26.
C'était toujours la même nuit gelée, paralysante jusqu'aux os. Ces rues pleines de verglas, ces passants s'agglutinant devant les vitrines de magasin, cette cohue de Noël, ces façades illuminées, ces lampadaires grisâtres et ces phares de voitures éblouissants.
C'était toujours le même rêve et je le revivais comme s'il n'était jamais arrivé. Ce coup d'épaule qui me faisait trébucher, mes mains bloquées, trop gelées dans les poches serrées de mon pantalon, mon incapacité à me relever, à bouger. Le crissement des pneus sur l'asphalte verglacé, cette impression de fin du monde, mon cri coincé dans ma gorge, mes yeux écarquillés d'horreur, les battements de mon cœur interrompus... La fin était venue, l'horreur de la douleur surtout, tétanisante, effarante. Le choc, la déchirure de mon être, le goût du sang, l'horreur de voir ses propres membres dans des sens les plus improbables et puis son visage dans mon champ de vision.
L'ange et le démon.
Je me réveillai en sursaut, trempé de sueur, le cri au cœur. Paralysé, effrayé, pleurant, criant tout ce que je n'avais pas pu prononcer durant cet instant, appelant quiconque pour me venir en aide. J'étais encore là-bas, hanté par ce visage, par ce regard d'une neutralité inacceptable alors que la porte de ma chambre s'ouvrait, qu'on grimpait sur mon lit, me repoussait contre le matelas délicatement en me tenant la main.
-Ça va aller, tu es en sécurité, tout va bien.
Je m'accrochais à cette main régulièrement tâchée d'encre noir, me laissais guider par sa voix, rattrapé par le sommeil luttant contre mes paupières, refusant d'y retourner encore une fois.
-Pense à un lac, sous le soleil, un transat, un cocktail avec une paille dans la main...
Le décor gelé de Séoul me quittait alors, j'imaginais un lac, comme celui de mes souvenirs non loin de Daegu, le plan d'eau près de l'école primaire, avec ses pédalos et cette fausse plage installée au bord de l'eau. Le goût du sang me quittait, mon cœur cessait son carambolage intérieur. Je respirais, je me laissais emporter.
Mais peu importe où j'allais, le visage de Kim Namjoon me hantait.
J'ouvris les yeux en entendant la sonnerie caractéristique de mon réveil avant de tendre le bras en direction de celui-ci. Il me fallut un seul mouvement pour me comprendre qu'un poids m'écrasait entièrement.
Kim Taehyung était encore là, affalé de tout son long sur mon matelas, et la porte de ma chambre était encore grande ouverte.
Je ne me souvenais de rien.
J'avais trop de fierté pour admettre qu'il venait me réconforter pendant mes cauchemars mais pour être parfaitement honnête, je savais que je continuais d'en faire.
C'était comme un élastique que je tendais de toutes mes forces, dans l'idée illusoire de l'éloigner de moi mais dès lors que je le relâchais, tout me revenait en pleine figure et avec lui tout ce qui m'était impossible à accepter. Chaque nuit, au plus profond de mes pensées, la terreur de l'accident venait me hanter.
J'étais condamné à vivre et revivre cela pour toujours, incapable de dormir, de rêver comme tout à chacun. Si Kim n'était pas là, ne serais-je pas terrorisé chaque soir par la seule idée de fermer les yeux ?
-Debout, lançai-je après m'être extirpé du lit. Taehyung, debout, tu vas être en retard.
Avachi de tout son long, le nez dans les couvertures, il répondit par un grognement incompréhensible. Fatigué par ce même schéma, chaque matin depuis deux mois, je le laissais, ouvrais quelque peu les volets et filais boire mon café dans l'autre pièce.
Rien de bien n'arrivait avant un café de toute façon.
Après avoir déjeuné rapidement, m'être brossé les dents, avoir vérifié le contenu de mon sac où se tenaient, trouvaient mon ordinateur - récent achat qui avait fait s'épuiser le peu d'économies qu'il me restait ce mois-ci - et mon téléphone, je revins toquer à la porte de la chambre.
-Taehyung, c'est maintenant ou jamais.
