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29.

-Tous les signes sont là, il a couché, me lança Sun.

Je lâchai un soupir bruyant en levant les yeux au ciel tout en continuant le rangement de mes documents dans ma sacoche.

-Super, excellente déduction Sherlock, ironisai-je.

Nous étions installés à une petite table extérieure d'un café sur le campus de ma fac. Elle m'avait rejoint pour le déjeuner avant que je ne retourne en cours. Ce petit restaurant était souvent prisé par les élèves et il était difficile de trouver une place habituellement. J'avais été particulièrement chanceux qu'elle arrive avant moi, ça m'avait permis de ne pas perdre une demi-heure à tourner avec mon plateau dans les mains pour trouver une table.

À présent que les beaux-jours arrivaient, en cette fin mai, les grillons se mettaient doucement à chanter et il était tentant de rester assis à une table afin de boire un café tout en refaisant le monde. En l'occurrence mon monde car ma collègue de travail adorait particulièrement s'occuper de mes affaires.

-Le suçon dans le cou, le sourire niais, la boîte de capotes qu'il a récemment achetée et que tu as trouvée dans votre salle de bain, tous les signes sont là... reprit-elle comme si elle n'avait pas entendu ma dernière remarque.

-Je suis au courant, merci bien.

Ça faisait cinq jours maintenant et nous n'avions pas eu le loisir de nous retrouver pour en parler, nos horaires de boulot étant complètement décalés. La particularité de cette nuit, elle, restait bloquée sur ma rétine comme une scène étrange où je n'étais parfois pas bien sûr qu'elle ait été réelle.

-Pourquoi tu râles encore ? soupira-t-elle.

-Je ne râle pas, répétai-je comme à chaque fois que nous discutions ensemble.

-Qu'il ait couché ou non avec l'autre gamin, ça ne change rien. Taehyung n'est plus un enfant, et visiblement, maintenant il semble faire ce qu'il veut.

-Justement.

-Justement quoi ?

-Justement ça m'inquiète, repris-je en sentant mon agacement empirer.

Impossible de mettre la main sur ce que je cherchais dans ce fichu sac.

-C'est comme s'il était devenu une autre personne, m'expliquai-je. On ne peut pas changer ainsi, du jour au lendemain. Il ne peint plus du tout, il a créé des réseaux sociaux alors qu'il avait dit détester ça, il est constamment en soirée, il boit, il fume, il dépense tout son argent là-dedans et dans des vêtements hors de prix...

-Les semaines passent et tu te complais dans ta plainte autour de lui, Nain de Jardin, soupira-t-elle. Lâche-lui la grappe, tu n'es pas son père.

-Je le sais bien, admis-je en reprenant mon tri des documents.

-Alors arrête de te comporter comme son vieux. Certes ton Taehyung a grandi, il sort enfin de sa chrysalide, tant mieux pour lui, c'est comme ça qu'on apprend la vie...

Je lui jetai un regard torve :

-Qui parle comme une vieille, là ?

Puérilement, elle me tira la langue avant de rejeter ses cheveux en arrière. Aujourd'hui elle portait un bustier en flanelle sur un pantalon à pince noir. Les jours où elle ne travaillait pas à l'Entrepôt, elle affichait toujours de nouvelles tenues qui n'avaient rien à voir avec son éternel jogging noir avec sa casquette. Elle était quasi méconnaissable.

-Je sais bien qu'il a grandi et je suis content pour lui mais à force de trop se chercher on finit parfois par se perdre. Il reste fragile malgré tout, quelles conséquences ces excès auront-ils?

-Peut-être qu'il n'est pas aussi fragile que tu le crois

-Dans quel camp tu es exactement ? reniflai-je.

-Dans le camp de la personne qui a inventé cette glace noisette-chocolat, assura-t-elle en prenant une nouvelle cuillerée du pot qu'elle avait commandé quelques minutes plus tôt. C'est divin, tu as goûté ?

-Non, je dois me presser, j'ai un cours hyper important mais je ne remets plus la main sur ma clef usb.

