérait de ne pas la trouver dans les magasins alors j'ai donc accepté de lui en faire une... Ça s'est bien passé, ça m'a pris énormément de temps mais le résultat était à la hauteur de ses espérances. Ça m'a décidé à me lancer.

Elle s'arrêta, savourant son petit effet tandis que nous buvions ses mots :

-Je vais me mettre à mon compte pour faire de la couture et fabriquer des vêtements.

-C'est trop bien ! admit Taehyung.

-Et l'entrepôt ? l'interrogeai-je.

-Je suis obligée de garder le travail à l'entrepôt si je veux me nourrir et payer mon loyer mais qui dit auto-entrepreneur dit aussi que je gère mon temps un peu comme je veux. Donc j'aurais cette activité sur les horaires où je ne serais pas là-bas. Je doute faire un gros chiffre d'affaires, il faudra d'abord se faire connaître. Le bouche-à-oreille prend du temps. Je vais essayer d'utiliser les réseaux aussi. Pour l'instant je n'ai qu'une commande. Le rêve ce serait de faire ça de manière permanente mais il faut se rendre à l'évidence, je ne vivrais pas de ça.

-Pourquoi tu ne l'as pas annoncé plus tôt ? m'étonnai-je.

-Je voulais être sûre de moi, me répondit-elle, que j'arriverai à faire tout ça en même temps que ce fichu boulot dans le monde du carton. Finalement c'est faisable.

-Félicitations noona ! lança le gamin.

Elle leva son verre de jus de fruit et nous l'imitâmes en souriant.

-Au changement et à la nouveauté ! lança-t-elle.

-À ton talent, admis-je.

Taehyung resta silencieux et on avala d'une traite nos verres avant de continuer à terminer notre repas. En fin de soirée, tandis que je devais absolument aller me coucher pour être certain de pouvoir dormir au moins cinq heures pour le boulot du lendemain, Sun demanda à ce que Taehyung lui montre le reste des photos qu'il avait prises ce jour-là.

Je débarrassai sans un mot, évitant à tout prix à mes yeux de rencontrer les clichés glacés, mon amie allait de son commentaire, semblant toujours aussi fascinée par ce qu'elle voyait.

-Je ne veux en aucun cas que ces photos soient accrochées dans l'appart, lançai-je depuis la cuisine.

-Je n'y comptais pas, me répondit Kim avec humeur.

Puis il ajouta :

-Je les garderai pour moi.

-En tout cas, répondit Sun depuis le salon, si Taehyung parvint à exposer sa peinture, je t'emmène, Nain de Jardin. On ne pourra pas louper ça.

Tout ce que je vis en sortant de la pièce avant de filer vers ma chambre ce fut ce silence et ce marasme dans lequel se mettait Taehyung habituellement, tête baissée. Pourtant ce jour-là, ils avaient semblé avoir une conversation silencieuse dont je ne comprenais pas la teneur et il avait fini par hocher la tête et lui serrer la main.

Je les laissai ainsi, en tailleur l'un à côté de l'autre à même le parquet, les dizaines de clichés éparpillés autour d'eux. Je me promis de ne pas repenser à ce fichu papier signé et oublier cette gigantesque image.

Quelque chose de différent était en marche et j'ignorais où cela allait nous mener.

*******

Je n'entendis plus parler de cette photo, de ce tableau ou de cette expo pendant deux mois.

Et je me gardais bien de me poser des questions sur ce sujet.

Je fis comme si cet événement n'était jamais arrivé et heureusement Sun était bien trop prise par ses propres projets pour venir me titiller avec cela.

La fin d'année n'allait pas tarder et le rythme se révélait soutenu, les examens commenceraient à pointer le bout de leur nez d'ici deux mois et je commençai à faire mon deuil à l'idée de ne pas parvenir à décrocher de stage.

Mon camarade Jiyoon, qui travaillait aussi l'entrepôt, tentait du mieux qu'il pouvait tenter de rejoindre certains groupes ou se lier d'affinités avec les années supérieures. Je restais admiratif de ses efforts alors qu'à l'inverse je ne pouvais accepter de jouer le lèche-botte.

Puis, irrémédiablement, comme si je ne pouvais pas l'éviter éternellement, l'histoire de la photo revint sur le devant de la scène.

