3.
Je me réveillai en sursaut, en grognant et en jurant alors que je ressentais une horrible douleur dans la nuque et le dos.
Le jour passait à travers ma fenêtre entre-ouverte et je me rendis compte que j'avais dormi sur le bureau, en vrac.
Je m'étirai en bâillant et regardai mes notes gribouillées en soupirant.
Ah, c'est vrai.
Comment oublier...
Mes doigts recommencèrent à tapoter le bois inconsciemment.
Fallait que je fasse mieux que ça, parce qu'à part m'embrouiller, c'est tout ce que j'avais réussi à faire hier soir.
La faim fit grogner mon estomac dans un bruit qui me surprit moi-même et je consentis à quitter ma chambre pour la cuisine.
La maison avait une odeur, des bruits, des matières. En descendant l'escalier, mes doigts effleurèrent la peinture beige. Le craquement des marches me fit remonter des vieux souvenirs.
De tout ce que j'avais pu oublier, après toutes ces années.
Mes yeux se perdaient sur le décor, les meubles, le téléphone branché dans un coin, les tableaux de mauvais goût en aquarelle, les rares plantes qui ne poussaient pas.
Tout cela me donnait du baume au cœur jusqu'à apercevoir ma génitrice. La nausée revint alors et atmosphère de la demeure sembla m'étouffer.
Elle était déjà là, comme si elle était greffée à cette pièce. La table était mise, le petit déjeuner prêt, protégé par des couvercles afin d'en garder la chaleur.
Tout était tellement parfait que ça en devenait désagréable.
Elle me salua joyeusement. Je ne la regardai pas et m'attablai sans vraiment lui répondre.
Je ne pigeais toujours pas pourquoi on ne m'avait pas renvoyé plus tard.
A vingt ans ou même vingt-cinq, c'était bien, non ?
Non ?
Je l'interrompis alors qu'elle semblait vouloir reparler de mon comportement de la veille.
-Dis, tu vas faire des courses aujourd'hui ?
Elle sembla surprise par ma question :
-Oui, d'ici une heure. Pourquoi ?
-Je viens.
Cette fois-ci, clairement elle parut clairement abasourdie mais se reprit très vite :
-Bien sûr, mon chéri. Au contraire, je serais contente que tu m'aides à porter les courses même si... tu n'as qu'un bras. D'ailleurs, tu veux de l'aide pour te laver ?
-De l'aide ?
-Oui, pour enrouler le plâtre dans les sachets en plastique. J'en ai sorti plein avec des élastiques pour que l'eau ne rentre pas dans le...
-Je vais me démerder.
Elle ouvrit la bouche et répondit abruptement :
-Ton langage, Yoongi !
Je fis claquer ma langue contre mon palais mais poursuivis mon petit déjeuner sans lui accorder un regard. Silencieusement, je décidai ensuite à rejoindre la salle de bain pour me laver et je dus lâcher une flopée de jurons plus terribles les uns que les autres tant la situation avec mon bras plâtré m'emmerdait au plus haut point.
Karma de merde.
En me séchant, je me regardai à nouveau. J'étais un peu plus petit de taille que j'allais l'être plus tard, à quelques centimètres près. Mon corps était fin et maigre. Pas de petites poches de graisse qui s'agglutinaient sous le nombril et moins de pilosité. Mes cheveux étaient par contre épais, bien que mal coupés, mais je supposai que c'était la coupe « à la mode » de l'époque.
J'avais dix-huit ans, donc nous étions en 2009.
Je passai par ma chambre me changer et enfilai les premiers vêtements qui me tombèrent sous la main.
2009, hein ?
Ça expliquait donc le téléphone portable coulissant ancestral trônant sur ma table de chevet et que j'avais oublié de recharger et les vêtements larges qui remplissaient l'armoire.
Je me rappelais écouter beaucoup de hip-hop, cette époque-là.
J'essayai de faire quelque chose avec mes cheveux quand ce qui me servait de mère m'appela.
Voir mes oreilles non percées me faisait bizarre. J'avais vraiment une tête d'enfant. Je parvenais à me reconnaître sans être parfaitement certain du reflet que le miroir me renvoyait.
-Ça a été avec la douche ? s'enquit-elle quand je daignai enfin à la rejoindre au rez-de-chaussée.