Je fouillais encore et encore, cherchant dans les plis de mon sac, me demandant où j'avais pu la mettre la dernière fois.

-Tu es sûr que tu es juste inquiet, pas contrarié ? me demanda-t-elle finalement.

-Pourquoi serais-je contrarié ?

-Taehyung a des amis désormais et même probablement un petit-ami. Vous étiez toujours ensemble avant et maintenant cela crée un décalage... D'autant plus qu'il t'a dit qu'il n'avait plus besoin de toi...

C'était la première fois, ou du moins l'une des premières fois, qu'elle semblait avoir un ton assez hésitant, comme si elle prenait des pincettes. J'abandonnai quelques instants ma fouille intensive avant de fermer les yeux.

-Non, je ne suis pas contrarié par rapport à ça. Je suis soulagé que le gosse se fasse des amis et même une relation amoureuse, c'est juste que le changement se fait trop rapidement, je n'ai pas le temps de m'habituer ou même de comprendre à quoi il pense vraiment. Je suis passé d'un gosse renfermé, mutique la plupart du temps, qui passait tout son temps à peindre des tucs morbides à un gamin de dix-neuf ans aux tenues de plus en plus transparentes, qui s'affiche sur les réseaux, capable de faire des soirées, de mentir pour ne pas aller bosser et qui m'agresse quand il me parle. Excuse-moi d'être perturbé...

-C'est une phase, éluda-t-elle, il se cherche et il a besoin d'explorer sa sexualité, les limites de son corps. Il fallait qu'il passe peut-être par-là pour grandir.

Trouvée.

Victorieux, je sortis la clef USB coincée dans une pochette en plastique et, un par un, je rempilai cette fois tous les documents qui se trouvaient dans mon sac.

-C'est quoi tous ces docs ? Tu refais des CV ? Tu veux quitter l'Entrepôt ? Tu oses divorcer sans m'informer par avance ?

Je lui arrachai des mains mes papiers devant son ton cynique et elle me fit un petit clin d'œil.

-C'est pour des stages, lançai-je.

-Des stages ?

-Il y aura un stage à faire en entreprise l'année prochaine mais j'aimerais pouvoir commencer plus tôt. Postuler en amont et m'y rendre pendant les vacances scolaires, par exemple, ça me permettrait de me faire des contacts et une expérience valable.

Elle acquiesça comme un professeur validant les propos de ses élèves studieux et je roulais des yeux devant son comportement.

-Tu comptes envoyer ça partout ?

-Oui, et je vais essayer de me rapprocher de certains élèves de troisième année pour qu'ils me donnent des filons mais vu la rivalité entre les classes, je suppose que je vais me faire renvoyer chier... Rends-moi ça.

Elle me laissa ma pochette après avoir pouffé devant ma photo de profil.

-Tu sais, peut-être que Taehyung a raison sur un point, finit-elle par marmonner en terminant sa glace.

-Sur quel point ?

-Tu n'as pas de loisirs.

Je me figeai avant de me reprendre, mécontent, tout en passant la lanière de mon sac sur mon épaule.

-Ne t'y mets pas...

-C'est pourtant vrai. Tu bosses comme un acharné et tu te défonces aussi dans des études. Il est bon d'être ambitieux mais le reste du temps, tu en fais quoi ?

-Je n'ai pas le temps.

-C'est toujours ce que tu répètes, souffla-t-elle en sortant son paquet de cigarettes avant de m'en tendre une. Tu n'as jamais le temps de rien.

Je devais bien avoir une minute ou deux pour m'en griller une.

-Tu ne sais pas de quoi tu parles, je n'ai vraiment jamais le temps, insistai-je.

Elle tira une bouffée avant de dire, très sérieusement cette fois :

-On dirait que tu cours toujours contre la montre. Tu ne peux pas gagner, tu le sais, ça ? Le temps, il se prend et il se perd aussi.

-J'en suis parfaitement conscient.

Elle n'imaginait pas à quel point.