Taehyung fut sélectionné parmi sa promotion pour que sa peinture soit exposée à la galerie attenante de l'université. Il fut l'un des deux élèves de premières année à obtenir ce privilège.

Il me l'annonça un soir comme s'il s'agissait d'un événement ordinaire et je ne sus comment réagir. Il ne me demanda rien de plus et nous n'évoquâmes pas le sujet ultérieurement. Ce fut Sun, qui s'enflamma à notre place et qui exigea que le jour de l'ouverture nous nous y rendions.

Alors, un samedi après-midi, après qu'elle m'avait menacé trois fois de décaler mes heures de travail, je la rejoignis à l'université des arts de Corée. Je fis le trajet en métro pour la première fois, me rendant compte qu'il s'agissait du parcours qu'effectuait mon colocataire tous les matins.

-Si j'avais su quels vêtements tu allais mettre aujourd'hui, je t'aurais préparé une tenue, me lança-t-elle en me rejoignant alors que je quittais la bouche de métro.

-Parce qu'il fallait venir sur son 31 ? m'étonnai-je.

-Bien sûr !

Si Sun s'habillait de manière simple et décontractée quand nous travaillons, sortir et aller à l'extérieur était toujours un événement en soi. Ainsi elle revêtait chaussures à talons, maquillages, bijoux et les tenues qu'elle modifiait ou fabriquait les plus originales et impressionnantes une fois dehors tandis que mon style, lui, ne variait pas d'un endroit à l'autre.

Je n'y voyais pas l'intérêt.

Ce jour-ci, elle était très chic, toute de noir vêtue. Ses talons la rendait encore plus grande et elle portait des gants en dentelles. Je fus inquiet du peu de couches de vêtements qu'elle portait par un temps si glacial mais elle ne semblait pas véritablement souffrir du froid. Elle marchait comme une mannequin aux proportions parfaites et derrière elle je me sentais réduit à la position d'un valet invisible, minuscule.

Nous en riions parfois mais ce jour-ci je n'avais pas le cœur à plaisanter.

Je la suivis à travers les bâtiments mollement, appréhendant le moment où je serais de nouveau confronté à ma propre image. J'observais tous les autres visages, étudiants pour la plupart qui se trouvaient dans la file de la billetterie incapable de me sentir rassuré à l'idée que ces regards allaient se porter sur ma silhouette.

Comment Taehyung avait-il travaillé à partir de la photo ? Il n'avait pas peint à l'appartement et avait passé tout son temps à l'université ces derniers mois. J'étais à la fois heureux qu'il m'ait épargné cela et frustré aussi.

Je m'attendais à tout et à rien.

-Ne fais pas la gueule, soupira-t-elle tandis que je rangeais mon portefeuille dans la poche de ma doudoune après avoir réglé l'entrée.

-Je suis à mon maximum, répliquai-je.

-Encourageons-le simplement, d'accord ?

Je pris une grande inspiration avant d'acquiescer et lui tendit mon bras. Elle enroula sa main autour de ce dernier et nous avançâmes dans la galerie à peine éclairée.

J'étais peu réceptif à l'art en général, probablement parce que je n'y avais jamais été confronté. En tentant de fouiller dans mes maigres souvenirs sur le sujet, je me rendis compte que je n'avais pas la moindre perception quant à au fait d'avoir déjà mis les pieds dans un endroit similaire.

Galerie, musée, vernissage, tout était un monde nouveau, nébuleux, étrange, inquiétant presque. J'avais des difficultés à savoir comment me comporter. L'atmosphère était silencieuse, les gens chuchotaient ou agissaient en silence, observateurs de divers tableaux, sculptures et autre construction qui me laissaient perplexe.

Sun s'extasiait de tout, dégainant son téléphone pour prendre une batterie de clichés, chuchotant à mon égard :

-C'est tellement intense, tous ces messages, ces émotions...

Ça glissait sur moi sans rien pour l'atteindre, ni m'accrocher. Je me sentais indifférent à ce que je voyais, clairement pas à ma place. Je distinguais néanmoins la beauté de certaines œuvres, le mariage des couleurs, mais tout ce qui se révélait de l'abstrait me laissait sceptique, sidéré. Fronçant les sourcils, je me demandais si franchement quelque chose de ce genre avait vraiment un sens.