-Ouais.
J'enfilai ma paire de baskets avant de la suivre jusqu'à la voiture. Ça me gênait d'être là près d'elle mais j'avais l'impression ne pas pouvoir y échapper. Elle parla surtout de ce qu'elle allait cuisiner pour ce soir mais je l'écoutais à peine. Je me concentrai (plutôt) sur la radio qui diffusait de la kpop et un autre élan de nostalgie me prit.
En fait, je prenais un coup de vieux mémorable tout en ayant cette gueule-là.
Flippant.
Une fois dans le supermarché, je l'abandonnai sans un regard pour me diriger vers le rayon papeterie. Vu l'état minable de mes fournitures scolaires, il était grand temps d'en changer.
Et puis vu comme que je n'avais rien à payer, c'était d'autant plus jouissif.
Je pris les crayons et les carnets le plus chers et la rejoignis dans le rayon des produits d'entretien. Elle chercha à négocier mais je les fourguai dans le caddy sans lui demander son avis.
J'étais loin de me douter que j'allais retrouver, dans les rayons sucreries et snacks, tous les gâteaux que j'avais tant mangés plus jeune.
-Yooni, on ne va pas en acheter, ceux-là sont trop chers et tu as déjà pris le cahier...hésita-t-elle.
-Juste ceux-là.
Elle capitula et avec un sourire franc, je les empilai dans le chariot.
Ma mère parlait tout le temps à chaque fois que nous croisions d'autres femmes dans le magasin, comme si elles s'étaient toutes donné rendez-vous le même jour pour faire leurs courses. Je m'éloignai donc vers les rayons jeux vidéo.
Je pris une nouvelle claque en observant tous les dvd et vhs disponibles ainsi que les consoles bas de gamme du siècle dernier.
J'étais vraiment retourné en 2009.
Sur le chemin du retour, ma génitrice au volant de la voiture, radotait encore sur des choses qui ne m'intéressaient pas tandis que je regardais la ville, les rues avec émerveillement derrière la vitre.
En fait, je ne voulais pas me réveiller
Certes, j'allais devoir me retaper le lycée sans grande motivation mais c'était mieux que ma vie minable, dans trente ans.
Quoique qu'il advienne, il fallait que je change mon futur et c'était maintenant que je prouvais le faire.
-...la rentrée, lundi.
-Quoi ?
-Tu ne m'écoutes pas, soupira-t-elle. Je disais, est-ce tu as fait tes devoirs pour ton retour à l'école, lundi ?
-J'ai un bras dans le plâtre
-Le bras gauche, chéri.
-Je suis handicapé, essayai-je encore.
Elle soupira à nouveau :
-Ne recommence pas, nous avons déjà eu cette discussion... Ton père en a plus qu'assez de tes notes médiocres, il faut que tu t'y mettes sérieusement. La dernière année, c'est...
-Qu'est-ce qu'on s'en fout, franchement, de ce qu'il pense.
Elle parut choquée :
-Ne parle pas sur ce ton ! Mais qu'est-ce qu'il t'arrive depuis hier ?
-Je...
Mais elle s'arrêta, gara la voiture sur le bas-côté en allumant les warnings avant de détacher sa ceinture, de pivoter et plaquer sa main sur mon front sans me demander mon avis. Ce contact me fit tressaillir.
-Pas de fièvre. Tu es toujours confus comme à ton réveil ? s'enquit-elle avec un ton trop maternel.
-Non.
J'avais embrouillé le médecin à ma sortie. Il avait gobé mon mensonge mais à regret, parce que mes résultats ne montraient rien mais ma génitrice, elle, semblait sur le qui-vive comme si j'allais déclencher une maladie grave.
Je bougeai mal à l'aise dans le but d'échapper à sa proximité et éviter son regard :
-Je vais bien, reprends la route.
Ne me touche plus jamais.
Il n'y eut pas d'autres conversations, elle resta, pour une fois silencieuse. En arrivant à la maison, je l'aidai à déballer les courses avant de prendre le carnet et les crayons.
Un plan.
Il me fallait monter un plan.
Je ressortis dehors, et repris sans hésiter le chemin jusqu'au parc et me disant que je n'y resterais pas longtemps considérant l'humidité dans l'air.
Je m'installai sur le même banc que la veille.
