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28.

Un vent de nouveauté et d'étrangeté avait commencé à se lever à l'aube de cette nouvelle année. Quelque chose d'anormal, un bug dans ma routine habituelle jusqu'alors bien installée.

Cette nouveauté avait fait planer un voile d'inquiétudes sur un sentiment que je ne parvenais pas à expliquer, une inquiétude grandissante qui prenait sa source dans ces mêmes angoisses de mort que je ressentais dans mes cauchemars.

Ou quand j'osais penser à Kim Namjoon.

Je ne le savais pas encore mais ma vie se détachait de plus en plus de la précédente.

Je naviguais en flots inconnus, soufflé par des vents transversaux avec cette impression factice de tenir la marée, de surmonter les vagues.

Dans le fond je fonçais vers l'inconnu et je restais dans le déni jusqu'à le voir s'écraser sur ma coque.

Tout irait bien, n'est-ce pas ?

Ça avait commencé peu de temps après la rentrée, entre les floraisons de cerisiers et un début de printemps frisquet. Taehyung avait enfin intégré l'université rattachée à son lycée d'art. Une université à forte réputation qui se trouvait légèrement plus loin en métro de l'appartement que son établissement précédent tandis que je rentrais en deuxième année toujours en section de gestion et comptabilité après avoir réussi, et j'en étais heureux, brillamment mes examens. Les vacances étaient passées dans un rythme de travail à l'Entrepôt, j'avais eu plusieurs nouvelles d'Hoseok, de Wooji, Jaehyo et Minho qui auraient voulu que je retourne Daegu quelques jours.

Néanmoins, non seulement les finances n'étaient pas au beau fixe puisque l'argent de ma mère avait nettement diminué maintenant qu'elle préparait sa nouvelle cérémonie de mariage, mais Kim ne voulait pas retourner sur Daegu et le laisser seul plusieurs jours à l'appartement était inenvisageable.

Autant pour lui que pour moi.

Je me rendis compte de l'étrangeté des choses pour la première fois en faisant les courses.

Kim Taehyung et moi avions l'habitude, une fois par mois, de combiner nos deux économies - et ce depuis qu'il avait eu sa majorité et pris son premier petit boulot dans la supérette non loin de l'appartement- pour faire des courses en gros.

Un méga caddie qui devait nous faire tenir le mois entier. On y allait chaque fois à la même période de promotions du grand supermarché à plusieurs stations de bus de chez nous. Ni lui ni moi n'aimions le faire alors nous avions instauré la règle de toujours y aller ensemble.

Ensemble dans la pénibilité de la chose.

Seulement, ce jour-là, lui n'était pas véritablement là. Physiquement il traînait sa carcasse dégingandée dans les rayons mais ses yeux étaient rivés sur son téléphone où depuis déjà une bonne vingtaine de minutes il répondait et lisait des messages.

Non seulement c'était la première fois qu'il utilisait autant le téléphone que je lui avais transmis, mais en plus les rares sourires qui se peignaient sur ses lèvres me prouvaient qu'il y prenait du plaisir.

-Kim, j'ai besoin de toi à cent pour cent, tu peux m'aider maintenant ? m'agaçai-je en hissant les packs de coca-cola parmi nos sacs.

-Hum, attends deux secondes...

Puis il rajouta avec, je supposais, un coup d'œil sévère :

-Min.

Ces dernières semaines, il se montrait particulièrement insolent sans que je ne l'explique, parfois il s'agaçait contre moi sans aucune raison valable et dès que j'avais le malheur de le rappeler par son nom de famille, il en faisait de même.

Comme un fichu écho.

J'attendis, cinq, puis huit minutes avant de soupirer suffisamment bruyamment pour qu'il fasse une moue désagréable.

-Si tu veux acheter les trucs que tu manges habituellement, c'est maintenant ou jamais, ne compte pas sur moi pour le faire à ta place.

De mauvaise humeur, il rangea le téléphone dans sa poche arrière et me prit la liste des mains.

-Ce que tu peux être chiant.

C'était vraiment l'hospice qui se foutait de l'infirmerie.