J'étais le plus à même de savoir ce que le temps créait et comment il s'écoulait mais je ne pouvais pas le lui expliquer. Je parvenais difficilement à me l'expliquer. Tout se déroulait comme si j'étais marqué au fer rouge, une trace brûlante, douloureuse, indélébile de ma vie passée.

Celle où j'avais vu le temps filer et où j'étais resté démuni, incapable de faire quoi que ce soit, seulement espérer des jours meilleurs. Je voulais un avenir, un véritable futur, une réussite, prouver à moi-même que j'en étais capable, que je n'allais plus souffrir, peiner, rentrer dans des combines malhonnêtes pour tenter de vivre.

Je n'avais pas le temps pour autre chose, car le temps, lui, ne m'attendait pas.

Sun dut s'apercevoir que je ne dirais rien de plus sur ce le sujet car elle se pencha en avant après avoir recraché sa fumée :

-Quand est-ce que tu te reposes, Yoongi ?

Jamais.

-Je dois te laisser, lui lançai-je en me levant. Je pars en premier, ça ira pour sortir du campus ?

-Tu rigoles, je pourrai m'y repérer les yeux fermés, j'adore venir ici...

Elle se laissa aller contre le dossier de sa chaise, observant les bâtiments, les allées et venues des élèves de tous les secteurs, contemplant le paysage, suivant les branches des arbres qui créaient un peu d'ombre jusqu'à la petite fontaine sur le square où nous nous trouvions, entouré de quelques cafés et magasins ouverts.

-J'ai besoin de venir ici pour observer la vie que je n'aurais jamais... murmura-t-elle.

-Tu l'auras, il faut juste que tu rembourses encore ton prêt et ensuite tu pourras venir à la faculté et profiter de ça tous les jours.

-Oui... quand tout le monde sera marié et aura des enfants.

J'allais répondre mais Sun me coupa, souriant et hochant la tête doucement :

-Je ne me plains pas. Je ne regrette rien, je sais quelle vie j'aurais menée si j'avais été ce que mes parents voulaient, si j'étais restée Chungo. Mais je suis heureuse d'avoir fait un prêt, cet argent n'a pas servi à mon avenir professionnel mais à être la personne que je suis aujourd'hui. La personne que j'aime voir dans le miroir.

Elle écrasa sa cigarette dans le cendrier.

-Et puis quitte à rentrer à l'université, j'aimerais que ce soit à Sookmyung, j'ai toujours voulu y aller étudier le droit.

-Ce serait une bonne idée !

-Je n'ose pas encore, c'est une université pour femmes...

-Sun, lançai-je fermement. Tu es une femme.

Elle me fit un petit sourire.

-File, Nain de Jardin, tu vas être en retard.

Je la pris au mot et, après l'avoir saluée, je partis à pas rapides en direction de mon bâtiment pour mon cours d'économie avancée.

Parfois venait encore cette culpabilité dont je n'arrivais pas à me débarrasser, celle d'être ici, de profiter de ma vie, de tenter de faire avancer mon avenir alors que d'un autre côté Taehyung semblait se perdre.

Se perdait-il vraiment ou étaient-ce là mes projections angoissées sur sa personne ?

Peut-être s'éloignait-il de ma vie actuelle au point où nous n'avions plus rien en commun ?

S'il n'avait plus besoin de moi, quel sens avait alors ma morne existence à présent ? Nous devions prendre deux chemins différents et ne jamais nous revoir ? Ma vie ne dépendait plus de la sienne ? S'il abandonnait la colocation, je ne devrais pas le convaincre de rester ? S'il donnait sa vie à ce Jungkook ou qui que soit la personne avec qui il avait des rapports, je n'aurais plus rien à voir avec lui ?

Ou au contraire serait-ce là l'échec absolu et je retournai encore en arrière ?

En passant les doubles portes de l'amphithéâtre, je frissonnai d'un coup. M'imaginer revenir en arrière une fois encore, me réveiller de nouveau à l'hôpital pour un bras fracturé à l'âge de dix-huit ans me parut insupportable.