Il fallait que je procède en plusieurs étapes.
Il fallait que je me souvienne d'événements importants, que je pouvais anticiper.
En rouge, les priorités.
En vert, les infos utiles.
J'avais dix-huit ans, nous étions le 29 septembre 2009, deuxième année de lycée.
Quels évènements me revenaient datant de cette année-là ?
J'avais des amis, dont je ne me souvenais pas encore les noms. J'étais dans le club de basket. Mon bras cassé allait m'arranger, je n'avais plus touché à un ballon depuis vingt ans.
Mon emploi du temps, complètement bariolé et colorié, annonçait que lundi je commençais avec une heure de mathématiques.
Bien. C'était une matière dans laquelle j'étais fort.
J'étais.
Une soudaine bourrasque de vent emporta les pages et, maladroitement, je renversai mes affaires sur les graviers.
Handicapé par mon bras, je me baissai plusieurs fois, en jurant furieusement pour ramasser ce qui était tombé, notamment les crayons qui tentaient de se faire la malle, mais alors que j'allais récupérer le carnet, quelqu'un le prit avant moi.
Je levai la tête pour apercevoir un type, grand et bien apprêté récupérer mes affaires et me les tendre :
-C'est un beau carnet. Il a l'air important, il ne faudrait pas qu'il s'envole, prononça-t-il d'une voix posée.
-Oui, merci.
Il avait une voix grave et un visage radieux, je lui donnais une trentaine d'années voir un peu plus. Sa peau semblait légèrement mordorée par le soleil mais sans la moindre imperfection. Il était incroyablement bien habillé, ses vêtements respiraient le luxe à plein nez mais tout en sobriété. Il me parut détonner dans le paysage sans que je ne l'explique mais je finis par froncer les sourcils alors qu'il continuait de me fixer en souriant.
-Vous avez besoin de quelque chose ?
Mon ton peu aimable sembla le faire doucement rire et il répondit agréablement :
-Non, ça ira. Bonne journée à vous.
-Vous aussi.
Mon attention fut captée soudain par le bruit des stylos prêts à se barrer du banc à nouveau. J'étais vraiment surpris par cette brise terrible qui était apparue aussi soudainement sans même s'annoncer.
-Nous nous reverrons bientôt, Min Yoongi.
Cette phrase me figea et je relevai brusquement la tête mais le paysage était vide. Il n'y avait plus trace humaine, le parc paraissait désespérément abandonné.
Je reportai mon attention sur le carnet dans ma main droite et un frisson me parcourut, un qui n'avait rien avoir avec la météo.
J'avais comme une impression, étrange.
Une sensation de danger.
*******
Je remis à charger l'antiquité coulissante me servant de téléphone le samedi après-midi et ce dernier vibra comme un gros insecte pendant cinq minutes.
J'avais reçu une quantité de messages écrits sur un si petit écran que ça me fit mal aux yeux.
Un dénommé « Jaehyo » me demandait si je pouvais passer chez lui dans l'après-midi en insistant que c'était pour quelque chose d'important.
Je fis défiler les contacts et je fus surpris d'en voir beaucoup plus que ce que je n'avais imaginé.
Qui étaient tous ces gens ?
Je n'avais pourtant pas le souvenir d'avoir été si populaire au lycée.
Parmi les prénoms inconnus au bataillon, je ne repérai que celui d'Hoseok qui m'avait envoyé plusieurs messages parce qu'il s'inquiétait de ne pas avoir de mes nouvelles.
Je m'assis sur mon lit en me mordant la lèvre.
À l'hôpital, une bande de quatre garçons était venue. L'un d'eux était Hoseok, j'en étais sûr et certain, mais les autres...
Qui étaient les autres ?
S'il s'agissait de mes amis de l'époque, je pouvais peut-être avoir besoin d'eux. Non seulement parce que je me souvenais que les gens seuls étaient stigmatisés au lycée mais aussi parce que mon cerveau était désespérément vide et qu'il me fallait des infos.
Qui avais-je été à dix-huit ans ?
Je voulus répondre à l'affirmative à ce Jaehyo mais me battis férocement avec l'écriture en T9 pour pouvoir taper les mots que je désirais, et ce pendant presque dix minutes. Comment est-ce qu'on pouvait écrire de cette manière-là, avant ? C'était tout simplement long et fatiguant.