Ça commença à se reproduire plusieurs fois par jour. Taehyung traînait dans l'appartement le nez sur son écran, même en mangeant, même en peignant, un vague sourire sur les lèvres et tapant de plus en plus vite sur le clavier les réponses à ses messages. Un jour où il ne fut pas de mauvaise humeur dès l'instant où j'ouvrais la bouche, il finit par me dire :

-C'est un type de ma promo, il est sympa.

Ce fut les seules informations que j'en tirai.

Puis, un beau jour alors que le mois de mai n'allait pas tarder à commencer, lorsque je rentrai à l'appartement en speed, pressé de me changer, de poser mes affaires, grignoter un truc ou deux avant de repartir pour l'Entrepôt, ce fut comme un virage.

En effet étrange.

Un coup de ciseaux qui venait couper un fil et qui engendra autant de sidération que d'inquiétudes.

-Salut.

Kim Taehyung se trouvait là, au milieu de la cuisine, deux verres dans les mains et je ne le reconnus pas. Du moins pas au premier coup d'œil. En l'espace d'une fraction de seconde j'étais passé de la surprise, à l'envie de crier « qui êtes-vous ? » avant de me reprendre furieusement.

C'était lui bien évidemment, c'était sa voix, sa façon étrange de tordre sa bouche lorsqu'il était gêné par quelque chose.

Mais en même temps ce n'était plus lui.

Ses cheveux avaient été coiffés et coupés, bien mieux que ce que ma mère avait été capable de faire deux années en arrière. C'était une belle coupe qui ouvrait son visage, son regard, les traits symétriques de son visage.

Je clignais des yeux une fois puis, deux, ma sacoche de cours sur les bras, figé.

Ce fut la première fois que je me rendis compte qu'il avait grandi, qu'il faisait à présent une demi-tête de plus que moi, que son corps bien que maigre était mieux bâti que le mien, chétif et sans carrure. La droiture de son nez et la forme de sa mâchoire me donnaient cette impression de métamorphose, même ses vêtements semblaient différents. Le jean semblait mieux taillé et le pull gris sur ses épaules, demeurait neuf, ajusté pour être ni trop près du corps, ni trop lâche.

-Salut, balbutiai-je sans être capable de dire autre chose.

Oui, c'était ça, il avait grandi comme s'il était sorti de la chrysalide.

-Qu'est-ce que tu fais là ? m'interrogea-t-il avec brusquerie, tu n'étais pas censé aller directement au boulot ?

-J'ai quarante-cinq minutes de répit, il faut que je mange...

-Ah...

-Salut !

La nouvelle voix était enthousiaste, entrainante, pleine de bonhomie et, choqué, je tournai la tête vers un parfait inconnu.

-Tu dois être le coloc de Tae, c'est ça, Yangi ?

-Yoongi.

-Ah oui pardon, s'amusa-t-il en me serrant la main, je suis Jungkook.

-Jungkook ? m'étonnai-je.

-Je t'en ai parlé, lança Kim précipitamment, l'ami de ma promo.

-Ah, d'accord.

Depuis quand invitait-il même des gens dans l'appartement ? Chose qui était ô combien insupportable pour lui jusqu'alors ?

Le dénommé Jungkook ne devait pas être beaucoup plus âgé que mon colocataire, ses cheveux étaient bruns, rattachés dans une semi-couette, et ses oreilles étaient percées à divers endroits et au point où sa boucle d'oreille de droite parvenait à descendre jusqu'à la moitié de son cou.

Il respirait l'argent. Ce fut ma première impression de lui. Il respirait une certaine forme de luxe mais caché par des habits beaucoup plus grunge, un mélange entre le jean et le cuir. Il portait une paire de lunettes de soleil de grosses marques dans son col qui dévoilait un torse imberbe.

-Qu'en penses-tu, de ce relooking ? N'est-il pas à tomber ? me lança-t-il avec une franchise et une facilité comme si nous ne venions pas de nous rencontrer.

-Euh... je...

Qu'attendait-il exactement comme avis ?

Mais il ne me laissa pas finir, s'approchant de mon colocataire toujours avec ses deux verres dans les mains.