Je le vis relever la tête, quitter le lit à la manière d'une baleine échouée, gauche, comme trop lourd pour se mouvoir. Malgré tout il parvint à se mettre debout, son corps paraissait décharné dans son pyjama. Tel un zombi, il quitta ma chambre en direction de la sienne tandis que je tirais une cigarette de mon paquet pour me la griller sur le balcon.
Cinq minutes plus tard, nous quittions l'appartement. À la station de métro, on se sépara, lui en direction de la ligne 3 et moi pour la ligne 1.
-N'oublie pas lançai-je, on ne dîne pas ensemble ce soir, j'irai directement à une soirée avant de rejoindre l'Entrepôt pour travailler cette nuit.
Il haussa seulement les épaules et sans m'attarder davantage, je rentrai dans la première rame venue en bâillant outrageusement.
J'étais épuisé par le rythme que je m'imposais. Certaines semaines, si j'avais beaucoup de cours ou beaucoup de travail à rendre, je ne pouvais pas venir travailler comme je le voulais. Pour tenir mon compteur d'heure à jour et bénéficier d'un salaire, je n'avais pas d'autre choix que d'effectuer des nuits, notamment le mercredi, le vendredi et le samedi, les seuls jours où je pouvais dormir jusqu'à 14h, soit pour aller en cours juste après, soit pour me pencher sur mes devoirs ensuite.
J'étais littéralement décalé, coincé dans une gymnastique d'esprit à se donner des nœuds au cerveau pour s'assurer de tout faire à temps. Comptabiliser, anticiper les semaines, les jours, vérifier les heures...
Le problème c'était le temps.
Toujours.
Tout était une question de temps et j'étais le mieux placé pour le savoir.
Lorsque j'oubliais pour quoi et pour qui j'étais vivant dans cette existence, mon cauchemar ne tardait pas à me le rappeler. Mon visage rajeuni dans le miroir de la salle de bain aussi.
Je prenais soudain une conscience accrue du temps comme une course contre la montre, l'écho d'un minuteur en fond sonore. Parfois, je me sentais dissocié, entre celui que j'étais à présent et celui que j'avais été. Certains jours comme aujourd'hui, mes pensées étaient trop concentrées sur des détails quotidiens, certes futiles mais nécessaires, pour que je ressente vraiment le poids du temps. Parfois dans ces pires moments de division de mon être, mon esprit ne cessait de tourner en boucle et de répéter :
Et maintenant, qu'allait-il se passer ?
Onze heures plus tard j'appuyais sur l'interphone d'un petit immeuble dans le quartier de Haebangchon et poussais la porte automatique de mon épaule. Il était presque vingt heures et Sooyoung avait insisté pour que je passe l'aider à préparer sa soirée dans son appart avant l'arrivée des autres.
De manière objective, j'aurais dû décliner pour grappiller quelques heures sur mes devoirs et dîner tranquillement avant d'aller à l'entrepôt pour 22h.
Je n'étais pas objectif.
Elle m'ouvrit la porte avec son sourire mutin habituel et je défis mes chaussures à l'entrée.
-Bienvenue chez moi.
Elle vivait dans une colocation de cinq personnes, dont la plupart étaient les membres de son groupe de musique.
-C'est sympa, commentai-je en observant la déco.
Les murs étaient chargés de posters géants de Spliknot, Kiss, Led Zepplin, Metallica, Ramnstein, pour ceux que j'arrivais à déchiffrer, le reste de la décoration se composait d'étagères de cd pleines à craquer, des cendriers qui débordaient posés aux quatre coins ; une odeur d'encens flottait dans l'air. Les sièges paraissaient défoncés mais confortables, le ménage discutable mais avec les lampes, les guitares dans un coin, ça donnait un côté agréable, très accueillant.
Prêt à faire des soirées.
-J'espère bien que c'est sympa, commenta-t-elle, j'ai un peu rangé, depuis le temps que je te propose de venir.
-Je suis un homme occupé, osai-je d'un ton plaisantin.
-Un homme de secret, oui, répliqua-t-elle d'un ton plus amusé encore.
-Tes colocs ne sont pas là ? éludai-je en observant le couloir adjacent aux multiples portes.
-Ils arrivent dans une heure, comme les autres. Sun va encore se pointer trop en avance, elle ne peut pas s'en empêcher...
-Je vois...