Nous étions rendus si loin, était-ce seulement vivable, tolérable pour l'esprit d'effectuer à nouveau un retour ?

L'enfer.

Je ne voulais pas revivre ça, jamais.

Alors quoi faire ?

Si Kim Namjoon m'entendait, ne pouvait-il pas me donner un signe, quelque chose, n'importe quoi ?

Mais comme habituellement , mes prières restèrent sans réponse.

*******

Ma mère se remariait dans quinze jours.

J'avais reçu le faire part blanc avec des roses dorées m'annonçant la cérémonie qui avait lieu dans son village natal. L'homme sur la photo ne ressemblait absolument pas à mon père, il avait un visage allongé, demeurait plus grand et avec des lunettes rondes. Loin d'être un canon de beauté, elle m'avait assuré qu'il était gentil, drôle et serviable. Lui était divorcé depuis plusieurs années, sans enfant et revenu chez ses parents, tout comme ma mère. Ils avaient été mis en contact par rencontre arrangée comme ça se faisait dans certaines familles. Visiblement, mes grands-parents semblaient friands de ce genre de méthode comme si la solitude et le célibat se révélaient être une tare, un problème dans un programme qu'il fallait absolument régler.

J'avais pris mes billets de train pour la date de la cérémonie sans grande motivation, non seulement parce que géographiquement ça faisait loin mais aussi parce que je n'étais pas du genre à me sentir à l'aise dans ce genre d'évènements. Néanmoins, il s'agissait d'un avenir si différent de ce que j'avais vécu jusque-là que c'était un soulagement de la voir se remarier plutôt que d'attendre désespérément mon géniteur qui ne m'avait plus jamais donné de nouvelles depuis mon départ de Daegu.

J'avais tenté d'en informer Taehyung depuis plusieurs semaines mais non seulement j'avais du mal à le croiser mais en plus il ne semblait y porter aucun intérêt.

« Je m'en fous » avait été sa dernière réponse.

Visiblement ça n'avait aucune importance pour lui que je m'en aille à plusieurs centaines de kilomètres de la capitale pendant une journée et demie mais pour moi, ça en avait. J'essayais souvent de me rassurer en me disant que s'il arrivait quoi que ce soit je me trouvais toujours dans la même ville que lui, alors que cette fois, il me serait impossible de venir rapidement.

Allongé dans le canapé, le carton d'invitation dans les mains, je ne cessais de le tourner et le tourner sans savoir si je devais annuler mes billets ou non.

J'étais devenu incapable de prendre une décision.

Depuis quand est-ce que j'étais aussi hésitant avec moi-même ?

Est-ce que cette situation avec ce gosse m'emprisonnait ? Tout me paraissait confus et prise de tête. Pourtant, je n'arrivais pas à me convaincre que ça n'avait pas d'importance.

Et si...

La possibilité et la probabilité de quelque chose m'effrayait.

Cette vie n'avait plus le même sens que l'ancienne donc j'ignorais dans quoi je mettais les pieds. J'étais seulement rassuré de voir les news, d'identifier les événements, les médias, car tout se passait comme dans mes souvenirs ou ce qu'il en restait... je revoyais avec nostalgie de vieux films sortir au cinéma, des scandales éclater sur différentes célébrités qui me faisaient m'écrier « ah mais oui ! j'avais oublié ! », je regardais avec amusement certaines nouveautés technologiques en anticipant déjà les prochaines sans que personne ne se doute de rien...

Je me rassurais comme je pouvais.

Mais comme habituellement, Kim Taehyung restait un mystère incompréhensible qui rendait toutes prévisions impossibles.

Je finis par abandonner le carton d'invitation pour saisir mon ordinateur, le posant sur mon ventre pour relire mes notes de cours. Pourtant mon regard ne sautait qu'une seule et même ligne tandis que je m'obsédait pour la même question. « Que devais-je faire ? »

Je fus interrompu dans le cours de mes pensées par la notification caractéristique de mes mails sur mon écran en veille et passait les doigts sur le pavé tactile. Dans l'encart à droite était apparue la prévisualisation du message et je fronçai les sourcils. Ce n'était pas un mail pour moi, j'oubliais régulièrement qu'ayant le seul ordinateur de l'appartement, Taehyung l'empruntait parfois. Pourtant, si habituellement j'aurais seulement fermé la fenêtre, l'intitulé du mail me fit me redresser précautionneusement.