-Il est canon, je suis content de l'avoir remarqué dès le début. Révélé au grand jour il va faire un tabac, tous les mecs à ses pieds... Tae, sois plus à l'aise, décrispe-toi, ça te va à ravir ces fringues-là.

Mais le récemment relooké et moi-même abordions cette même sidération étrange, ce malaise qui nous faisait nous regarder comme si nous ne savions pas exactement comment l'autre allait réagir.

-C'est sympa ce que vous avez fait à votre appart, lança Jungkook à la cantonade. J'aime bien le côté salon déstructuré qui sert à Tae d'atelier. Je pense que ce serait mieux qu'un des murs soit peint dans un vert empire, ça donnerait un côté moderne incroyable... On m'a toujours dit que j'avais l'œil pour la déco intérieure... Enfin comme pour le stylisme. Je crois que si j'avais voulu j'aurais pu envisager d'être créateur de mode et...

Ah. Un autre m'as-tu-vu qui semblait avoir tout fait, tout vu, c'était bien ma veine..

-On y pensera, répondis-je plus sèchement que je l'imaginais, on va surtout économiser pour tenter d'avoir une télé.

-Je connais un type qui pourrait vous aider, enfin mon oncle aussi, un revendeur de télé à pas cher.

-On y repensera...

-De toute façon, ça sera pas pour tout de suite, Tae ne t'a pas parlé de son projet d'appareil photo ?

Enthousiasme, Jungkook passa un bras autour des épaules de mon colocataire qui regarda littéralement ailleurs mais ne sembla pas renier le contact.

-Moi, je veux être photographe et je pense que Tae a aussi l'œil pour ça, on va essayer de lui trouver un argentique pas trop cher pour qu'il s'essaye à la pellicule. D'ailleurs j'ai vu que votre salle de bain pourrait servir carrément de chambre rouge, il suffit que l'ampoule du...

-Un appareil photo, répétai-je.

-J'allais t'en parler, répondit Kim immédiatement, c'est un projet et c'est pour l'école...

-Ok, d'accord, admis-je simplement.

Je finis par les laisser tandis que le Moulin à Paroles ne cessait de jacasser sur des sujets dont je ne suivais pas le développement. En l'espace de quelques minutes, il se vantait pour montrer à quel point sa culture était grande, à quel point il faisait des visites et autres vernissages parmi les populations les plus riches et que son réseau d'artistes était immense. Cela ressemblait à un long monologue durant lequel Taehyung ne disait rien.

Je parvins à trouver de quoi me faire un sandwich rapidement tout en rangeant mes affaires sur mon bureau et préparant mon programme de révisions avant de m'empresser de repartir. En quittant ma chambre, passant par le couloir ouvert qui menait à la pièce principale, je captai rapidement une conversation :

-... tu es sûr d'aller bosser ? Ça tombe vraiment mal. Myra organise une putain de soirée ce soir, il faut que tu sois là, c'est important. Et puis les autres doivent te voir avec ce nouveau look !

-Je n'ai pas le choix, marmonnait Taehyung, le patron de la supérette compte sur moi, il doit recruter quelqu'un d'autre pour la semaine et je dois faire mes heures...

-Appelle pour annuler, dis-lui que tu es malade...

-Jungkook, je ne suis pas certain...

-Kook. On a convenu que tu m'appelais Kook maintenant.

De là où j'étais et même sans voir son visage, j'imaginais très bien la mine gênée et la tête penchée vers le sol de Kim, incapable de répondre.

Sur cette dernière impression, je quittai l'appartement en direction du travail.

-Je ne vois pas de quoi tu te plains, me lança Sun environ vingt-cinq minutes plus tard.

Elle était installée à côté de moi à l'entrepôt et nous devions retrier les cartons avec des problèmes d'aiguillage et coller des étiquettes pour les renvoyer dans le bon chariot qui devait partir en livraison dans dix minutes.

-Je ne me plains pas, répliquai-je.

-Si, tout le temps.

-Tu me fais chier.

Elle me fit un clin d'œil amusé par-dessous la casquette où elle avait rattaché ses cheveux en queue de cheval. Elle ne portait pas de masque aujourd'hui, ce qui me laissait le loisir d'observer son petit sourire narquois qu'elle portait en permanence.