Elle se tourna vers moi et je soutins son regard maquillé de khôl noir. Sa bouche était écarlate, faite pour attirer le regard et dans cet instant de latence où les effluves de son parfum me venaient, mélangés à l'encens ambiant, je sus que j'allais faire un mauvais choix.
J'avais envie de faire ce choix.
Quand je pense que j'avais osé critiquer mes camarades de lycée, laissé entendre que leur quête perpétuelle de la sexualité ne m'intéressait pas.
J'avais menti.
-En attendant qu'ils arrivent, on peut baiser si tu veux, lâcha-t-elle soudainement, vulgaire avec une note de défi et de nonchalance.
Ainsi elle me montrait que ni elle ni moi n'étions dupes à cette pseudo invitation avant l'arrivée des autres et que nous en avions fini avec la parade pseudo-amicale. Son langage était cru mais ça me plut.
Sun fut effectivement la première à sonner une bonne demi-heure plus tard et Sooyoung et moi avions eu à peine le temps de nous rhabiller avant qu'elle ne débarque dans l'appartement avec sa bouteille vin blanc et quelques paquets de chips.
Élégamment habillée, de manière bien plus féminine que les vêtements casual qu'elle portait à l'Entrepôt, ses longs cheveux bruns de part et d'autre de ses épaules, son sourire se ternit en me voyant dans le salon. Elle me jeta un regard froid comme la neige en me détaillant de haut en bas. Elle mesurait une bonne tête de plus que moi et sa mâchoire marquée ainsi relevée lui donnait un regard d'une condescendance aberrante.
La seconde d'après je sus qu'elle avait compris et son expression fut pire encore.
Sooyoung, fidèle à son habitude de personne désintéressée, peu choquée par les mots et les choses et n'ayant visiblement aucune gêne vis-à-vis de la situation, se dirigea vers la cuisine pour nous sortir des bières du frigo. En revenant, elle s'alluma une clope, activa la musique pour se mettre à danser légèrement, pieds nus sur les tapis maintes et maintes fois cramés par les cendres de cigarette.
J'attrapai ma bière et filai vers la cuisine pour ouvrir la fenêtre et fumer dans mon coin, peu apte à faire la conversation avec celle que je surnommais peu amicalement : La Grande Perche.
Au bout d'un quart d'heure de gêne dans lequel Sun tentait désespérément de parler à Sooyoung tandis que cette dernière s'était déjà roulé un joint sans vraiment l'écouter, le reste des colocs arrivèrent et avec eux toute une bande d'amis. On se salua avant d'échanger quelques banalités d'usage tandis que je consultai régulièrement l'heure pour tâcher de ne pas partir trop tard. En fumant une énième clope après avoir décliné leur proposition pour le joint, je restais accoudé au mur de la cuisine, sans avoir vraiment envie de me mélanger aux autres. C'est là que Sooyoung me rejoignit, toujours pieds nus, sa peau était claire et elle avait des jambes plutôt jolies. Elle portait une jupe des plus courtes et je ne pus m'empêcher d'avoir des flash-backs de la scène qui avait eu lieu il y a une heure.
-Qu'est-ce que tu fais là tout seul ? Tu fais encore le type plein de secrets ? me charria-t-elle en me piquant ma clope.
-Pourquoi je changerais ? Ça a l'air de te plaire.
Elle pouffa un peu, me prouvant qu'elle avait l'air déjà désinhibée puis elle s'accouda à mes côtés.
-On est d'accord que ce n'est pas une relation, hein ?
-Parce que tu pensais que j'allais te demander en mariage directement ? ironisai-je.
-Je veux un diamant ou rien.
On pouffa comme des imbéciles et elle cogna doucement son coude contre le mien :
-Amis avec bénéfices, ça te va ? On se voit de temps en temps, on baise et c'est tout.
-Ça me v...
Je me figeai soudainement, incapable de finir ma phrase. C'était un déjà-vu, j'en étais persuadé. Je me relevai lentement, décalant mon dos du mur, les sourcils froncés.
Qu'est-ce que j'étais en train de faire ?
-Qu'est-ce que t'as ?
Je la fixai, hébété, la détaillant en secouant légèrement la tête. N'avais-je pas vécu une histoire semblable ? Ma première relation n'avait-elle pas été quelque chose de complètement similaire ? Je revoyais encore Hyekyo me dire la même chose. Quel âge avais-je alors ? Elle, elle avait été brune, moins rachitique mais elle avait de mauvaises habitudes avec la drogue aussi. On s'était déchirés sur ce genre de contrats pour lesquels nous n'avions pas pris entièrement la mesure des conséquences.