Une des sculptures de bois m'impressionna, en revanche. La personne en question semblait avoir réalisé un rubik's cube géant avec du bois découpé mis en forme par un mécanisme de bronze qui tournait par instant et je me surpris adhérer à ce quelque chose de moins esthétique mais plus profond dans la matière.

-C'est tout toi, franchement, soupira Sun quand je lui fis part de mes observations.

-Je ne vois pas en quoi c'est tout moi, répondis-je en fronçant les sourcils.

-Tu n'aimes que ce que tu peux toucher physiquement et dont tu peux comprendre le fonctionnement et les rouages.

Elle avait raison maintenant que j'y réfléchissais.

En s'approchant d'une nouvelle pièce, elle fut attirée par un très grand tableau qui semblait être l'œuvre favorite de la galerie. Un certain nombre d'individus s'accumulaient devant. Réalisé en triptyque, il s'agissait d'un entre-deux entre une peinture et de la 3D. La peinture avait été si travaillée, si épaisse, que cela ressemblait vraiment à de vagues, à l'écume, avec cette impression que l'eau bougeait sans cesse, sortant du tableau.

Cela ne me fit, comme prévu, absolument aucun effet. Je ne vis qu'une croute qui avaient dû couter six pots de peintures à elle seule, peu réaliste et pas aussi apaisante que ma meilleure amie l'annonçait.

-Tu es incorrigible, me disputa Sun tandis que nous arrivions à la fin de la galerie.

Je faisais de mon mieux, pourtant.

Au détour du dernier couloir, cinq personnes semblaient agglutinées devant une photo gigantesque et je me figeai brusquement.

On y était.

Je baissai la tête, refusant de m'approcher, le corps soudain tendu et je sentis les doigts gantés de dentelles de Sun serrer ma main. Incité par son mouvement, sa main dans la mienne je fis quelques pas.

Une personne bougea dans un champ de vision et je tombais alors sur mon propre regard auquel je ne pus que détourner la tête.

Je n'osais pas regarder, ni croiser le regard de qui que ce soit de crainte qu'on me reconnaisse. Je demeurais avec la tête ostensiblement tournée de côté et Sun serra un peu plus ma main pour m'encourager.

-Le réalisme de Taehyung est impressionnant, souffla-t-elle. Je ne le pensais pas capable de peindre ainsi. On dirait véritablement une photographie et non une peinture...

-Je m'en doute...

-Ce qui est incroyable ce que dans cette galerie peu d'artistes ont créé des visages, fait des portraits. Taehyung est l'un des seuls.

Puis elle ajouta pour que seul moi puisse l'entendre :

-Tu es une œuvre d'art, Yoongi.

Je fermais les yeux en soupirant lourdement avant de me gratter la nuque. Dans un effort qui me demanda énormément, je finis par me regarder.

Ce ne fut que pour me détester davantage.

À part dans quelques détails, je ne distinguais pas la différence entre la photographie, inscrite en tout petit à côté du bas du tableau, et le tableau.

-C'est la lumière, me murmura Sun, la lumière qui vint d'un côté de ton visage est d'une couleur différente, ça te rend un tantinet plus irréel que sur la photo.

J'avais encore cette expression qui me dérangeait, cette impression de vulnérabilité, d'être quelqu'un d'autre et je finis par reculer, m'en aller. Je devais échapper à ce tableau en espérant que jamais je ne le reverrais. Sun me suivit et on ne prononça pas d'autres mots en finissant la visite.

À la fin de la galerie qui donnait sur le hall d'un des bâtiments de l'université, des étudiants nous distribuèrent des prospectus.

-Vous pouvez faire un vote sur l'œuvre que vous avez préféré, le gagnant remportera un prix décidé par le public, nous annonça une jeune fille. Il y a une borne là-bas pour voter, ou sinon vous pouvez remplir ce papier et le glisser dans l'urne à votre disposition.

Tenant un boîte transparente, à quelques pas de nous, se tenait Taehyung. Il avait l'air comme habituellement : fermé, les yeux rivés au sol, morose et ce même si les personnes qui mettaient leur votes dans la boîte tentaient de capter son regard ou glissaient vers lui des yeux intéressés.