-Tu passes ton temps à t'inquiéter comme un vieux daron qu'il n'a pas d'amis, pas de vie sociale. Tu vois bien que ça commence à se régler. S'il peut réussir à se faire un ami en commençant la fac, c'est plutôt une bonne chose.

-Je sais bien, admis-je, et je suis content pour lui, mais en même temps j'ai un mauvais pressentiment.

-Sur quoi ?

-Sur ce type, je ne le sens pas.

Elle souffla me jetant un coup d'œil moqueur :

-Tu es sûr que tu n'es pas plutôt ennuyé par l'idée qu'il fait à présent des choses sans toi et que tu restes seul.

Je lui répondis par un regard torve :

-Ce n'est absolument pas ça. L'idée même qu'il sorte et voie autres choses que des peintures au fond de notre salon, m'arrange.

-Alors quoi ?

-C'est l'autre type, je te dis.

Après avoir rempli le chariot, géré les derniers paquets oubliés, on retourna sur notre ligne de tri habituelle après la livraison d'un camion venu déposer les cartons.

-Ou alors, tenta-t-elle après un temps, ce qui t'ennuie c'est que ce type ait plus d'influence sur lui que toi ?

-Pourquoi tu veux absolument trouver un sens au fait que je n'aime pas sa tronche, à l'autre gamin ? râlai-je.

-Tu es vraiment le Grincheux parmi les Sept Nains, riposta-t-elle.

-Je ne vois pas le rapport !

-Ce Jungkook est peut-être un beau prince venu le délivrer, va savoir.

-Tu as regardé des Disney ces derniers temps ? lançai-je. Parce que tu ne fais que des références étranges aux contes...

-Tu évites ma remarque, insista-t-elle.

-Je n'évite rien du tout.

-Alors de quoi tu as peur ?

Je soufflai fort en reposant le petit carton sur la pile.

-Ce gamin est fragile, voilà ce qui m'inquiète, et je n'ai pas l'impression que ce M'as-tu-vu l'ait bien cerné.

-C'est noble de ta part de vouloir le protéger mais il va bien falloir que le petit Tae se la coltine la vie, si tu vois ce que je veux dire. Comme nous tous...

-Je sais bien.

-Tu n'es pas son paternel, tu ne peux pas le protéger de tout.

-Je sais bien, répétai-je.

Elle assura son propos en secouant son scanner portatif devant mes yeux :

-Je suis sûre que ça ira très bien.

Certes, mais pourquoi avais-je un si mauvais pressentiment ?

*******

Mon scepticisme empira le mois qui suivit mais je préférai me faire violence plutôt que m'alarmer pour rien. Je tentai de me laisser convaincre par les mots de Sun. Après tout, j'étais très certainement pas habitué à ce que Kim change à ce point, il se pouvait donc que j'aie du mal à me situer.

Le problème, c'est que ce « manque d'habitude » me poursuivit pendant deux mois.

Durant cette période Taehyung allait et venait, il rentrait tard, partait tôt, et il ne touchait presque plus à la peinture. Les moments où il était à l'appartement, alors qu'avant il aurait passé le plus clair de son temps devant sa toile, sa peinture était entrecoupée de longues périodes où il pianotait sur son téléphone.

Néanmoins, il avait l'air heureux.

Je préférais donc fermer ma gueule.

À présent avec un appareil photo dans les mains, les pots de peinture se vidaient bien moins vite et il partait toute la journée, Jungkook venant le chercher dans sa voiture de marque allemande en bas de l'immeuble.

Nous ne parlions que très peu, échangions sur des banalités, mais il tentait de créer de la nouveauté dans nos discussions. Il amenait des sujets auxquels je ne m'étais jamais intéressé, il me conseillait de la musique, des films dont je n'avais jamais entendu parler. Malheureusement il commençait toutes ses phrases par « Jungkook ceci », « Jungkook cela ». L'autre gosse était omniprésent dans son discours et la fascination qui en découlait m'inquiétait légèrement.

Pourtant, chaque nuit, quand mes cauchemars venaient, il était là. Ça, ça n'avait pas changé. J'estimais donc qu'il serait mal avisé de ma part de lui faire des reproches sur la manière dont il parlait du gamin M'as-tu-vu et sur la façon dont il dépensait soudain son argent en produits pour la peau, pour les cheveux et en vêtements sous les conseils de son nouvel ami.