Cela me choqua encore plus quand ce type me répondit très rapidement. Comment avait-il fait pour répondre à la vitesse de l'éclair ?
Néanmoins, quinze minutes plus tard, alors que je m'apprêtai à partir, je me rendis compte que j'ignorais où il habitait.
Merde.
Je poussai un juron face à ma bêtise avant d'avoir un regain d'espoir en sortant de ma chambre, demandant à ce qui me servait de mère de m'accompagner.
Elle me toisa au-dessus de son plat à gaufres, ce fichu tablier rose et bleu par-dessus ses vêtements, avant de redemander par peur d'avoir mal entendu :
-Tu veux que je t'emmène ?
-Ouais...
-Bonne idée, admit-elle, je voulais voir sa mère pour le club de lecture de mardi. Je finis les gaufres et on y va.
J'arguai un léger sourire satisfait. Le problème était réglé.
Vingt minutes plus tard, je l'attendais devant la porte d'entrée et en enfilant ma veste elle me fit un petit sourire :
-Je suis contente que tu te proposes de venir avec moi, ces deniers jours. Ça me touche, mon chéri.
Ce n'était pas le but, pourtant.
Je ne répondis pas et je détournai le regard de sa personne. Je ne devais pas la voir comme ma mère, simplement comme un souvenir, le vague écho de quelqu'un que j'avais connu.
Et ça devait rester ainsi.
Sans cela les choses deviendraient compliquées et douloureuses comme elles l'avaient été...
Mon expression glaciale se ternit lorsque cinq minutes plus tard, je me retrouvai devant une autre maison. Ahuri, je me rendis compte que le dénommé Jaehyo habitait à deux pas de chez moi.
La blague.
En y réfléchissant, son nom à lui me disait quelque chose mais je ne parvenais pas à me rappeler de sa personne.
Elle sonna à la porte et le jeune homme qui ouvrit le battant fut bel et bien un membre du groupe de garçon venu me rendre visite à l'hôpital.
-Salut, lança-t-il.
-Salut.
-Viens, les autres sont arrivés.
Je retirai mes chaussures sans un mot puis le suivis après avoir salué sa mère qui venait dans ma direction.
Sa maison était plus petite que celle de mes géniteurs et semblait plus ancienne mais je n'eus pas le temps de chercher d'autres indices qu'il m'invita à rentrer dans sa chambre où s'entassaient déjà trois autres garçons.
La même bande que la dernière fois.
Tout le monde me salua et je renvoyai la salutation sans trop savoir comment me comporter. Des snacks étaient éparpillés par terre et une partie de Mario se jouait sur la vieille console branchée à la télé.
Les pixels de la GameCube me brûlèrent un peu les yeux.
-Yoongi, faut qu'on fasse quelque chose de ce plâtre pourri ! lança l'un d'eux.
-Grave, y a rien écrit dessus...
-Vous allez lui écrire de la merde.
-Même pas, je vais juste dessiner une grosse bi...
-Minho, tu veux bien reprendre ma partie ? coupa brusquement Jaehyo.
-Carrément.
Je me fis la remarque qu'il serait sûrement utile de retenir leurs noms à l'avenir. L'inconnu au bataillon numéro un était un type à la peau foncée, plutôt grand, aux cheveux très courts et au sourire espiègle, était donc le dénommé Minho.
-Je serai ton adversaire ! déclara Hoseok avec enthousiasme en se levant pour le rejoindre devant la petite télévision.
-Je vais t'éclater, J-Hope !
-Yoongi, viens on va chercher des trucs à manger, me lança Jaehyo en m'indiquant l'extérieur d'un mouvement de pouce.
-Pourquoi faire ? m'étonnai-je. Y en a plein le sol.
Il ouvrit la bouche, surpris, avant de détourner le regard :
-Viens, je te dis.
Docilement mais non sans soupirer je me levai pour le rejoindre dans le couloir.
Mais en le voyant s'arrêter quelques mètres plus loin, je compris qu'il s'agissait ici d'une technique pour me parler seul à seul.
L'infantilité de la chose me fit un peu sourire avec nostalgie.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Je m'excuse, ok, lâcha-t-il abruptement.
Je haussai un sourcil dubitatif :
-Ok.