Maintenant que j'y réfléchissais, est-ce que je l'avais vraiment aimée ?
-Hé, ça va ?
-Désolé, je repensais à un truc... marmonnai-je en secouant la tête.
Sooyoung ne fit pas grand cas de mes émotions et haussa simplement les épaules :
-On a un deal alors ?
J'hochai la tête sans complètement réfléchir à la chose, simplement poussé par la pulsion, l'envie et le mélange de désir.
-Sun bosse aussi cette nuit, vous n'avez qu'à faire le trajet ensemble, c'est bientôt l'heure, non ? lança-t-elle.
Un deal.
C'était surtout avec Kim Taehyung que j'avais un deal et il impliquait des éléments plus importants que toute cette mascarade. Alors pourquoi je me fourvoyais comme ça ? Taehyung avait dit que je ne pouvais plus rien faire pour lui mais était-ce vraiment le cas ? Est-ce que je n'abandonnais pas un peu vite ?
J'avais promis de porter la vie avec lui, d'équilibrer son poids, et je partais à présent dans tous les sens, trop heureux d'exister à nouveau dans cette vie. De profiter de tout ce que l'existence pouvait donner.
Le cauchemar ne me quitterait jamais si je continuais à ne penser qu'à mon petit plaisir.
Ou à ma queue, au choix.
Mais en même temps, n'était-ce pas la faute de Kim Namjoon, tout ça ? Il m'avait mis une limite, imposé un point de non-retour et je m'auto-flagellais en permanence depuis.
Et comme si ça ne suffisait pas, il restait dans mon cauchemar probablement juge intransigeant de cette vie. Est-ce qu'il m'observait de quelque part ?
Était-il là en ce moment même ?
Je commençai à devenir parano.
-Sun est déjà partie, m'informa Sooyoung en revenant vers moi.
-Ne t'inquiète pas, la rassurai-je, ça me dérange pas, je vais y aller.
Ni la Grande Perche et moi-même n'avions vraiment envie de marcher ensemble. Ça nous arrangeait. Pourtant, sur tout le trajet, j'eus la sensation désagréable d'être suivi, d'être observé.
Est-ce que tout était vraiment dans ma tête ?
*******
J'émergeai de mon sommeil aux environs de midi avec la sensation insupportable d'être passé sous un train. Il fallut trois relances de mon réveil pour daigner me lever.
Je n'avais pas le choix, je devais bosser sur certains cours cet après-midi et au moins m'avancer sur les dossiers et simulations de comptabilité et des outils pour ne pas être surchargé demain, pour le dernier jour du week-end. En m'avançant dans la grande pièce, je trouvai mon colocataire comme à son habitude devant sa toile. Il semblait y être depuis un moment. On se salua à demi-mot et j'avalais deux cafés, sans parvenir à me débarrasser de ma fatigue.
Alors que j'allais m'affaler sur le canapé, une banquette au pied cassé et dont un des trous du tissu était caché par une peluche psykokwak - que j'avais fini par gagner quelques jours avant de quitter Daegu dans les machines à pince - je remarquais quelques papiers qui trainaient.
Kim avait une capacité à s'éparpiller que je ne lui connaissais pas. Probablement parce qu'il devait prendre sur lui quand il se trouvait dans la maison familiale mais à présent chez lui, entre le canapé, la pièce où il peignait et sa chambre, les pots de peinture et les documents, ses fringues s'accumulaient partout.
De quoi me rendre dingue.
Néanmoins, là, sur le canapé, seul meuble d'un pseudo salon en construction où nous n'avions ni table basse, ni télévision, se trouvait un devoir à son nom où une très mauvaise note, la pire note d'ailleurs, était crayonnée en rouge indiquant « n'a pas suivi les consignes ».
-T'as laissé tes devoirs traîner, l'informai-je.
-Hum.
Assis devant son tableau qui représentait visiblement une cage thoracique ouverte mais dont je préférais m'épargner les détails, j'aurais pu lui annoncer que le monde mourait qu'il n'aurait pas daigné m'écouter.