Dans le fond c'était toujours le même, je le surprenais encore à fixer le vide avec ce voile de tristesse sur le visage, ou à peindre exclusivement en noir au milieu de la nuit des formes vaporeuses lugubres.

Et puis, quelque chose changea définitivement.

J'étais bloqué dans ce même rêve à nouveau. Chaque centimètre de ma peau tremblait de peur, de sueur et de cette froideur collante et opaque qui m'étouffait. Mon nez respirait l'hiver et la pollution ambiante au point de m'en faire mal et je sentais la rigidité de mes muscles, mes jambes figées, plus lourdes sur de la pierre, incapable de bouger.

Les crissements sur l'asphalte du véhicule perdant le contrôle sur la plaque de verglas, le bruit désespéré d'une voiture si lourde tentant de freiner et moi, ébloui par les phares, plissant les paupières, incapable de sortir une main de mes poches pour parer la lumière, je retenais mon souffle.

J'étais dans un cauchemar, je devais sortir.

Le véhicule arrivait avec force et férocité, violemment jusqu'à moi, me coupant les jambes d'un coup et je me crispais, le souffle rentrant dans mes poumons bruyamment entre un cri et un étranglement.

Réveille-toi. Réveille-toi, putain.

Au prix d'un effort qui me sembla incommensurable je me forçais à ouvrir les yeux, rebasculant soudainement dans la réalité, m'accrochant aux draps de manière désespérée.

Le souffle me manquait, j'étouffais bruyamment, mon corps était figé de stupeur, d'effroi, de cette paralysie du sommeil qui me perforait le torse. Je sentais encore la fraîcheur de cet hiver du jour de cet accident.

Mes paupières se refermèrent et je me tendis encore, poussant un rugissement désespéré.

Réveille-toi, ne te rendors pas.

Je ne voulais pas me laisser happer à nouveau, y retourner, alors j'écarquillai les yeux, cherchant désespérément à me réveiller suffisamment pour que le songe disparaisse, noyé dans mon subconscient.

Cela me parut long mais dans la pénombre de ma chambre que seul le radio-réveil aux chiffres verts illuminait, ce fut peut-être incroyablement rapide.

Je restais là, sur le dos, la respiration sifflante, les draps serrés autour de moi, effrayé, pleurant comme un enfant, engourdis par le passé, les rêves et la mort.

Surtout la mort.

Quand enfin je me sentis un peu mieux, que mes pieds répondirent à mes ordres mentaux, je me redressai, tâchant de me prendre la tête, de me masser les tempes avec mes paumes.

Cette nuit-là, la porte de ma chambre demeura close.

Assoiffé et avec des fourmis dans les jambes, je quittai le lit et fis quelques pas dans l'appartement. Tout était sombre mais je n'osais pas allumer la lumière de peur de me flinguer les yeux. Les vitres du balcon et du salon laissaient transparaître la luminosité externe. Il devait être très tôt car même le ciel n'avait pas changé de couleur.

Je pris un verre d'eau, fis couler l'eau doucement, cherchant à détendre mes muscles trop ankylosés avant que mes yeux ne se portent sur la partie de la pièce refermable par des parois coulissantes. La partie qui était la chambre de Taehyung.

Ces dernières étaient encore ouvertes. Le lit était vide.

Prestement je reposai le verre, fis un tour à la salle de bain, absente de toute présence et revins dans la chambre chercher mon téléphone.

3h57. Où était-il ?

Je tapai un message rapidement puis attendis une réponse qui ne vint pas. Je tentai d'appeler, me demandant si je n'allais pas trop loin. Étais-je en droit d'insister autant ? Il faisait sa vie maintenant, qui étais-je pour lui demander des comptes ?

À la deuxième tentative on décrocha, j'entendis un bruit de soirée, une voix puis on raccrocha.

Ça ne me rassura pas.

Je lui renvoyai un message, l'informant que je voulais juste savoir si tout allait bien et qu'il pouvait rentrer quand il le souhaitait.