Je n'eus soudain plus l'impression qu'il avait grandi, comme cela m'avait marqué jusqu'alors. Il semblait redevenu le lycéen qui rasait les murs. Pourtant quand il se redressa en nous voyant approcher, Sun et moi, son expression changea. Ce côté amer et abattu que je lui connaissais disparu et il redevint un jeune homme dans sa vingtaine, au visage plus mature et aux cheveux abîmés par toutes les colorations.

-C'est incroyable Taehyung, et tu as fait un travail remarquable, s'exclama Sun.

-Merci noona.

Ils se tournèrent vers moi et je me raclai la gorge, me sentant obligé de dire quelque chose :

-Bravo.

Il hocha seulement la tête et on resta ainsi, comme habituellement dans un non-dit et un malaise palpable. Ce fut à cet instant que mon amie me ravi des mains mon petit papier et lâcha :

-Je vais aller voter en ligne à la borne, vous m'attendez là ?

Elle s'enfuit sans attendre la réponse et je secouai la tête à la fois amusé et irrité de son comportement peu subtil.

-Tu as détesté, avoue.

Je fronçai les sourcils en répondant :

-Non.

-Tu es plus expressif que tu ne l'imagines, tu sais, je préférerais que tu me dises la vérité, scanda-t-il en croisant les bras. Je suis en mesure de l'entendre.

-Je ne déteste pas ton travail, je déteste me voir, c'est différent.

J'ajoutai :

-Mais j'ai conscience des efforts que ça t'a demandés, du temps aussi que ça t'a pris. Je suis content que tu reprennes la peinture

-Vraiment ? s'étonna-t-il.

Il semblait douter de mes propos et je me sentis blessé qu'il doute de mon honnêteté alors que jusqu'ici je ne lui avais jamais menti sur aucun sujet.

-Vraiment, insistai-je. Juste... pourquoi moi ?

Ses yeux dansèrent un peu dans le décor comme s'il réfléchissait intensément à la question ou à sa façon de me répondre :

-Pourquoi pas.

-Je ne peux pas me contenter de ça comme réponse, râlai-je.

Il se mordit les lèvres avant de me regarder droit dans les yeux :

-Pour dire pardon et pour dire merci.

Un couple profita de ce moment pour utiliser l'urne et y glisser leurs votes et je reculai, gêné et perturbé. Cela me donna les secondes nécessaires pour savoir comment répondre.

-Le tableau veut dire ça ? Pardon et merci ?

-Si on veut... pardon de t'avoir brisé le dos et merci, pour la dernière fois... souffla-t-il si bas que j'eus du mal à l'entendre.

J'acquiesçai seulement, incapable de répondre autre chose. On attendit qu'une nouvelle personne vienne voter puis reparte pour poursuivre notre change :

-Ça veut dire que tu te sens mieux ? l'interrogeai-je avec espoir.

-Non.

Il haussa seulement les épaules.

-Ça tiendra.

-Combien de temps ?

-Comment on peut savoir...

Il bougea un peu, détournant le regard :

-À présent, je veux juste peindre. C'est tout ce qui m'importe.

-Pitié, dis-moi que ça ne sera pas une autre photo de moi, suppliai-je dans un souffle.

Ma réaction lui arracha un rictus amusé mais il secoua la tête :

-Ne t'inquiète pas de ça.

Je soufflai, rassuré et on resta une nouvelle fois silencieux, tentant de se regarder sans savoir quoi se dire mais je me sentis légèrement mieux comme un peu plus apaisé.

Sun nous rejoignit quelques minutes plus tard, souhaitant à Taehyung de gagner avec le vote du public mais ce dernier haussa seulement les épaules avec nonchalance :

-Je me fiche de ça.

Cela lui ressemblait bien de répondre ainsi.

On se salua, finissant par quitter l'exposition. Sur le trajet du retour, une fois dans le métro, les mains dans les poches cherchant à me réchauffer, Sun marmonna :

-Ça a été ? Ça va mieux ?

-Si on veut...

-Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour que vous causiez tous les deux, soupira-t-elle avec agacement.

J'observai la rame freiner en direction du nouvel arrêt annoncé et répondis seulement :

-Moi non plus.

Peut-être ne le saurais-je jamais.



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Chapitre corrigé par pina_lagoon et automnalh

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