Cela provenait du pôle administratif de son université et l'en-tête annonçait : « Notification d'exclusion ».

Mon sang ne fit qu'un tour, et je me rassis dans le canapé, posant l'ordinateur sur le carton qui servait de table basse contenant des pots de peinture encore jamais utilisés. Incapable de m'en empêcher, je cliquai sur l'ouverture du message électronique.

Mes yeux défilèrent sur les lignes, sautèrent quelques mots, enregistrant les propos, et les bras m'en tombèrent ... « par la présente nous vous notifions de l'exclusion de l'université nationale des arts de Corée... » ; « Comme convenu dans le règlement signé, au-delà d'une dizaines d'absences un avis d'exclusion est envoyé », « ...prendra effet à la fin du mois », « durant cette période si vous souhaitez vous opposer et prouver lors d'un entretien avec les représentants universitaires votre bonne motivation et votre intégration, nous pouvons envisager de lever l'exclusion » ; « nous vous prions d'agréer, Mr Kim, nos salutations respectueuses ».

Nom de dieu de bordel de merde.

Je me levai d'un coup et fis les cent pas, rongeant mes ongles, incapable de reprendre mon sang froid. Dépossédé, je tentai de l'appeler, en vain, lui laissant un message disant de me rappeler urgemment. Ce qu'il ne fit pas.

Je restais là au milieu du salon, en attente de partir pour l'Entrepôt vers vingt-deux heures sans aucune nouvelle autre que l'effroyable impression que la situation se corsait.

Situation dont j'étais le seul à anticiper pleinement les conséquences.

Je demeurais encore livré à la vie de l'autre, livré à moi-même. Impuissant.

*******

Le gamin revint à l'appartement seulement le surlendemain.

Oh, il était bel et bien venu dans le logement la veille mais pas dans le meilleur état qui soit. Boucan nocturne et vomissements. Une combinaison qui exprimait au mieux ses consommations récentes. Impossible de lui parler avec tout ça dans le sang. J'avais passé le reste de la nuit à nettoyer ses conneries avant de partir en cours.

Ce jour-ci, cette fois seulement, il ne s'attendait visiblement pas à tomber sur moi en milieu d'après-midi. Un de mes cours avait été annulé et il s'agissait d'un de mes jours de repos. Il était seul, son appareil photo toujours dans les mains, il puait l'alcool à dix mètres alors qu'il n'était même pas encore seize heures. Il me salua nonchalamment avec un petit sourire mutin que je ne lui connaissais pas, comme si nous étions de vieilles connaissances sans nouvelles depuis plus de dix ans.

Il portait encore de nouvelles tenues et j'ignorais où et comment il obtenait tout cet argent depuis qu'il ne se rendait plus au combini pour effectuer quelques nuits.

-On peut parler ? tentai-je prudemment.

-Pas longtemps, je n'ai pas le temps...

Il me passa devant, évitant même de regarder les toiles restées à l'abandon depuis plusieurs mois, les pots de peintures qui séchaient, le carnet à croquis non touché depuis des semaines. Il jeta son sac sur son lit, un cuir noir de style rock pourvu de chaînes mais d'une marque de haute couture, avant d'y sortir deux fioles rectangulaire en inox et une bouteille de whiskey d'une marque écossaise. Il sembla ensuite chercher ses bijoux dans sa table de chevet tout en branchant ses écouteurs à l'ipod dernière génération qui allait avec.

-Tu peux me dépanner en clope ? me lança-t-il avec nonchalance. Je passerai t'en ramener demain, il faut absolument que j'aille à ce shooting. C'est un artiste que connaît Jungkook, un ami de son cousin ou quelque chose comme ça.... Il a besoin de photographes pour sa soirée de lancement avec sa marque de vêtements.