En me recouchant, parfaitement éveillé, bien trop pour m'assurer de me rendormir à nouveau je me mis à m'inquiéter.

Peut-être avions-nous pris de mauvaises habitudes, celles où il venait de me réconforter dans mon lit toutes les nuits, finissant la sienne sur mon matelas peut être m'étais-je trop habitué à ça et qu'à présent réveillé au beau milieu de la nuit, seul, effrayé, mon cerveau créait mille et un scénarios. Peut-être que nous devrions prendre un nouveau rythme.

Pouvais-je vraiment l'empêcher de vouloir mourir à nouveau en étant absent de sa vie ?

Je fus réveillé à cinq heures quarante-cinq, tiré d'un nouveau sommeil très léger mais pas hanté par le froid hivernal ni une voiture glissant sur la glace.

Le bruit fut tonitruant et me réveilla en sursaut, je finis par quitter le lit entendant une voix et fus ébloui par la lumière allumée du couloir.

Taehyung était rentré et se battait avec la manche de sa veste dans laquelle sa main était coincée. Il me fallut dix secondes pour comprendre ce qui se tramait.

Sans un mot je lui donnai un coup de main et sa tête vint s'échouer sur mon épaule, son corps me tombant presque dessus. Il empestait la cigarette à pleins poumons. Je le fis marcher jusqu'à son lit où il tomba comme une masse, se roula en boule et s'endormit aussi sec.

Lui qui était anti-alcool au possible, marqué à vie par le comportement de son père et les conséquences de la consommation, était à présent en train de ronfler, allongé sur son petit lit comme si tout ce qu'il avait dit avant n'avait plus d'importance.

Je ne comprenais plus rien.

Il fut réveillé sept heures plus tard, pile-poil pour le déjeuner tandis que j'essayai de faire du riz sauté au kimchi. Sun m'avait expliqué la recette et j'essayais de la réussir aussi bien qu'elle.

Une carcasse dégingandée et ô combien mystérieuse quitta la seconde chambre et marcha jusqu'au canapé pour s'y laisser tomber. Ses cheveux coupés plus courts laissaient tout le loisir d'observer les grimaces de souffrance sur son visage.

-Il y a un cachet sur la table, l'informai-je.

-Trop loin, grogna-t-il d'une voix éraillée.

Je le pris en pitié, abandonnant quelques secondes mon plat avant de lui rapporter un verre d'eau et un médicament. Il eut du mal à avaler et se contenta de petites gorgées, au bord de la nausée.

-C'est ce qui arrive quand on boit trop, l'informai-je.

Il me jeta un coup d'œil vitreux avant de se rallonger :

-Je sais... pitié j'ai pas le courage... de me disputer avec toi... maintenant.

-Qui a dit qu'on allait se disputer ?

-Ta tête, m'informa-t-il en refermant les yeux , son bras cachant ses yeux. Je suis sûr que tu ... allais faire une remarque.

-Désolé d'être... surpris, marmonnai-je en baissant le feu des plaques et en ne laissant pas le riz prendre au fond de la poêle.

Au bout d'un long quart d'heure, il finit par dire :

-Je t'ai ramené des clopes au fait...

-Parce que c'était pour moi ? Vu ce qu'il reste du paquet j'ai plus l'impression que tu en as fumées.

En accrochant sa veste cette nuit après qu'ils se fut endormi, j'avais vu un paquet blanc et bleu plié de la marque KT& G.

-C'était pour essayer, se défendit-il mollement, le bras toujours sur ses yeux.

-L'alcool aussi, c'était pour essayer ?

Cette fois son bras retomba et il tourna son regard dans ma direction. Il avait mauvaise mine, le teint flou, mais il soutint mon regard comme s'il était pris d'une nouvelle assurance que je ne lui connaissais pas.

-Tu vois, tu peux pas t'en empêcher...

-On a convenu des règles de ne jamais avoir d'alcool dans le frigo, ni même de la bière, tu n'as jamais souhaité essayer jusqu'alors et tu avais décidé que jamais tu ne toucherais à une bouteille, tu te souviens ?