Cependant, et parce que c'était plus fort que moi, je ne pus m'empêcher d'ajouter :
-Comment tu peux avoir zéro dans une option d'art alors que tu es dans un lycée d'art ?
Cette fois-ci, il se tourna dans ma direction après avoir pris une grande bouffée d'air.
-Ne commence pas.
-Ne commence pas quoi ? Je me fais une simple réflexion, admis-je en déplaçant les documents pour me laisser tomber sur le canapé.
C'était un trois places en velours d'un vert sombre, confortable et hors de prix habituellement mais un camarade de classe, qui depuis lors avait changé de cours, m'avait recommandé de me rendre à l'arrière de certains magasins où les salariés se débarrassait des meubles ou du mobilier abîmé qu'il ne pourrait revendre. Par un coup de chance, ça avait lieu souvent très tôt le matin et j'étais allé faire un tour à la débauche après une nuit de travail. J'avais payé un prix cassé, la seule difficulté avait été de le ramener jusqu'à l'appartement.
Parce qu'il n'y avait rien d'autre dans le salon, nous avions mis le canapé en face de la fenêtre donnant sur le balcon histoire d'avoir une vue sur quelque chose. Je supposais sans mal que, parce qu'il était tout près de la zone de peinture, ce superbe, mais abîmé canapé allait très certainement ne jamais rester vert bien longtemps.
-Tu prends ce ton moralisateur à la con...
-Hé, m'offusquai-je.
-Ce n'est rien, ce n'est qu'une note, je m'en fous...
-Est-ce que tu as au moins des notes au-dessus de la moyenne ?
-Hum.
Ça voulait dire non, c'était évident.
-Taehyung, l'interpellai-je, tu as le...
Il se retourna brusquement me pointant de son pinceau dans ma direction :
-Ne parle pas du suneung, ne commence pas, j'en ai déjà assez des profs qui le rabâchent tout le temps !
-Donc je ne parle plus de rien, c'est ça ?
- C'est ça.
- Tu fais chier.
- C'est toi qui fais chier à toujours vouloir tout savoir.
-Ce n'est pas comme si je te surveillais non plus, je posais juste la question pour le devoir « pas suivi les directives ». Je ne comprends pas.
-C'est juste leur programme de dessin au fusain, ils sont nuls...
-Parce que tu fais aussi du dessin au fusain ?
Il ne parlait jamais de ses cours ou même de quoi que ce soit au sujet de son nouvel établissement. Tout ce que je voyais, c'était que leur uniforme était d'un plus haut standing que celui que nous possédions à Daegu et qu'ils avaient une liste d'achats absolument hors de prix pour posséder toutes sortes de matériels pour les options qui prenaient une très grosse part en plus de l'enseignement général.
-Non, pas envie. Je veux faire que de la peinture mais ils m'ont forcé à prendre deux autres options...
-Pourtant le dessin c'est bien la base de tout, non ?
-Tu vois, persifla-t-il, t'as exactement le même discours qu'eux...
-Je ne vais pas m'excuser à chaque fois d'être un adulte, hein, soupirai-je en sirotant mon café.
-Je me fous des bases !
-Je...
-Non.
-Je... tentai-je encore.
-Non, je n'ai pas envie de t'entendre me parler de ça.
-J'ai quand même le droit de m'exprimer, râlai-je.
-Je sais ce que tu vas dire de toute façon.
-Ah bon ? Grande nouvelle, ironisai-je. Alors, qu'est-ce que je vais dire ?
-Les bases, c'est très important, tu ne peux pas apprendre à peindre sans ça, ça ne peut que t'aider à améliorer tes peintures...
Son imitation de moi ne me plut pas, je ne parlais absolument pas comme ça.
-Et j'aurais raison ! scandai-je.
-Ils m'emmerdent, leurs bases, leurs travaux, les devoirs, les exercices. C'est un calvaire, c'est long, pénible, c'est pas du plaisir. J'aime la peinture parce que j'y prends du plaisir, c'est la seule chose au monde qui me fait du bien, c'est vital.
-Je comprends.
-Non, tu ne comprends pas ! s'emporta-t-il en se relevant à demi, je n'ai que ça ! Si ça commence à devenir des devoirs, un fardeau, un travail, ça n'aura plus le même sens, je vais me lasser même de peindre. Tout ne sera que pénible, ça deviendra fatiguant, j'aurais la flemme de m'y mettre... il me restera quoi, hein ? Plus rien !