-Tu es photographe maintenant ?

Je m'accoudai contre le mur, dans l'entrebâillement des parois coulissantes ouvertes sur ce qui lui servait de chambre. Chambre qu'il n'utilisait plus que très rarement à présent, le lit était devenu un dépotoir à vêtements.

-Je fais ce que je veux, rétorqua-t-il en me jetant un coup d'œil désagréable.

Il était devenu arrogant au point où il m'était insupportable de le regarder sans avoir envie de le claquer. Ses yeux étaient rouges, encore brûlés par l'alcool, ses cheveux avaient reçu toutes les teintes et colorations du monde et donnaient un drôle de mélange qui dans le fond ne lui allait pas si mal mais qui faisait disparaître le jeune Kim Taehyung d'il y a un an.

-Comme le fait de ne pas aller en cours, je présume ?

Il fit la grimace.

-Pourquoi il faut toujours que tu me parles comme si tu étais mon père, tu sais que c'est agaçant, je te le dis tout le temps, tu n'écoutes rien.

-L'école a envoyé un avis d'expulsion, tu l'as reçu en mail, c'est pour ça que j'ai essayé de te joindre.

Il se figea, l'espace d'un instant j'aperçus qu'il semblait vraiment choqué, presque paniqué avant de reprendre cette façade à la Jungkook comme j'aimais l'appeler.

Les voir ensemble donnait l'impression de deux jumeaux, un modèle identique agissant de la même façon, mêmes mimiques. Taehyung avait à présent les cheveux presque assez longs pour faire la même coupe, il avait fait percé à plusieurs endroits ses oreilles pour avoir les mêmes piercings mais deux d'entre eux s'étaient infectés. Colliers, couleurs de cheveux, chaussures : une copie conforme.

-T'inquiète, c'est pas bien grave.

-Pas bien grave ? m'écriai-je soudainement.

En réalité j'avais anticipé qu'il dirait cela et ça avait allumé toute ma rage à son encontre :

-Tu te fous de moi j'espère ? Tu es en train de foutre en l'air tes études pour quoi exactement ? De la baise, de l'alcool et de la coke ?

-Plus ou moins...

-Mais reprends-toi bordel ! rugis-je, tu es plus intelligent que ça ! Tu sais bien ce que cette expulsion va créer !

-Arrête de m'engueuler ! Je ne les aime pas et ils n'aiment pas mon art de toute façon, leurs cours sont nuls et...

-Mais tu crois quoi ? Que c'est à l'établissement de s'adapter à toi ? Tu ne comprends pas que c'est l'inverse ? Tu n'as fait aucun effort pour essayer quelque chose !

-J'ai pas envie de parler de ça avec toi, lâcha-t-il en me bousculant, prêt à décamper.

-Eh bien moi j'en ai envie, m'acharnai-je en lui prenant le bras.

Il se défit de ma poigne comme si je l'avais brûlé.

-Réveille-toi ! Prends conscience que la vie que tu mènes est éphémère ! Cette école, tu as tout donné pour y entrer, t'as du talent, arrête de le nier et de le gâcher !

-Tu ne sais même pas de quoi tu parles... soupira-t-il avec un flegme qui me parut désagréable.

-Alors qu'est-ce que tu veux ? criai-je soudainement. Qu'est-ce que tu veux à la fin ?

Il se tourna enfin vers moi, abandonnant ses chaussures qu'il était en train de remettre. Il était ravagé de fatigue, je le voyais, mais ses yeux gardaient toujours ses prunelles dures et intenses.

-J'ai tout ce que je veux, arrête de baliser.

-Pourquoi tu ne quittes pas la coloc, hein ? m'exclamai-je.

Il détourna le regard.

-Si tu n'as plus besoin de moi, si le deal entre nous tombe à l'eau, pourquoi tu reviens là ? Pourquoi tu ne vis pas avec Jungkook ? Tu veux foutre ta vie en l'air ? Très bien ! Vas-y, fonce !