- Je...je n'aurais pas dû lancer ce pari à la con, je m'en veux pour ton bras.
Je plissai des yeux avant de me mettre soudainement à réfléchir. Je ne me souvenais pas de ma chute en skateboard. Déjà, j'étais surpris d'en faire, sûrement que ça allait avec les goûts du moment en matière de hip hop. Maintenant, je me doutais que j'avais sûrement dû faire le malin à cause d'un pari avec ce type et j'avais récupéré les conséquences de mes conneries.
C'était plausible.
-C'est pas grave, assurai-je avec nonchalance.
-Ah bon ? Parce que à l'hosto t'avais l'air de vouloir me tuer...
Pas faux.
-J'avais mal au bras et j'étais un peu embrouillé de me réveiller avec un plâtre, éludai-je sans le regarder. Fallait pas le prendre pour toi.
Jaehyo resta contrarié mais je relevai les épaules :
-On s'en fout, non ?
-Mec, tu t'es pris une sacrée gamelle, j'ai cru que c'était super grave...
-Bon, arrête de pleurnicher, tempêtai-je, soudain agacé que cette conversations s'éternise.
Il fronça les sourcils avant de hocher brusquement la tête :
-T'as raison. Viens, on va quand même chercher des snacks sinon les autres vont piger qu'on se cause...
Je m'arrachai un autre petit sourire face à son comportement mais l'accompagnai jusqu'à la cuisine où nos mères prenaient le thé. Quand on regagna la chambre, armés de nouveaux paquets de confiseries, je me rendis compte que la pièce commençait à sentir affreusement mauvais, conséquences liées au fait que trois types, en pleine puberté, étaient entassés dans une minuscule chambre.
Au milieu de tous, Hoseok se trémoussait sans grâce, presque avec obscénité, sa manette à la main en chambrant son adversaire :
-J-Hope est dans la place, baby !
Un sourire me barra le visage. Je me rappelai avec nostalgie qu'il faisait souvent cette danse ridicule à chaque fois qu'il devait exprimer son excitation.
-Ça y est les gars, vous vous êtes bien galochés, c'est bon ? lança le plus petit et le plus pâle de tous dont je ne connaissais toujours pas le nom.
-Ta gueule Wooji !
Problème réglé.
-Jaehyo, tu devrais faire des cœurs sur le plâtre de Yoongi, plaisanta Minho, pour lui déclarer ton amour éternel !
-Vos gueules ! rétorqua l'interpellé.
Puis le reste de la petite bande se mit à fredonner l'air de musique du mariage et cela me fit un peu rire. Mon humour ne semblait pas avoir beaucoup évolué depuis le temps, finalement.
Hoseok me fixait, un sourire ultra lumineux sur le visage, avant de lever le pouce en l'air puis de dire :
-Ramène ton bras, hyung, mon talent et moi-même allons t'en faire un chef d'œuvre !
Hyung.
Un souvenir me revint d'un coup, violemment.
Celui d'Hoseok et moi, au jardin d'enfants. Les autres gamins se moquaient de moi parce que j'étais trop vieux par rapport à eux. J'avais rejoint la maternelle avec un an de retard parce que j'avais été malade. C'était mal vu en Corée de redoubler une classe, alors les autres enfants me critiquaient.
Ça m'avait rendu renfermé et phobique à cette époque-là.
Seul Hoseok s'en fichait et il restait tout le temps avec moi. Il était pourtant incroyablement social mais il me défendait.
C'était mon premier ami. Mon vrai ami.
C'était le seul qui m'appelait hyung alors que j'avais demandé à tous les autres nés en 1994 de m'appeler par mon prénom pour éviter la différence d'âge et sa règle de hiérarchie.
Hoseok ne m'avait jamais écouté.
Puis, tout aussi violemment, un souvenir, plus récent me revint.
Je revoyais encore le visage déçu et colérique d'Hoseok alors que j'avais vingt-huit ans. Je visualisais encore le décor du bar, les petites tables en plastiques et les bouteilles de soju et puis notre dispute sous le coup de l'alcool, nos mots, nos reproches. Ma déception, ma rancœur.
Ma jalousie.
Et ce fut la dernière fois que je le vis.
Je secouai la tête, me crispant. Pourquoi devais-je me souvenir de ça maintenant ?