-Tu crois qu'il y a vraiment un chance qu'un jour, peindre te soit pénible ?
Il ne répondit pas et détourna violemment la tête.
-Je ne pense pas, c'est juste ce dont tu as peur. Mais fermer toutes les portes, c'est perdre l'opportunité qu'il y ait autre chose que la peinture qui puisse te plaire, de se laisser la chance d'éprouver du plaisir dans d'autres domaines.
-Je n'ai pas envie d'essayer autre chose, se renforgna-t-il.
-Imagine ce que dépeindraient tes peintures si tu apprenais d'autres techniques, est-ce que tu n'as pas envie que ça ressemble davantage, au plus près, à ce que tu as dans la tête ? l'interrogeai-je.
Il ne répondit pas.
-Je sais qu'avoir une passion est un plaisir, c'est important, mais tu ne peux pas faire l'impasse sur du travail ou de la pénibilité. L'un ne va pas sans l'autre.
-Tu dis ça mais tu n'as absolument aucun loisir, rétorqua-t-il.
-Pas faux, remarquai-je spontanément. Mais je pense que pour ton avenir, ça serait important si tu veux continuer dans l'art.
Il tiqua, je le vis immédiatement à cause de son épi sur le côté droit de son crâne qui avait relevé un peu ses cheveux et dévoilé un peu plus son visage.
-Quel avenir, hein...
Je me redressai, posant les avant-bras sur mes cuisses, faisant tourner ce qu'il me restait de café dans le mug refroidi.
-J'ai repensé à ce que tu as dit et au deal qu'on a passé.
-Arrête.
Je relevai la tête et il secoua la sienne :
-Le deal ne tient plus, tu ne peux plus rien faire pour moi.
-Pourquoi ça ? m'inquiétai-je.
-Parce que ça te couterait cette vie-là. Tu crois que je suis aveugle ? tu crois que je vois pas le plaisir que tu prends à être ici, à travailler, aller en cours, faire des soirées, parler avec cette fille sans cesse par messages...
Grillé.
-T'es sympa, Min, mais tu n'es pas altruiste non plus, j'ai pas envie que tu te sacrifies ou quoi que ce soit dans ce goût-là. Je n'en vaux pas la peine.
-C'est pas à toi de décider de ça pour moi.
Il se tut brusquement et je me levai.
-Ce serait génial que ce soit si facile de porter la vie à deux, que tout ne soit que du plaisir, mais ça va de pair avec la difficulté. Comme dans l'art. comme dans tout.
Je le vis se triturer les lèvres sans répondre.
-Ce ne sera pas simple ni pour toi ni pour moi, mais on a dit qu'on ferait ça à deux alors on va le faire. On va s'engueuler souvent, on va se fatiguer mutuellement mais grâce à ça, on pourra passer les plus grosses difficultés. Ce sera peut-être pour un meilleur avenir, pour toi et moi, et pas que le mien.
Il n'y croyait pas et je n'avais plus d'autre argument pour le convaincre néanmoins, après un temps, je finir par lancer :
-Va t'habiller, on va déjeuner dehors.
Il releva la tête, fit une grimace de rejet.
-Allons marcher un peu, nous balader dans la ville, dans un parc , la météo est pas mal, aujourd'hui, non ? Un type de ma classe m'a parlé d'un parc avec des arbres centenaires...
Puis après un silence qui parut durer longtemps, il finit par lâcher :
-J'aime bien les arbres. Ça pourrait être intéressant d'en peindre de nuit.
S'il le disait.
Il eut un vague sourire ce qui m'interrompit temporairement en déposant la tasse dans l'évier avant qu'il ne file vers sa chambre. Doucement, je rinçai le café froid avant marmonner à Kim Namjoon, si ce dernier pouvait m'entendre :
Surveille-moi si tu veux mais vois à quel point tu n'auras finalement pas à venir nous chercher.
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Chapitre corrigé par automnalh et pina_lagoon
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Ps : Je m'excuse de n'avoir pas prit le temps de répondre à tous vos commentaires sur le chapitre précédent. 😥. Je compte bien vous répondre sur ce chapitre- ci sans faute.
Merci comme toujours de votre soutien et d'être là à chaque update ❤️💜
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