Il se redressa du canapé tandis que je servais les bols de riz. Même sa manière de tenir son corps avait quelque chose de différent. Avant il paraissait toujours replié, renfermé, à présent ses épaules étaient plus ouvertes. Il semblait enfin assumer sa taille, vu la longueur de ses jambes qu'il étendait nonchalamment.

-Eh bien j'ai changé, j'avais envie d'essayer pour voir ce que c'était... j'ai le droit, c'est ma vie et mon corps.

-Je sais que tu as le droit mais je te dis que j'ai été surpris. Le repas est prêt.

Il se leva et approcha document de l'assiette, désireux de manger mais à peine eut-il pris la première bouchée qu'il sembla barbouillé. Pourtant il parvint à se contenir après une grande inspiration.

- Tu ne l'as pas fait parce que les autres ont insisté, non ? l'interrogeai-je.

Il roula des yeux.

-Non, mais je ne suis pas surpris que tu penses ça.

-Je ne le pense pas, je te le demande.

-Tu as déjà ton idée et tu penses avoir raison, surtout, comme d'habitude. Avec Jungkook, on était certain que tu ne comprendrais pas.

Je reposais mes baguettes, me sentant soudain contrarié.

-Ah, et que pense Jungkook de moi ? Après tout, son avis a vraiment de l'importance...

-Tu ne l'aimes pas.

-Non, je ne l'aime pas.

-Il n'a rien fait et tu ne le connais même pas !

- Tu passes ta vie à me parler de lui, j'ai l'impression de le connaître.

-Alors qu'est-ce qui ne te plaît pas ? C'est un type brillant, intelligent, doué, artistiquement indépendant, passionné et qui a du talent.

-Ça, je sais.

-Alors quoi ?

Pourquoi nous disputions-nous ainsi, au final ?

-Tu as de la fascination pour lui.

Il leva un seul sourcil, avant de prendre une mine confuse.

-Quoi ?

-Tu as de la fascination pour ce mec, tu gobes tout ce qu'il dit et lui, il pavane comme un roi, il a du pouvoir sur toi et tu ne sembles même pas t'en rendre compte.

-Tu racontes n'importe quoi, tu es juste jaloux de lui.

-De quoi je serais jaloux ?

-Lui n'est pas un vieux type aigri, qui ne sait que rappeler qu'il a remonté le temps et qui n'a pas une once d'ouverture d'esprit, qui est seul, n'a aucun loisir, aucun amis depuis son arrivée ici et qui aime donner des leçons !

-D'accord, admis-je. Je suis capable d'assumer ça, maintenant à toi d'assumer que depuis que tu as rencontré ce gamin, tu le copies, tu fais tout comme lui, il te créer à son modèle.

-Je suis moi ! Je me sens mieux depuis qu'il est là, je n'ai jamais été aussi bien !

-Alors pourquoi tu ne peins plus ?

Il se figea. Malgré la fureur dans son regard, il demeura coi quand il marmonna :

-En ce moment c'est pas si important.

-Pas si important ? Tu m'a dit que la peinture c'était toute ta vie.

-Et toi tu m'as pas dit de trouver autre chose ?

-Autre chose qui te plaise, pas pour plaire à un type qui se sert de toi pour être son public attitré quand il tente de flatter son ego.

-Ça suffit !

Il se leva, le visage fermé et les poings serrés.

-Ferme-la ! Ferme ta grande gueule ! Le monde ne tourne pas autour de toi ! Je n'ai plus besoin de toi !

Il partit en direction de sa chambre d'un pas agressif mais se retourna au milieu du salon :

-C'est toi qui te sers de moi, je ne suis là que pour venir te réconforter la nuit et rien d'autre. Tu ne vois pas qui je suis vraiment, tu ne vois que ce qui t'arrange ! Tu ne comprends rien et tu ne comprendras jamais rien...

Il fourrait des affaires dans un sac et je fermai les yeux brutalement.

Merde.

-Kim, tentai-je, où tu vas ?

-Loin de toi quelque temps, Min, répliqua-t-il.

-Écoute, essayai-je encore, mes mots ont dépassé ma pensée, je voulais juste...

Allez, prends ton courage et assume.

-.... Juste te dire que j'étais inquiet de la mauvaise influence ou des mauvaises fréquentations que tu pouvais faire.