-Je ne fous pas ma vie en l'air !

-Alors pourquoi tu as l'air si malheureux si tu as tout ce que tu veux ?

Ça le sidéra complètement, il resta là, choqué, les yeux écarquillés de surprise.

-Tu me prends pour un lapin de six semaines ? Tu crois quoi ? Que, dans mon ancienne vie, je n'ai pas eu exactement le même parcours de toi ? Que j'ai ressenti cette même impression de devoir combler un vide qui ne se refermait jamais ?

-La ferme !

-La peinture remplit ton vide et tu le sais ! assénai-je. Mais maintenant quoi, tu la fuis ? Est-ce que tu fais vraiment des choses que tu aimes avec ce type ou tu les fais pour ne pas qu'il se désintéresse de toi ?

Il serra le poing, sans voix.

-Dis moi que tu n'as plus envie de mourir et on arrête tout, soufflai-je plus doucement cette fois. Dis-moi que tu n'as plus d'envie de mort et on met fin au deal, à la coloc, et je te laisse faire ta vie, j'arrête de t'emmerder, j'arrête de me comporter comme un vieux mec aigri...

Il n'y eut plus que le silence et, l'espace d'un instant, la tension retomba et je crus que nous pourrions souffler.

J'étais trop naïf.

Brutalement Taehyung me repoussa, ses deux mains furent violentes contre mes épaules et je fis quelques pas en arrière, manquant de trébucher.

-Tu ne comprends rien ! Tu n'as jamais rien compris !

-Tu ne m'expliques pas..., me défendis-je, surpris par sa soudaine violence.

-Jungkook me comprend, lui, on se dit tout, on se parle de tout !

-De tout ? balbutiai-je, tu veux dire que tu lui as parlé de ta volonté de sauter du toit ?

-Évidemment !

-Tu lui as pas parlé du voyage dans le temps ? m'inquiétai-je.

Il me repoussa encore et je pris le carton de pots de peinture dans les mollets, trébuchant à moitié contre le canapé.

-Bien sur que non, il m'aurait pris pour un taré ! Jungkook, il m'aide vraiment, lui, à aller mieux alors que toi, tu n'en as que pour ton petit confort, tu ne fais que ça parce que tu as la trouille de rebasculer encore dans le temps, dans ta vie de merde d'avant !

Je me redressai, furieux :

-Il t'aide ? T'appelles ça de l'aide d'être défoncé tous les soirs ?

-De toute façon il avait prévenu que tu serais intolérant avec moi parce que je suis gay.

Une exclamation de pure surprise mes lèvres et je me mis à rire jaune :

-Il a dit ça ? Il a pas un neurone qui se connecte ou quoi ? J'ai l'air d'être intolérant envers ta sexualité ? Sérieusement ? C'est ça, sa défense, quand on lui demande des comptes sur son comportement, ses actions ? Rejeter l'autre sous principe qu'il est homophobe ? Mais réveille-toi, Taehyung, ne vois-tu pas que c'est complètement insensé comme raisonnement ?

-La ferme !

Il me poussa encore mais cette fois je tins bon et dégageai ses mains.

-Tu en passes par les gestes maintenant ? Sérieusement ?

Il donna un coup de pied dans le carton qui cogna contre le mur et répandit son contenu qui roula bruyamment sous les meubles.

-Ce Jungkook ne t'aide pas et tu le sais, parce que tu es plus intelligent que lui. Tu es plus brillant que lui, tu as un vrai talent que tu gâches en t'acoquinant avec ce pseudo avant-gardiste qui dépense l'argent de sa famille et qui ne fait que parler à qui veut bien l'entendre. En quoi exactement il te comprend, hein ?

Taehyung me fit une mine dégoutée et ce fut à ce moment que je me rendis compte qu'il avait les larmes aux yeux.

-T'es vraiment qu'un sale con.

-Sûrement, admis-je férocement, un vieil aigri aussi, je te l'ai déjà dit.