Mes doigts se remirent à tapoter ma cuisse alors que mon bras se faisait prendre en otage par des artistes médiocres et mauvais en orthographe.
Je relevai la tête alors qu'Hoseok, qui ne m'avait pas lâché des yeux, fronçait les sourcils comme s'il avait compris que d'un coup, j'étais passé du rire aux larmes.
En le fixant à mon tour, sans détourner le regard je me fis une promesse.
Je devais sauver mon amitié avec lui.
Car rien n'était encore arrivé.
Car je ne supporterais pas de ne plus jamais le revoir.
Parce que je regrettais, terriblement ce que j'avais dit ce soir-là.
Mais mes pensées se figèrent, se fracassèrent. Mes émotions semblèrent jouer à l'ascenseur émotionnel car, alors que je m'arrachais à mes obsessions mélancoliques, la vision de mon plâtre me glaça de stupeur.
-Non mais bande petits merdeux ! qu'est-ce qui vous a pris d'écrire « Min l'escargot » en énorme là ? beuglai-je.
Ma voix les fit sursauter avant que Wooji et Minho n'éclatent de rire à s'en rouler par terre.
-La vache ! Tu m'as fait une peur bleue, souffla Jaehyo la main sur le cœur. Ne gueule pas comme ça !
-Dark Yoon-Yoon le retour !
-Qui t'appelle Dark Yoon-Yoon au juste, gamin ? persiflai-je brusquement.
Wooji pâlit avant de s'écrier théâtralement :
-Ô grand seigneur Yoon-Yoon du pays de Suga, sucre de nos vies, ne vous énervez pas.
Mon expression les fit beaucoup rire et je clignai des yeux sans comprendre.
Dark Yoon-Yoon ?
Qu'est-ce que...
Ah. Je me souvenais de ça.
Malheureusement.
Je secouai la tête, un peu embrouillé.
Toutes sortes de souvenirs me revenaient et j'avais du mal à les contrôler, à les gérer.
C'était à la fois dérangeant et agréable à la fois.
-Mec... j'y pense, reprit soudain Wooji, t'as qu'une main. Comment tu vas faire pour la tenir ?
-Il est droitier, je pense que ça devrait aller, annonça Minho immédiatement, comme s'il avait déjà réfléchi à la question.
L'autre le frappa au bras :
-Je parlais de tenir la manette de la console, abruti !
-Une manette, sa manette, c'est pareil.
-T'es con.
Mes yeux retournèrent observer Hoseok qui colorait en bleu et rose un énorme bonhomme mignon avec une tête de cheval. Qu'est-ce qu'il écrivait en dessous ? « Mang » ?
Il donnait un nom à ce truc ?
-Tu vas mieux ? chuchota-t-il suffisamment bas pour que les autres n'entendent pas.
-Oui. Et... toi ça va ?
Il me rendait nerveux, ce qui en soit était assez ridicule. Après tout, il était un gamin de seize ans et moi un adulte de quarante-sept ans. Et, pourtant, je n'arrivais pas à m'empêcher de bafouiller. Hoseok sourit :
-Pas de problème pour moi, comme d'hab.
-Tant mieux.
-Les mecs, vous ne devinerez jamais ce que Minho a ramené de la chambre de son frère ! s'écria Wooji en fouillant dans un sac posé près de la porte.
-Du porno je suppose, soupira Jaehyo qui avait ouvert un paquet de chips en s'affalant sur son lit.
-Du porno ! s'enthousiasma Minho pour confirmer les soupçons de son ami, mon hyung a acheté un nouveau dvd !
Je levai un sourcil devant leur comportement un peu trop enflammé avant de soupirer bruyamment.
J'avais oublié que nous étions des ados.
*******
Chapitre corrigé par automnalh
*******
Exceptionnellement il y a eu deux chapitres pour le prix d'un cette semaine.
Je les trouvais plutôt complémentaire, il a donc été décidé de les sortir en même temps et puis, j'avais hâte de vous les faire lire. C'est un peu une façon de vous remercier de toutes les lectures et les commentaires que vous avez laissé pour ce début d'histoire.
Le ( et non pas Les cette fois) prochain chapitre arrivera dans quinze jours.
Prenez soin de vous~
Artemis
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