Il ne m'écoutait pas et je balbutiais :

-J'ai vécu ici longtemps, avant, je... je connais les bas-fonds, ce qu'il y a de pire dans cette ville et je sais qu'on peut glisser vers...

Il prit l'appareil photo et me dépassa en me percutant l'épaule.

-Taehyung, s'il te plaît...

Il enfila ses chaussures et se retourna, son visage ne m'avait encore jamais paru aussi grave, ses pommettes aussi hautes. Il avait un visage dur, quelque chose de glacial mais d'authentique, d'impressionnant et d'enfantin encore.

-Tu ne m'as jamais compris, et tu n'y arriveras jamais. Je ne sais pas comment j'ai fait pour te suivre et t'écouter tout ce temps... Je ne veux plus avoir que toi comme repère, tu comprends ça ?

-Je comprends, admis-je doucement.

-Le problème, c'est que tu ne me comprendras jamais, lui oui.

Et sur cette dernière phrase il me claqua la porte au nez.

Son absence dura dix jours et huit heures durant lesquels je n'eus qu'une seule fois des nouvelles. J'ignorais où il dormait, comment il mangeait, s'il retournait au travail, s'il allait en cours... Je tentai de faire bonne figure mais même Sun parut inquiète, agrémentant son propos par :

-Vous avez deux caractères de cochon, ce n'est pas possible. Pas fichus de se parler convenablement...

Dans le fond elle avait raison, nous avions de sérieux problèmes de communication. Je continuai à croire qu'il était embarqué dans différentes histoires et autres situations qui ne lui ressemblaient pas pour faire plaisir à Jungkook mais dans ce qu'il avait dit, il avait eu raison.

Je ne veux plus n'avoir que toi comme repère.

Ça m'avait marqué et je pense que j'en souffrais légèrement. Tout se passait comme si Taehyung n'avait plus d'envies suicidaires mais je savais, malheureusement, que ça ne disparaissait pas ainsi, en claquant des doigts.

Ma vie dépendait aussi de ce fait-là. Pour lui et pour moi. Nous étions étroitement liés et sa mort pouvait me faire repartir en arrière, à ce que nous supposions.

Comment j'étais censé vivre en ayant l'impression que tout m'échappait, lui, ma mort, le temps ?

Heureusement il commença à revenir à l'appartement, par petite dose. Je savais qu'il était venu car des choses bougeaient dans la maison mais il mettait tout en œuvre pour ne pas tomber sur moi.

Jusqu'à cette nuit-là.

Je m'étais à nouveau réveillé du cauchemar comme un naufragé au bord de la noyade, accroché au drap comme à un radeau, épuisé et tétanisé à l'idée de replonger. Il était environ quatre heures du matin et j'avais pris sur moi pour sortir du lit, déplacer mes jambes lourdes et gelées pour me lever. Un effort de titan et comme chaque nuit à présent depuis une dizaines de jours je me rendais à la cuisine, boire et me réveiller.

Pourtant, mon habitude fut coupée tandis que j'apercevais une silhouette découpée devant la fenêtre illuminée par les lumières de la ville. J'avais sursauté si fort que j'avais cru mon cœur lâchait.

Cela aurait pu être un voleur, ou pire encore mais il ne s'agissait que de Kim Taehyung dont le visage avait apparu net dans la luminosité fade de la fenêtre sous un ciel où ne voyait jamais les étoiles. Il avait une bouteille dans la main et demeurait encore les yeux dans le vide, figé.

Pour la première fois, je me rendis compte qu'il ne paraissait pas si absent à lui-même, il souriait doucement.

Je m'approchais lentement et il pivota un peu dans ma direction.

-Tout va bien ? m'inquiétai-je.

Son sourire s'agrandit tandis qu'il tournait complètement la tête vers moi, j'aperçus des suçons sur son cou à des endroits précis et intimes avant de remonter jusqu'à son visage.

-Tu sais quoi, répondit-il en chuchotant tandis que je m'asseyais à côté de lui pour observer la fenêtre, je ne me suis jamais senti aussi vivant.



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Chapitre corrigé par pina_lagoon et automnalh

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