-Tu n'en as que pour ta réussite sociale, ce vieux modèle de merde, étude, travail, mariage, enfants ! Mais le bonheur, il n'est pas là-dedans, tu ne le vois pas ? Tu as loupé ta vie et maintenant tu recommences encore ?

-Le bonheur, il est pas dans un fond de bouteille de whiskey non plus, répliquai-je durement.

-Tu n'essayes pas d'être moi, lâcha-t-il alors avec des sanglots dans la voix, tu n'essayes pas de te mettre à ma place, tu es si cartésien que c'en est insupportable, tu n'as aucun cœur, aucune émotion, aucune empathie et tu fais la morale comme si tu savais tout.

Je me tus brusquement, le sentiment de culpabilité enfla dans ma poitrine.

J'allais prononcer des excuses, balbutier quelques mots, coupable d'être si maladroit, mais il commença à s'énerver à nouveau, sécha ses larmes d'un revers de manche agacé et se mit à essayer de tout casser. En tentant de l'en empêcher, il se défit encore de ma main et me poussa avant de tenter de me frapper.

Tout dérapa rapidement, j'ignorais si c'était de la lutte, s'il avait une véritable envie de m'asséner une baffe ou non, mais on se débattait au milieu de notre appartement en renversant toiles, peintures, lampes.

J'essayais de l'arrêter tout en me disant qu'il n'irait pas si loin, qu'on n'en viendrait pas à ça, c'était à mon tour d'être sidéré. Parce qu'il était plus grand et plus fort que moi, il me renversa sur le parquet d'un coup sec. Mon dos cogna et je m'arrachai une grimace de douleur, le souffle coupé, mais je n'eus pas le temps de respirer qu'il prit mon visage entre ses mains.

Je crus que j'allais recevoir un coup de tête, quelque chose de violent, d'insensé, que ma caboche allait cogner contre le sol et que je subirais un trauma crânien, mais il ne fut rien.

Il m'embrassa.

Je restai là, les bras bloqués par son corps, les yeux écarquillés. Je ne bougeais plus.

Rien n'avait plus de sens maintenant. Je ne comprenais plus ce qui se passait ni comment on en était arrivés là, c'était si incohérent que j'en oubliais de cligner des yeux .

Il recommença une fois, puis deux, mais alors que je restais comme une statue, il finit par se relever, nos regards se croisèrent. Ses prunelles noires étaient légèrement dilatées, il semblait encore là et absent de la scène pourtant, ce fut peut-être mon expression qui le réveilla. Il sembla tirer dans un délire duquel je ne préférais pas savoir d'où il venait. Avait-il l'habitude de mélanger relation charnelle et violence ? Je m'en inquiétai soudainement.

La panique courut sur son visage, de ses yeux à son menton. Il se releva soudainement, paniqué.

-Pardon, je... je voulais pas...

Il me fallut un effort important pour me relever sur mes coudes, je ne savais pas quoi prononcer et j'entendis un sanglot étouffé tandis qu'il se mettait à courir pour récupérer son sac. Je n'eus pas les mots pour le retenir et la porte claqua et je restai là, assis sur le sol au milieu du chaos, parmi les toiles lugubres intactes ou cassées à la suite de notre affrontement, en état de choc.

Ce fut la première fois depuis mon retour, depuis l'accident, depuis ce jour mortifère, que je ressentais quelque chose. Même si c'était de la peur, c'était déjà quelque chose de nouveau.

Et maintenant que devais-je faire ?




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Chapitre corrigé par automnalh et pina_lagoon

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Ps : Je suis désolée de ne pas avoir prit le temps de répondre à vos commentaires du dernier chapitre. Je suis actuellement très très débordée. Je n'aime pas vous laisser sans réponses mais là je n'ai pas eu la possibilité de m'accorder du temps 🥲

Merci beaucoup à tous ceux qui ont commentés au précédent chapitre, vos réactions sont toujours aussi géniales ❤️

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Je n'aurais qu'une chose à dire pour les prochains chapitres : Préparez-vous. 😇😈

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